Ecriture-Lecture




EDUCATION



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PERSONNAGES



MARC 68 ans
MARIE 62 ans sa femme
DENIS 38 ans leur fils
BRIGITTE 36 ans épouse de Denis
CLAIRE 37 ans fille de Marc et Marie
ROBERT 40 ans mari de Claire








Le rideau se lève sur une salle de séjour bourgeoise. 4 fauteuils confortables, et un beau canapé. Une longue table basse au milieu. Une bibliothèque couvre toute la partie gauche. Au fond à gauche, une porte. Au fond à droite, la porte donnant accès au hall d?entrée. Sur la droite, deux portes.
Marc, dans un fauteuil lit son journal. Marie dans un autre fauteuil fait des mots croisés.

MARIE
Rejetant ses mots croisés sur la table basse.
Zut et zut ! Je ne trouve rien aujourd?hui. Ce coup de fil de Claire m?énerve. Dieu sait si j?aime mes enfants, mais je trouve qu?ils en prennent un peu à leur aise avec nous. Après tout, nous sommes à la retraite et plus tout jeune. Alors, que Claire nous demande de garder ses deux enfants, pendant un ou deux jours, ça va, ça nous fait même plaisir. Mais nous les refiler pendant 2 semaines pour pouvoir aller en vacances tranquilles, Non, non, et non !!!! Quand on fait des enfants, on les assume. Jamais, jamais je n?ai demandé à mes parents de garder les deux nôtres quand ils étaient petits.
Durant tout ce monologue, Marc a continué à lire son journal.

MARIE
Tu m?écoutes? Oui ?

MARC (Levant les yeux et regardant Marie par-dessus ses lunettes)
Tu me parlais, Marie ?

MARIE
Bien sûr, je te parlais. A qui voulais tu que je parle, nous ne sommes que tout les deux !!!

MARC
Il peut t?arriver de parler toute seule.

MARIE
C?est ça !! Dis-moi que je suis gaga !

MARC (Conciliant)
Mais non, mais non ! On peut se parler à soi même sans être gaga. Que disais- tu ?

MARIE
Je disais que Claire exagère. Elle nous demande de garder les enfants pendant deux semaines, pour pouvoir aller faire du ski, ou je ne sais quoi, tranquillement avec son mari. Je ne suis pas d?accord. Ils sont charmants ces gosses, mais ils sont fatigants, je n?ai plus la santé pour les garder si longtemps.

MARC (Reprenant son journal)
Le fait est qu?elle exagère. Tu n?as qu?à lui dire que nous ne pouvons pas, et c?est tout.

MARIE
Mais enfin, nous ne pouvons pas le lui dire ! D?abord, arrête de lire ton journal quand je te parle de choses sérieuses ! C?est notre fille quand même, je ne peux pas le lui refuser brutalement.
MARC (pose son journal)

Pourtant, il n?y a que deux solutions. Nous gardons les petits, ou nous refusons de les garder.

MARIE
Tu crois qu?en tenant un langage rationnel tu fais avancer les choses ? Il faudrait trouver une raison valable pour ne pas garder les petits. Une raison sérieuse qui ferait que Claire ne serait pas blessée. ;

MARC
Veux tu que je me casse une jambe ?

MARIE
Idiot !! Tache de trouver une chose intelligente.
Le téléphone sonne

MARIE
Si c?est Claire, je me demande bien ce que je vais lui dire.
(Elle se lève et décroche)
ALLO ? Marie écoute un moment
???????????????. ;;
MARIE
Combien de temps ?
???????????????. ;;
MARIE
Ecoute, je ne peux pas te donner une réponse immédiate. Il faut que j?en parle à Papa. Je te téléphonerai ce soir. Bisous !
Elle raccroche

MARIE
Ca, c?est le bouquet ! Ils se sont tous donnés le mot, c?est pas possible !!!! Denis nous demande aussi de garder Serge et Lise, durant les vacances. Mais ils nous prennent pour qui ? Nous ne sommes pas corvéables à merci ! C?est fini cette époque !! Ils ont un sacré culot les enfants !!

MARC (Qui avait repris son journal)
De quoi te plains-tu ? Tu cherchais une raison pour refuser de garder les gosses de Claire, hé bien tu l?as ta raison ! Il nous est impossible de les garder tous, et pour ne pas faire de jaloux, nous ne pouvons en garder aucun. C?est simple
MARIE

C?est simple, c?est simple !! Tu en as de bonnes !! Avec tes raisonnements à quatre sous, tu vas nous faire fâcher avec nos enfants !! Normalement, ce n?est pas à nous de dire que nous ne pouvons pas garder les enfants aussi longtemps : Ils devraient s?en rendre compte eux mêmes !

MARC
Ils devraient, mais ils nous le demandent quand même. Alors, on revient à ce que je disais tout à l?heure : On les garde, ou on leur dit qu?on ne peut pas les garder.

MARIE
On ne peut pas les garder !

MARC
Alors, dis le leur, et la question sera réglée.

MARIE
C?est ça ! Et après, ils ne viendront plus nous voir, et nous ne verrons pas grandir nos petits enfants !!!
Un temps

MARIE
Et après tout, pourquoi est ce moi qui dois régler ce problème ? Téléphone leur, toi !!

MARC (Pose son journal, se lève)
Bon !! Je vais leur téléphoner. Je leur dis quoi ?

MARIE
Débrouille-toi. Je ne peux pas garder tous ces enfants, et je ne veux pas me fâcher avec mon fils et ma fille.
Marc réfléchit un moment et va vers le téléphone qu?il décroche.

MARC
Allo, Claire ? Oui, je te téléphone parce que ta mère est très embêtée. Tu lui as demandé de garder les enfants, et figure toi que ton frère a fait la même demande. Il est évident que nous ne pouvons pas les garder tous ensemble aussi longtemps: Nous ne sommes plus très jeunes. Alors pour ne pas faire de jaloux, nous n?en prendrons aucun, mais surtout, surtout, ta mère ne voudrait pas que vous soyez fâchés.
??????????????????????..
MARC (Très embêté)
Oui, bien sûr, Merci pour ta compréhension?.On te retéléphonera. Je t?embrasse.
Marc raccroche.

MARIE
Tu l?as remerciée pour sa compréhension. Elle n?est donc pas fâchée ?

MARC
Non, non, elle n?est pas fâchée. Elle comprend parfaitement que nous ne puissions pas garder tous les enfants ensemble.

MARIE
Ah ! Quand même ! Ma fille comprend bien les choses ; Elle est intelligente.

MARC
Oui, « TA » fille est très intelligente. Elle comprend que nous ne pouvons pas garder tous les enfants en même temps.
(Un temps)
Alors elle a trouvé une solution. Un roulement.

MARIE
Quoi, un roulement ?

MARC
Ben oui. Cette fois ci, elle va se débrouiller pour faire garder ses enfants, nous ne prendrons que ceux de Denis, et aux prochaines vacances ce sera l?inverse.

MARIE
Mais ça ne va pas ? Pendant toutes les vacances scolaires, nous serons gardes d?enfants ? Il n?en est pas question !!!

MARC
Ecoute, moi, j?ai évité que nous les ayons tous. A toi d?agir pour aller plus loin?.si tu le peux.

MARIE (Après un moment de réflexion)
Les vacances scolaires commencent à la fin de la semaine prochaine ?

MARC
Il me semble que c?est ce que m?a dit Claire.

MARIE
Bien. Mon chéri, si cela ne te dérange pas trop, je vais aller chez mon amie Francette, samedi en huit.

MARC
Quoi ? Qu?est ce que c?est que cette idée farfelue ? Tu ne vas jamais chez ton amie Francette. D?ailleurs, à part les cartes du nouvel an, j?ai l?impression que vous ne correspondez plus.

MARIE
C?est bien pour cela que je veux aller la voir. Nous étions très amies durant nos études secondaires, et il est idiot de nous contenter de l?envoi d?une carte par an.

MARC
Et cette envie soudaine de revoir une vieille amie, pas revue depuis 8 ou dix ans, t?arrive tout d?un coup, et tu penses aller chez elle, précisément, durant les vacances des enfants ? Curieux, non ? C?est cousu de fil blanc ta solution.

MARIE
J?ai bien envie de demander à Claire de s?occuper de toi durant mon absence.

MARC
Je ne porte plus de couche, et je peux m?occuper de moi, sois sans crainte.

MARIE
Je sais bien que tu peux t?occuper de toi. En tous cas, je ne veux pas que tu te charges de garder les petits. Tu me le promets ?

MARC (Un peu furieux)
Ecoute ! Tu vas partir à la fin de la semaine prochaine. Soit. Mais tu ne vas me dire ce que je dois ou ne dois pas faire !

MARIE
Ne monte pas sur tes grands chevaux. Mais tu es bien d?accord avec moi : il ne faut pas que les enfants prennent l?habitude de nous refiler les petits durant chaque vacance. Cela, je ne le supporterais pas !!
Alors, si je ne suis pas là, ils n?auront peut être pas le culot de te demander de les garder, toi. Mais si par hasard, ils l?osaient?.

MARC
Je te le répète : Tu fais ce que tu veux, et tu me laisses faire ce que je veux !

MARIE
Je ne te comprends pas. Tu es d?accord pour que nous soyons gardes d?enfants durant toutes les vacances ?

MARC
Evidemment non. Mais ce que je désapprouve, ce sont les petites combines minables pour arriver à un résultat. Il suffit de dire : « Non, nous ne pouvons pas garder les enfants » et c?est tout !

MARIE
C?est ça ! Et nous nous fâchons avec eux !!

MARC
Réfléchis deux secondes. Prends-tu nos enfants pour des demeurés ? Je te le répète : C?est cousu de fil blanc ton truc ! Tu choisis, pour aller voir une amie que tu n?as pas vue depuis de nombreuses années, précisément la période de vacances des enfants. C?est débile !

MARIE (Vexée)
Débile, débile?Tu me traites de débile ? Que proposes-tu ?

MARC
Tout d?abord, je ne te traite pas de débile. J?ai dit que ta proposition était débile. Il y a plus qu?une nuance ! Ensuite, je te l?ai dit aussi, il suffit de leur expliquer très simplement : « Non, nous ne pouvons pas garder les petits, nous ne sommes plus jeunes, et c?est un gros travail»

MARIE
Et moi, je t?ai répondu: « Et nous ne verrons plus nos enfants » !

MARC
Si c?était le cas, ils seraient idiots. Or, ils ne le sont pas. Les sentiments sont indépendants des services que l?on peut rendre. D?ailleurs, il y a des solutions intermédiaires. Entre garder les enfants durant toutes les vacances, et ne jamais les garder, il y a le juste milieu. On peut garder les enfants de temps en temps, sans institutionnaliser la chose, non ?

MARIE
Tu m?énerves ! En tous cas, je n?en veux pas pendant les prochaines vacances.

MARC
Soit. D?ailleurs, je t?avais donné la solution : Nous ne pouvons tous les garder, donc nous n?en gardons aucun pour ne pas faire de jaloux.
Sonnerie de la porte d?entrée. Marc regarde sa montre ;

MARC
Il va être 20 heures. Qui cela peut il être ? En tous cas, je ne veux pas louper les informations, je vais les regarder dans la chambre. Il sort.

MARIE (Aux spectateurs)
Et voilà !! Les corvées, toujours pour moi ! Il ne faut pas déranger monsieur dans ses habitudes, mais que l?on me dérange, il s?en fiche !!
Elle sort pour aller ouvrir, et revient avec une jeune femme.

LA FEMME
Excusez-moi de venir vous déranger à cette heure tardive. Je suis vous le savez votre voisine du dessus.

MARIE
En effet, je vous connais de vue. Nous nous sommes rencontrées dans l?ascenseur.

LA FEMME
C?est exact. Et vous étiez avec vos deux petits enfants. Ils sont adorables. La petite fille avec ses longs cheveux blonds et fins, est à croquer.

MARIE
Merci. Que puis-je pour vous ?

LA FEMME
J?ai un petit problème, et en me souvenant de vos petits enfants, j?ai pensé que vous étiez la personne la plus à même de me comprendre.

MARIE
Je vous écoute.

LA FEMME
Voilà. Je ne vous le cache pas, je suis très gênée de venir vous demander ce service, mais cela représente tellement pour moi !

MARIE
Dîtes toujours, si c?est possible je le ferai volontiers, si c?est impossible, je vous le dirai très franchement.

LA FEMME
Merci de me mettre à l?aise. Je vous expose mon problème :
Mon mari, qui est extrêmement bien noté dans son entreprise, a gagné un voyage en Corse de 3 jours, pour deux personnes, à partir de lundi prochain. Il faut vous dire, qu?aller en Corse, est pour moi un rêve que je caresse depuis toujours. Et voilà, que d?une façon inattendue, et?.économique, ce rêve n?est plus impossible. Mais, voilà ; j?ai un fils que je ne peux emmener. Alors j?ai pensé, comme vous aimez les enfants que vous me garderiez peut être mon petit Thierry. Vous verrez, il est charmant, bien élevé, et ne vous donnera aucun tracas.

MARIE (Refreinant sa colère)
Je ne doute pas que votre petit Thierry soit un ange, mais je viens de refuser de garder mes propres petits enfants pour la durée des vacances, alors vous comprenez?..

LA FEMME
Oh, mais ce n?est pas la même chose : je n?ai qu?un fils, et ce n?est que pour quatre jours.

MARIE
Je vous en prie, n?insistez pas, c?est non.

LA FEMME
Mais vous savez, ce serait à charge de revanche. S?il fallait garder vos deux charmants petits enfants, je serais là. Songez madame, que c?est pour moi l?occasion unique d?aller en Corse. Jamais pareille opportunité ne se reproduira !
MARIE (Après un instant de réflexion)
Accepteriez-vous de garder les enfants de ma fille pendant les quinze jours des prochaines vacances ?

LA FEMME
Si vous me gardiez mon Thierry pendant quatre jours, ce serait avec plaisir.

MARIE (Après un autre temps de réflexion)
Vous savez que mon fils a également deux enfants ?

LA FEMME
Non. Je l?ignorais.

MARIE
Mes petits enfants aimeraient pouvoir passer les vacances ensemble tous les quatre, pouvez vous les garder pendant les vacances ? Et moi, je vous garderai votre fils durant votre voyage en Corse.

LA FEMME (Hésitante)
C?est que?..4 enfants pendant quinze jours, plus le mien?..C?est beaucoup?..

MARIE
Il est évident que pour la nourriture, nous vous donnerions ce qu?il faut?.

LA FEMME (Toujours hésitante)
Oui ? Mais 5 enfants pendant quinze jours??
(Se décidant) Mais j?ai tellement envie d?aller en Corse? D?accord, madame, je garderai vos petits enfants.. Nous partons Lundi matin de très bonne heure, alors si vous le voulez bien, je vous amènerai Thierry Dimanche soir.

MARIE
Vous êtes bien d?accord pour garder mes 4 petits enfants pendant quinze jours ?

LA FEMME
Je vous l?ai promis, Madame, c?est d?accord.

MARIE
Alors, c?est parfait
La femme sort, et le rideau tombe




ACTE 2




Le rideau se lève sur la même salle de séjour. Marc et Marie sont en scène, assis dans des fauteuils.

MARC
Je trouve ça insensé !! Tu ne veux pas garder tes propres petits enfants, et tu as gardé l?enfant d?une autre.

MARIE
Toi qui te piques de rationalité, tu devrais pourtant comprendre. Au lieu de garder 4 enfants durant quinze jours, j?en ai gardé un durant 4 jours. De plus, cet enfant est un amour et très bien élevé. C?est pourtant simple, non ?

MARC
Les mathématiques n?ont rien à voir ! As-tu réfléchi que pendant quinze jours, pendant que tu feras tes mots croisés, tu entendras courir au dessus de ta tête, tes propres petits enfants dont tu te seras débarrassée en les « fourguant » chez une voisine ? Tu ne seras pas très fière de toi.

MARIE
C?est un peu facile de juger les autres, quand soi même, on n?est pas en cause. Quand les enfants sont là, ça change quoi pour toi ? Rien !!! C?est toi qui fais les lits ? C?est toi qui fais les repas ? C?est toi qui veille à ce qu?ils fassent leur toilette ? Non ! Pour toi, rien n?est changé. Tu profites des bons côtés des enfants sans en avoir les inconvénients.
(Un temps)
Et puis, le petit Thierry, lui au moins, il est bien élevé.

MARC
Ah bon ? Et nos petits enfants, eux, ne sont pas bien élevés ?

MARIE
Si tu ne t?en es pas aperçu, c?est que tu es sourd et aveugle !

MARC
Ce sont des gosses. Tu ne peux leur demander d?être absolument parfaits.

MARIE
Oh ! La perfection, je ne la leur demande pas ! Mais simplement la politesse. Je sais bien que ce n?est pas la faute des gamins, mais le laxisme des parents me rend folle.

MARC
Allons, allons ! Tu exagères !

MARIE
J?exagère ? (Après une hésitation) Tiens ! Je n?osais pas te le dire, mais puisque tu ne veux rien voir?.
L?autre jour, sais tu ce qu?il m?a dit, Nicolas ?

MARC
Comment veux tu que je le sache, puisque je n?étais pas là ?

MARIE (Furieuse)
Hé bien, il m?a dit : Mamie, tu es une conne !!

MARC
Quoi ?

MARIE (De plus en plus furieuse)
Tu as bien entendu. Il m?a dit : Mamie, tu es une conne !

MARC
Pourquoi t?a-t-il dit ça ? Que lui avais tu dit ?

MARIE
Peu importe. L?important, c?est ce qu?il m?a dit, lui !
Alors, bien sûr, je lui ai donné une paire de claques. Sais-tu ce qu?a fait ta fille ? Elle est arrivée vers moi comme une furie, en criant : je t?interdis de toucher mon enfant !! Elle l?a pris dans ses bras, et??. après, sais tu ce qu?il a fait Nicolas ?

MARC
Comment veux tu que je le sache ? Je te le répète : Je n?étais pas là.

MARIE
Hé bien par-dessus l?épaule de sa mère, il m?a tiré la langue. Voilà ! Voilà comme on élève les enfants de nos jours. Je ne leur demande même pas le respect, mais simplement d?être polis. Comment veux tu que les gamins sachent ce qu?est la politesse, quant ils sentent qu?ils sont soutenus par leurs parents. On les encourage à dire n?importe quoi à n?importe qui.

MARC
Le fait est que si les choses se sont passées comme tu le dis?..

MARIE
C?est ça !! Traite-moi de menteuse !!!

MARC
Mais non, mais non. Je te crois. Comme toi, je pense que l?attitude de notre fille est inadmissible, et je lui en glisserai deux mots.

MARIE
Ne te contente pas de les glisser. Dis le lui carrément. Avec elle, il ne faut pas être trop subtil: Elle ne comprendrait pas !

MARC
Te voilà bien montée contre notre fille. Pourtant il y a une chose à laquelle tu devrais penser.

MARIE
Ah oui ? Laquelle ?

MARC
Tu reproches à notre fille d?être mal élevée, mais c?est nous qui l?avons élevée.

MARIE
Parce que c?est moi qui lui ai appris à ne pas être polie ? Jamais, jamais nos enfants n?auraient dit à ma mère : Tu es une conne !

MARC
Que veux-tu ? Les m?urs évoluent

MARIE
Belle évolution !! Alors tu voudrais que je garde un gosse qui me traite de conne ?
Sonnerie à la porte d?entrée. Marie sort pour aller ouvrir et revient avec Claire.

CLAIRE (Gaiement)
Bonjour vous deux. Ca va ?

MARIE
Non, ça ne va pas ! Nous parlions de toi justement.

CLAIRE
Ah bon ? Qu?est ce que j?ai fait encore ?

MARIE
Tu as pris la défense de ton fils qui venait de me traiter de conne ! Et ensuite, comme il a vu que tu l?approuvais, il m?a tiré la langue.

CLAIRE
Je n?ai pas vu qu?il te tirait la langue. En revanche, j?ai vu que tu lui faisais subir un châtiment corporel.

MARIE (Ironique)
« Subir un châtiment corporel !! » ! Je te jure !!! Je lui ai simplement donné une paire de claques, et il ne l?avait pas volée.

CLAIRE
Mais, tu ne te rends pas compte. En battant les enfants, on les traumatise à vie.

MARIE
Tu as reçu quelques bonnes paires de claques ! Te sens tu traumatisée ?

CLAIRE
Si tu trouves que j?élève mal mes enfants, c?est que tu m?avais toi-même mal élevée !

MARC (Souriant)
C?est justement ce que je lui disais?
.
MARIE
C?est ça ! Liguez-vous contre moi. Vous trouvez normal qu?un enfant dise à sa grand-mère qu?elle est une conne.

MARC
Bien sûr que non ! Mais ce qu?il faut comprendre, c?est que les mots n?ont plus tout à fait la même signification. De notre temps, traiter quelqu?un de conne, c?était une vraie injure. Aujourd?hui, ce mot a été tellement utilisé qu?il s?est usé, et c?est devenu une locution anodine.

MARIE
Je t?en ficherai des locutions anodines !!! Et tirer la langue à sa grand-mère, c?est anodin ?

CLAIRE
Ecoute maman, je connais bien mon fils. Tu avais du lui dire quelque chose qui avait du le blesser.

MARIE
Le blesser, le chérubin !!! Je lui avais simplement dit que comme toujours, il avait les oreilles sales. Et ça, tu ne peux le nier : Il ne se lave jamais les oreilles.

CLAIRE
Si je te disais que tu as les oreilles sales, tu n?aimerais pas, tu serais vexée, et tu réagirais. Hé bien les enfants sont comme nous. Aussi sensibles que nous.

MARC (Conciliant)
Vous n?allez pas poursuivre cette discussion pendant des heures.
(Se tournant vers sa fille)
Il faut avouer que Nicolas doit respecter sa Mamie, les grandes personnes en général, et ça, c?est toi qui dois le lui apprendre.
(Se tournant vers Marie)
Il est certain, qu?en disant qu?il avait TOUJOURS, les oreilles sales, il a été vexé, et il ne sait pas encore se maîtriser.
(Se tournant vers sa fille)
Où avez-vous prévu d?aller passer vos vacances ?
CLAIRE (Qui fait la tête)

Je ne sais plus?..On avait prévu d?aller au Maroc, mais, je crois que nous allons annuler notre voyage. Puisque vous ne voulez pas garder les enfants, je ne veux pas les confier à une bonne femme que je ne connais pas.

MARIE
Tu dis ça pour ma voisine ? Mais moi, je la connais cette jeune femme ! Elle est très bien ! Et son fils est bien élevé.

CLAIRE
Lui !

MARIE
Quoi lui ?

CLAIRE
Son fils est bien élevé, virgule, lui ! Puisque tu le penses, dis-le !

MARC
Vous n?allez pas recommencer !! Mais Claire, si tu ne veux pas confier les enfants à une femme que tu ne connais pas, il y a une autre solution !

CLAIRE
Ah oui ? Laquelle ?

MARC
Hé bien, emmenez les enfants avec vous !

CLAIRE (Un moment interdite)
Mais?Tu n?y penses pas Papa. !!! Nous voulons partir en vacances. Si on emmène les gosses, ce ne sont plus des vacances !

MARIE
Nous, nous vous emmenions !

CLAIRE
Vous?.. Vous??.Vous?.Vous faisiez ce que vous vouliez, et nous, nous faisons comme nous voulons. !

MARIE
D?accord, d?accord. Fais ce que tu veux. Et nous aussi, nous faisons ce que nous voulons. Nous ne voulons pas jouer aux gardes d?enfants.

CLAIRE (Furieuse)
Sauf quand il s?agit d?enfant des autres. D?accord, j?ai compris !
Claire sort sans dire au revoir.

MARIE
Voilà qu?elle est fâchée maintenant !!C?est ce que je voulais éviter.

MARC
Il faut avouer que tu n?as rien fait pour qu?elle ne le soit pas.

MARIE
J?aurais du céder ? J?aurais du lui dire qu?on gardait les enfants durant 15 jours ?

MARC
Non, mais tu aurais pu lui expliquer. Lui dire que nous n?étions plus si jeunes. Que pour garder des enfants deux ou trois jours, nous étions d?accord, mais que deux semaines, c?était trop long?.

MARIE
Et voilà !!! C?est encore moi qui ai tort !!

MARC
Je ne dis pas que tu as tort sur le fond, mais, c?est vrai, tu aurais pu y mettre les formes. Enfin, ne te fais pas de mauvais sang, Elle est furieuse parce que ses vacances sont compromises, mais elle trouvera une solution, et ne restera pas fâchée longtemps.
On sonne à la porte d?entrée.

MARC
Tiens ! C?est peut être Claire qui revient pour s?excuser.
Marie sort et revient avec Denis, son fils.
DENIS (L?air soucieux)
Bonjour Papa. Comment vas-tu ?

MARC
Ca va. Mais il semble qu?il n?en soit pas de même pour toi. Tu as des ennuis ?

DENIS
Oui. Ce sont les enfants..

MARIE (Vivement)
Ils sont malades ?

DENIS
Oh non ! Ils ne sont pas malades. On peut même dire qu?ils pètent le feu !

MARC
Et alors ?

DENIS
Je me sens nul ! Je ne sais pas comment m?y prendre. Lorsque je parle avec leur mère, ils interviennent dans la conversation avec des airs sentencieux, comme si eux savaient et que nous étions des crétins?D?ailleurs ils nous le disent carrément. Serge, ce matin m?a dit que j?étais débile. Vous vous rendez compte. « Papa, tu es débile » J?ai tout essayé : D?être un copain compréhensif, d?être un père qui veut se faire respecter, rien n?y fait : Ils sont impossibles !!

MARC
C?est précisément parce que tu changes d?attitude à leur égard qu?ils ne te respectent pas. Tu n?es pas un de leur copain. Tu es un père !!! Tu dois être juste, mais ne pas osciller entre des positions différentes. Comment veux tu qu?ils respectent un père variable, tantôt gentil et copain, tantôt croquemitaine, parce que c?est certain, même inconsciemment tu dois exagérer dans les deux sens, et ils ne sont pas fous, les gamins, ils sentent bien ton indécision.

MARIE
Si ça peut te consoler, Nicolas m?a traité de conne !

DENIS (Soulagé)
Ah ? Il t?a traité de conne ?

MARIE
Oui, et cela semble te faire plaisir !

DENIS
Non ! Bien sûr que non ! Mais enfin, je constate que je ne suis pas le seul à avoir des problèmes avec mes enfants ! Et puis, j?y songe, papa, ton hypothèse ne tient pas. Tu m?avais dit que l?attitude de Serge s?expliquait par le fait que je change d?attitude à son égard. Or ma s?ur, elle, est toujours maman poule, et elle ne réussit pas mieux que moi.

MARC
Les changements d?attitudes sont des circonstances aggravantes, mais le fond du problème, c?est que les parents doivent rester des parents, et ne jamais se considérer comme des copains qui discutent d?égal à égal avec leurs enfants.

DENIS
Mais alors, que faut-il faire ?

MARC
Il faut partir du principe que les enfants ne sont pas idiots, et qu?ils ressentent bien les choses. Il faudrait que tu aies une sérieuse explication avec tes enfants ; tu leur diras que chacun doit rester à sa place. Les parents ont pour mission d?élever leurs enfants, et les enfants doivent leur obéir dans leur propre intérêt.
Il faut que tu attires leur attention sur le fait que sans les parents, les enfants ne pourraient pas vivre : Ils n?auraient pas de maison, pas de repas, et rien de tout ce qu?ils estiment nécessaires.
Après cette conversation, il faudra que tu veilles à ce qu?ils te respectent. Au moindre manquement, il faudra une sanction. Selon la gravité, tu les priveras d?un dessert, tu refuseras de leur payer quelque chose dont ils ont envie, enfin, tu feras en sorte qu?ils se rendent compte qu?ils sont perdants s?ils ne te respectent pas.

DENIS
Tout cela est bien joli, papa. Il est facile de dire : Fais ceci ou cela, mais le faire vraiment, c?est autre chose. Je ne suis pas sûr de moi. Vous ne pourriez pas, maman et toi prendre Serge quelques jours, pour bien lui expliquer les choses. Ensuite, je crois que je pourrai le sanctionner s?il sort des rails.

MARIE ( ébranlée par la réprobation de son attitude passée)
Je crois que ton père a raison. C?est comme cela que tu pourras redresser la situation. Il sera d?ailleurs plus facile d?expliquer les choses à Serge qu?à Nicolas. Et surtout, dans le cas de Nicolas, les parents ne se rendent pas compte qu?ils sont dans l?erreur, et dans ces conditions, on ne peut rien faire.
Je te propose une chose. Durant les vacances, tu nous donneras Serge, tout seul. Tout seul, ça devrait aller. Si nous parvenons à le redresser, il influencera obligatoirement sa s?ur. Mais surtout, après être passé chez nous, il ne faudra pas que tu lui fasses ses quatre volontés. Reste ferme, et n?hésite pas à sévir. D?accord ?

DENIS
D?accord ! Merci maman, merci papa, je vous amènerai Serge vendredi soir. Je suis certain que Brigitte sera heureuse que vous vouliez bien nous aider
Denis embrasse sa mère et son père et sort. Marc et Marie restent seuls en scène.

MARC
C?est une rude tâche que nous nous mettons sur le dos. Tu es sûr de réussir ?

MARIE
Non, et toi ?

MARC
Moi non plus

Le rideau tombe.


















ACTE 3








Le rideau se lève sur le même décor Marc et Marie sont en scène

MARIE
Tu as bien expliqué à Serge pourquoi il devait respecter ses parents ?

MARC
Oui, bien sûr je lui ai expliqué?mais il n?était pas d?accord avec moi.

MARIE
Comment ça, pas d?accord ? Un gosse de 12 ans ?

MARC
Il n?a peut être que 12 ans, mais il ne raisonne pas mal. Il estime que ses parents ont des devoirs envers lui, mais que lui n?en a pas envers eux, parce qu?il n?avait rien demandé. Ce sont les parents qui décident d?avoir des enfants, et pas les enfants qui décident d?avoir des parents.

MARIE
Il n?a pas pu trouver ça tout seul ! On a du le lui souffler. Qui cela peut il être ?

MARC
Je suis d?accord avec toi. On le lui a soufflé. Et ce n?est pas la peine d?aller très loin pour savoir qui lui a mis cette idée en tête.

MARIE
Tu penses à mon frère Yannick ?

MARC
Qui d?autre ? Bien sûr que c?est Yannick. Ce soixante huitard attardé qui n?a pas voulu d?enfant, et qui prend un malin plaisir à monter les enfants contre leurs parents. Il a de l?argent, il fait des cadeaux à ses nièces et neveux, et il leur dit qu?ils ne doivent rien à leurs parents, qu?ils sont des personnes à part entière, alors, tu parles si les gosses le trouvent formidable, l?oncle Yannick !!

MARIE
Et alors ? Qu?as-tu répondu à Serge ?

MARC
Je lui ai dit : Tu reproches à tes parents d?être en vie ? Tu préférerais être mort ? Alors, il a réfléchi un long moment et m?a répondu :
Je reproche à mes parents de m?avoir donné la vie, ce qui fait qu?il faudra que je meure, alors que si je n?étais pas né, je n?aurai pas à mourir.

MARIE
Il est intelligent ce petit. Tu lui as dit quoi ?

MARC
Que voulais-tu que je lui dise ? Comme toi ! Je lui ai dit qu?il était intelligent et qu?il aurait été dommage qu?il ne soit pas né. Et c?est lui qui a eu le dernier mot. Il m?a dit : Puisque je suis intelligent, qu?on me fiche la paix, et faire ce que je veux.

MARIE
Zut ! C?est raté, notre tentative pour le remettre dans le droit chemin. Mais quand même, il est surdoué mon petit fils !

MARC
C?est aussi le mien?mais, chut, il dort encore, il ne faut pas le réveiller.
On sonne à la porte d?entrée

MARIE
Zut !!! Quel est le crétin qui vient si tôt ? Il va me le réveiller.
Elle sort et revient avec Denis

MARIE
Il dort encore. J?espère que tu ne l?as pas réveillé.

DENIS (Il embrasse son père)
Bonjour papa. Alors, vous croyez pouvoir arriver à quelque chose avec mon garnement ?

MARC
Je ne te cache pas que ce sera difficile. Cet enfant est intelligent et a réponse à tout.

DENIS
Qu?allons-nous faire de lui ?

MARC
Si tu veux mon avis, ni toi ni moi ne ferons quelque chose pour lui. Mais il se chargera tout seul de devenir quelqu?un.

DENIS
Pourtant, il faut bien lui donner une éducation qui lui servira dans la vie.

MARC
Sur le plan général, il faut élever les enfants, au sens littéral : c?est-à-dire, les faire monter au moins jusqu?à nous. Mais pour Serge, c?est inutile : Il est déjà à notre hauteur?.Si ce n?est pas au dessus.

DENIS
Ca veut dire quoi ? Qu?il serait?.surdoué ?

MARC
Je n?en sais rien. Mais si c?est le cas, il faut le plaindre, car les surdoués sont rarement heureux.

DENIS
Tu penses que les enfants qui injurient leurs parents sont des surdoués ? Nicolas en serait un aussi ?
MARC
Non, je ne le crois pas. Mais sur ce plan, les très intelligents et les très bêtes se ressemblent.

MARIE
Tu es en train de dire que Nicolas est un crétin ?

MARC
Il faut avouer qu?il n?est pas très intelligent ce gamin.

DENIS
Alors c?est sans issue ! Les uns sont trop intelligents, et les autres trop bêtes pour comprendre qu?il faut respecter ses parents ?

MARC
Malheureusement c?est la conclusion à laquelle je suis arrivé.

DENIS
Donc, essayer de les éduquer ne sert à rien ?

MARC
Je n?ai pas dit ça ! Il y a tous les autres. Les enfants normaux, qui sont plus malléables, et auxquels on peut inculquer quelques principes de vie en société.

MARIE
Si ce que tu dis est vrai, nous n?avons pas de chance ! Sur quatre nous en avons deux avec lesquels il n?y a rien à faire ?

MARC
Sans compter que les deux autres subiront les exemples de Serge et de Nicolas. Ajoute à cela l?influence pernicieuse de Yannick?..je suis très pessimiste.

DENIS
C?est bien beau, tout ça ! Mais je fais quoi, moi, avec mes gosses ?

MARIE
Moi, je crois que surdoués ou pas surdoués, les enfants restent des enfants, et les parents des parents.

MARC
Et j?ajoute que l?homme, est un individu social. Il ne peut vivre qu?en société. Or une vie en société n?est possible que s?il y a des règles et qu?elles soient respectées. Les enfants doivent respecter leurs parents, c?est une loi naturelle, mais l?enfant ne la comprendra cette loi, que si l?on se montre juste, mais exigeants envers eux. Reprends ton rôle de père, et ne l?abandonne jamais, même un court instant. C?est la seule chance de voir revenir l?ordre naturel.

DENIS (Pas convaincu)
Ouais ! Ce sont de jolis mots, mais en réalité, ce n?est pas toujours facile. Tiens ! Je te donne un exemple.
Il y a deux ou trois jours, nous regardions la télévision. Il était question d?un accrochage qu?il y avait eu en Afghanistan entre des troupes américaines et des Talibans.
J?ai dit alors : Ce sont des barbares, ces Talibans, mais ils savent se servir des armes modernes. Et savez-vous ce qu?il m?a répondu Serge ?

MARC
Non. Il ne doit rien connaître à ce problème !

DENIS
Tu vas en juger. Il m?a répondu : « C?est bien fait pour les Américains. Ce sont eux qui ont armés les Talibans pour qu?ils fichent les Russes dehors »

MARIE
Et c?est vrai, ça ?


MARC
Oui, c?est vrai. Mais comment peut-il savoir ça ?

MARIE
En tous cas, ce n?est certainement pas mon frère Yannick qui le lui a dit !

DENIS
Je ne sais pas où il a appris ça, et à la limite, je m?en fiche. Mais que veux-tu répondre à un gamin de 12ans qui vient te parler de politique internationale?.et dit la vérité ? Qu?il doit se taire, et ne prendre la parole qu?avec mon autorisation ?

MARC
Il est certain que Serge est un cas à part.

DENIS
Mais ce cas à part, c?est la moitié de mes enfants, et si je le traite différemment de sa s?ur, cette dernière qui n?est pas idiote non plus, s?en rendra compte, et me trouvera injuste

MARC
Je reconnais que ton cas est difficile. Ecoute ! Nous allons le garder encore quelques jours, et je vais lui parler à nouveau. Je vais lui expliquer qu?il est intelligent mais que pour vivre en société, il faut une hiérarchie, même si elle ne correspond pas toujours aux valeurs des individus?.Enfin, je vais essayer de lui parler.

DENIS
Bon. Je vous laisse. Merci pour vos efforts. Je me demande si je ne devrais pas aller voir un psy
MARC

Tu fais ce que tu veux. Mais tu sais ce que je pense des psys. Ce sont des toubibs malades qui ont étudié leur propre maladie, sans pouvoir la guérir...

DENIS
Je suis un peu d?accord avec toi. Mais je suis bien embêté.
Denis embrasse son père et sa mère et sort.
Un court moment de silence, rompu par la sonnerie du téléphone
. Marie va décrocher, tout en disant ;

MARIE
J?espère que cela ne va pas réveiller Serge. Allo ?
???????..
Marie écoute un long moment. Elle bouche la partie émettrice de l?appareil et dit à Marc

MARIE
Va voir si le petit est réveillé.
Marc sort.
Elle écoute encore un bon moment, et finit par dire

MARIE
Ce n?est pas possible ! Je te rappellerai !
(Elle raccroche. Marc revient en scène. Marie parait soucieuse)

MARC
Le petit dort comme un ange. Il est vraiment beau ce gamin.
Il s?aperçoit que Marie est préoccupée.

MARC
Que se passe-t-il ? C?était qui cet appel ?

MARIE
C?était Claire.

MARC
Oui, et alors ? Que se passe-t-il encore ?

MARIE
Il se passe que Nicolas lui a dit : « Tu me fais ch? » Alors, cette fois, elle trouve que cela fait trop. Elle pleurait au téléphone et m?a dit que nous avions raison : Elle n?a pas su élever ses enfants, elle est une mauvaise mère, bref, elle culpabilise, et m?a demandé de prendre Nicolas avec nous

MARC
Pas question. Je m?oppose à ce que nous intervenions encore dans ce problème d?éducation des enfants. Avec Serge, nous ne sommes pas brillants ! Voyons les choses en face : Nous ne sommes pas capables de savoir ce qu?il faut faire de nos jours.
Je vais donner un dernier conseil à nos enfants, et ils en feront ce qu?ils voudront.
J?en avais déjà parlé à Denis, mais il faudrait aller plus loin et proposer une vraie expérience.
Que les parents et les enfants de chaque famille se réunissent et posent le problème.
Les parents diront que depuis des millénaires, les parents sont chargés d?élever leurs enfants et de pouvoir à leurs besoins. Il semble que les jeunes pensent que cette période est révolue. Les parents proposeront alors de ne plus rien imposer aux enfants, mais qu?en retour, les enfants se débrouilleront seuls.

MARIE
C?est idiot ton truc. Les enfants n?ont pas d?argent, et ne peuvent subvenir à leurs besoins.

MARC
Laisse-moi terminer. Dans leur grandeur d?âme, les parents mettront à la disposition des enfants, une somme d?argent mensuelle, et qu?ils se débrouillent pour manger, faire leurs courses, leur lavage, etc

MARIE
Mais ce n?est pas possible !! Ils sont bien trop jeunes !

MARC
Précisément, c?est de cela qu?il faut qu?ils prennent conscience, et seule une expérience réelle pourra les convaincre.
Je vais chez Denis, puis chez Claire, pour leur donner ce dernier conseil, et comme je te l?ai dit, ils feront ce qu?ils voudront
Quand à nous, nous allons passer une quinzaine de jours sur la côte d?azur. Cela nous changera les idées, et nous laisserons les enfants et les petits enfants se débrouiller entre eux. Tu prépares les valises pour demain.

MARIE ( toute heureuse)
Tu parles !!! Je m?y mets tout de suite !!!
(Marc sort, et le rideau tombe.)








ACTE 5






Le rideau se lève sur le même décor. Seule, Marie est en scène. Elle est au téléphone, et ne cesse de répéter

MARIE
Ah, ça, alors !! Ah, ça alors, Ah ça alors !!!
(Marc entre et écoute un instant les exclamations de sa femme)
MARIE (Au téléphone)
Bon. Je te rappelle dans la soirée.
(Elle raccroche, et continue)
MARIE
Ah, ça alors !! Ah ça alors !!

MARC (Souriant)
Le disque est rayé ? Que se passe-t-il ?

MARIE
Ah, ça alors !! Figure-toi?. C?était Denis !

MARC
Oui, et alors ?

MARIE
Il y a une quinzaine de jours, avant notre départ dans le midi, tu étais allé chez lui pour lui donner un conseil, tu t?en souviens ?

MARC
Bien sûr. Et je lui avais dit, ainsi qu?à sa s?ur, qu?en dehors de ce conseil, nous ne voulions plus intervenir dans l?éducation des gosses. Alors ? Il t?a dit où ils en étaient ?

MARIE
C?est-à-dire?.Pas précisément. Mais il m?a dit : Je te téléphone à la demande de Serge..

MARC
De Serge ? Et Serge ne pouvait pas téléphoner lui-même ?

MARIE
Non, justement Il est débordé. Comme c?est lui qui tient la maison avec sa s?ur, et qu?il a décidé de continuer ses cours, il n?a pas un moment à lui.

MARC
Tu ne veux pas me dire, qu?ils ont proposé ma suggestion aux petits et qu?ils ont accepté ?

MARIE
Si, justement !! Ce sont les petits qui dirigent tout. Ils s?occupent entièrement de la maison, et Denis vient nous voir, pour nous expliquer ce qui s?est passé.

MARC
Que t?a dit Denis exactement ?

MARIE
Il m?a dit ce que je viens de te dire : Désormais, ce sont les enfants, Serge et sa s?ur qui dirigent la maison, et ton fils trouve que c?est très bien et que cela marche parfaitement

MARC
Tout d?abord, mon fils est un peu le tien, ensuite, cela veut dire quoi » dirigent la maison » ?

MARIE
Je n?en sais pas plus que toi, mais j?ai cru comprendre que désormais, les enfants tiennent le rôle des parents, en s?occupant entièrement des problèmes d?intérieur, et les parents, ne font plus rien, ils sont comme les enfants de leurs enfants.

MARC
C?est un peu jeune pour retomber en enfance. Quand je leur avais conseillé de proposer cette expérience à leurs gosses, je pensais qu?au bout de quelques jours, les enfants se rendraient compte que sans leurs parents, ils auraient une vie très difficile pour ne pas dire impossible.
Il est vrai que Serge, n?est pas un enfant comme les autres. Je pense qu?il est surdoué ce gamin, et d?un surdoué, il est difficile de prévoir les réactions.

MARIE
Il est certain que Serge est très intelligent, mais de là, à pouvoir s?occuper complètement d?une maison, il y a un pas que je ne peux accepter de franchir !

MARC
J?avoue que je n?y crois pas beaucoup non plus. D?accord, il est aidé par sa s?ur de 10 ans qui, elle non plus, n?a pas les deux pieds dans le même sabot, mais quand même !!!

MARIE
Enfin, nous allons savoir, puisque Denis vient tout de suite. En tous cas, je peux te dire qu?au téléphone, il n?avait pas l?air malheureux du tout et qu?il est très satisfait de la façon dont tournent les choses. D?ailleurs avant de raccrocher, lorsqu?il m?a dit qu?il venait nous expliquer, il m?a dit : « Je vais féliciter et remercier papa, son idée était géniale »

MARC
Oui ! C?est bien joli, mais tout ça me fiche la frousse ! J?ai peut être commis une énorme erreur.

MARIE
Mais puisque je te dis qu?il est très heureux !

MARC
S?il est heureux, ce n?est pas normal ! Il aurait donc abdiqué tous ses droits et devoirs parentaux ?

MARIE
Oh, écoute ! Tu te mêles de donner des conseils, et quand tes conseils sont suivis, tu te plains. Tu n?es pas très logique !
(Sonnette de la porte d?entrée)
Tiens, on va savoir, voilà Denis.
(Marie sort et revient avec Denis)

DENIS
Bonjour papa, je tenais à te remercier.

MARC
Oui, bon, raconte d?abord, nous verrons ensuite si tu dois me remercier.

DENIS
C?est tout vu.
Comme tu me l?avais conseillé, j?ai fait une réunion familiale, avec Brigitte, Denis et sa s?ur Lise. J?avais pris un ton solennel pour dire.
« Votre mère et moi essayons de vous élever le mieux que nous pouvons. Vous semblez penser, en tous cas, vous nous dites que nous sommes débiles, que vous n?avez pas à nous respecter parce que vous n?aviez pas demandé à venir au monde, bref que nous sommes des parents nuls.
De tous temps, les parents ont eu autorité sur leurs enfants, dont ils étaient chargés de faire l?éducation. Vous semblez estimer que les temps ont changé et qu?il n?en est rien. Est-ce exact ?
Serge m?a répondu que pour une fois, j?avais bien analysé la situation. J?ai mis un moment avant de me remettre de cette remarque, mais j?ai pu continuer un instant plus tard.

Donc, leur ai-je dit, je vous propose d?échanger les rôles. Vous remplirez toutes les tâches dévolues normalement aux parents, et vous vous occuperez de nous. Votre mère et moi nous engageons à vous laisser faire, sans remarques désobligeantes. Qu?en pensez-vous ?
C?est Lise qui me répondit avec son petit air sérieux : Moi, je suis d?accord, mais il y a un problème d?argent. C?est toi papa qui le gagne. Tu devras nous donner de quoi faire tourner la maison. Serge a alors complété la réponse de sa s?ur : je pense que cela sera mieux comme ça. Lise a raison, pour l?instant c?est papa qui gagne l?argent. Il verser les ¾ de son salaire. Par ailleurs, il va falloir que maman se mette à travailler. Je vais m?occuper à lui trouver un emploi. Elle aussi versera les ¾ de son salaire, pour la maison, et avec le reste, vous pourrez acheter vos vêtements, et vous offrir ce que vous voudrez.
Brigitte, qui était à la cuisine quand je l?avais appelée pour la réunion, a symboliquement enlevé son tablier et le remis à Serge, qui très sérieusement l?a donné à sa s?ur.
Je dois dire que j?étais très étonné par la tournure des évènements, mais j?étais certain que cela ne durerait pas.
J?avais tort Cela fait quinze jours que cela dure, et tout marche pour le mieux. Serge a trouvé pour Brigitte une place de secrétaire chez un dentiste, les enfants, tout en continuant à aller à l?école, s?occupent de tout à la maison : courses, repas, lavage, repassage. Le matin, quand nous nous levons, Brigitte et moi, les bols de notre petit déjeuner sont prêts, ainsi que le café et les toasts. Bien sûr, conformément à mon engagement, je ne fais absolument aucune réflexion aux enfants. Je dois dire que Serge s?en tire même mieux que moi. Il a fait de savants calculs aux termes desquels, il a décidé que nous changerions de voiture en Juin.
Je n?en reviens pas, mais notre système donne satisfaction à tout le monde.
Merci encore papa, tu as été génial, et je comprends, maintenant, que les choses ont changé, et qu?il serait ridicule de s?arque bouter sur d?anciennes méthodes. Les choses vont très vite, trop vite pour des adultes, seuls les enfants peuvent suivre, et nous devons simplement les suivre.
(Serge regarde sa montre)
Zut ! Déjà !! Je voulais vous tenir au courant et vous remercier?Il faut que j?y aille?.J?ai invité Brigitte au cinéma?Alors d?accord pour le déjeuner de Dimanche ? Serge compte sur vous !
Il embrasse son père et sa mère et sort.
MARC
Ca alors ! ca alors !!

MARIE
Je ne te le fais pas dire !! Serge, 12 ans invite ses grands parents à déjeuner, il a décide de changer la voiture familiale en Juin?

MARC
Il a estimé que sa mère devait travailler, et lui a trouvé un job en quelques jours, quand à son père, il invite sa femme au cinéma, pendant que les enfants tiennent la maison.

MARIE
Mon pauvre vieux ! Nous sommes complètement largués !!

MARC
J?aimerais bien savoir?..
Sonnerie de la porte d?entrée 3 coups brefs.

MARIE
Tu aimerais savoir si pour Claire c?est la même chose ? Tu vas le savoir ! Trois coups de sonnette, c?est elle !
Marie sort, va ouvrir et revient avec Claire, qui se précipite sur son père pour l?embrasser

CLAIRE
Mon petit papa, tu es génial !!! Merci, merci mille fois !!

MARC
Ah bon ! Toi aussi !

CLAIRE
Quoi, moi aussi ?

MARC
Toi aussi, tu es contente du conseil que je t?ai donné avant de partir sur la côte avec ta mère ?

CLAIRE
Pour être contente, je le suis ! Je suis même enthousiasmée ! Tu es un fin psychologue ! Mais tu m?as demandé si j?étais contente « moi aussi », mon frère a eu les mêmes résultats avec ses enfants ?

MARC
Il semblerait. Mais je n?aurais jamais cru?

CLAIRE
Chez nous, en une semaine, l?affaire a été pliée.
J?ai fait ce que tu m?avais conseillé : J?ai provoqué une réunion familiale, avec Robert, et les deux enfants Nicolas et Martine, et je leur ai dit :
Vous nous insultez sans arrêt, et vous estimez que nous ne sommes pas à la hauteur comme parents. Vous n?êtes pas heureux. Nous non plus. Qui a tort ? Qui a raison ? Je vous propose de faire une expérience. Puisque papa et moi ne disons que des bêtises, nous ne vous ferons plus aucun reproche, et vous, vous allez faire ce qui était fait par nous jusqu?à maintenant. Vous vous occuperez de la maison, des repas, etc. Vous tiendrez notre rôle, et nous, nous vous laisserons faire. Nous verrons bien si ça marche mieux comme ça. D?accord ?
Youpi ! A crié Nicolas ! Pour commencer, nous n?allons plus en classe ! D?accord Alice?
Bien sûr la petite a été d?accord, et j?ai du faire un certificat à chaque gosse, pour expliquer à l?école qu?ils avaient la scarlatine et seraient absents durant 15 jours. Nicolas m?a dit : Nous serons toujours tranquilles pendant 15 jours, après on verra.
J?ai demandé à Robert de venir faire un tour, pendant que les enfants préparaient le déjeuner.
Nous sommes revenus à midi pile.
Le repas se composait de nouilles (pas très cuites et trop salées) et de fruits.
Nicolas m?a alors expliqué qu?il avait oublié de me demander de l?argent, et que c?était normal que j?en donne, puisqu?ils étaient chargés de tout. J?ai donc mis de l?argent dans un portemonnaie à leur disposition, pour les 15 jours à venir.
Les jours suivants, les enfants ont fait d?interminables parties de Monopoly, de cartes, de scrabble, en mangeant des tonnes de bonbons. Pendant 3 jours, ils ne sont pas lavés une seule fois. Chaque repas était identique au précédant : Nouilles et fruits
Le quatrième jour, Alice a commencé à me dire qu?elle n?avait plus de culotte propre, je lui ai dit de régler la question avec son frère.
Le lendemain, Nicolas est venu me demander si je pouvais exceptionnellement faire un repas : Il en avait marre des nouilles. Je lui ai dit que cela ne rentrait pas dans mes attributions.
Si vous aviez vu la maison au bout d?une semaine !!! Une vraie porcherie. La cuisine était pleine de vaisselle sale, il y avait des jeux qui trainaient partout, des papiers de bonbons, bien sûr les chambres et les lits n?avaient jamais été faits depuis une semaine, et je dois dire que Robert et moi étions sur le point de craquer.
Il y avait donc 7 jours que la nouvelle gouvernance était en place. Robert et moi étions dans le salon : Lui lisait le journal et moi je faisais des mots fléchés, quand nous avons vu arriver les deux gamins dont Nicolas était le porte parole.
Voilà, dit-il. Nous avons discuté avec Alice. Ca ne marche pas très bien comme ça. Nous sommes d?accord pour revenir comme avant.
Comme avant, lui ai-je répondu, il n?en est pas question !!!! A la rigueur nous pourrions chacun reprendre nos places, mais à une condition, c?est que chacun reste à sa place. Votre père et moi, nous voulons bien reprendre les choses en main, mais vous devrez nous obéir, ne plus nous insulter, bref, être des enfants normaux, comme nous serons des parents normaux.
Ils m?ont donné leur accord, et pour donner plus de solennité à leurs engagements, ils ont gravement craché par terre.
Je leur ai dit que pour commencer, ils reprenaient l?école dés le lendemain. Alice d?une petite voix, m?a avoué que ses amies lui manquaient.
Depuis, je ne pense pas qu?il y ait en France, ou même dans le monde, une famille aussi harmonieuse que la notre.
Jamais je n?ai été aussi heureuse de faire du ménage, et pourtant je vous prie de me croire, j?ai eu un travail fou ! C?est dingue comme en une semaine, des enfants livrés à eux-mêmes peuvent faire de dégâts. Nous ne nous montrons pas exagérément autoritaires, mais l?un comme l?autre, obéissent au doigt et à l??il.
Merci encore, papa. C?est toi qui avais raison. Ils se sont rendus compte par eux-mêmes que chacun devait rester à sa place, ils sont heureux et nous aussi.
Claire regarde sa montre
Je voulais vous tenir au courant et vous remercier, maintenant il faut que je rentre, j?ai promis aux enfants de leur faire un repas particulièrement soigné, pour l?anniversaire d?Alice. 10 ans, ça compte !
Claire va embrasser ses parents et sort.
(Un très, très long silence)

MARC
Ah ça, alors !!

MARIE
Ma parole, c?est devenu notre ritournelle préférée ! Ah ça alors !!

MARC
En tous cas, mon conseil n?était pas idiot. J?ai tout arrangé dans les deux familles.

MARIE
Chez Claire, d?accord, les choses vont bien, mais tu appelles ça, arrangé, le fait que chez Denis, ce sont les gamins qui font marcher la baraque ?

MARC
Puisque ça marche que veux-tu de plus ? Comme l?a dit Claire, je suis un fin psychologue.

MARIE
Fin psychologue, fin psychologue ! Je t?en ficherai !!! Tu me vois dire à mes amis, que chez mon fils, ce sont les enfants qui font la loi. C?est absolument ridicule. C?est insupportable ! En fait de fin psychologue, tu es un crétin !!
Marie sort furieuse
Marc reste seul en scène et murmure

MARC
Et voilà ! Je suis parvenu à raccommoder deux familles et je bousille la mienne !!
Un temps
Je n?ai qu?une chose à faire : Aller demander conseil à un sage.
Je vais téléphoner à Serge !


Le rideau tombe



FIN
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