Ecriture-Lecture




MARIE
PIERRE CHOCQUET




MARIE




PERSONNAGES



PAUL 44 ans
JACQUES 46 ans son frère
MARIE 38 ans
MOREAU 52 ans



















ACTE 1



Le rideau s?ouvre sur une salle de séjour classique, avec canapé, fauteuils, table basse, bibliothèque, 2 portes au fond, une porte à gauche, et une à droite.
La scène est vide
On entend des voix qui se rapprochent, et Paul et Jacques entrent. Ils sont très différents, mais à peu près du même âge, et surtout, ils sont habillés de costumes identiques, marrons, et leurs chaussures sont également identiques. Ils portent au revers de la veste un large ruban noir.

PAUL
Je ne pensais pas qu?il y aurait autant de monde. C?était un bel enterrement.

JACQUES
C?est vrai. Mais ils sont venus surtout pour nous. Notre pauvre mère n?était pas très connue.

PAUL
Pourtant, elle l?aurait mérité. C?était une maitresse de maison, exceptionnelle. Elle faisait le ménage et la cuisine d?une façon ?.que l?on ne retrouvera pas !



JACQUES
Hé non ! On ne retrouvera pas une femme pareille. Il est vrai qu?une mère, on n?en a qu?une.

PAUL
C'est-à-dire que tout le monde a une mère. Il y en a plein des mères. Mais aussi compétente dans son domaine, que mère, ça, il n?y en a pas !

JACQUES
Et puis, économe avec ça. Elle se débrouillait pour nous faire de la bonne cuisine avec peu d?argent.
Un long silence

JACQUES
C?est certain. Elle va nous manquer.

PAUL
On ne pourra jamais la remplacer.

JACQUES
C?est sûr. Elle était irremplaçable. Et d?ailleurs? ;
Un autre silence

PAUL
Et d?ailleurs ? Tu voulais dire quoi ?



JACQUES
Je voulais dire : Et d?ailleurs, je ne vois pas comment nous allons nous débrouiller.

PAUL
Figure-toi que j?y ai un peu pensé. Oh, pas beaucoup, tu penses bien, après une telle perte. Mais enfin, une idée m?est venue toute seule. Alors, j?ai parlé de notre problème à madame Marthe, tout à l?heure, au cimetière. Elle est concierge, elle connait beaucoup de monde, et justement, il y a une dame qui voudrait travailler. Elle vient de perdre son mari, et va avoir besoin d?argent, alors il faut qu?elle travaille. Mais comme elle n?a pas de métier, elle ne pourra faire que des ménages, ou s?occuper d?un intérieur.

JACQUES
Tu as bien fait d?en parler à Marthe. J?avais moi aussi pensé à lui en parler. Mais cette personne qui cherche du travail, que sais-tu à son sujet ?

PAUL
Rien. Rien, mais si madame Marthe peut la contacter, elle va lui dire de venir nous voir dès aujourd?hui.

JACQUES
C?est bien. Mais il ne faudra pas s?emballer. Non seulement il faudra la payer, ce qu?on n?avait pas à faire avec maman, mais elle aura besoin de plus d?argent pour faire la cuisine. C?est sûr !

PAUL
Malheureusement, oui, c?est certain. Et puis, il y a le problème d?habitude.

JACQUES
Tu as raison. Maman nous connaissait par c?ur. Elle savait toujours ce qu?il fallait faire, et quand il fallait le faire.
Un long silence

PAUL
Oui, c?est une grande perte pour nous. Et pas que pour l?argent.

JACQUES
Non, pas que pour l?argent. ( Un temps) Mais pour l?argent aussi, bien sûr.

PAUL
Bien sûr.

Un temps

PAUL
Et si nous prenions un petit apéritif ?

JACQUES
Bonne idée. On l?a bien mérité.
Jacques va chercher 2 verres dans le buffet, sort une bouteille et remplit les 2 verres.

JACQUES
J?ai pensé à quelque chose.

PAUL
Moi aussi, j?ai pensé à quelque chose.

JACQUES
Ah bon ? Parle le premier !

PAUL
Non, toi d?abord !

JACQUES
Bon. Remarque c?est une idée comme ça. Je ne sais pas si elle est bonne.

PAUL
Moi non plus, je ne sais pas si mon idée est bonne. Dis toujours.

JACQUES
J?ai pensé que si on trouvait une femme d?intérieur compétente, pour ne pas avoir à la payer, il faudrait que l?un de nous l?épouse.

PAUL
C?est drôle, c?était l?idée qui m?était venue aussi.



JACQUES
Pour savoir si c?est toi ou moi qui devra l?épouser, il n?y aura pas de difficulté. Ce sera comme tu voudras.

PAUL
Comme je peux te dire la même chose, je crois que le mieux sera de tirer, le moment venu, à pile ou face.

JACQUES
Pas de problème pour ça. Mais le vrai problème c?est de trouver celle qui doit remplacer Mère.

PAUL
Moi, tu vois, je fais confiance à Marthe. C?est fou le monde qu?elle connait, et de plus, je ne sais pas comment elle s?y prend, mais elle est au courant de la vie privée de tous les gens qu?elle connait.

JACQUES
Tu crois qu?elle sait tout à notre sujet ?
Les deux frères se regardent tristement.

PAUL
Tu sais bien qu?à notre sujet il n?y a rien de particulier à savoir.

JACQUES
Tu as raison. Absolument rien. Tout est clair.

Sonnette à la porte d?entrée


PAUL
Qui est-ce ? Quelqu?un qui vient nous présenter ses condoléances ?

JACQUES
Je ne crois pas. Tous ceux qui devaient nous présenter leurs condoléances, étaient au cimetière. C?est peut être la bonne femme ? Je vais ouvrir.
Jacques sort, Paul dans son fauteuil déguste son apéritif. On entend des voix venant de l?entrée, et Jacques revient dans la salle de séjour. Il est suivi par une femme d?une quarantaine d?années, élégante et jolie.

JACQUES
Je vous présente Paul, mon frère.
Cette dame, est Marie Delange. Elle nous est envoyée par madame Marthe.
Paul qui s?était levé, vient à la rencontre de Marie et lui serre la main.

MARIE
Je vous présente mes condoléances, monsieur. Je n?avais pas eu le plaisir de vous rencontrer, non plus que votre frère, mais je connaissais un peu votre maman, qui, comme moi-même, était très liée avec madame Marthe.
Je mesure parfaitement la perte que vous venez de subir, et j?en suis moi aussi, très triste.


PAUL
Je crois que vous aussi, vous avez eu, à déplorer la perte d?un être proche.

MARIE
Mon mari, oui. Et c?est d?ailleurs pourquoi, je dois trouver une activité pour subvenir à mes besoins.

JACQUES
Je suppose que Marthe a du vous parler de nous. Vous nous connaissez donc déjà. En revanche, mon frère et moi, en dehors de ce que nous voyons, c?est à dire? que vous êtes une femme très?enfin très?jolie?.je veux dire, que?. Enfin, nous ne savons pratiquement rien de vous.

PAUL (en écho)
Non, rien de vous.

MARIE (Avec assurance)
Il m?est difficile de vous parler de moi. Je crois que le mieux serait que vous demandiez à Marthe, qui, elle, me connait bien.
Je vous propose donc que vous me disiez ce que vous attendriez de moi, quelles conditions vous pourriez m?offrir, et puis, nous pourrions nous revoir demain par exemple, après avoir réfléchi, vous d?après ce que Marthe vous aura dit à mon sujet, et moi sur la proposition que vous m?aurez faite.
Jacques et Paul se regardent, un peu déstabilisés par la façon directe de s?exprimer de Marie.

PAUL
Vous savez donc, que nous sommes deux frères célibataires?..célibataires pour le moment?et nous cherchons une sorte de gouvernante qui s?occuperait de la maison. C?est bien ça, Jacques ?

JACQUES
Tout à fait. Une sorte de gouvernante pour s?occuper de la maison?et de nous?enfin, de nous?.je veux dire de notre linge, c?est ça, de notre linge.

MARIE
Ce serait donc un travail à plein temps. Serais-je nourrie et logée ?
(Paul et Jacques qui n?avaient pas songé à cette question se regardent. Paul fait oui de la tête.)

JACQUES
Vous seriez logée et nourrie?.bien que cela risque de faire jaser, parce que vous êtes très, enfin très? je veux dire?. Vous savez les gens aiment bien jaser.

MARIE
Personnellement ce que les gens peuvent dire ne me gêne pas. Je suppose qu?il en est de même pour vous ?



PAUL (Hésitant)
Evidemment, évidemment, si certains ont l?esprit mal tourné, c?est leur problème, pas le notre. Tu es d?accord Jacques ?

JACQUES
Complètement. Bien faire et laisser dire, c?est ma devise.

PAUL
C?est notre devise. Moi aussi je pense comme
çela.

MARIE
Bien. Logée, nourrie. Pouvez- vous me dire d?une part ce que vous me verseriez comme salaire, et quelle somme mensuelle vous mettriez à ma disposition pour entretenir la maison. ?

JACQUES
C'est-à-dire?Que nous n?y avions pas encore pensé. Vous comprenez, c?est si récent.

PAUL
Oui, c?est tout récent. Et nous n?avons pas l?habitude, car nous n?avons jamais payé notre mère?et comme pour les courses, elle était très économe?Nous ne savons vraiment pas.

JACQUES
Peut être avez-vous une idée vous ?

MARIE
Si je n?étais pas au courant des prix, je serais indigne de m?occuper de votre train de maison.
Puisque je serais logée et nourrie, il suffira que vous me donniez 1000 euros par mois, et pour assurer la marche de la maison, j?y parviendrais, avec également 1000 euros, étant bien entendu que je ne m?occuperais pas des factures d?électricité, d?eau, des assurances etc. Je m?occuperais, uniquement, des frais de maison.
Voilà. Réfléchissez, voyez Marthe pour obtenir des renseignements à mon sujet, et je reviendrai demain à la même heure. Inutile de vous déranger, je connais le chemin. Je vous souhaite une bonne soirée.
Marie sort, et les deux frères restent un moment silencieux.

JACQUES
Ben dis donc !!! Elle sait ce qu?elle veut, celle là.

PAUL
Tu te rends compte ! Elle va nous revenir à 2000 euros plus les charges sociales !! Mère nous coûtait moins !

JACQUES
D?abord, il n?y avait pas de salaire?

PAUL
Et pas de charges sociales?.

JACQUES
Et pour la nourriture, je ne sais pas ce qu?elle dépensait, mais pas 1000 euros, ça, c?est sûr !!!
(Ils réfléchissent en silence, chacun de son côté, durant un bon moment.)

PAUL
Remarque, c?est une très jolie femme.

JACQUES
Ca, on peut le dire. Et puis si l?un de nous l?épouse, il n?y aura plus de salaire.

PAUL (qui suivait manifestement la même idée)
Et plus de charges sociales !

JACQUES
D?un autre côté, quand on a été célibataire toute sa vie, jusqu?à 46 ans, ça ne doit pas être facile de partager son lit.

PAUL
Remarque, que moi, je n?ai que 44 ans.

JACQUES
Deux ans d?écart, ça ne compte pas.

PAUL
Non, ça ne compte pas. Enfin, pas beaucoup?un peu quand même?
Un temps

PAUL
Alors ? Qu?est ce qu?on fait ?

JACQUES
Nous avons un peu de temps, puisqu?elle ne reviendra que demain. Nous pourrions déjà aller voir Marthe, pour obtenir des renseignements sur Marie.

PAUL
Tant qu?il n?y a rien de fait, appelons la, madame Delange.

JACQUES
Si tu préfères, d?accord. Nous allons voir Marthe ?

PAUL
Si tu veux. Mais tu penses bien que si elle nous a dit de prendre des renseignements auprès de Marthe, c?est qu?elle est certaine, qu?ils seront excellents.

JACQUES
C?est probable. Et même certain. Il est donc inutile d?y aller. En tous cas, si nous prenons madame Delange, nous ne pourrons pas garder nos deux employées au magasin. On ne s?en sortirait pas.

PAUL
Pour ce qu?elle fait, Ginette !!! On pourra s?en passer facilement. Elle est aussi vive qu?une huitre.

JACQUES
C?est vrai, mais ce qui m?embête c?est que Ginette nous avait été recommandée par madame Vidal

PAUL
Madame Vidal était une amie de mère, alors comme mère n?est plus là !!

JACQUES
Tu as raison. Demain, nous la convoquerons dans notre bureau.

PAUL
Pas de précipitation. Réglons d?abord le problème de madame Delange.

JACQUES
Qu?est ce que tu appelles » régler le problème de madame Delange » ? On la prend, ou on ne la prend pas, mais on ne pourra pas discuter ses prix. Elle sait ce qu?elle veut, et j?ai l?impression, qu?avec cette femme, c?est à prendre ou à laisser.

PAUL
Quand même ! 2500 euros par mois, ça fait gros ! Il faudra en vendre des paires de chaussures, rien que pour la payer, plus les charges sociales, et l?entretien de la maison !
Jacques et Paul sont dans des fauteuils, ils réfléchissent, pendant que le rideau tombe.



ACTE 2





Le rideau se lève sur le même décor. Immédiatement, Paul entre en scène. Il va s?asseoir dans un fauteuil, saisit un journal qu?il commence à lire.
Toujours vêtu d?un costume marron, avec sur le revers de sa veste un large ruban noir. Peu après entre Jacques. Même costume que son frère. Il va s?asseoir dans un autre fauteuil. Il regarde sa montre.

JACQUES
Je pense qu?elle ne va pas tarder. Alors nous sommes bien d?accord ? Nous lui disons que pour son salaire, c?est d?accord à mille euros, mais pour les frais du ménage, nous estimons que pour nous trois, une somme de 800 euros devrait être suffisante.

PAUL
D?accord. Maman qui mangeait bien, elle aussi, s?en sortait avec certainement moins.




JACQUES
Et de plus, comme finalement, nous ne la connaissons pas vraiment, nous lui dirons que nous la prenons pour un mois à l?essai.

PAUL
Tu crois que cela ne va pas la vexer ?

JACQUES
Mais non ! Pourquoi se fâcherait-elle ? C?est tout à fait normal. C?est d?ailleurs ce que nous faisons avec nos employés du magasin.

PAUL
C?est vrai, mais là, c?est un peu différent. Ce ne sera pas une simple employée. Elle fera partie de la maison.

JACQUES
Raison de plus pour être prudent. Si cela te gêne, c?est moi qui le lui dirai.

PAUL
Je préfère. Si tu veux, en compensation, c?est moi qui dirai à Ginette que nous nous passerons de ses services. J?ai noté tous les jours où elle est arrivée en retard, et toutes les erreurs qu?elle avait commises avec des clients. Elle n?aura pas intérêt à nous trainer devant les Prud?hommes.

Sonnette d?entrée

JACQUES
C?est elle. Je vais lui ouvrir.

Il se lève, sort, et revient presqu?aussitôt avec Marie.

MARIE (Très souriante)
Bonjour, messieurs. Je viens chercher votre réponse. Avez-vous réfléchi, et obtenu des renseignements satisfaisants à mon sujet ?

PAUL
En ce qui concerne les renseignements, c?était inutile. La caution morale de Marthe était pour nous suffisante.

MARIE
Bien. Et en ce qui concerne les conditions ?

JACQUES
Nous pensons, comme il est d?usage, vous ne devez pas l?ignorer, que vous seriez à l?essai durant un mois.

MARIE
Non seulement, c?est normal, mais je préfère qu?il en soit ainsi. Il faudra que je sache, moi aussi, si je m?entends bien avec vous.

JACQUES
Et réciproquement.

MARIE
Et réciproquement si vous voulez. Mais c?est théorique, car je ne vois pas pourquoi vous ne seriez pas satisfaits de mon service.

PAUL
Oui, oui, bien sûr?.Enfin, c?est une disposition normale. Un mois d?essai.

MARIE
Je vous ai dit que j?étais d?accord. Et pour les conditions financières ?

JACQUES
En ce qui concerne votre salaire, nous le trouvons un peu élevé, mais nous acceptons de vous donner 1000 euros.

MARIE
Vous ne me les donnerez pas. Vous paierez mon travail.

JACQUES
Bon, d?accord, d?accord. En revanche, pour les frais nécessaires à l?entretien de la maison, nous ne serons que trois, nous n?avons ni chien ni chat, et nous vous donnerons 800 euros, ce que notre mère, ne dépensait certainement pas.


MARIE
Vous savez, si vous vous contentez de riz, de pommes de terre et de pâtes, on peut dépenser encore moins. Cela dépend du niveau de vie que vous voulez. Si vous mettez 800 euros à ma disposition, vous en aurez pour ce montant.

PAUL
Nous vous faisons confiance. Et finalement, puisque nous faisons tous un essai de un mois, nous ajusterons les conditions, à la fin de ce que l?on peut appeler un stage.

MARIE
C?est ça. Considérez que pour moi, vous aussi, vous êtes en stage, et au bout d?un mois, nous verrons s?il faut poursuivre, et éventuellement, ajuster, comme vous dîtes.
Si nous nous mettons d?accord, je travaillerai chez vous durant toute la semaine, mais je me réserve le Dimanche. Le samedi, je préparerai un dîner et un souper, plus copieux, ainsi, le Dimanche, vous pourrez manger les restes.

PAUL
Vous avez pensé vraiment à tout. Une question : Vous pourriez commencer tout de suite ?

MARIE
D?accord. Mais pendant le premier mois, je rentrerai chez moi tous les soirs, puisque j?ai toujours la location de mon appartement, et comme nous ne savons pas si nous parviendrons à un accord définitif, je ne veux pas le quitter pour l?instant.
Pouvez- vous me faire visiter la maison, me faire voir mon éventuelle future chambre, et l?endroit où se trouvent les produits d?entretien ?

JACQUES
Je vais vous faire visiter.

PAUL
J?y vais aussi. (S?adressant à Jacques) Il y a des rangements de mère que tu ne connaissais peut être pas. Ils sortent.
Ils viennent de sortir lorsque le téléphone sonne. Jacques revient en scène, et décroche.

JACQUES
Allo ?
???????????????.
JACQUES
Mais, monsieur?. Monsieur? Moreau m?avez-vous dit?
???.
JACQUES
Bien. Alors, monsieur Moreau, s?il est exact que madame Delange est venue se présenter pour le poste de gouvernante chez nous, je ne vois pas en quoi cela vous concerne.
?????????????..


JACQUES
Mais enfin, je vous le répète, cela ne vous regarde pas ! D?ailleurs, à quel titre me téléphonez-vous ?

??????????????

JACQUES

Hé bien, si vous ne voulez pas me le dire, moi, je ne veux plus vous écouter. Au revoir monsieur.
(Il raccroche, et se gratte le crâne, et va s?asseoir dans un fauteuil.)

Paul et Marie reviennent en discutant

PAUL (A son frère)
J?ai entendu le téléphone. C?était qui ?

JACQUES
C?était un certain monsieur Moreau qui téléphonait au sujet de madame Delange.

MARIE
Moreau ? Il ne me lâchera jamais ! Que voulait-il ?

JACQUES
Il ne voulait pas, madame, que vous veniez travailler chez nous.


MARIE
Tiens donc !! Que lui avez-vous répondu ?

JACQUES
Que cela ne le regardait pas. Cependant, nous sommes en droit de vous demander pourquoi, selon votre expression, « il ne veut pas vous lâcher »

MARIE
Tranquillisez-vous, je n?ai rien à cacher. Depuis que je suis une femme libre, il n?arrête pas de me harceler. Mais il s?agit là de ma vie privée, qui n?interférera en rien avec mes obligations professionnelles.

JACQUES
On ne peut pas en être certain. J?espère qu?il ne viendra pas ici pour vous harceler. Vous savez, mon frère et moi, sommes des hommes pacifiques, et nous n?aimons pas les discussions bruyantes et désagréables.

MARIE
Puisque nous avons un mois de stage devant nous, vous pourrez vous faire une opinion. Je tiendrai ce monsieur Moreau à distance.

JACQUES
Nous l?espérons, nous l?espérons?Si ce n?est pas indiscret, vous êtes?veuve depuis longtemps ?


MARIE (Très naturelle)
Depuis hier. D?ailleurs, je prendrai deux heures après demain pour l?enterrement.
Jacques et Paul sont un peu suffoqués de voir que Marie ne semble pas être particulièrement touchée par son récent veuvage.

PAUL
Vous nous avez dit que ce Moreau avait redoublé ses assiduités auprès de vous depuis que vous êtes une femme libre, mais cela ne fait pas très longtemps que vous êtes veuve?..

MARIE
C'est-à-dire que mon mari et moi étions séparés depuis 3 ans. Et c?est depuis cette séparation, que Moreau m?empoisonne l?existence. Ca vous va comme explication ?
Maintenant, vous allez trouver, que je me dépêche beaucoup pour trouver du travail ? Mieux vaut que je m?explique tout de suite.. C?est très simple. Mon mari devait me verser une pension, et le faisait régulièrement. Comme il est mort, il ne me la versera plus, et c?est pourquoi je suis dans l?obligation de travailler.


PAUL
Ah ? Parfait ! Les choses sont plus claires.
Un long temps de silence

JACQUES (Soupçonneux)
Vous êtes jeune, jolie, et libre. N?envisagez vous pas de vous remarier ?

MARIE
Je n?exclus rien. Mais je vais prendre mon temps. En tous cas, il s?agit là de problèmes personnels, qui n?ont rien à voir avec notre contrat de travail.

PAUL
C?est vrai, c?est vrai, mais, comprenez-nous, nous voudrions savoir, si vous n?envisagez pas de nous laisser tomber trop vite.

MARIE
N?ayez aucune crainte?..(Un temps) j?observerai la législation et je vous préviendrai par lettre recommandée un mois avant la cessation de mon activité chez vous.

JACQUES
Vous semblez très au courant de la législation. Vous aviez déjà travaillé ?

MARIE
Non jamais. Mais je ne suis pas idiote. Au fait, quelle est votre profession ? Vous comprenez, ce n?est pas une simple curiosité, mais j?ai besoin de savoir si vous avez des revenus stables, pour pouvoir me payer.


PAUL
Nous avons un commerce de chaussures. Du fait de notre deuil, nous avons fermé 3 jours. Nous réouvrons demain. Tranquillisez-vous. Nos revenus ne sont pas mirobolants, et nous ne pouvons verser des salaires trop élevés, mais nous nous en sortons convenablement, et vous serez toujours payée. Notre commerce absorbe toutes nos journées, et vous nous verrez uniquement de midi et demie à 14 heures, et le soir, à partir de 19 heures. Vous aurez donc toutes possibilités, pour vous organiser librement. Une maison bien tenue, des repas assez copieux et corrects, c?est tout ce que nous demandons.

MARIE
Dans la limite du budget un peu serré que vous mettez à ma disposition, je ferai au mieux.

JACQUES
C'est-à-dire que notre mère?.

MARIE
Oui, vous me l?avez dit. Votre mère vous faisait des repas pantagruélique sans rien dépenser. Mais elle n?est plus là, et en faisant des comparaisons, cela vous permettra de la regretter. Combien lui donniez- vous pour les frais de ménage ?

JACQUES
Ce n?était pas du tout la même chose. C?était notre mère. Elle avait la signature sur nos chéquiers, c?était plus pratique.

MARIE
Alors, vous ne saviez pas ce qu?elle dépensait ?

JACQUES
En tous cas, nous savions que nous ne lui versions pas de salaire.

PAUL
Nous n?avions pas non plus de charges sociales.

Après un long silence, Marie éclate de rire.

PAUL
Pouvons- nous connaitre la raison de cette hilarité ?

MARIE (Continuant à rire)
Excusez- moi ! Vous m?aviez bien dit que vous étiez célibataires ?

PAUL
Oui. Vous trouvez ça très amusant ?

MARIE
Mais êtes-vous célibataires par choix, par vocation, ou bien est-ce parce que vous n?avez pas trouvé des femmes selon vos goûts ?

PAUL
C?est le deuxième cas. Mais je ne vois pas en quoi?..

MARIE (Riant toujours)
Oh, je le reconnais, c?est idiot, mais penser que vous avez un magasin de chaussures et que vous n?avez pas trouvé chaussure à votre pied, cela m?amuse.

PAUL ( souriant)
Vous avez une nature joyeuse. Remarquez, cela n?a rien d?exceptionnel : On parle souvent de Veuves Joyeuses.

MARIE
Vous voyez ! Quand vous voulez vous y mettre, vous pouvez être gai, vous aussi.

Un temps

MARIE
En revanche, il y a un domaine dans lequel je commence déjà à me poser des questions.

JACQUES
Quelles questions ?

MARIE
Je vais vous parler très franchement. Vous me paraissez assez radins ! Vous chipotez pour les frais d?entretien de la maison. Alors, si vous devez être toujours derrière moi pour contrôler les dépenses de ménage au centime près, je préfère vous prévenir : Je ne le supporterais pas.

JACQUES
Vous faites erreur, nous ne sommes absolument pas « radin », comme vous le dites élégamment, mais je ne vois pas en quoi nos traits de caractère pourraient intervenir dans votre travail. Nous avons arrêté les conditions matérielles, et les choses sont très claires. Maintenant, si elles ne vous conviennent pas, dites-le franchement !

PAUL (Vivement)
Mais non, mais non. Mon frère est un peu vif, excusez-le. Je propose que nous nous en tenions à nos accords, et que nous en restions là, sans discuter.

(Un temps)

MARIE
Bon. Mais vous savez sans doute que durant le stage, si je veux partir, il suffira que je vous prévienne 8 jours à l?avance.

PAUL
Je suis certain, chère madame, que vous n?aurez pas à utiliser cette possibilité !

MARIE
Nous verrons, nous verrons.
J?au une démarche à faire aux Pompes Funèbres, je reviendrai dans deux heures, pour vous préparer votre dîner. A tout à l?heure.
Marie se dirige vers la sortie, accompagnée de Paul. Jacques manifestement mécontent est resté assis dans son fauteuil.
Quelques secondes plus tard, Paul revient.

PAUL
Moi, elle me parait très bien cette femme ! Elle est très droite, très directe?.et elle est très jolie.

JACQUES (Assez vivement)
Nous ne recherchons pas un top modèle, ni un prix de vertu. Et je n?ai pas apprécié quand tu lui as dit que j?étais un peu vif. Elle m?énervait en disant que nous étions radins, et si elle doit nous laisser tomber dans quelques jours, je préfèrerais ne pas la prendre du tout?..Et cela devrait être également ta position.

PAUL
Tu as un métro de retard. Nous avons pris un accord. Ne revenons pas en arrière. Nous allons faire une expérience, et nous verrons bien. D?ailleurs, nous ne sommes engagés que pour un mois, nous ne courrons pas de grands risques.

JACQUES
Pas de grands risques, pas de grands risques?. Sauf qu?elle risque de semer la zizanie entre nous?..Tu vois, ça a commencé !

PAUL
Ne dis pas de bêtise ! Personne ne pourra s?interposer entre nous.

JACQUES
Nous verrons bien. Mais entre ce Moreau qui me parait particulièrement décidé à la relancer jusqu?ici, et cette femme qui semble aussi, bien déterminée, à tout régenter chez nous, je reste sur mes gardes !

PAUL (souriant)
Garde-toi??Garde-toi?.. mais surtout, garde- toi d?idées préconçues ?.Vois-tu, j?ai un bon feeling avec elle, et je suis persuadé que tout ira bien.

JACQUES
Tout ira bien, tout ira bien?.Pour commencer elle va nous coûter 2500 euros par mois.

PAUL
Mais non ! Et tu le sais bien. C?est vrai que mère était assez économe, mais elle dépensait quand même pour nous nourrir. Comme nous lui faisions confiance, et c?était bien normal, nous ne savons pas, même approximativement, combien elle dépensait.

JACQUES
En tous cas, je suis certain qu?elle ne dépensait pas les 800 euros que nous allons donner à cette dame !

PAUL
Tu ne peux être certain de rien du tout. Tu ne le sais pas plus que moi. Et puis, je te le répète, il ne s?agit pas d?un mariage, quoique eux aussi peuvent être cassés, les divorces sont de plus en plus utilisés, mais en l?occurrence, si nous ne sommes pas satisfaits au bout d?un mois, nous ne l?engagerons pas, et ce sera terminé.

JACQUES
Il y a une chose qui est d?ores et déjà bien avérée, et que tu ne peux pas contester.

PAUL
Ah oui ? Laquelle ?

JACQUES
C?est que nous avons toujours été d?accord sur tout, et que depuis qu?elle est entrée dans la maison, elle sème la zizanie entre nous.

PAUL
Tu parles d?une zizanie ! Nous avons des jugements différents sur Marie, et c?est tout. Quoiqu?il en soit, l?avenir nous départagera, et la zizanie, comme tu dis, sera réglée.

JACQUES
Je ne vois pas pourquoi notre désaccord ne pourrait pas subsister. Imagine qu?au bout d?un mois, j?estime qu?il vaut mieux ne pas la garder, et que tu sois d?un avis contraire. Il ne s?agira plus simplement de jugement différent, mais d?un désaccord de fond.
(Un temps)
PAUL
Veux-tu que je te dise ce que je pense réellement ?

JACQUES
Bien sûr. Je t?écoute.

PAUL
Hé bien je crois que nos avis divergents ne viennent pas de l?apparition de Marie dans notre vie, mais de la disparition de mère. Sa disparition bouleverse nos habitudes.
D?ailleurs, tu ne peux le nier : Si mère était encore là, nous ne connaitrions pas Marie. Qu?as-tu à répondre à cela ?

JACQUES
Que tu es de mauvaise foi !! Tu déplaces le problème. Mère n?est plus là, c?est une grande perte. Mais ce n?est pas cette perte qui nous oppose. C?est cette femme, et si, toi, tu étais de bonne foi, tu le reconnaitrais.



PAUL
Allons mon frère ! Nous n?allons pas nous disputer sur un problème qui n?existera peut être pas. Nous pouvons très bien, et c?est même probable, être d?accord, soit pour la garder, soit pour lui redonner sa liberté. Alors pas de querelle par avance ! Je pense que sur ce point, nous pouvons être du même avis.

JACQUES
D?accord pour attendre. Nous verrons bien. Mais je ne te cache pas, que j?ai un peu peur


Le rideau tombe























ACTE 3







Le rideau se lève sur le même décor.
Marie est seule en scène. Habillée « comme à la ville », elle passe l?aspirateur en chantonnant.
Paul, qui vient manifestement de dehors (Il porte un manteau), pénètre dans la pièce et s?arrête pour contempler Marie, qui, le dos tourné ne le voit pas dans un premier temps.
En continuant son travail, elle se tourne vers l?entrée lève la tête et voit Paul.
Elle pousse un petit cri, puis, va appuyer le bouton pour arrêter l?aspirateur.

MARIE
Vous m?avez fait peur ! Je croyais être seule.

PAUL
Veuillez m?excuser. Je suis revenu parce que j?avais oublié quelque chose.



MARIE
Comme votre frère hier, mais comme je l?avais entendu arriver, je n?ai pas eu peur.

PAUL
Ah ? Mon frère est venu hier ?

MARIE
Oui ! Il avait aussi oublié quelque chose. Je crois bien d?ailleurs qu?il avait oublié ce qu?il avait oublié, car il est reparti sans avoir rien pris.

PAUL
Pour ne pas faire comme lui, je vais tout de suite chercher?.euh?..mon écharpe?.. c?est ça, mon écharpe.
Il sort, et revient en portant ostensiblement une écharpe rouge, qu?il pose sur le dossier d?un fauteuil.

PAUL
A part ça ? Rien de neuf Marie ?

MARIE
Que voulez vous qu?il y ait de neuf ? Je suis seule ici, je fais mon travail, et c?est tout.


PAUL
Cela fait plus de trois semaines, bientôt un mois que vous êtes là. Pouvez-vous me dire si vous vous plaisez chez nous, et si vous avez décidé d?y rester ?

MARIE
Votre frère m?a posé la même question, hier, peut être vous l?a-t-il dit ? Et je vous fais la même réponse : Vous connaitrez ma décision à la fin du premier mois, c'est-à-dire, dans 3 jours.

PAUL (Nettement mécontent)
Non. Il ne m?en a pas parlé.
Un temps.
En tous cas, nous, nous sommes contents de vous.

MARIE
Merci. Oui, je sais. Votre frère me l?a dit hier.

PAUL
Ah ? Mon frère??Il ne m?en a pas parlé non plus.

MARIE (Qui s?amuse bien)
Ce n?est pas beau de se faire des cachotteries entre frères.

PAUL
Il ne s?agit pas de cachotterie?D?un oubli tout au plus.
A ce moment le téléphone sonne.
Paul va décrocher.
??????..



PAUL
Non, monsieur ! Vous ne pouvez pas parler à Marie Delange ! Elle travaille, et ne doit pas être dérangée dans son travail. Je vous demande instamment de lui ficher la paix.
Il raccroche et se retourne vers Marie.

PAUL
C?était votre monsieur Moreau. Il lui arrive souvent de vous téléphoner ?

MARIE
Non, pas souvent?.une fois par jour.

PAUL
Une fois par jour ? Mais qu?est-ce qu?il vous raconte ? Et que lui répondez-vous ?

MARIE
Je tiens à vous rassurer, mon travail n?en souffre pas.

PAUL
Mais ce n?est pas là, la question. Il ne faut pas que ce monsieur vous empoisonne l?existence. Si vous voulez que j?intervienne, n?hésitez pas à m?en parler.

MARIE
Vous êtes très gentil. C?est également ce que m?a proposé votre frère, hier.


PAUL (Qui s?emporte, puis s?efforce au calme)
Mon frère ! Mon frère ! Mais de quoi se mêle-t-il ? Enfin, bon, ce n?est pas ce que j?ai voulu dire. Lui et moi, sommes prêts à vous aider si c?est nécessaire.

MARIE
Merci encore, mais ce ne sera pas nécessaire. Je saurai bien le tenir à distance.

PAUL
Oui, mais quand même, il vous téléphone tous les jours, et puisque vous lui répondez, il finira par se sentir encouragé. Votre situation n?est pas claire.

MARIE
Ecoutez, Monsieur Paul, vous êtes très gentil, comme votre frère d?ailleurs. Mais ces coups de fil, ne m?empêchent pas de faire mon travail, alors, c?est un problème qui me concerne exclusivement.

PAUL (Vexé)
Bon, bon,?. Si ça vous amuse de correspondre avec ce monsieur Moreau, je n?ai en effet rien à dire. Je retourne au magasin.

MARIE (Lui montrant l?écharpe)
Je crois que vous oubliez ce que vous aviez déjà oublié ce matin.
Paul revient sur ses pas, prend son écharpe, et sort, fâché, sans dire un mot.
Elle va rebrancher l?aspirateur, et recommence à travailler.
Le téléphone sonne de nouveau. Marie arrête l?aspirateur et va décrocher. Elle écoute un moment, puis répond :

MARIE
Tu ne peux pas traiter mes patrons de fâcheux. Après tout, ils sont chez eux, ces hommes !! Et ils sont très gentils avec moi. Maintenant, écoute- moi bien, car c?est la dernière fois que je te le dis : Je n?ai pas pris ma décision, sur la poursuite ou non de mon travail ici. Il est inutile que tu me questionnes sans arrêt. C?est moi, qui, quand j?aurai arrêté ma position, t?en informerai, et d?ici là, je ne décrocherai plus le téléphone. Compris ? Il faut que tu me laisses tranquille.
(Elle écoute)
????????????..

MARIE
Je le sais bien que tu m?aimes. Tu me l?as dit 1000 fois ! Je n?y peux rien, mais pour l?instant, je n?ai rien à te dire. Je raccroche :
(Marie raccroche et remet son aspirateur en marche)
Jacques apparait à la porte, et comme son frère s?immobilise, et regarde Marie travailler, puis il vient vers elle, et lui met la main sur l?épaule. Elle fait un bond, pousse un cri. Puis elle se reprend et l?on voit qu?elle est furieuse. Elle va arrêter l?aspirateur.

MARIE
Ecoutez monsieur Jacques, cela ne devient plus possible. Il y a une demi-heure que j?essaie de passer l?aspirateur dans cette pièce. Entre les coups de fil de Monsieur Moreau, la visite de votre frère, et maintenant la votre, comment voulez vous que je fasse mon travail ?

JACQUES
J?étais sûr que mon frère était venu. Que vous a-t-il dit ? Quand à ce Monsieur Moreau, s?il vous téléphone, c?est que vous ne le découragez pas, c?est certain. Alors, Marie, à quoi jouez-vous ?

MARIE
Figurez vous que je ne m?amuse pas. Moi, j?essaie de travailler, et ce n?est pas facile, car c?est vous qui vous amusez à je ne sais quoi !

JACQUES (Il la regarde longuement, puis s?apprête à sortir en disant.)
Vous n?avez pas tort. Mon frère et moi agissons comme des gamins.
Il sort, et avant que Marie ait pu remettre en marche l?aspirateur, il revient.

JACQUES
D?un autre côté, si vous décidez de continuer à travailler chez nous, il serait normal que nous sachions quels sont vos liens avec ce monsieur Moreau.

MARIE
Vous l?avez dit vous-même : Si je continue à travailler ici. Mais pour l?instant, je n?en sais rien.
(Elle rebranche l?aspirateur, Jacques sort, et le rideau tombe)



























ACTE 4







Même décor.
Les deux frères, en vestes d?intérieur et mules identiques, assis dans des fauteuils, lisent chacun un journal. Après un temps de silence, durant lequel, on sent qu?ils ne sont pas à leur lecture. Ils s?épient mutuellement, ce qui doit donner lieu à une scène comique. Finalement, Jacques prend la parole.

JACQUES
Quand maman était là, tu ne venais jamais à l?appartement dans la journée.

PAUL
Toi non plus !

JACQUES
Exact. Moi non plus. Mais je ne suis venu qu?une ou deux fois. Tandis que toi, c?est tous les jours?si ce n?est plus. C?est anormal !


PAUL (Posant son journal)
Bon. Je sens que tu as quelque chose à me dire. Je t?écoute.

JACQUES
Tu t?en doutes. Je veux te parler de Marie. Nous sommes dimanche, elle n?est pas là aujourd?hui, nous sommes seuls, et je veux en profiter pour mettre les choses au point.
Elle nous coûte cher. Tu t?en souviens, lorsque nous l?avons embauchée, nous avions évoqué la possibilité d?économiser le salaire que nous lui versons, et les charges sociales, par la même occasion. Tu t?en souviens ? C?est moi qui avais eu cette idée.

PAUL
Parfaitement. Nous en avions parlé, mais j?avais eu aussi cette idée, en même temps que toi.

JACQUES
Soit. Nous n?allons pas discuter sur ce point. Nous y avions pensé ensemble.
Marie, au début de cette semaine, nous a confirmé qu?elle acceptait de rester chez nous. J?avoue, en fin de compte que j?en ai été très heureux. Mes préventions à son égard, sont tombées.

PAUL
Moi aussi. Je dois reconnaitre qu?elle tient bien la maison, aussi bien que le faisait notre mère, quand à sa cuisine, elle est excellente et encore plus variée. Je pense que nous sommes d?accord sur ces points.

JACQUES
Parfaitement d?accord. Mais comme je le disais au début, elle nous revient quand même assez chère. Alors, bien qu?ayant toujours été célibataire, je suis d?accord pour me marier avec elle. C?est pourquoi je t?en parle. Grace à moi, nous ferons des économies.

PAUL
Pour faire des économies, c?est vrai que c?est une solution. Mais, si tu réfléchis bien, il y en a une autre. C?est que je l?épouse, moi.

JACQUES
Mais?.Tu avais toujours dit que tu ne voulais pas te marier.

PAUL
Tu disais la même chose.

JACQUES
Mais, je suis l?ainé, et il est normal que ce soit moi qui me sacrifie pour diminuer les dépenses de la communauté.

PAUL
Dis donc, Jacques, ne te fiche pas de moi. Tu parles d?un sacrifice. Elle est magnifique Marie. Et pleine de qualités. Pour moi, ce ne serait pas un sacrifice de me marier avec elle. Je vais donc te dispenser de faire des efforts, puisque pour le même résultat, nous n?aurons plus de salaire ni de charges sociales à payer et pour moi, cela me fera plaisir.

JACQUES
Tu n?as pas honte de parler de plaisir ? C?est dégoutant !

PAUL
Ce qui est dégoutant, c?est de jouer au martyr, de faire celui qui se sacrifie sur l?autel des économies, alors que tu aimerais bien avoir Marie dans ton lit. D?ailleurs, il y a un élément dont tu ne tiens pas compte, c?est que Marie est une femme intelligente et de caractère. Il ne suffira pas de lui dire : Vous allez vous marier avec X ou Y pour qu?elle dise : Amen. Alors le problème est simple : Moi, je désire me marier avec elle. Si, c?est pour toi, une corvée, je poserai seul, ma candidature. Si tu m?as raconté des histoires, et qu?en fait, tu ne détesterais pas te marier avec elle, hé bien ! C?est elle qui décidera entre nous deux.

JACQUES
Mais enfin, je suis l?ainé, et en premier lieu, c?est à moi?.

PAUL (Criant)
Arrête !! Ras le bol, avec ton droit d?ainesse !! En dehors de chez nous, le droit d?ainesse n?existe plus depuis belle lurette. Si je comprends bien, le sacrifice dont tu parlais, en fait, n?en était pas un. Donc, demain, quand elle arrivera, nous lui présenterons nos candidatures, et, comme je te l?ai dit, c?est elle qui choisira.

JACQUES
Tu veux lui dire, ouvertement, que pour qu?elle nous coûte moins cher, il faudrait qu?elle troque sa position d?employée, contre celle d?une femme mariée ?

PAUL
Bien sûr que non. Et d?ailleurs ce n?est plus sous cette forme que le problème se présente, en ce qui me concerne. J?aime Marie, je veux en faire ma femme, et je suis assez lucide pour me rendre compte que ma femme me coûtera au moins autant que lorsqu?elle n?était qu?employée.

JACQUES
Holà ! Holà ! Tu arranges les choses à ta façon, et dans ton intérêt exclusif. Tu veux prendre Marie pour femme, et comme elle dépensera autant, et peut être plus qu?avant, il faudra que je participe à l?entretien de ta femme. Je te le dis tout de suite ! Il n?en est pas question !

PAUL
Je ne te demande pas d?entretenir ma femme. Tu as raison, il n?en est pas question ! Et d?ailleurs, je suis content de profiter de l?occasion pour aborder un autre problème. Nous sommes copropriétaires de notre commerce, et nous feignons de penser que nos intérêts son indissolublement liés, qu?il ne pourrait pas en être autrement. Jamais. Ce qui est idiot. Au lieu de tout laisser en commun, comme nous l?avons fait jusqu?ici, je te propose de revoir notre comptabilité, et chaque mois, nous tirerons chacun une somme identique, que nous utiliserons, chacun, comme il lui plaira. Et bien entendu, nous participerons aux frais communs sur la base de 50/50.

JACQUES
Tu te rends compte de ce que tu viens de me dire ? Si mère avait entendu ça, elle serait morte d?un coup !!

PAUL
Mère est déjà morte. Et ma proposition est normale Ce qui ne l?était pas, c?était que nous formions, à nos âges, une sorte de communauté. C?était ridicule ! Nous sommes frères, nous sommes très proches, c?est vrai, mais nous sommes deux personnes différentes, avec, parfois des goûts différents. Souviens-toi, ce n?est pas vieux : Quand nous avons changé de voiture, au début de l?année : Tu voulais une berline, j?aurais préféré un break. Bien sûr, on a fait à ton goût, mais ce n?était pas normal !

JACQUES
Tu es complètement fou ! Tu es incapable de réfléchir un peu ! Avec ton système, au lieu d?acheter une voiture, il faudrait en acheter deux ! C?est cela, qui serait ridicule

PAUL
Non, ce ne serait pas ridicule, puisque nous serions plus libres de faire ce que nous aimons. Souviens-toi, là encore. L?autre jour, tu voulais aller voir un film, moi j?aurais aimé voir le match de rugby Toulouse- Stade Français. Evidemment, comme nous n?avions qu?une voiture, et que tu es l?ainé, nous sommes allés au cinéma. Admets que c?était profondément injuste!!

JACQUES
Décidemment, mon pauvre Paul, cette femme t?a complètement tourné la tête. Tu raisonnes de travers. Jamais, jamais, nous ne nous sommes jamais disputés. Et depuis qu?elle est là, on s?épie, tu as des idées farfelues, révolutionnaires, même, cela ne peut pas continuer. Je vais la flanquer à la porte, et dès demain encore !! Je n?attendrai pas d?avantage, afin que nous retrouvions notre équilibre, que cette femme t?a fait perdre.

PAUL
Non, tu ne la flanqueras pas à la porte ! Et sais-tu pourquoi ?


JACQUES
Je ne vois pas ce qui pourrait m?empêcher de la flanquer dehors.

PAUL
Ah ? Tu ne vois pas ? Parce que ce serait plus compliqué, beaucoup plus compliqué, que tu ne le crois !

JACQUES
Tu veux parler du préavis ? Peuh !!Ce n?est pas difficile : Je lui verserai son mois de préavis, et elle ira se faire pendre (Ou se faire prendre) ailleurs !

PAUL
Tiens ? Tu fais de l?esprit maintenant ? Toi aussi tu as changé depuis que Marie est là !
Mais revenons à nos moutons. Je te dis que ce ne serait pas aussi simple. Parce qu?il faut que tu le saches, si tu la fiches à la porte, je partirai moi aussi !

JACQUES
Quoi ? Mais?..Mais?Tu es fou ! Cliniquement fou !!Je vais te faire interner ! Cette Marie t?a rendu dingue ! Voilà une raison de plus pour nous en débarrasser, et le plus vite possible !

PAUL
Je ne suis pas fou. En revanche, toi, tu es borné. Réfléchis deux secondes aux conséquences qu?auraient le licenciement de Marie.
D?abord, je te l?ai dit, je partirais. Mais songe que nous sommes en indivis, tant pour notre appartement que pour notre commerce, et que bien sûr, tu connais la loi : Nul n?est tenu de rester dans l?indivision. Si tu flanquais Marie à la porte, non seulement je partirais, mais comme j?aurais besoin de revenus pour vivre, je ferais tout vendre ! Maison et commerce. Nous aurions chacun la moitié, et nous nous débrouillerions, chacun de notre côté.

JACQUES
Mais enfin que t?arrive-t-il ? Je ne te reconnais plus ! Elle t?a fait boire un truc spécial, un philtre, c?est pas possible ! Et tu m?annonces toutes ces catastrophes, alors que tu ne sais même pas si cette fille veut de toi. C?est vrai, ça ! Tu n?as aucune raison de penser qu?elle acceptera de se marier avec toi, cette bonne femme!

PAUL
Tout d?abord, cette « bonne femme » comme tu l?appelles, a un nom. C?est Marie. Ensuite, tu n?as pas compris. C?est vrai que je ne suis pas certain d?être agréé par elle. J?espère seulement qu?elle acceptera de devenir ma femme, mais même dans le cas contraire, je prendrai mon indépendance, et il faudra que nous discutions de nouvelles modalités, si nous devons continuer à travailler ensemble. Tu le vois donc, les deux choses ne sont pas liées.

JACQUES
Elles ne sont pas liées, mais elles interviennent au même moment. Nos problèmes datent du moment où cette femme est entrée dans la maison. C?est curieux, non ?

PAUL
Sur le plan pratique, le fait de savoir s?il y a relations concomitantes ou non, ne présente aucun intérêt !
Comme je crois te l?avoir déjà dit, il me semble que c?est pour mère, que j?acceptais ma position de fils cadet soumis aux décisions de l?ainé. Et si tu veux vraiment chercher la raison de mon changement d?attitude, c?est plutôt de ce côté que tu devrais trouver l?explication.
Mais je te le répète, peu importe. Pour l?instant la question qui se pose est la suivante : Lorsque Marie reviendra, demain matin, je sais que moi, je la demanderai en mariage. Et toi ? Quelles sont tes intentions ? Veux-tu courir ta chance, où estimes- tu que « cette bonne femme » est indigne de toi ?

JACQUES
Puisque tu as décidé, unilatéralement, que nous agirions désormais, chacun de notre côté, en toute indépendance, je n?ai pas à te dire ce que je ferai.

PAUL
Hé bien vois-tu, je préfère ne rien savoir, et constater, en revanche, que tu acceptes nos indépendances respectives. Ce problème est donc réglé. Même si
nous continuons à gérer ensemble notre magasin, ce sera sur une base de partage équitable des revenus.

JACQUES
Mon pauvre Paul ! Je te sens persuadé que cette femme ne pourra que t?accepter pour mari. Tu te fais des illusions, et cela me fait un peu de peine. Mais il y a un élément que tu connais, mais dont tu ne veux pas tenir compte, parce qu?il te gêne. Elle a beau dire que ce Moreau lui casse les pieds, ils se téléphonent tous les jours, et si j?apprenais qu?ils passent le dimanche ensemble, je n?en serais pas étonné.

PAUL
Tu n?en serais pas étonné, mais surtout, tu en serais très heureux. Je ne me fais pas d?illusion. Ni sur toi, ni sur le pourcentage de chance que je possède de me marier avec Marie.
(Paul regarde sa montre)
Maintenant excuse-moi, mais le coup d?envoi du match de rugby que je vais voir, est dans une heure. J?ai juste le temps d?aller au stade. A demain
(Il sort, en levant le bras en signe d?adieu, pendant que Jacques hausse les épaules, et va s?asseoir dans un fauteuil. Un silence, puis, certain que son frère est sorti, il crie) :

JACQUES (Criant)
Salaud !! Tu n?es qu?un salaud
(Puis à voix normale)
Non. C?est elle, la salope ! Lui, c?est un pauvre type !

LE RIDEAU TOMBE




ACTE 5








Le décor est le même. La scène est vide. Lorsque le rideau est entièrement levé, Paul entre, un énorme bouquet de fleurs à la main. Il va directement vers la table basse, sur laquelle se trouve un vase de fleurs qu?il y avait posé au préalable
Il dispose les fleurs, se recule plusieurs fois en penchant la tête pour juger de l?effet produit. Enfin satisfait, il se dirige vers une glace, vérifie sa coiffure, sa cravate. Il n?a plus sur le revers de sa veste, le crêpe de deuil. Il va s?asseoir dans un fauteuil. On le sent nerveux.
Jacques entre à son tour. Il évite son frère du regard. Il est habillé différemment de Paul, pour la première fois. Lui, en revanche, a gardé le crêpe sur son veston. Il va vers le miroir, dans lequel il se regarde rapidement, et va s?asseoir dans un fauteuil éloigné de celui de Paul, et tourné dans un autre sens. Un assez long temps de silence.



PAUL
Ta présence ici, semble indiquer que tu attends, toi aussi, l?arrivée de Marie. Vas ?tu lui demander sa main ?

JACQUES (Ironique)
« Lui demander sa main « ! Pour un homme qui se veut moderne, c?est d?un vieillot !

PAUL
Et si tu répondais sur le fond, au lieu de te ficher de moi sur la forme ?

JACQUES
Tu es marrant, mon frère. Tu revendiques ta liberté d?agir et de penser, et tu me demandes de te dire ce que je pense, et ce que je veux faire. Ta logique est désarmante.

PAUL
Tu caricatures tout ! J?ai demandé que nous ayons chacun une indépendance financière, je n?ai pas demandé que nous n?échangions pas nos idées. La preuve ? Je ne t?ai pas caché mon intention de demander Marie en mariage, tu dois le reconnaitre. Maintenant, si tu ne veux rien me dire à ce sujet, bien sûr tu es libre.


JACQUES (Ironique)
Merci. Tu es trop gentil.

Un temps

JACQUES
A propos, je me suis livré à une petite enquête sur ce monsieur Moreau.

(Paul ne dit rien. Un temps)

JACQUES
Ca ne t?intéresse pas de savoir ce que j?ai appris ?

PAUL (Reprenant l?expression utilisée par Jacques)
« Ta logique est désarmante ». Tu revendiques le droit de garder pour toi tes pensées, et tu voudrais que je te questionne à leur sujet. Alors tu fais comme tu le veux. Tu parles, ou tu ne parles pas.

JACQUES (Visiblement malheureux)
Quand je vois où nous en sommes arrivés, nous qui étions si proches !! Tout ça, à cause d?elle ! Hé bien, je vais te dire ce que je pense profondément. Moi aussi, je vais la demander en mariage, mais ce que je souhaite ardemment c?est qu?elle nous refuse tous les deux, et que nous reprenions nos rapports, d?avant elle.
Voilà. Je ne peux pas être plus clair.


PAUL
Si, tu le pourrais !!! Puisque tu souhaites être éconduit, pourquoi la demander en mariage ?

JACQUES

Pour que nous soyons sur un plan d?égalité, et que nous repartions par la suite d?un bon pied.

PAUL
Ouais. C?est assez logique. Et alors, ce Moreau ?

JACQUES
Ce Moreau, il est très riche. Il est avocat Il est marié, et il a deux enfants.

PAUL
Oui, et alors ?

JACQUES
Tu le fais exprès ? Je te dis qu?il est marié. Il n?est pas libre.

PAUL
Il faut sortir un peu Jacques ! Le divorce ? Tu n?en as pas entendu parler ? S?il aime Marie, il ne reculera pas devant un divorce.

JACQUES
Tu m?énerves. Je ne dirai plus rien.

(Un très long silence. La sonnette d?entrée retentit. Paul bondit, va ouvrir et revient avec Marie).

MARIE (Elle regarde, tour à tour les 2 frères)
Vous vous êtes faits beaux. On dirait un comité d?accueil, pour une haute personnalité.

PAUL
En fait, on peut voir les choses de cette façon. Nous sommes là pour vous accueillir, et pour moi, en tous cas, vous êtes une personne très importante.

MARIE (Surprise)
Ah Bon ? Votre employée ? Une personne importante ? (Elle regarde les fleurs)
Et ce bouquet de fleurs, c?est aussi en mon honneur ?

PAUL
Exactement !

MARIE
Vous êtes des patrons très sociaux !

PAUL
C'est-à-dire, que, précisément, nous ne voudrions plus être vos patrons.

MARIE
Vous voulez me mettre à la porte ? Je n?ai pas reçu votre lettre recommandée.

PAUL
Vous n?aurez pas de lettre recommandée, et vous n?êtes pas mise à la porte.

MARIE
J?aimerais comprendre. Pouvez-vous vous expliquer clairement ?

PAUL
Bien sûr. Marie, acceptez vous de devenir ma femme ?

JACQUES
Attendez, attendez, ne répondez pas. J?ai la même demande à vous faire. Voulez-vous m?épouser ?

MARIE
Ca veut dire quoi ? Il faudrait que j?épouse monsieur Jacques, et que je devienne aussi la femme de monsieur Paul ? Il me semble que la bigamie est interdite, non ? Il doit y avoir quelque chose qui m?échappe.

PAUL
Mais non Marie ! Les choses sont très simples. Moi, je vous aime vraiment, et je vous demande en mariage. Jacques en fait autant, mais c?est pour m?embêter, car il ne vous aime pas.



MARIE
Pour vous embêter ? Alors maintenant, si je comprends bien, pour régler vos petits différents, vous vous servez de moi. Je n?apprécie pas du tout. Et si vous ne m?avez pas envoyé de lettre recommandée, c?est moi qui vais le faire. Je ne veux pas entrer dans votre jeu !

PAUL
Je vous le jure, Marie, en ce qui me concerne, ce n?est pas un jeu. Et je suis prêt à vous le prouver. Si vous le désirez, je ferai vendre cet appartement, ainsi que notre commerce, et avec ma part, nous irons nous installer ailleurs.

MARIE (Surprise)
Vous feriez vraiment ça ? Je sais que vous êtes très lié avec votre frère, alors, vous me dites ça sous le coup d?une petite dispute, mais vous ne pourriez pas vous séparer.

JACQUES
Vous avez raison, Marie. Il est idiot. Il ne fera jamais une chose pareille ! Mère veille sur nous et ne le permettrait pas.

PAUL
Mère est morte, et si Marie veut bien de moi comme mari, je ferai ce qu?elle me demandera.

Un long silence.

MARIE
Ces fleurs, est-ce vous, Paul, qui les avez apportées ?

PAUL
C?est moi, bien sûr. Jacques, ne les aurait jamais achetées. Elles sont bien trop chères.

MARIE (Souriante)
Peut être, pour me prouver votre amour, allez-vous me dire combien vous les avez payées ?

PAUL
Vous avez raison de vous moquer de moi. Je suis maladroit. Mais je vous supplie de me croire. Grace à vous, je suis devenu un autre homme, même s?il reste quelques traces de celui que j?étais, et que vous m?aiderez à faire disparaitre complètement.

JACQUES
Ne le croyez pas. Il est impossible de changer, surtout en quelques jours, et à nos âges. Il veut vous conquérir, et vous promettra tout ce que vous voudrez pour y parvenir. Mais vous le savez : « Chasse le naturel, il revient au galop ».
Moi, je ne vous promets pas de changer. Mais si l?homme que je suis, franc, raisonnable, conséquent, ne vous déplait pas, mon offre de mariage est sérieuse.



MARIE
C'est-à-dire que, ne pas déplaire, ne me semble pas un motif suffisant pour envisager un mariage.

JACQUES
Je crois sincèrement, qu?avec les habitudes, des liens plus forts peuvent se tisser.

MARIE
Vous avez une curieuse façon de faire votre cour, en comptant sur les habitudes pour créer des sentiments. Il me semble au contraire que les habitudes tuent les sentiments.

PAUL
Vous avez parfaitement raison, Marie. Avec moi, vous aurez la certitude d?être aimée, sans que des habitudes y soient pour quelque chose.

JACQUES
Des paroles, des paroles, c'est-à-dire du vent. Vous parlez d?une base solide pour édifier une union ? Des paroles. Moi, c?est du concret que je vous offre. Un appartement confortable, des revenus réguliers, un mari droit et fidèle.

MARIE
Mais, je commence à croire que vous parlez sérieusement. Je pensais à une petite plaisanterie en passant, comme ça, pour vous amuser.


PAUL
Comment avez-vous pu penser ça ? Vous avez vu les fleurs ???
(S?apercevant qu?il a commis une bourde) :
Oh, pardon.

MARIE (Riant)
C?est vrai, j?aurais du me rendre compte que lorsque l?on achète des fleurs d?un tel prix?..Cela ne pouvait qu?être sérieux.
Un temps.

MARIE
Hé » bien !! Je suis une femme gâtée ! Deux demandes en mariage le même jour !! C?est je crois rarissime !
A ce moment sonnerie de la porte d?entrée.

JACQUES (A son frère)
Tu attends quelqu?un ?

PAUL
Non, et toi ?

JACQUES
Moi non plus. Je vais ouvrir.
(Il sort. On entend une discussion, sans saisir les paroles, puis Jacques entre, précédé par un homme d?une cinquantaine d?année, athlétique, élégant, qui se précipite vers Marie, et lui fait le baisemain)
Il fallait absolument que je vous voie.

MARIE (furieuse)
Monsieur Moreau, votre baisemain est ridicule, je suis employée de maison, et par ailleurs, je vous avais interdit de venir me relancer sur mon lieu de travail. Je vous demande de sortir !

PAUL
Une seconde Marie. Puisqu?il est là, ce monsieur Moreau, j?aimerais bien savoir ce qu?il vous veut exactement.

MARIE
Je préfère qu?il s?en aille !

PAUL
Il va partir. Mais avant, il va nous dire ce qu?il veut.

MOREAU
Ce que je dois lui dire, ne concerne qu?elle et moi. Pouvez- vous nous laisser ?

JACQUES
Ce culot !! Vous êtes ici chez nous. Si vous êtes venu pour dire quelque chose dites-le ! Et si vous ne voulez pas le dire, partez !!




MOREAU
Vous êtes d?une incivilité étonnante ! Ce sera très rapide. Je ne vous demande que de nous laisser 5 minutes, Marie et moi, cela suffira.

PAUL
Vous êtes bien placé pour parler d?incivilité ! Vous vous imposez chez nous, sans y avoir été invité, mieux même, Marie vous avait demandé de ne pas venir, et de plus, vous voulez nous mettre à la porte de cette pièce. Il n?en est pas question. Obéissez à Marie. Elle vous a demandé de partir.

MOREAU
Elle m?a demandé de partir parce qu?elle ne sait pas ce que j?ai à lui dire. Et vous non plus d?ailleurs. Mais pour vous, ce sera toujours assez tôt..

JACQUES
Cela veut dire quoi, ce charabia ? En tous cas, si nous ne le savons pas, nous nous en doutons, alors, arrêtons cette discussion, et si vous voulez voir Marie et qu?elle y consente, prenez rendez vous un Dimanche, c?est son jour de sortie.

MOREAU (Souriant)
Vous êtes d?affreux patrons ! Vous ne pouvez pas rester ici, Marie??.Pour l?instant?

MARIE
Je mène ma vie comme je l?entends, et je ne vous permets pas d?essayer de la régenter, monsieur Moreau. Vous n?avez aucun titre pour cela.

MOREAU
Vous savez que si vous le vouliez, vous seriez ma femme. Je suis pr&
Vous ne disposez pas des permissions nécessaires pour répondre à un sujet de la catégorie THEATRE.

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