Ecriture-Lecture




LE VOYAGE D\'AGNES



LE VOYAGE D?AGNES




SUR UNE IDEE DE MARIE CLAUDE LEYGUE


PERSONNAGES

ALAIN Professeur, chercheur en cryogénie 50 ans
LUC Bras droit du professeur 28 ans
JEANNE Femme d?Alain 45 ans
AGNES L?inconnue 18 ans
LE COMTE de SAINT GERMAIN sans âge

















ACTE 1


Le rideau se lève sur une grande pièce qui sert de cuisine et de salle à manger. Les meubles sont rustiques, nous sommes à la campagne. Au centre une grande table couverte d?une toile cirée, sur laquelle se trouvent des bouteilles, des légumes, et des fruits. C?est la table de cuisine et de salle à manger à la fois.
Dans un coin, une table qui sert de bureau est encombrée de papiers et de dossiers, avec un petit classeur à côté.
Alain, est assis devant son bureau. Il téléphone, et lorsque le rideau se lève, il écoute son interlocuteur

ALAIN
C?est curieux que vous ne parveniez pas à le trouver. Attendez que je me souvienne. (Un temps) c?est un dossier dont la couverture est orange, c?est ça orange. Il faut absolument que vous le trouviez et que vous me l?apportiez tout de suite.

????????????????.

ALAIN
Combien de kilomètres ? Je ne sais pas, 4 ou 500km, mais vous avez une grosse voiture, ce sera une promenade pour vous, et la région est magnifique. Bien sûr, vous coucherez à la maison. C?est une vieille maison de campagne, mais elle a du charme?.enfin, c?est l?avis de ma femme.

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ALAIN
Ah bon ? Il est trop tard pour venir ce soir ? Alors, demain sans faute. Mais cherchez immédiatement ce dossier, je suis très inquiet. J?en ai absolument besoin pour ma conférence à San Francisco. Justement, j?y pense, sur le dossier, j?ai du écrire Silicon Valley. Vous le trouverez sans difficulté. Dès que vous l?aurez, vous me téléphonerez pour me rassurer.

?????????????..

ALAIN
C?est ça, Luc, à tout à l?heure, téléphonez moi vite.

Alain raccroche et se replonge dans ses papiers.

Jeanne entre. Elle porte un tablier bleu de paysanne, dans lequel, en soulevant les deux coins du bas de son tablier, elle porte des légumes divers, tomates, courgettes, oignons etc?



JEANNE (On comprend vite qu?elle est très bavarde)
C?est merveilleux, le jardin des Brugier est magnifique, et les légumes sont splendides. Il y a longtemps que nous n?avons pas mangé des légumes et des fruits aussi frais. Quand j?étais petite, mes grands parents habitaient à la campagne, nous avions un verger et un jardin plein de fleurs et de légumes. C?est formidable de retrouver ses sensations d?enfances.
(Pendant que Jeanne parle, Alain continue imperturbablement la lecture de ses dossiers)
Tiens, chez les Brugier il y avait le père Anselme tout à l?heure. Je l?ai à peine reconnu, il a beaucoup vieilli, mais il a toujours son regard malicieux. Oui, tu as eu une riche idée de nous faire revenir ici, pour que tu puisses mettre au point ta conférence dans le calme merveilleux de la campagne. On est vraiment bien ici. C?est ton avis ?
(Alain ne répond pas)

JEANNE
Je te parle, Alain, tu m?écoutes ?
(Alain ne répond pas)

JEANNE (Hurlant)
Je te parle, Alain, tu m?écoutes ?

ALAIN (Qui sursaute)
Tu me parles ?

JEANNE
Alors tu n?as pas entendu tout ce que je t?ai dit ?

ALAIN
Non. Excuse-moi, je suis dans la préparation de ma communication à San Francisco.

JEANNE
Mais ce n?est pas pour tout de suite, ton truc ! Tu pourrais écouter quand je te parle.

ALAIN (Après un temps)
Je crois qu?il vaudrait mieux que je m?installe dans une autre pièce ? J?y serai plus tranquille pour travailler.

JEANNE
Dis, tout de suite, que je t?embête, et que je t?empêche de travailler !
ALAIN
Oui?non?Enfin, non, tu ne m?embêtes pas, mais tu sais je m?occupe de problèmes assez ardus, alors je ne peux pas couper mon raisonnement pour répondre à tes questions. Tu disais ?

JEANNE
Qu?on était bien ici !

ALAIN (Souriant)
C?est vrai, qu?on est bien ici, et qu?il était très important que tu le soulignes !

JEANNE
Ici, tu es tranquille pour lire tes papiers.

ALAIN
Exact. Quand il n?y a personne dans la maison, rien ne peut me distraire.

JEANNE
A propos de distraction, j?ai rencontré aussi la femme du maire. Elle m?a dit que Dimanche, il y avait une fête au village et qu?elle espérait bien nous y voir. Je lui ai répondu que bien sûr, nous irions.

ALAIN
Je compte sur toi pour m?excuser. Tu leur diras que je dois préparer une communication scientifique. C?est d?ailleurs la stricte vérité.

JEANNE
C?est peut être vrai, mais tu pourrais nous consacrer deux ou trois heures. Tu es célèbre, et ils seraient flattés de ta présence.

ALAIN
Ecoute, Jeanne, si je suis un peu connu, c?est parce que j?ai beaucoup travaillé. Et j?ai encore beaucoup à faire, alors, je compte sur toi pour m?excuser, je ne pourrai aller à la fête du village. Ce sera ta façon de m?aider à être encore plus célèbre.



JEANNE
Je suis contente et fière que tu sois un homme connu, mais quand même, tu pourrais de temps en temps, sortir de tes paperasses et tes expériences.

ALAIN
Non. Je regrette, mais je ne peux pas.
(Le téléphone sonne.)
Ah ! Ce doit être Luc !
(Il décroche et écoute un moment)
???????????????????
ALAIN
Ah bon ? La couverture du dossier est noire et pas orange, et j?avais inscrit CRYOGENIE et non pas Silicone Valley ? Cela n?a pas d?importance. Le principal, c?est que vous l?ayez. Nous vous attendons donc, demain pour le déjeuner. Bonne route
(Il raccroche)

ALAIN (A sa femme)
Luc vient demain. Il sera là pour déjeuner, et bien sûr, il couchera ici. Tu t?en occupes ?

JEANNE
Bon. Je vais demander à Solange de venir m?aider. D?ailleurs, cela va l?arranger, car la pauvre, a du mal a joindre les deux bouts. Elle élève seule ses deux enfants, depuis que son tordu de mari, est parti avec une minette.

(Après avoir demandé à sa femme de prévoir la venue de Luc, Alain s?est replongé dans ses dossiers)

JEANNE (Continuant)
Il faut bien l?avouer, la plupart des hommes sont des salauds. Si j?étais au gouvernement, je déciderais que lorsqu?un homme marié aura fait son deuxième enfant (Pour le renouvellement de la population, tu comprends ? ) On leur couperait le Zizi. Comme ça, ils n?auraient plus envie d?aller voir d?autres femmes, et ils se consacreraient à l?éducation de leurs enfants.
Moi, je le dis souvent : Si les hommes laissaient les femmes gouverner, les choses iraient mieux. Beaucoup mieux. Mais comme ce sont les hommes qui gouvernent, ils ne veulent pas laisser leur place. Moralité : pour que les femmes puissent remettre notre pays d?aplomb, il n?y a qu?une solution : La Révolution. Tu me diras que comme ce sont surtout des hommes qui sont dans l?armée, la police et la gendarmerie, une révolution des femmes ne réussirait pas. Tu n?as pas tort, mais nous avons d?autres moyens à notre disposition. On peut faire un tas de grèves. Si, on se mettait toutes d?accord en même temps pour ne plus faire de ménage, de repas, et ne plus faire l?amour, il faudrait bien que les hommes lâchent le pouvoir.
D?ailleurs, dans la Grèce antique, c?était déjà une idée de Lysistrata, où, tu te le rappelles, elle avait donné un mot d?ordre à toutes les femmes : Dire à leurs maris, « ou la guerre, ou l?amour »
Je ne rappelle plus comment cela s?était terminé.
En tous cas, nous devrions toutes vous dire : Prenez en compte nos idées, ou tintin » !
Qu?en penses-tu ?
(Alain ne répond pas et continue son travail)

JEANNE
Oui, toi, tu t?en fous ! C?est vrai que tu n?es pas des pires. Bon, je vais aller chercher Solange.
(Elle s?apprête à sortir, lorsque pensant à quelque chose, elle revient vers Alain et lui demande) ;

JEANNE
Dis donc, Alain, sais-tu où tu as mis ton paletot bleu ? Il faut que je l?apporte au nettoyage.
(Alain ne répond pas)

JEANNE Hurlant)
ALAIN !!

ALAIN (Il sursaute)
Quoi ?

JEANNE
Sais- tu où tu as mis ton paletot bleu ? Il faut que je l?emporte au nettoyage.

ALAIN
Je ne sais pas, moi?.Ah si ! Il doit être dans le salon.


JEANNE
Ah, quand même !!
(Elle se dirige vers une autre porte et sort. Elle revient presqu?aussitôt, agitée.

JEANNE (Qui se précipite vers Alain, et parle à voix assez basse)
Alain ! Alain ! Il y a une fille qui dort dans la pièce à côté.

ALAIN (Sans lever les yeux de ses papiers)
Di-lui que j?ai besoin de cette pièce et qu?elle aille dormir ailleurs ??

JEANNE
Mais?Elle est toute nue !

ALAIN (Continuant sa phrase, calmement et absent)
Et qu?elle s?habille !!

JEANNE
Mais tu entends ce que je te dis ? Il y a une fille nue qui dort dans le salon.

ALAIN (Revenant sur terre)
Une fille nue dans le salon ? Qui est-ce ?

JEANNE
Mais je n?en sais rien justement ! Je ne la connais pas.



ALAIN (qui reste derrière son bureau)
Elle est un peu sans gêne, non ? En tous cas, il faut qu?elle se rhabille, et qu?elle parte.

JEANNE
Mais enfin, c?est à toi de lui dire de partir !

ALAIN
Tu m?as dit qu?elle était toute nue. Je ne vais pas aller la voir. Elle serait gênée.

JEANNE
Tu viens de dire qu?elle est sans gêne.

ALAIN
Elle peut être sans gêne, mais pudique.

JEANNE
Pudique ? Elle est à poil !!
ALAIN
Oui, hé bien, occupe-toi de ce problème, moi, j?ai du travail !
(Il se replonge dans ses papiers)

JEANNE (Criant de nouveau)
Alain !!
C?est à toi de régler ce problème, débrouille toi !!

ALAIN ( Il soupire, se lève, va vers la porte du salon et crie)
Mademoiselle !! Habillez- vous, et venez ici !!
( On entend des bruits dans la pièce d?a côté. La porte s?ouvre lentement, et apparait une jeune fille, très jolie, drapée dans une couverture)

ELLE (Un peu affolée)
Où suis-je ?

ALAIN (Parlant gentiment)
Justement, vous êtes chez nous, et je me demande ce que vous y faites. Vous vous habillez toujours avec votre couverture ?

JEANNE (Moins aimable)
Mais non ! Elle n?est pas à elle cette couverture, elle est à nous. Tu ne la reconnais pas ? Vous avez un sacré culot mademoiselle !

ELLE (Toujours affolée)
Pourquoi suis-je ici ? Où sont mes parents ?

ALAIN
Mais c?est à vous de nous le dire.

(Elle regarde autour d?elle, puis Jeanne et Alain)

ELLE
Vous êtes déguisés ? Pourquoi ? Et où sont mes vêtements ?



ALAIN
Venez vous asseoir, mademoiselle. Je crois qu?il doit y avoir un quiproquo. Qui êtes-vous ? Où habitez-vous ?

ELLE
Je m?appelle Agnès Lombreuse. J?habite à Londres. Après le repas du soir, je suis allée me coucher, et je vous ai entendu crier?je ne comprends rien. Je ne vous connais pas.

ALAIN
Votre histoire est assez curieuse en effet. Vous vous êtes couchée chez vous, en Angleterre et vous vous êtes réveillée chez nous près de Valence. Peut être êtes vous somnambule ? Je crois que la première chose à faire, c?est de téléphoner à vos parents qui doivent s?inquiéter.

AGNES
Je devrais faire quoi ?

ALAIN
Vous devriez téléphoner à vos parents. Puisqu?ils habitent en Angleterre, ils viendront vous chercher en avion nous sommes à Etoile, c?est à 10 kilomètres de Valence.

AGNES (Perdue)
Téléphoner, avion?Je ne comprends pas ce que vous me dites.

JEANNE
Vous savez bien ce qu?est un téléphone ?

AGNES
Non !

JEANNE
Et un avion ?

AGNES
Non plus !

JEANNE (Se tournant vers Alain)
Elle est peut être somnambule, mais elle est aussi amnésique.

AGNES (Montrant du doigt une ampoule éclairée)
Qu?est-ce que c?est, ça ?

ALAIN
Ca, mademoiselle, c?est une ampoule électrique. C?est pour nous permettre de nous éclairer Vous n?en avez pas chez vous ?

AGNES
Non, bien sûr. Nous avons des chandelles comme tout le monde.

JEANNE (A son mari)
C?est grave. Qu?est-ce qu?on fait ?

ALAIN (De plus en plus intéressé, à sa femme d?abord)
Attends, attends ;
(Puis à Agnès)
Pouvez- vous mademoiselle me donner votre date de naissance ?

AGNES
Je sais, je fais plus jeune, mais j?ai 18 ans, je suis née le 23 mai 84

ALAIN
Si vous êtes née le 23 Mai 1984, vous n?avez pas 18 ans, vous en avez 25.

AGNES (Décontenancée)
Mais pourquoi parlez ?vous de 1984 ? C?est en 1784, bien sûr, que je suis née, et comme nous sommes en Juin 1802, j?ai bien 18 ans.

JEANNE (A son mari)
Somnambule et amnésique, peut être, mais il y a encore autre chose?..bien plus grave.

ALAIN (A sa femme.)
Fiche moi la paix !
(Très intéressé à Agnès)
Donc, vous pensez que nous sommes en 1802. Pouvez-vous me dire qui dirige la France ?

AGNES
Laquelle ?

ALAIN
Comment laquelle ? Il n?y a qu?une France, que je sache ?

AGNES
Non Monsieur ! Il y a la fausse France avec son usurpateur le général Bonaparte, qui nous oblige à rester en Angleterre, et il y a la vraie France, celle de l?exil qui ne peut avoir qu?un seul chef : Le Roi

ALAIN (Le savant, est très intéressé)
Curieux, très curieux. Ainsi vous vous êtes couchée en 1802, en Angleterre, et vous êtes réveillée en France en 2009 ?

AGNES
Je ne comprends pas. Qu?est-ce que vous dites ?

ALAIN
Oui. Cela va être difficile pour vous. Mademoiselle, par un phénomène que je ne m?explique pas encore, vous avez voyagé à travers le temps et à travers l?espace?
Je vais vous poser une question?Un peu délicate?Mais il faut essayer de comprendre?Est-ce que vous avez l?habitude de vous coucher nue ?

AGNES (Rougissante)
Non, pas l?hiver bien sûr, mais hier soir, il faisait si chaud?

ALAIN
Bon. Voilà un mystère de moins. Pouvez-vous me dire, si, dans la journée d?hier?pour vous, il s?est passé quelque chose d?inhabituel ?

AGNES
J?ai peur?Qu?est-ce qui m?arrive ?

ALAIN
N?ayez pas peur, nous allons essayer de comprendre, calmez-vous. S?est-il passé quelque chose de spécial hier ?

AGNES
Non?Je ne sais pas..Il ne s?est rien passé, hier?sauf ce drôle de bonhomme :

ALAIN
Quel drôle de bonhomme ?

AGNES
Oh, c?était un fou. Quand il est parti, papa a dit que c?était un fou?.Je veux voir mes parents, où sont-ils ?

ALAIN (Essayant de la calmer)
Plus tard, plus tard. Pour l?instant nous tentons de comprendre certaines choses. Parlez- moi de ce fou !

AGNES (Enervée)
Je ne sais rien sur ce fou ! Je veux voir mes parents !!

ALAIN
Faites un effort, mademoiselle ! Dites nous comment vous avez vu cet homme, ce qu?il a dit, ce qu?il a fait.

AGNES
Il n?a même pas frappé à la porte. Nous étions, papa, maman et moi, dans le salon, et il est entré, son chapeau à la main. C?était un français. Il nous a dit : Je suis le comte de Saint Germain.
C?était un bel homme, couvert de pierres précieuses, mais qui disait des bêtises.

ALAIN
Que disait-il ?

AGNES
Des bêtises. Il disait qu?il était très vieux, qu?il avait connu Alexandre le Grand, qui vivait je ne sais pas quand, mais il y a longtemps, et il dit même, vous vous rendez compte, qu?il avait connu Jésus Christ. C?était un fou?..( un temps) je voudrais voir mon père et ma mère. Où sont-ils, et moi, pourquoi je suis là. (Elle regarde autour d?elle) tout est drôle. Dites, monsieur, que m?est-il arrivé ? Je suis morte ?

ALAIN
Non, vous n?êtes pas morte. Vous constatez que vous voyez, vous entendez, vous respirez?et peut être avez-vous faim ?

AGNES
Oui, j?ai un peu faim, mais surtout, j?ai peur.

ALAIN
Il vous est arrivé quelque chose d?extraordinaire, mais vous ne devez pas avoir peur. Avec nous, vous êtes en sécurité. Pour commencer, vous aller manger quelque chose. Qu?est ce que vous aimez ? Du fromage ? Des fruits ? Dites-nous ce que vous voulez ?

AGNES
Du pain, ça ira très bien?.(Timidement) Avec un bout de fromage, peut être ?

ALAIN
Jeanne Donne lui quelque chose, je ne sais pas, des confitures, du jambon?

JEANNE
Je vais voir ce que j?ai, mais il faudrait qu?elle s?habille, et il n?y avait pas de vêtements dans le salon.



ALAIN (A jeanne)
Elle est un peu plus grande que toi, mais pendant qu?elle mangera, va voir dans ta garde- robes, ce qui pourrait lui aller.
(Jeanne sort une assiette, des couverts, un pain, du jambon etc.. )

ALAIN
Pendant que ma femme vous prépare à manger, parlez-moi un peu plus de ce comte de Saint Germain ; Est-ce qu?il vous a parlé, à vous ? Est-ce qu?il vous a donné quelque chose.

AGNES (Rougissante)
Il m?a dit?.que j?étais jolie, c?est tout. Et il m?a donné une pastille.
ALAIN (Vivement)
Une pastille ? C?est intéressant, ça. Et comment était- elle cette pastille ?

AGNES
Elle était très bonne, et il m?en a donné une deuxième, que j?aie sucée tout de suite, et il m?en a donné trois autres en me disant de les sucer plus tard.

ALAIN
Et où sont-elles, ces pastilles ?




AGNES (Se mettant à pleurer)
Je ne sais pas, je les avais dans la poche de ma robe, et je n?ai plus de vêtement ? Qu?est-ce qui m?arrive ? Qu?est-ce qui m?arrive ?

ALAIN
Allons, calmez ?vous ma petite. Comme je vous l?ai dit, vous êtes en sécurité avec nous. Mangez un peu, et vous verrez que vous vous sentirez mieux.

Agnès vient se mettre à table. Jeanne sort.

AGNES
Ah ? Vous avez des fourchettes ? Chez nous aussi, nous avons des fourchettes.

ALAIN
Vous semblez surprise. Tout le monde ne mange pas avec une fourchette ?

AGNES (Tout en mangeant. Très fière)
Oh, non ! Nous, nous sommes nobles. Mais dans le peuple, ils mangent avec les doigts. Il parait même que Louis XIV qui pourtant était un grand roi, mangeait avec ses doigts. C?est dégoutant ! Moi, je ne pourrais pas.

Jeanne revient avec des vêtements.



JEANNE
Quand vous aurez fini votre repas, vous irez essayer ces vêtements, pour voir ce qui vous va le mieux.
(Elle lui fait voir une robe, une jupe et un pantalon.

AGNES
Mais, madame, je suis une fille ! Je ne peux pas mettre ça (Elle montre le pantalon). Et les robes sont bien trop courtes, je n?oserai pas les mettre.

JEANNE (Pas très aimable)
Oh ! Ma fille ! Je ne peux pas vous donner ce que je n?ai pas ! Qu?est-ce que vous avez fait de vos vêtements ?

AGNES (Recommençant à pleurer)
Mais, je ne sais pas, madame ! Je ne comprends rien à ce qui m?arrive.

ALAIN (A sa femme)
Je te demande d?être gentille avec elle.
(A Agnès)
Tout à l?heure vous allez essayer une robe. Même si vous la trouvez trop courte, ce n?est pas très grave. Vous verrez que tout le monde s?habille comme cela, maintenant.
C?est vrai que vous vous retrouvez dans une période que vous ne connaissez pas, mais vous êtes jeune, vous me semblez très intelligente, vous allez très vite vous adapter. Ne soyez pas inquiète, nous vous aiderons.

AGNES
Pourquoi moi ? Pourquoi est-ce à moi qu?il arrive cette chose extraordinaire ? Je suis seule, toute seule, Où sont mes parents, mes amis, et tous ceux que j?aime ? Je ne les verrai plus ?

ALAIN
Je ne suis pas en mesure de vous répondre, pour l?instant. Mais nous allons chercher, essayer de comprendre?.En attendant, nous allons vous aider à vous adapter. Vous verrez, ce sera même amusant pour vous, car il y a beaucoup de choses que vous ne connaissez pas.
(Il va vers un transistor et l?ouvre. Ce sont les informations)
Vous entendez, Agnès ? Ce monsieur, nous raconte ce qui se passe dans le monde, et il y des millions de gens qui l?entendent en même temps que nous.

(Agnès se lève, va vers le transistor, regarde tout autour)

AGNES
Mais il n?y a personne ! Où est-il ce monsieur ?



ALAIN
Il est très loin de nous ce monsieur. Mais il parle dans un appareil spécial, et sa voix est transmise jusqu?à nous.

AGNES
C?est de la sorcellerie ? J?ai peur !

ALAIN
Non, ce n?est pas de la sorcellerie. C?est de la science. Depuis deux cents ans, on a découvert beaucoup de choses, et vous vous en rendrez compte, petit à petit.
Maintenant, si vous n?avez plus faim, vous allez vous habiller dans la pièce à côté, ma femme vous aidera, puis, vous irez acheter des vêtements à votre taille. Vous voulez bien ?
AGNES
Je préférerai voir ma maman et mon père.

ALAIN
Allons au plus urgent, et le plus urgent, c?est de vous habiller correctement. Il faudra faire très attention dans les rues. Restez toujours à côté de ma femme, car il y a des automobiles qui roulent assez vite. Ma femme vous expliquera ce que c?est.

JEANNE
Reposez-vous un peu, détendez vous, et dans quelques minutes, j?irai vous rejoindre.
Sans un mot, Agnès sort en emportant la brassée de vêtements apportés par Jeanne.

JEANNE
Tu parles d?une histoire. C?est certainement une fille échappée de l?asile, qu?en penses-tu ?

ALAIN
Je suis certain que non. Cette jeune fille est saine d?esprit. Ses réactions sont parfaitement normales. Imagine que tu te retrouves subitement en 2200, tu ne crois pas que tu te sentirais un peu perdue ?

JEANNE
Tu ne crois sérieusement pas que cette jeune fille nous dit la vérité ? Il est impossible qu?elle se soit couchée à Londres hier soir, en 1802 et qu?elle se réveille chez nous en 2009 ! C?est absolument impossible.

ALAIN
C?est apparemment impossible, et pourtant, j?ai la certitude que c?est vrai !

JEANNE
Tu es peut être très intelligent dans ta partie, mais mon pauvre ami, tu es prêt à avaler n?importe quoi, du moment que c?est une jolie fille qui te le dit.



ALAIN
Ne dis pas de bêtises ! Elle pourrait être ma fille. Et surtout, tu oublies l?intervention du comte de Saint Germain.

JEANNE
Tu le connais ce bonhomme ?

ALAIN
Non, je ne le connais pas, mais j?en ai entendu parler.

JEANNE
Moi aussi. Par la gamine. Et elle a bien dit qu?il était fou !

ALAIN
On a vite fait de traiter de fous les gens que l?on ne comprend pas. Par exemple, ce comte de Saint Germain disait qu?il pouvait faire disparaitre les imperfections d?un diamant. Le prenant au mot, Louis XIV, lui confia une énorme diamant qui malheureusement avait un très gros défaut. Quelques jours plus tard, le comte rendait au roi le même bijou d?une eau absolument pure. Et il y eu de nombreux témoins.

JEANNE
D?accord, il avait peut être un truc pour ça, mais réfléchis deux secondes. Ce comte de Saint Germain était adulte sous Louis XIV qui est mort en 1715. Comment la fille aurait-elle pu le voir, en 1802, toujours assez jeune ? C?est ridicule !

ALAIN
Je t?accorde que c?est difficile à comprendre. Comme Agnès a eu du mal à comprendre qu?un monsieur, très loin, pouvait parler à des millions d?hommes en même temps, et situés à de nombreux kilomètres de lui. Tu ne vas pas dire que la radio n?existe pas ?

JEANNE
Il est vrai, que vu sous cet angle?.Mais quand même, c?est « trop impossible » !!
(Agnès entre. Elle a réussi à enfiler une robe, beaucoup trop étroite et trop courte. Elle est boudinée, empruntée, et toujours craintive)

JEANNE
C?est vrai que cette robe est un peu juste. Nous allons en acheter une qui sera plus à votre taille. Oh ! et puis, tu pourrais être ma fille, je vais te tutoyer. Je vais voir si je trouve des chaussures à ta taille, et nous irons faire des courses.

ALAIN
C?est ça, sortez. Moi, j?ai pris du retard et je vais essayer de le rattraper.
( en aparté à Jeanne, il ajoute : Je t?en prie, sois gentille avec elle. Signe d?assentiment de Jeanne.

Jeanne et Agnès sortent, Alain, se dirige vers son petit bureau, pendant que le rideau tombe.






























ACTE 2







Le rideau se lève sur le même décor. Alain, travaille devant son bureau. Il est seul en scène quelques courts instants. Puis Jeanne et Agnès entrent. On sent qu?elles s?entendent beaucoup mieux.


JEANNE
Voilà, Alain. Nous sommes allées faire des courses. Regarde comme elle est belle notre petite Agnès.

ALAIN (Se retourne pour les voir)
En dehors du fait que notre » petite « Agnès est plus grande que toi, tu as parfaitement raison. Elle est très mignonne, et sa robe est ravissante.

AGNES
Merci, mais je n?ai pas l?habitude. Toutes mes robes venaient jusqu?aux chevilles. On voit mes mollets et ça me gêne un peu.



JEANNE
Tu es bête ! Tu as des jambes magnifiques. Tu vas t?habituer rapidement.

(A Alain)
Tu sais, nous sommes montés dans un taxi. Je voulais qu?elle sache ce qu?est une automobile. Elle a trouvé ça formidable, et je crois qu?elle s?habituera facilement à tous nos progrès.

AGNES
Vous êtes trop gentille madame, mais par exemple, nous avons vu passer haut, très haut, ce que vous appelez un avion, et jamais, jamais, je n?irai dans ces appareils qui volent si loin de la terre. Non, pour moi, ça, c?est trop !!!

ALAIN
Je vois que vous vous entendez bien toutes les deux. J?en suis très heureux. Je te l?ai déjà dit, j?ai beaucoup de travail pour préparer ma communication aux Etats Unis, alors, Jeanne, si tu pouvais t?occuper d?Agnès, ça m?arrangerait.

JEANNE
OK ! On te laisse. Tu viens Agnès ? On repart !
(Jeanne et Agnès sortent. Alain se remet à travailler. Alors qu?il est bien concentré sur la lecture d?un document, la sonnerie de la porte d?entrée retentit à plusieurs reprises. Les premières fois, Alain continue sa lecture, et devant l?insistance du visiteur, il finit par se lever en maugréant, et sort pour aller ouvrir.
Il revient avec un homme assez jeune, très élégant, richement habillé, très à l?aise.

ALAIN (Qui regarde sa montre)
Zut !! Je ne savais pas qu?il était si tard ! Excusez moi, Denis de vous avoir fait attendre, mais je ne pensais pas que cela pouvait être vous.

DENIS
Ce n?est pas grave Professeur. Voilà, je vous apporte le dossier que vous m?aviez demandé. Je suis à votre disposition entière. Que voulez vous que je fasse ?

ALAIN
(Venant s?asseoir sur un fauteuil et indiquant d?un geste à Denis d?en faire autant)
Je veux vous parler d?un phénomène qui n?a rien à voir avec ma conférence.
Figurez-vous, qu?hier, ma femme a découvert dans le salon, une jeune fille qui dormait toute nue.

DENIS
Ah bon ? Et vous ne la connaissiez pas ?

ALAIN
Absolument pas ! Mai le plus extraordinaire reste à venir. Figurez vous, que cette jeune fille s?était endormie à Londres, en??.1802, et s?est réveillée ici en 2009. Qu?en dites-vous ?


DENIS (Reste un moment silencieux)
Vous travaillez beaucoup, Professeur. Peut être serait-il opportun de prendre quelques jours de repos.

ALAIN
C?est ça ! Dites que je suis fou ! (Un temps)
Vous me décevez Denis !! Vous êtes un scientifique, et dès qu?il arrive quelque chose que vous ne comprenez pas, au lieu d?essayer d?étudier le problème vous préférez prétendre qu?il n?existe que dans une cervelle dérangée.

DENIS
Je suis désolé, Professeur, mais s?il possible, à la rigueur, de faire Londres -Valence en une nuit, en revanche, sauter 207 ans dans le même laps de temps, est tout à fait impossible.

ALAIN
Essayons de raisonner au moins. Si la chose est impossible, c?est que la petite ment. Mais alors, comment expliquez vous qu?elle soit entrée, alors que portes et fenêtres étaient fermées, comment expliquer qu?elle soit nue, et sans vêtement auprès d?elle, comment expliquer qu?elle connaisse bien l?histoire de son pays en 1802 et puis?..Lorsque vous l?aurez vue, vous constaterez que c?est une jeune fille qui a les réactions normales d?une personne qui transportée à travers le temps, s?étonne de tous les appareils qui n?existaient pas de son temps.

DENIS
Soit, Professeur ! Je veux bien admettre que cette jeune fille ne ment pas. Mais alors, si la chose est exacte, comment l?expliquez-vous ?

ALAIN
Pour l?instant, je ne me l?explique pas, mais il y a une explication, forcément. Je pense d?ailleurs que vous allez voir cette jeune fille. Avec ma femme,, elles sont allées faire des courses, et ne vont pas tarder à revenir..

DENIS
Malheureusement, je ne pourrai pas la voir. Je suis déjà en retard, et je ne peux pas m?attarder.

ALAIN
Tout à l?heure, vous vous mettiez à ma disposition en me demandant ce que vous pourriez faire pour moi, et maintenant, il faut que vous partiez séance tenante. Pourquoi ? Vous avez peur de vous retrouver devant un phénomène inexplicable ? Vous craignez de voir cette jeune fille, qui est la preuve vivante de l?existence du problème dont nous parlons ?

DENIS
Absolument pas, Professeur. Je ne peux avoir peur d?une jeune fille?.de 220 ans. Non. Les choses sont plus simples : J?ai un rendez vous avec un ancien camarade de fac, et cela m?était sorti de l?esprit, tout à l?heure. Aussi, si vous voulez bien m?excuser, je vais devoir y aller.
Denis sort, Alain retourne à sa table de travail, et

Le rideau tombe


























ACTE 5










Le rideau se lève sur le même décor. Alain travaille à sa table, et Jeanne époussette les meubles, sans cesser, comme à son habitude, de parler.

JEANNE
Elle est attachante, cette gamine. Si j?avais eu une fille, j?aurais voulu qu?elle lui ressemble. C?est quand même extraordinaire ce qui lui arrive. Tu n?a toujours pas trouvé d?explication, Alain ?
(Elle n?attend visiblement pas de réponse, et poursuit)
En tous cas, ce qui est certain, c?est qu?elle ne ment pas. On voit bien qu?elle était habituée à un autre monde, et elle ne peut feindre ses surprises, chaque fois qu?elle rencontre un objet qui n?existait pas de son temps.
La pauvre ! Ce ne doit pas être facile pour elle, tous ces bouleversements. Quand on y pense, 200 ans

ce n?est tout de même pas si loin, et il y a tant de choses qui sont changées !!
Je crois qu?elle ne déteste pas ces nouveautés, mais ses parents lui manquent énormément. Alors, il lui arrive de s?extasier devant une nouveauté pour elle, elle est toute joyeuse, et la seconde suivante, elle éclate en sanglots, en appelant sa mère, et quelquefois son père.
Toi qui est un savant, Alain, qu?envisages-tu pour la petite Agnès ?
(Alain ne répond pas, et elle élève la voix)
Je te demande, si tu envisages de faire quelque chose pour Agnès. Tu peux me répondre, oui ?
ALAIN (Sans lever la tête de ses papiers)
Si j?envisage quelque chose pour Agnès ? Que veux-tu que j?envisage ? Il faut s?occuper d?elle et c?est tout !

JEANNE
Mais pour ses parents ?

ALAIN
Il y a longtemps que ses parents sont morts !

JEANNE
Ses parents sont morts, et elle n?a pas vieilli du tout depuis plus de 200 ans ? Pour un savant, ce n?est pas très fort !! Il y a des moments où je me demande pourquoi tu es si célèbre !!
Rien n?empêche de penser que ses parents sont aussi quelque part, sans avoir pris une année.

ALAIN (Levant ses yeux de ses dossiers)
Ce n?est pas impossible, mais improbable.

JEANNE
Et pourquoi improbable ?

ALAIN
Parce que ce qui arrive à la petite est exceptionnel. Et ce qui est exceptionnel a peu de chance de se reproduire.
(Un temps)
Au fait, où est-elle Agnès ? Il ne faut pas la laisser seule. Elle est encore fragile, et c?est bien normal.

JEANNE
Quand elle est dans son lit, elle est bien seule, et je crois qu?après 4 jours, le plus dur est passé. Elle ne pleure jamais très longtemps.
(Très fière, comme si elle était sa fille)
C?est qu?elle a un sacré cran, cette gamine ! Elle a une force de caractère exceptionnelle ! Moi, à sa place, je serais devenue folle !

ALAIN
C?est vrai qu?elle est bien cette jeune fille. Elle est très attachante.
Un temps)



JEANNE
Très attachante. Et en peu de temps, j?ai pu apprécier sa nature.
Nous pourrions peut être l?adopter, qu?en penses-tu ?

ALAIN
Je pense que juridiquement pour l?instant, ce serait difficile, car il y a un problème d?identité. Peut être arriverions nous à retrouver sa date de naissance, ce qui d?ailleurs n?est pas certain, mais alors, adopter une jeune fille de 225 ans, cela soulèverait quelques difficultés, tu ne crois pas ?
En revanche, rien ne nous empêche, dans les faits, de nous conduire comme si elle était réellement notre fille.

JEANNE
C?est ce que je veux. Je lui en parlerai.
(Alain se remet à travailler. Jeanne réfléchit. Un temps)
Mais que fait-elle ? Elle m?a dit qu?elle voulait aller se promener seule, pour « s?intégrer mieux» m?a-t-elle dit. Mais je suis un peu inquiète.
On entend du bruit dans l?entrée, et Agnès pénètre dans la pièce.

JEANNE
Ah, te voilà !! Je commençais à m?inquiéter. Il ne faut pas que tu restes trop longtemps loin de nous. Tu comprends, tu es un peu comme notre fille?.Nous t?aimons beaucoup?
(Un temps)
Tu veux bien être comme notre fille ?

AGNES
Vous êtes très bons avec moi, et dans mon extraordinaire aventure, j?ai eu beaucoup de chance de me retrouver chez vous. Je tiens à vous remercier pour tout ce que vous faites pour moi.

JEANNE
Nous n?avons aucun mérite, puisque nous te considérons comme notre fille, et une fille n?a pas à remercier ses parents. Parce que nous sommes un peu tes parents, hein ?

AGNES
Vous n?êtes pas mes parents, mais vous êtes très gentils avec moi.

JEANNE
Comme des parents ?

AGNES
Un peu comme des parents, oui !

JEANNE
Un peu seulement ? Pour moi c?est comme si tu étais ma fille !



ALAIN
Fiche lui un peu la paix, Jeanne. Elle vient de faire un bond vertigineux dans le temps, et il faut lui laisser le temps de s?adapter, sur tous les plans.
(S?adressant à Agnès)
Vous verrez que dans quelques jours, vous vous sentirez beaucoup plus détendue, plus à l?aise, dans ce monde, encore nouveau pour vous.

AGNES
Merci, Monsieur, de m?encourager, j?en ai bien besoin !

ALAIN
Ma femme a raison. Vous n?avez pas à nous remercier, puisque cela nous fait plaisir de vous venir en aide.

AGNES
Je vous dis merci quand même !
(Sonnerie à la porte d?entrée)

ALAIN
Je pense que ce doit être Denis. Je vais lui ouvrir.
(Il sort, et revient, suivi de Denis)

AGNES (Stupéfaite)
Monsieur le Comte !!

ALAIN
Quoi ? Vous connaissez Denis, Agnès ?

AGNES
Je connais monsieur le comte.

ALAIN (A Denis)
Vous êtes comte, mon cher Denis ?

DENIS
Cela m?arrive.

ALAIN
Qu?est-ce que cela veut dire ? Vous êtes comte où vous ne l?êtes pas.

DENIS
Mon cher Professeur vous voilà bien manichéen ! Vous ? Un scientifique ? Tout n?est pas noir ou blanc.

ALAIN
Mais vous devez bien savoir si vous êtes ou non, comte. De même qu?une femme, est ou n?est pas enceinte.

DENIS
Vous oubliez les grossesses nerveuses, professeur ! Mais pour en revenir à mon cas, selon les époques, je suis comte, Prince, ou professeur comme vous.

AGNES
Monsieur ! C?est le comte de Saint Germain.

ALAIN
Le comte de Saint Germain. ? Mais alors, si c?est exact, vous allez m?expliquer ce qui se passe avec mademoiselle Agnès ?

LE COMTE
Je suis désolé, professeur, mais je ne peux tout dire. Vous savez déjà certaines choses à mon sujet, qui d?ailleurs ne sont pas toutes exactes. Par exemple, certains me prêtent des propos que je n?ai pas tenus. Je n?ai pu connaitre Alexandre le Grand, je n?ai pu connaitre Jésus Christ, et encore moins lui prédire sa fin, pour l?excellente raison que je ne suis né qu?en 1279. J?ai donc connu Philippe IV le Bel, j?ai connu toutes les tractations qui ont abouti à la disparition de Templiers (A ce moment là ; j?étais échevin). J?ai donc connu, toutes les têtes couronnées depuis plus de sept siècles, cela, je ne le cache pas, mais il y a des faits qui doivent rester secrets.

ALAIN
Sans nous expliquer le comment, vous pouvez je pense nous dire, si vous êtes liée au formidable bond dans l?espace que vient d?effectuer Agnès ?

LE COMTE
C?est évident. Je ne l?ai pas amenée chez vous, par hasard.
ALAIN
Alors, puis-je en connaitre la raison ?

LE COMTE
Cela, à la rigueur, je puis vous le dévoiler. Vous êtes un professeur émérite. Vous êtes une référence en matière de cryogénie, et vous étudiez particulièrement les méthodes destinées à prolonger les vies humaines. Vous aurez quelques résultats, mais pas ceux que vous escomptez.
Il existe une voie et une seule. Elle est connue, mais considérée comme entièrement farfelue. Pourtant, je suis le vivant exemple de son efficacité. Dès l?âge de 18 ans, je me suis livré à l?alchimie, et je suis parvenu à créer l?élixir de vie après 23 ans de recherches.
C?est le message que j?ai voulu vous passer, en commençant par vous apporter la preuve de mes pouvoirs qui vont au-delà de l?action sur la durée de vie.
Ma petite Agnès, j?espère que vous voudrez bien m?excuser pour vous avoir utilisé à votre insu, afin d?apporter au Professeur, la preuve de mes pouvoirs.
La preuve est apportée : vos épreuves vont se terminer.
Vous pouvez, à votre choix, rester dans ce siècle, ou retourner à votre temps originel.

AGNES
Monsieur le Comte, je voudrais revoir mes parents.

LE COMTE
Soit. (Il s?adresse à Jeanne) Chère madame, pourrions nous avoir deux verres d?eau ?

JEANNE
Bien sûr?..mais, Agnès, tu ne voudrais pas rester avec nous?.au moins quelque temps.

AGNES
Merci encore madame, pour tout ce que vous avez fait pour moi, mais il faut que je retourne dans mon milieu, ma famille et mon temps.

JEANNE
Mais Agnès, cela va être difficile pour toi. Tu as connu tant de choses qui facilitent la vie, que fatalement, tu vas les regretter.

ALAIN
Je te demande, Jeanne, de ne pas influencer cette petite. Après ce qu?elle vient de vivre, il lui appartient de décider ce qu?elle veut pour son avenir.

AGNES
Je ne veux pas laisser mes parents. Et puis, ils sont déjà malheureux de ne pas pouvoir revenir en France. Je voudrais être avec eux quand ce Bonaparte va être chassé du pouvoir, et que notre roi Louis XVIII va monter sur le trône. Ce sera le plus beau jour de ma vie.

JEANNE
Mais ma pauvre enfant, non seulement Bonaparte ne sera pas si vite chassé du pouvoir, mais il deviendra Empereur des Français pendant de longues années, et remportera de nombreuses batailles.

AGNES (Pleurant)
Ce n?est pas possible! Je ne vous crois pas ! Vous me dites cela pour que je reste avec vous, mais monsieur le Comte, s?il vous plait ! Faites-moi retourner vers mes parents.

ALAIN
Tu n?aurais pas du lui dire cela, Jeanne. Que dirais-tu si quelqu?un te révélait ton avenir personnel ?

JEANNE
Mais, je ne lui révèle pas son avenir personnel, seulement celui de la France.

ALAIN
L?avenir de la France, c?est un peu le sien, puisqu?elle vit en exil.

LE COMTE
Madame, pourrions nous avoir deux verres d?eau ?

ALAIN
Si vous avez soif, nous pouvons vous servir autre chose.

LE COMTE
Non, merci. Deux verres d?eau iront très bien.

Jeanne sort deux verres, et va les remplir au robinet de l?évier. Elle les apporte au comte.
Le comte en donne un à Agnès, prend dans sa poche quatre pilules roses, lui donne deux pilules, et en garde deux pour lui.

LE COMTE
Voici mademoiselle deux pilules que vous pouvez avaler avec votre verre d?eau. Je vais en faire autant. Je préfère vous raccompagner pour faciliter votre retour chez vos parents. Je vous ai arrachée à eux, il est normal que je vous aide.

ALAIN
Alors, monsieur le comte, je ne puis compter sur vous?.enfin, sur Denis, pour m?accompagner aux Etats Unis ?

LE COMTE
Non, mais soyez sans crainte : Ma présence n?était pas indispensable. Cependant, si vous me permettez un dernier petit conseil, même si cela doit détruire une partie de votre travail. Ne considérez pas la cryogénie comme un moyen pour atteindre une longévité active. Je vous conseille d?étudier l?alchimie. Les notions que vous en avez ont été acquises avec un parti pris négatif. Voyez les choses avec un a priori positif.

(A ce moment là, toutes les lumières s?éteignent dans la salle.
Dans l?obscurité totale de la scène, on entend les voix d?Alain et Jeanne.

JEANNE
Que se passe-t-il ? Une coupure d?électricité ?

ALAIN
C?est curieux. Le temps est magnifique, il n?y a pas d?orage dans la région.
(Un temps)
Monsieur le Comte ; êtes vous là ?
(Aucune réponse)

Je crois bien ma chère Jeanne, que nous connaissons maintenant l?une des façons du comte de prendre congé.

(Les lumières se rallument. Seuls, Alain et Jeanne sont en scène. Le comte et Agnès ont disparu)

JEANNE
Où sont ?ils ? Dans la pièce à côté ?

ALAIN (Souriant)
A mon avis un peu plus loin, et dans trois ans, notre petite Agnès va apprendre l?existence d?Austerlitz.

Alain se dirige vers son bureau.
ALAIN
Je crois que je vais modifier toute la conclusion de mon intervention aux Etats Unis, et je risque de passer pour un gâteux. Mais à mon retour, je vais me mettre à réunir tous les éléments connus sur l?alchimie.

LE RIDEAU TOMBE


FI
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