Ecriture-Lecture




DIFFERENCE D\'AGE



DIFFERENCE D?AGE



PERSONNAGES



PAUL RAMADE 65 ans le grand père
DENIS RAMADE 43 ans son fils
HELENE RAMADE 42 ans femme de Denis
LISBETH RAMADE 15 ans fille de Denis et Hélène
AGNES CHALE 25 ans

Le rideau se lève sur une pièce à vivre rustique, faisant cuisine, salle à manger. Table en bois avec de chaque coté des bancs en bois. Dans une grande cheminée un feu brûle, et c?est devant cette cheminée que se trouvent les seuls sièges confortables, qui d?ailleurs jurent avec le reste de l?ameublement. Nous sommes visiblement dans une maison de campagne. Denis et Hélène sont seuls en scène. Assis sur les bancs, de part et d?autre de la table, ils écossent des petits pois. Un long moment de silence, puis Denis se lève brusquement jette sur la table une poignée de petits pois non écossés, et crie :
DENIS
Non, non, et non !!! Je n?admets pas !!Mais enfin, c?est ridicule, c?est un vieillard ! et elle c?est une jeune fille de 25 ans, qui ne fait même pas son âge, belle comme le jour, intelligente et gaie??
HELENE
Je me demande si c?est la différence d?âge qui te gêne ou bien le fait qu?elle soit jeune et jolie. Tu es jaloux de ton père.
DENIS ( haussant les épaules)
Jaloux de mon père !!!! C?est n?importe quoi !! Elle pourrait être ma fille !
HELENE
Justement. Elle pourrait être ta fille, et au lieu de te contenter de le dire, il serait mieux que tu y penses sérieusement.
DENIS
Voilà bien la logique féminine !! Elle est trop jeune pour moi, mais pas pour mon père !!
HELENE
Mais la situation est toute différente !! Toi tu es marié, alors que ton père est veuf et libre. Il a le droit d?aimer une femme qui elle-même semble amoureuse de lui.
DENIS ( qui ne rit pas)
Ne me fais pas rire !! A mon avis, elle est amoureuse de sa grosse retraite et de ses biens. Et c?est tout.

HELENE
As-tu la moindre preuve de ce que tu dis ? Agnès n?est pas une femme intéressée. La preuve, elle a dit à plusieurs reprises qu?elle voulait continuer à travailler. Si elle était intéressée, elle s?arrêterait de travailler et profiterait de l?argent de ton père.
DENIS
Je t?ai dit qu?elle était intelligente, alors évidemment, jusqu?au mariage, elle se tiendra à carreau, mais après, tu verras.

A ce moment là, on entend une porte s?ouvrir et peu après, Paul Ramade, le grand père entre . Bien conservé, joyeux actif.
PAUL
Bonjour les enfants, ça marche ? Oh mais je vois que vous écossez des petits pois. Vous auriez du m?appeler : A un de plus, ça va plus vite.
Il s?installe où était Denis et commence à écosser.
PAUL
Alors, mon fils, on est paresseux !! Tu ne nous aides pas ?
DENIS ( bougon)
J?ai fait ma part, je te laisse la suite.
PAUL
Qu?est ce que tu as ? Tu ne sembles pas en forme.
DENIS
Toi en revanche, tu parais être en pleine bourre !!!
PAUL
Cela semble t?embêter ?
DENIS
Oh, non ! que tu sois en pleine forme me fait plaisir. Quand cela te permet d?écosser des petits pois, c?est même bien.
Un moment de silence.
PAUL
Bon !!!. Et si nous crevions l?abcès ? Je sais que mon projet de mariage avec Agnès te chagrine. Je vais essayer de te rassurer. Tu es et tu resteras mon héritier. Agnès, qui est le désintéressement personnifié m?a expressément demandé que nous établissions une contrat de séparation de biens.
Je vais même te dire autre chose, Paul, Agnès n?a pas besoin de se montrer intéressée, puisqu?elle a une petite fortune personnelle qui vient de son parrain.
Voilà. Les choses sont claires.
DENIS
Claires ? Pas tellement. Elle a vingt cinq ans n?est ce pas ?
PAUL
Oui. Et moi, soixante cinq. Notre couple aura une moyenne de 45 ans et demie, le votre est donc aussi vieux. Hé oui ! que vous le vouliez ou non, nous sommes aussi jeunes que vous !
DENIS
Mais cela n?a rien à voir !! Tu es de mauvaise foi !Un couple ne se calcule pas à la moyenne !
PAUL
Bon. Je vois qu?il est nécessaire de te donner une argument irréfutable. Alors , voilà, je te l?offre :
Je fais ce que je veux, et ce que tu penses, je m?en fous éperdument. Comme ça, c?est clair ?
Denis, furieux, sort de la pièce.
HELENE
Excusez le, Papa. Votre fils est un peu vieux jeu. Mais moi, je vous comprends très bien et je vous approuve. Si vous vous aimez mutuellement, pourquoi ne pas en profiter ?
PAUL
J?ai toujours pensé que mon crétin de fils ne vous méritait pas .
HELENE
Ne dites pas ça !! Denis est plein de qualités, mais, c?est vrai, il est un peu vieux jeu. Pour lui dans un couple, la règle est que le mari doit avoir deux ou trois ans de plus que sa femme. Ni plus, ni moins.
PAUL
Ouais !!! Pourtant, je suis certain que si Agnès avait 25 ans mais était laide et bébête, cela ne le gênerait pas du tout ! Il a la plus adorable femme du monde et il est jaloux de son père. C?est un crétin.
HELENE ( souriant)
La plus adorable femme du monde, mais après Agnès, quand même?
PAUL ( galant)
Disons que vous êtes l?une des deux femmes les plus adorables du monde.
HELENE ( redevenant sérieuse)
Bon ! Nous resterons sur cette constatation. Il n?en reste pas moins que si Denis est jaloux de vous, c?est qu?il est attiré par Agnès.
PAUL
Non, Hélène. Les choses sont plus complexes que ça. Il ne peut admettre qu?une jeune et jolie femme puisse s?intéresser à un homme de 65 ans, mais cela ne signifie pas qu?il soit personnellement attiré par cette jeune femme.
HELENE
A mon tour de dire que les choses sont plus complexes que ça. Il y a également une attirance. Comme vous l?avez dit vous-même, la différence d?âge ne le gênerait pas si Agnès était laide et bébête. Et je ne vous cache pas que cela me?contrarie.
PAUL
Je ne peux tout de même pas rompre avec Agnès pour apaiser la jalousie de mon fils !!
HELENE
Je ne vous le demande pas, bien sûr !! D?ailleurs, je vous l?ai dit, que vous vous aimiez tout les deux ne me gêne absolument pas. Mais c?est Denis qui m?inquiète.

Rentre alors en courant Lisbeth, la fille d?Hélène et Denis
LISBETH ( freinant brusquement)
Tiens ? Papé tu es là, et Agnès n?y est pas ?
Elle se jette dans les bras de son grand père.
PAUL
Tu le vois ma chérie, il peut se faire que nous ne soyons pas ensemble !
LISBETH
C?est parce que tu m?avais dit : A mon âge, je n?ai pas de temps à perdre.
PAUL
Quand tu seras plus grande, tu sauras que même quand on n?est pas ensemble, si l?on pense à l?autre, ce n?est pas du temps perdu.
LISBETH
Je t?adore mon papé, tu as toujours une bonne réponse à tout. Tiens, puisque tu sais tout, peux tu me dire pourquoi papa fait la gueule ? Je viens de le rencontrer, et il avait la barre.
PAUL
La barre ? Quelle barre ?
LISBETH
Tu ne l?avais pas remarqué ? Quand papa est contrarié, il a une barre sur le front, juste au dessus du nez.
PAUL
Tu es très observatrice. Mais sur un plan général, je ne sais pas tout, et en particulier je ne sais pas pourquoi ton papa « fait la gueule » comme tu le dis élégamment .
LISBETH
Hé bien moi, je crois qu?il n?est pas content que tu veuilles te marier avec Agnès.
HELENE
Tu es ridicule ma fille. Pourquoi veux tu que ton père ne soit pas content ? Du moment que Papé est heureux, il l?est aussi.
LISBETH
Bon. Je me trompe peut être??.mais je ne crois pas. Pourquoi elle n?est pas là, Agnès ? Elle devait me coiffer.
HELENE
Mais je peux le faire moi-même. Va chercher ta brosse et ton peigne.
LISBETH
Non, maman. Ce n?est pas la même chose. Agnès se coiffe drôlement bien.
HELENE
Et moi ? Je suis une souillon peut être ? Merci !!
LISBETH
Mais non maman, mais Agnès est plus « in » ?.et c?est normal
HELENE
Evidemment elle est tellement plus jeune !!( inquiète) Alors tu trouves que je me coiffe mal ?
LISBETH
Mais non maman ! Tu te coiffes très bien ! mais on ne se coiffe pas toujours de la même façon.
HELENE
Oui, c?est une question d?âge, n?est ce pas ?
LISBETH ( très franche)
Voilà ! C?est une question d?âge !!
Furieuse, Hélène se lève et crie
Au lieu de dire des bêtises, tu ferais mieux d?aider ton papé à écosser les petits pois . Moi, j?ai des courses à faire.
Elle sort.
LISBETH
Mais qu?est ce qui leur prend ? Il y a des problèmes entre papa et maman ?
PAUL
Non, je ne crois pas. Mais cela arrive à tout le monde d?être nerveux un jour ou l?autre.
LISBETH
En même temps ? Ca m?étonne.
PAUL
Ecoute, ma chérie, tu es jeune, profite de ta jeunesse et ne t?occupe pas trop des problèmes des grandes personnes, ils sont rarement drôles.
LISBETH
Quand même, papé, je fais partie d?une famille, et il est normal que je m?inquiète quand dans la famille, ça ne tourne pas rond.
( un silence) C?est le problème de ton mariage, hein ? Papa n?est pas d?accord ?
PAUL
Tu sais, je suis majeur !! Et je ne suis pas encore retombé en enfance !!Alors, je n?ai pas besoin de l?accord de mon fils pour prendre mes décisions.
LISBETH
Remarque, moi, je te comprends bien. Mais papa n?est pas moderne?.Et puis, peut être qu?il trouve que Agnès est trop jolie.
PAUL
Trop jolie pour moi ? Merci bien !!!
LISBETH
Ce n?est pas ce que j?ai voulu dire, mon Papé ! Mais peut être que Papa préférerait être à ta place.
PAUL
Mais non, voyons !! ta maman est une femme tellement merveilleuse aussi.
LISBETH
Ouais ! Elle est pas mal. Mais avec 20 ans de plus !
PAUL
De nos jours, les enfants sont redoutables !!!!?Mais vois tu ma chérie, ce qui compte ce n?est pas l?âge, mais les qualités intérieures, et sur ce plan, ta maman et Agnès n?ont rien à envier l?une de l?autre.
LISBETH ( peu convaincue)
Ouais. On peut voir les choses comme ça.
PAUL
Mais tu n?es pas convaincue ?
LISBETH
C'est-à-dire que si maman et Agnès sont à égalité pour les richesses, intérieures, Agnès est plus jeune et plus jolie?et puis pour mon père, elle a le mérite de la nouveauté.
PAUL
Tu disais tout à l?heure que je savais tout, mais en fait, j?ai bien l?impression que c?est toi qui sait tout.
(Il la regarde longuement)
Bon sang ! c?est vrai que tu n?es plus une enfant. Je ne t?ai pas vu pousser, tu es presque une femme maintenant.
LISBETH
Pas presque !! Je suis une femme !
PAUL ( souriant)
Non. Heureusement non. Et il y a une chose que tu ne sais pas : c?est que tu vis tes plus belles années. Tu n?as aucun souci matériel, aucune responsabilité,
tu n?as qu?à t?occuper de toi. Profite de ce temps merveilleux.
LISBETH
Je ne sais pas si c?était comme ça de ton temps, Papé, mais avoir 15 ans, ce n?est pas marrant. Si on n?a pas de souci matériel et de responsabilité, on dépend des autres, et on subi leurs humeurs.
PAUL
Bon. Décidemment, c?est toi la grande personne ! moi je vais aller jouer au cerceau !!
Il sort et le rideau tombe

Le rideau se lève sur le même décor. Denis est seul en scène. Assis sur un banc, il lit un journal. Une jeune et très jolie femme entre. Denis lève les yeux de son journal et avant de recommencer sa lecture, dit :
DENIS
Mon père n?est pas là !!
AGNES
Je sais, je savais. Et c?est pourquoi je suis venue.
DENIS ( abandonnant son journal)
Ah ? Vous vouliez me voir, moi ?
AGNES( après un instant d?hésitation)
Bien sûr. D?ailleurs si je me marie avec votre père, c?est pour vous voir souvent.
DENIS
Quoi ? Qu?est ce que vous voulez dire ? Vous voulez dire??.. que vous n?aimez pas mon père ?
AGNES
Si, je l?aime bien. Mais il est un peu âgé, non ? Je préfère le fils.
DENIS( désarçonné)
Mais?Mais?Enfin, ce n?est pas sérieux !! Vous n?allez pas vous marier avec mon père, simplement pour me voir plus souvent ?
AGNES
Vous savez, je ne demande pas beaucoup à la vie. L?homme que j?aime est marié, alors je me contente des miettes. Souvenez vous. Je vous ai connu avant de connaître votre père, lors d?une réception chez les Arnaud. Je ne veux pas briser votre ménage, et je ne demande que de vous voir le plus souvent possible.
DENIS ( désemparé)
Mais, Mais?..que vous soyez attirée par moi?c?est bien?.Je veux dire, ?.cela peut se comprendre?mais épouser mon père, simplement pour me voir?Non?Non?.Ca je ne peux pas le comprendre? D?ailleurs ici dans la maison de vacances, nous sommes ensemble, c?est vrai, mais lorsque les vacances seront terminées, vous vivrez chez mon père, et moi, chez moi?..Avec ma femme.. Non, je ne comprends pas?.Et mon père ? Avez-vous pensé à mon père ? Il vous aime, lui, et vous lui mentez en lui disant que vous l?aimez. Vous ne l?aimez pas..
AGNES ( très calme)
Calmez vous, Denis mon chéri. Non je ne mens pas à votre père. J?ai beaucoup de tendresse pour lui. Soyez sans crainte, je ne le rendrai pas malheureux. Comme je vous l?ai dit, je ne demande pas grand-chose à la vie. Vous voir le plus souvent possible, sans faire de mal à personne. Vous devriez me comprendre et m?approuver.
DENIS
Vous comprendre ? Cela m?est difficile !! Vous approuver ? Encore plus. Je ne peux vous empêcher de m?aimer, je dois dire honnêtement que cela me flatte énormément, car moi de mon côté?
AGNES ( vivement)
De votre côté, vous m?aimez ?
DENIS
Oui?..Non?Enfin je vous trouve très attirante, mais vous allez vous marier avec mon père et moi, je suis marié.
AGNES
Donc, vous m?aimez. S?il n?y avait pas ces idiotes histoires de mariage, nous pourrions nous aimer. Mais alors, ça change tout !!! Puisque ce sont les mariages qui font obstacles à notre amour réciproque, je vais en supprimer un : je ne me marie plus avec votre père.
DENIS
Vous n?allez pas lui faire ça !! Il vous aime, lui, et moi de mon côté, je ne divorcerai jamais, alors, ne changez rien !! Mariez vous avec mon père, et nous nous verrons de temps en temps, et c?est tout.
AGNES
Nous nous verrons de temps en temps, seuls ? Nous pourrons avoir un peu?..D?intimité ?
DENIS
Non, non, non. Nous nous rencontrerons quand, avec mon père, vous viendrez chez nous et lorsque, avec ma femme, nous irons chez vous. C?est tout.
AGNES
Réfléchissez, mon chéri ! Vous allez sacrifier un bel amour sur l?autel des convenances ? Ce serait idiot !!
DENIS
C?est ça !! Je suis idiot. Enregistrez cette donnée et n?en parlons plus.
Lisbeth est entrée et a entendu la dernière réplique
LISBETH
Pourquoi tu dis que tu es idiot mon papa ? C?est pas vrai ! C?est Agnès qui t?a dit ça ?
DENIS
Mais non, mais non?Nous plaisantions avec Agnès, tu ne peux comprendre.
LISBETH
Toi aussi, comme maman, tu me prends pour une gamine. Mais regarde moi bien Papa. Je ne suis plus une enfant.
( Denis la regarde longuement)
DENIS
C?est vrai que tu as grandi ces temps ci !
LISBETH
Je ne te parle pas de ma taille. Mais de mon esprit et de ma sensibilité. Je suis une femme maintenant.
DENIS ( éclatant de rire)
Oh !!!! Une femme !!!! N?exagère pas quand même ! A ton tour, regarde Agnès ! Tu vois la différence ? Elle, est une femme, pas toi !
LISBETH
C?est parce que Agnès est une femme que tu voudrais que je reste une gamine?Pour qu?il y ait une moins grande différence d?âge ?
(Denis est stupéfait par cette remarque, et ne répond pas)
AGNES
Moi, Lisbeth, je sais que tu es déjà une petite femme. Tu comprends beaucoup de choses, que des personnes plus âgées, ne veulent pas comprendre.
LISBETH
Peut être ces personnes plus âgées n?ont-elles pas tout à fait tort ? Mon papa n?est pas idiot du tout. Et il est marié avec ma maman.
AGNES
Tu es d?une redoutable perspicacité. Mais puisque tu revendiques le statut de femme, tu dois savoir qu?il y a des sentiments plus forts que de simples convenances.
LISBETH ( se tournant vers son père)
Dis, papa, tu aimes Agnès ?
DENIS ( essayant de rester sur le ton de la plaisanterie)
Bien sûr que je l?aime bien !!!Puisqu?elle va être ma belle mère !!
LISBETH
Arrête de me prendre pour une gamine.( un temps) Nous voilà dans de beaux draps !
DENIS
Vois tu, Lisbeth, tu veux être une femme. Soit. Mais, si j?ose dire, tu n?as pas encore l?électricité à tous les étages, et lorsque tu ne peux rien voir, alors, tu inventes. Chasse toutes les idées qui sont en toi et qui sont fausses. La vérité, c?est que Agnès va se marier avec ton papé, et que nous allons former une famille unie ou la bonne entente régnera. Et c?est tout.
AGNES
Vous n?avez pas honte de raconter des sornettes à Lisbeth ?
( s?adressant à Lisbeth)
Les choses sont plus complexes que le dit ton père. Mais il a raison sur un point. Tous les éléments qui feront de toi une femme sont en place, mais ne sont pas encore fonctionnels. Comme il te l?a dit, tu n?as pas l?électricité partout, c'est-à-dire la lumière que donnent peu à peu les expériences de la vie. Certains disent que le bel âge de la femme va de 35 à 55 ans. Je n?y suis pas encore moi-même.
Alors regarde, observe, mais ne tire pas des conclusions trop rapidement. Car les choses ne sont jamais aussi simples qu?elles le paraissent au premier abord.
Où je n?approuve pas ton père c?est lorsqu?il veut te faire croire qu?il n?y a aucun problème. Il t?a dit que je me marierai avec ton papé, que lui était marié avec ta maman, et que tout était simple. Ce n?est pas tout à fait vrai.
LISBETH
Par exemple, tu n?es plus sûre de te marier avec mon papé ?
AGNES
Pour l?instant je ne suis certaine de rien.
LISBETH
Ce serait très moche pour mon papé. Il est si heureux?.Tu n?aurais pas du lui laisser espérer?.
AGNES
Je viens de te le dire. Ne juge pas trop vite. Il y a trop de paramètres qui t?échappent. L?expérience est obligatoire.
LISBETH
Paramètres, paramètres, ne me fais pas rire !!!Pourquoi employer des mots compliqués pour parler de choses simples ?
Je ne suis pas idiote. J?ai bien remarqué comment papa te regardait ?..exactement comme papé d?ailleurs. Alors, de là à conclure que l?un et l?autre éprouve les mêmes sentiments, il n?est pas nécessaire d?avoir une longue expérience.
DENIS
Bon. Puisque tu veux absolument te mêler de problèmes qui ne te regardent pas, alors, d?accord, allons jusqu?au bout. Que pense réellement la femme que tu es devenue ?
LISBETH
Ne te fous pas de moi. Mais je vais te dire ce que je pense. Je pense que Papé est seul?.et en bonne forme. Je pense que Agnès est seule également. Ils ne se déplaisent pas, ils ont raison de se marier.
Toi papa tu es marié. Je ne te parlerai pas de ta fille, puisque c?est maintenant une femme qui peut être autonome, mais vous vivez ensemble depuis longtemps et vous vous entendez plutôt bien. Pour vous, les choses doivent rester comme elles sont. Vous vouliez savoir ce que je pense, hé bien voilà.
DENIS
Je reconnais que ce n?est pas un raisonnement de gamine. Tu es très raisonnable ?et tu as raison.
( Il regarde Agnès et ajoute)
Je partage entièrement ta façon de voir les choses.
AGNES
Parfait. Chacun a dit le fond de ses pensées. Puis je à mon tour dire ce que je pense ?
( Denis et Lisbeth approuvent de la tête)
Tu vas encore me reprocher, Lisbeth, de parler de paramètre. Pourtant il y en a dont ni l?un ni l?autre n?a évoqué l?existence. Ce qui n?est pas honnête. J?éprouve beaucoup de tendresse pour Paul, c?est très vrai. Mais j?aime Denis. Par ailleurs, le couple Denis et Hélène est solide et a bien résisté à l?épreuve du temps. C?est vrai aussi. Mais il n?en demeure pas moins, que Denis est attiré par moi. Notre attirance mutuelle ne peut être escamotée d?un revers de main.
Alors, si vous êtes sincères, vous conviendrez que la situation n?est pas aussi simpliste que l?un et l?autre, de bonne ou de mauvaise foi, voulez la présenter?.Je vous écoute.
DENIS
Cette conversation que nous avons en présence de Lisbeth, et même avec sa participation me gêne énormément. Alors, non, je n?ai rien à ajouter, et je préfère vous laisser.
LISBETH
Bon, ça va !!! Si je vous gêne tant, c?est à moi de partir et de vous laisser discuter tout seul. Je m?en vais, et si je suis impatiente de savoir ce que vous déciderez, c?est surtout pour savoir qui ne nous trois est le plus majeur. Ciao !!
( Lisbeth sort. Après un moment de silence gêné)
DENIS
Avec ou hors la présence de Lisbeth, je ne puis que vous répéter la même chose. Je n?au rien à ajouter à ce que j?ai dit tout à l?heure. Il est plus sage de ne rien modifier à ce qui avait été décidé. Vous aviez décidé de vous marier avec mon père, c?est en fin de compte la moins mauvaise solution.
AGNES
Denis, regardez moi dans les yeux ( après une petite hésitation il le fait)
Bien. Maintenant osez dire que vous êtes certain que nous ne serons pas maîtresse et amant.
DENIS ( qui n?a pas baissé les yeux)
Et vous, osez dire que vous en êtes certaine ?
AGNES
Répondre à une question par une autre question est un procédé vieux comme le monde qui sert à ne pas admettre un fait évident.
DENIS
Je préfère que nous en restions là. Il faut que j?aille faire le plein d?essence.
AGNES (souriante)
Parfait. On dit que le vrai courage en amour est dans la fuite. Donc, vous êtes courageux et vous m?aimez. Merci pour cet aveu.
DENIS
Votre dialectique ne peut interpréter des sentiments. A plus tard.
Denis sort et le rideau tombe.


Le rideau se lève sur le même décor.

Paul est seul en scène. Il fait des mots croisés. Presque aussitôt, Agnès entre. Paul pose ses mots croisés sur la table
PAUL
Peux tu me dire ce qui se passe Agnès. Depuis hier, tu as un visage fermé?..comme ta bouche d?ailleurs : Tu ne dis pas un mot. Quelqu?un t?a fait de la peine. Parle moi franchement. Est ce Denis qui t?a adressé une parole désagréable dont il a le secret ? Cela je ne le tolérerais pas !!
AGNES
Mais non, mon chéri, il n?y a rien de spécial. Je suis un peu fatiguée, c?est tout.
( Paul la regarde longuement)
PAUL
C?est vrai ce mensonge ? Non, Agnès, il y a autre chose. Ne me cache rien, dis moi ce qui ne va pas.
AGNES
Mais non, je t?assure, il n?y a rien de spécial. Quand à ton fils, il ne m?a rien dit de désagréable. Enfin, pas vraiment .
PAUL
Pas vraiment, hein ? Pas vraiment mais un peu quand même. Tu es tellement sensible. Je crois, tu sais, qu?il est un peu jaloux parce que je vais avoir une femme plus jeune que la sienne, mais, crois moi, ce n?est pas très grave, il a lui-même une femme charmante et ça va passer.
AGNES
Ne te tracasse pas toi-même, mon chéri. Je suis surtout un peu fatiguée, c?est tout.
( Hélène entre en scène)
HELENE
Ah, vous êtes là ? Je ne vous dérange pas ?
PAUL
Mais pas du tout, Hélène, vous êtes aussi chez vous.
HELENE
Oui, bien sûr, nous sommes tous chez nous, mais pour ne rien vous cacher, je suis impatiente de voir ces vacances se terminer pour retourner dans mon vrai chez moi.
PAUL
Vous n?êtes pas heureuse avec nous , Hélène, j?en suis bien triste.
HELENE
Mais vous n?y êtes pour rien. J?ai été maladroite de vous dire ça, mais je vous l?assure, vous n?y êtes pour rien.
PAUL
Je ne voudrais pas me montrer trop indiscret, mais qui vous rend malheureuse ? Si c?est mon fils??
HELENE
Oh, je suis certaine qu?il ne le fait pas exprès, mais il fait la tête depuis hier soir .
PAUL
Il fait la tête depuis hier soir ? Comme c?est curieux !!
HELENE
Pourquoi curieux ?
AGNES ( nerveuse)
Je vais vous le dire, moi, ce qui parait curieux à Paul, Hélène. Tout à l?heure, Paul trouvait que depuis hier soir, j?avais le visage fermé, ce qui en traduction signifie que je fais la gueule. Alors, je suppose qu?il fait des rapprochements ?..qui n?ont pas lieu d?être.
En ce qui me concerne, je ne fais pas la gueule, je suis un peu fatiguée, c?est tout, n?allez pas chercher midi à quatorze heure !!Quand à Denis, je ne peux répondre à sa place mais si je ne l?ai pas vu aujourd?hui, hier soir il m?avait paru normal. Alors ne faites pas des montagnes?.
PAUL
Bon, bon, Calme toi Agnès. Je te suggère, puisque tu es fatiguée, d?aller t?allonger un moment. J?irai te chercher au moment du repas.
HELENE
Oui, allez vous reposer, je m?occuperai du repas, soyez sans crainte.
AGNES
Merci. Je vais suivre votre conseil. Encore merci.
( Elle sort. Un moment de silence)
HELENE
Elle a beau dire, je pense, moi, qu?il y a quelque chose. Et ce n?est pas par hasard si Agnès et Denis sont perturbés en même temps. Qu?en pensez vous Paul ?
PAUL
Je pense comme vous, et je suis bien inquiet. Savez vous où est Denis en ce moment ?
HELENE
Oui, il est dans la grange. Il tente de réparer la table de ping pong.
PAUL
Et si vous alliez le chercher ? Dites lui que je le demande et lorsqu?il sera là, nous allons bien arriver à savoir ce qui se cache sous ces nervosités et ces fatigues auxquelles je ne crois pas.
HELENE
Vous avez raison. Mieux vaut savoir. Je vais le chercher.
(Elle sort, et pendant sa courte absence, Paul a repris sa grille de mots croisés, mais on sent bien qu?il n?a pas l?esprit à ça.)
Denis et Hélène entre.
DENIS
Tu voulais me voir papa ? De quoi s?agit il ?
PAUL
Il s?agit de nous quatre. Hélène, toi, Agnès et moi.
DENIS ( sur la défensive)
Ah ? Nous avons des problèmes ? Première nouvelle !
PAUL
Arrête de faire l?idiot ! Tu es marié avec Hélène, et je vais me marier avec Agnès. Tu n?approuves pas ce mariage, et, Hélène et moi voulons en savoir la raison. C?est donc très simple et réponds nous aussi simplement.
DENIS
Je ne vois pas?.
PAUL ( l?interrompant brusquement)
Ah non !!! Je t?ai demandé de ne pas faire l?idiot. Il y a quelque chose entre Agnès et toi, et tu vas nous dire ce que c?est !!!
( Après un moment de réflexion)
DENIS
Bien. Puisque vous y tenez.
Agnès est amoureuse de moi, enfin, c?est ce qu?elle m?a dit. Voilà. Elle m?a dit également qu?elle avait une grande tendresse pour toi, papa.. Je lui ai répondu qu?en ce qui me concerne, je suis marié avec une femme que j?aime, et que la meilleure solution serait qu?elle ne change rien à ce qui avait été décidé. A condition bien entendu qu?elle soit certaine de pouvoir te rendre heureux, papa. Elle m?en a donné l?assurance, et c?est tout.
HELENE
Et de tes sentiments vis-à-vis d?elle, tu ne nous en as pas parlé.
DENIS
Si ! J?en ai parlé indirectement puisque j?ai dit que je t?aimais, et que je ne casserai jamais mon mariage.
HELENE
Mais cela ne veut pas dire que tu ne l?aimes pas aussi.
( Paul a l?air effondré)
DENIS
Si je l?aimais, je partirais avec elle, alors ne sois pas ridicule. ( s?adressant à son père)
Ecoute, papa, j?ai la conviction que Agnès est très attachée à toi. Je ne te dis pas ça pour te consoler, c?est la vérité. Elle a eu une petite flambée pour moi, mais ce n?est qu?un feu de paille qui sera vite éteint. Ne te fais pas de mauvais sang : Elle tient à toi. Si je pensais le contraire, je te le dirais, car tu en souffrirais par la suite, et je t?aime trop pour accepter cette perspective. Croyez moi, sur le fond, il n?y a rien de changé.
HELENE
Nous sommes trois ici. Mais lorsque Denis, en arrivant nous a demandé de quoi il s?agissait, vous avez répondu, Paul, que cela concernait 4 personnes.
Il en manque une. Je pense indispensable, si nous voulons bien éclaircir les choses, qu?il y ait une réunion à 4 . N?est ce pas votre avis ?
PAUL
C?est d?autant plus mon avis, que celle qui n?est pas là, est à l?origine de nos problèmes. Sa présence est indispensable, et pour ma part, je suis prêt à tout entendre, et éventuellement ( en prononçant ces derniers, mots sa voix se met à trembler, il est visiblement malheureux)?.et éventuellement, si Agnès aime ailleurs, je lui donnerais sa liberté.
( Denis se dirige vers son père et le serre dans ses bras)
DENIS
Je te demande d?avoir confiance Papa. Je suis certain que Agnès est très attachée à toi.
PAUL
C?est à moi d?aller la chercher. Ne bougez pas j?y vais
( il sort)
Denis et Hélène restent un moment silencieux, puis c?est qui Hélène qui parle.
HELENE
Maintenant que nous sommes seuls, dis moi la vérité. Tu ne voulais pas faire de peine à ton père et tu as dit que c?est moi que tu aimais. Est-ce vrai ? Je t?en supplie, dis moi la vérité, ne me ménage pas.
DENIS ( essayant de plaisanter)
Cette négation suivant le mot « ménage » n?est pas bien venue. Non, ma chérie, notre ménage ne court pas de risque de disparition. Que je parle devant une ou plusieurs personnes, mon langage ne change pas. Je n?ai pas à te ménager, puisque c?est toi, ma femme, que j?aime. Là !!! Tu es rassurée ?
HELENE
En partie. Je ne sais pas pourquoi, mais en partie seulement. Je suis impatiente d?entendre ce que Agnès va dire. Je les entends, ils arrivent.
(Paul et Agnès entrent)
PAUL
Voilà. Nous sommes réunis tout les quatre, et nous allons nous expliquer, calmement, franchement.
Il était prévu, Agnès que nous devions nous marier. Il semble que tes sentiments aient quelque peu évolué.
Tu éprouves envers moi une grand tendresse, je t?en remercie, mais il semble que tu aimes Denis.
Il serait ridicule de partir dans une mauvaise direction, alors nous attendons de toi que tu nous dises ce que sont exactement tes sentiments.
AGNES
Vous tenez à ce qu?il y ai une grande explication. Je n?y suis pas favorable, mais puisque vous le voulez, allons y.
J?ai eu l?occasion de rencontrer Denis chez des amis, et j?ai été immédiatement attirée vers lui. J?ai su qu?il était marié, et qu?il avait la réputation d?un mari fidèle.
Quelques jours plus tard, nous nous sommes connus, Paul, dans un ascenseur en panne. Quand j?ai su que tu étais le père de Denis, j?ai fait en sorte que nous nous rencontrions souvent. Et puis, plus je te connaissais, plus je m?attachais à toi. C?est vrai que, de mon coup de foudre pour Denis, il reste encore quelques bribes, mais réflexions faites, je me marierai avec toi Paul.
PAUL
Réflexion faite ? Que vient faire la réflexion dans les sentiments ? Est-ce par raison que tu veux m?épouser ? Et dans l?affirmative, quelles sont ces raisons ?
AGNES
Je ne maîtrise pas le français comme vous tous. J?ai voulu dire : Paul, c?est toi que j?aime, si tu es toujours d?accord, marions nous.
( A ce moment on entend Lisbeth crier papa, papa, papa !! Aussitôt inquiets, Hélène et Denis crient
DENIS
On est ici !
HELENE
Que se passe t il ? Nous sommes ici !
( Lisbeth entre, essoufflée. Elle met sa main sur la poitrine pour reprendre sa respiration)
LISBETH
Attendez !! (Elle reprend peu à peu son souffle). Ouf !! ça va mieux.
C?est bien que vous soyez tous là. J?ai des nouvelles.
J?étais derrière le grand mur du jardin, et j?ai entendu la conversation de deux hommes qui étaient de l?autre côté. L?un disait
-Il a beaucoup de sous le vieux, mais si Agnès se marie avec lui, comment allons nous en profiter, nous ?
- Je suis son frère, je la connais bien, et je sais qu?elle ne nous laissera pas tomber. Elle est très intelligente. Pour le mettre en confiance, elle va exiger un contrat de séparation de biens
- Mais c?est idiot !!
- Non, ce n?est pas idiot. Le vieux est dingue d?elle, et si, de plus, il a confiance en elle, elle obtiendra de lui ce qu?elle voudra, pour elle?..et pour nous. Elle a dit qu?elle avait elle-même une fortune, je te dis qu?elle est très intelligente.
- C?est bien joli tout ça, mais nous n?allons avoir que des miettes
- Tu me prends pour un crétin ? Quand Agnès sera bien dans la place, elle saura ou se trouve la partie importante du magot, et elle nous aidera à faire une petite visite, de nuit. C?est là que nous aurons le gros morceau.
( Pendant ce récit, Agnès est comme en catalepsie )
Ils sont tous surpris par ces nouvelles, et c?est Paul, qui le premier reprend ses esprits.
PAUL
Il es inutile de te demander, Agnès, si tout cela est vrai. Tu fais une tête qui est une réponse parfaitement claire. Ainsi c?est à mes sous que tu en avais. C?est bien fait pour moi. J?étais fou de penser qu?une très jeune femme pourrait éprouver autre chose qu?une attirance??pour ma fortune.
DENIS ( s?adressant à Agnès)
Mais dîtes quelque chose !! défendez vous ! Tant de laideur, c?est impossible !
HELENE
Décidemment mon pauvre Denis, tu diras ce que tu voudras, mais tu étais très attaché à cette??tiens je ne trouve rien pour la qualifier.
Un petit temps de silence, puis Agnès se met à parler.
AGNES
Ne vous pressez pas à me rendre si noire !!!
La vérité, je l?ai dite à Denis.
C?est vrai que je l?ai rencontré lors d?une réception. C?est vrai que tout de suite, j?ai été attiré vers lui.
C?est vrai que lorsque j?ai connu Paul, comme il ne me déplaisait pas, j?ai envisagé de me marier avec lui pour voir Denis plus souvent.
C?est vrai, comme je l?ai dit à Denis, que je n?avais pas l?intention de rendre Paul malheureux,bien au contraire.
J?ajoute, que c?est vrai : j?ai un frère. Mais je n?ai jamais approuvé ses agissements souvent bizarres, et il n?a jamais été question d?argent avec lui. Ce n?est jamais l?argent qui a dicté ma conduite. Si vous ne me croyez pas, il suffira que nous ayons une explication, mon frère et moi en votre présence bien entendu. Je ne sais pas pourquoi il a dit toutes ces horreurs, mais elles sont fausses. Qu?on le fasse venir !!
PAUL
Ce ne sera pas nécessaire. Pour ma part en tous cas, je ne me soucie pas de savoir si tu m?as joué la comédie pour de l?argent ou pour les beaux yeux de Denis. Je te demande de partir immédiatement.
DENIS
Je crois, moi, qu?il ne faut pas être trop dur avec elle. Elle n?est pas attirée par l?argent, j?en suis certain. Elle a eu le tort de se laisser mener par ses sentiments, ce n?est pas un crime rédhibitoire. Il me semble que pour en avoir tous le c?ur net, nous devrions accepter sa proposition d?une explication avec son frère.
HELENE
C?est parfait. Maintenant je vois ce que sont tes véritables sentiments, Denis. Elle n?est pas défendable et tu la défends. J?avais vu juste : tu l?aimes. Hé bien partez ensemble !! Tu me dégoûtes !!!
LISBETH
Je ne suis qu?une gamine à vos yeux, mais je tiens à dire ce que je pense.
Papé est très blessé, et c?est normal.
Papa ne se rend pas compte que Agnès même si elle n?était pas intéressée par l?argent - ce qui reste à prouver- n?en a pas moins utilisé des méthodes dégoûtantes pour arriver à ses fins.
Comme papé et maman, je crois qu?il faut qu?elle s?en aille, et vite, rejoindre son frère et l?autre.
AGNES
Toi, ne t?occupe pas des problèmes de grandes personnes !! Je ne sais pas pourquoi tu as raconté tout ces mensonges. Rien de ce que tu as dit n?est vrai. Je ne comprends pas ta haine envers moi. Seul, Denis reste lucide, et j?en suis très heureuse : je ne m?étais pas trompée à son sujet..
HELENE
La situation est donc très claire. Papé, Lisbeth et moi voulons que Agnès parte. Elle va donc partir. Maintenant, Denis, tu as une lourde décision à prendre, et à prendre immédiatement. Ou tu pars avec elle, ou tu rentres dans le rang, tu restes avec nous et tu l?oublies.
( A ce moment, on frappe à la porte d?entrée. Lisbeth sort pour aller ouvrir et reviens avec un homme sympathique, de belle prestance)
L?INCONNU
Bonjour. Je me présente. Je suis le frère de Agnès. Il faut que j?éclaircisse les choses et que je répare, si c?est possible, les dégâts que j?ai occasionné.
Je savais que la petite ( il désigne Lisbeth) nous écoutait, et c?est pourquoi, pour nous amuser, avec mon copain nous avons parlé comme nous l?avons fait. Et puis, j?ai eu des remords, et je suis venu à mon tour, écouter votre conversation sous la fenêtre ouverte ( il montre la fenêtre qui est effectivement ouverte) .Là, j?ai compris que j?avais fait une grosse bêtise.
Je tiens tout d?abord à présenter mes excuses. Mon ami et moi, voulions seulement nous amuser pour punir une petite curieuse, mais notre plaisanterie risque d?avoir des conséquences trop graves pour que je laisse les choses en l?état.
Je veux donc rétablir la vérité. C?est vrai que j?ai trouvé ridicules les sentiments que ma s?ur porte à un homme qui a l?âge d?être son grand père. Nous nous sommes disputés à ce sujet, et je peux témoigner que ce n?est pas l?argent qui l?attirait. Elle n?a pas menti en disant que nous avions une petite fortune.
C?est vrai aussi, qu?elle était attirée par le fils. Elle ne me l?a pas caché, mais je vous répète textuellement ce qu?elle m?a dit :
-« Mon attachement à Paul est peut être irrationnel, mais c?est un fait : Je l?aime. Quand à son fils, il m?est très sympathique, c?est vrai aussi, mais je ne l?aime pas vraiment. En fait je le plains surtout. Il est très mal marié et je ferai tout ce que je pourrai pour lui ouvrir les yeux, même si je dois lui faire la cour pour provoquer un clash avec sa femme. »
Et, comme je m?étonnais de son souci au sujet de ?Denis, elle m?a répondu :
AGNES
Non !!! Tais toi ! Tu vas encore faire du mal !
LE FRERE
Vois tu soeurette, j?ai tant menti dans ma vie, et cela m?a tellement apporté d?ennuis, que je préfère dire la vérité, au moins, cette fois, j?aurais ma conscience pour moi.
HELENE
Oui. Taisez vous !!
( Tous sont étonnés par l?intervention de Hélène, et la regardent)
HELENE ( reprend)
Oui. Taisez vous !!! ( sur un ton implorant) S?il te plait?
Là encore, le passage au tutoiement jette un froid
DENIS
Mais enfin, qu?est ce que??..
LE FRERE ( à Agnès)
Tu vois bien qu?il vaut mieux que j?aille jusqu?au bout. ( A tous)
Donc, comme je m?étonnai du souci qu?elle se faisait pour Denis, elle me répondit :
« Je sais parfaitement que Hélène est ta maîtresse, et que cette femme considérée par tous comme une femme irréprochable, est loin de mériter sa réputation. Je ne veux pas que Denis soit ridicule, et je ferai tout pour qu?il la quitte »
(Un grand silence suit cette déclaration, troublée seulement par les pleurs de Hélène. Denis la regarde et dit à voix basse
DENIS
Je rêve, dis moi que je rêve?ou du moins que c?est une cauchemar?.Toi, Hélène?Non, c?est impossible. Vous osez prétendre , Monsieur que vous êtes l?amant de ma femme ?
LE FRERE
Moi, je vous l?ai déjà dit. Demandez confirmation à Hélène. J?en ai marre de toutes ces histoires, et je préfère crever l?abcès.
DENIS
Parle Hélène.
HELENE ( en pleurs)
Une fois mon chéri, une seule petite fois?Je ne sais pas ce qui m?a pris?Ou plutôt, je voyais que tu étais attiré par Agnès, et j?ai voulu me venger.
DENIS
Mais te venger de quoi ? Je n?ai jamais été l?amant de Agnès?.
HELENE
Je me suis vengée ?.par avance.
DENIS
Mais je rêve !!!Tu m?as cocufié préventivement.
HELENE
Si tu veux, mais ne jouons pas sur les mots. Tu avais envie de coucher avec elle, alors c?est comme si tu l?avais fait.
DENIS
Ta mauvaise foi, est?.est?.tiens je ne trouve pas de mot. Toi, Toi Hélène dont tout le monde chantait les mérites, la rigueur morale?Non, non, je ne peux pas te comprendre?.et encore moins te pardonner. Toi et moi, c?est fini, nous allons divorcer.
LE FRERE
Je suis désolé Hélène, mais si vous avez besoin de moi, soyez assurée que je ne vous laisserai pas tomber.
HELENE
Je suis déjà tombée. Personne ne peut rien pour moi. Je partirai ce soir. J?ai fait une faute, je dois l?assumer.
( s?adressant à Denis) Je t?ai toujours aimé, et c?est ce qui m?a amené à faire l?impardonnable. Je ne pouvais supporter que tu me trompes, et il m?avait semblé que je souffrirai moins si moi-même je te trompais. C?était idiot, j?ai tout gâché, je suis prête à payer.
PAUL
Pour une fois, je vais mettre mon âge en avant.
Du fait de mon âge, donc, je vais vous donner un conseil. Il n?est jamais bon de prendre des décisions à chaud. Vous devriez vous donner un peu de temps pour réfléchir. Il faut laisser les choses prendre leur véritable place. Lorsque l?on subi un coup, on se polarise sur lui, et l?on est incapable de relativiser.
Croyez moi, ne prenez aucune décision définitive avant au moins une huitaine de jours, et c?est un minimum.
DENIS
Je ne vois pas très bien ce qui pourrait être changé dans huit jours. Hélène m?a trompé, ce sera toujours vrai, et je ne pourrai pas plus lui pardonner qu?aujourd?hui..
PAUL
Tu n?as rien à perdre en te donnant un peu de temps. Ce n?est pas une certitude, mais il est possible que plus tard, tu me remercieras de t?avoir conseillé un peu de patience.
HELENE
Je m?en remets à toi, Denis. Si tu veux que je parte ce soir, je partirai ce soir. Si tu veux suivre le conseil de ton père, j?irai dans la chambre jaune du troisième.
DENIS ( bougon)
Elle n?est pas habitable la chambre jaune.
HELENE
Je m?en contenterais si ?..tu m?autorises à rester un peu.
DENIS
Par respect pour mon père, et pour suivre son conseil, tu peux rester huit jours dans la chambre jaune, mais ne te fais pas d?illusion, cela ne changera certainement pas ma décision. Durant ces huit jours je ne veux plus échanger un mot avec toi.
Hélène sort, et après un petit silence, le frère en fait autant en disant :
LE FRERE
Ma présence ici n?a plus aucune utilité. Je vous renouvelle mes excuses et je pars.
LISBETH ( pleurant)
C?est pas très beau les adultes !
( elle sort à son tour)
AGNES
La petite n?a pas tort, et je la plains de tout mon c?ur. Sa maman était un modèle de vertu, et elle se rend compte??..Quelle désillusion pour elle.
( Agnès s?apprête à sortir également)
PAUL
Une seconde, Agnès. Nous avons à parler tout les deux.
DENIS ( très abattu)
Je vous laisse. Je ne rentrerai pas à midi, je ne veux pas voir Hélène, je vais chez mon ami Claude.
( il sort)
PAUL
Agnès, je voudrais que tu fasses abstraction de sentiment de pitié ou de respect des engagements pris.
Tu es libre, entièrement libre de prendre ta décision. M?aimes tu assez pour m?épouser ? Dans la négative, ne crains pas de me le dire.
AGNES
Je ne te cache pas que je suis perturbée, et je me fais un devoir de répondre franchement et sans ambiguïté à ta question. C?est pourquoi, je te demande de suivre le conseil que tu donnais à ton fils. Pouvons nous attendre huit jours ? Ma décision sera mûrie et plus fiable.
PAUL
Je ne peux que t?accorder ce que je préconisais pour mon fils.
( en souriant, il ajoute)
Dans une semaine, le père et le fils vont vivre une journée historique. Attendons donc.

Le rideau tombe.

Lorsque le rideau se lève sur le même décor, Denis est assis dans un fauteuil. Penché en avant, il a les coudes sur les genoux, et tient son menton entre ses mains. Il semble réfléchir. Presque aussitôt, Agnès entre.
AGNES
Ils sont tous partis à la piscine. Nous sommes seuls. C?est dans deux jours que nous devrons prendre nos décisions sur nos avenirs. Je ne te cache pas que ta proposition d?hier matin me semblait dangereuse, et je crois qu?en fin de compte, c?est toi qui avais raison.
DENIS
J?avoue que je ne comprends pas moi-même pourquoi je t?ai fait cette proposition extravagante, hier matin. Mais peu importe. Je crois que c?était indispensable.
AGNES
Tu as raison. Pour moi, en tous cas les choses sont beaucoup plus claires, et j?ai pris la décision d?en faire part aujourd?hui même à Paul. Il serait ridicule de le laisser macérer dans une attente pénible. Qu?en penses tu ?
DENIS
Je t?approuves entièrement. Je t?approuves tellement, que je vais en faire autant avec Hélène. Puisque nous voyons clairs en nous, mieux vaut en terminer. Nous avons tous suffisamment souffert comme ça !! Arrêtons les frais !!
( Lisbeth entre en courant
LISBETH
Ah bon ! vous aussi vous êtes ensemble !!
DENIS
Que veux tu dire avec ton « vous aussi » ?
LISBETH
Papé et Hélène sont au bord de la piscine. Ils discutent, discutent, et ne s?occupent pas de moi. J?arrive ici et je vous vois tout les deux discuter aussi. Je me demande si je fais encore partie de la famille.
DENIS
Mais bien sûr, tu fais partie de la famille, ma chérie !! D?ailleurs, je vais t?en donner une preuve. Tu vas savoir la première que tout va rentrer dans l?ordre. Tu es heureuse ?
LISBETH
Ca veut dire quoi, « Tout va rentrer dans l?ordre » ?
DENIS
C?est pourtant, très simple. Tu as un papa, tu as une maman, et ils vont continuer à vivre ensemble.
LISBETH ( prudente)
C?est sûr ça ? Maman est d?accord ?
DENIS
Comme je te l?ai dit, tu es la première à connaître ma décision. Mais je ne vois pas pourquoi ta maman ne serait pas d?accord avec moi.
LISBETH
Tu ne vois pas, tu ne vois pas?.mais il y avait d?autres choses que tu ne voyais pas il y a quelques jours.
DENIS
Décidemment, tu ne ménages personne ! Tu as le c?ur dur ma fille !
LISBETH
C?est peut être parce je souffre, et que je n?ai aucune responsabilité dans ce qui se passe. Et papé, dans toute cette histoire, qu?est ce qu?il devient ?
AGNES
Dans ce domaine, c?est moi qui peux t?apporter des apaisements. Je vais me marier avec ton papé. Je vais être ta grand-mère ma chérie. Tu es contente ?
LISBETH
C?est vrai ça ?
AGNES
Oui, c?est vrai. ?.Enfin si ton papé est d?accord, bien sûr !
LISBETH
Ah bon. Il y a encore des « si » !!
DENIS
Ecoute Lisbeth, nous pouvons supprimer les « si » rapidement. Veux tu aller chercher Papé et Hélène ?
LISBETH
Bien sûr. J?y cours.
( elle part en courant)
AGNES
Rien que pour voir le bonheur de la petite, je suis heureuse de notre décision.
DENIS ( souriant)
Même si elle a sa source dans une curieuse?médication.
AGNES ( souriant également)
Sans cette ? médication, nous n?aurions pu prendre nos décisions.
DENIS
Tu as parfaitement raison?Maman.
AGNES
Ah, non ! ne m?appelle pas maman, je pourrais être ta fille.
DENIS
Mais tu vas être ma belle mère?enfin?Bon, ça va. Ne revenons pas sur ces questions d?âge !
( Paul et Hélène entrent)
PAUL
Les huit jours ne se sont pas écoulés, mais je suppose que si vous nous avez demandé de venir c?est que vous avez pris des décisions l?un et l?autre.
DENIS
Oui, papa. Mais, par galanterie, je laisse ma belle mère parler la première.
PAUL
Ta belle mère ? Mais alors?.
AGNES ( tournée vers Denis)
Denis tu n?es galant qu?en apparence. Tu dis que tu me laisses parler la première, et tu fais l?annonce avant moi. ( se tournant vers Paul. Oui. Pour moi les choses sont désormais très claires. Je t?aime et si tu veux bien de moi, je serai ta femme.
( Paul se précipite vers elle et la prend dans ses bras. Denis et Hélène attendent un moment)
DENIS
Bon, si vos effusions sont terminées, je pourrais moi aussi vous faire part de ma décision.
PAUL ( se séparant de Agnés mais la tenant par le bras)
Nous t?écoutons mon fils.
DENIS
J?ai décidé de passer l?éponge sur ?..la faute de Hélène, à condition qu?elle s?engage évidemment à m?être désormais fidèle.
HELENE
Oh, cela, je te le jure !! Merci, merci ! Je mesure combien cela a du être difficile pour toi, mais tu ne regretteras pas. Je t?aime tant !!!
DENIS ( souriant)
Je l?espère bien. Il va falloir que tu marches droit, hein ?
(Hélène se jette dans les bras de Denis)
PAUL
Souhaitons qu?après ces épreuves, nos sentiments à tous vont sortir renforcés.
HELENE
Pour ma part, c?est une certitude. Je croyais que c?était impossible, mais j?aime encore plus Denis pour sa grandeur d?âme extraordinaire?je n?espérais plus?
PAUL
Nous sommes merveilleusement heureux? Hélène, excusez moi d?être terre à terre, mais lorsque Lisbeth est venue nous chercher, nous étions tellement impatients de venir que nous avons laissé toutes nos affaires à la piscine, vous venez ? Nous allons les chercher
( Hélène et Paul sortent)
DENIS
Voilà, voilà, voilà !!! Tout le monde est heureux.
HELENE
Tout le monde est heureux. Mais si Paul et Hélène savaient à quoi ils doivent leur bonheur?.il risquerait de se faner un peu.
DENIS
Peut être. Mais ce sont les résultats qui comptent. Et pour ma part, ayant été trompé, je n?aurais jamais pu lui pardonner ?..si je n?en avais pas fait autant. C?est pourquoi je t?avais demandé d?être ma maîtresse?une fois.
HELENE
Et de mon côté, il fallait un aboutissement à mes sentiments pour toi. C?est fait. ( riant) et comme ce n?était pas terrible, il faut bien le reconnaître, nous ne regretterons rien.?

Le rideau tombe.

FIN
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