Ecriture-Lecture




CARMEN



CARMEN

Marcel industriel 50 ans
Xaviere sa femme 47 ans
Roland le fils étudiant 18 ans
Jeanne la fille 15 ans
Carmen la bonne 25 ans



Le rideau se lève sur un spacieux salon assez luxueusement meublé. Sur la gauche, un canapé, 5 fauteuils, une très longue table basse. Sur la partie droite, un piano et une bibliothèque qui tient tout le pan de mur de droite.
Au fond à gauche, deux portes vers d?autres pièces, au fond à droite, une porte vers le couloir et la porte d?entrée.
Sont en scène Xavière et sa fille Jeanne.
JEANNE
Dis, maman, pour les vacances de pâques, je pourrai aller chez Solange ?
XAVIERE
Solange ? La petite brune avec des cheveux longs ?
JEANNE
Oui, c?est ça.
XAVIERE
Ils font quoi ses parents ?
JEANNE
Ses parents ? Ca, je n?en sais rien.
XAVIERE
Réfléchis un peu ma petite fille. Tu me demandes si tu peux aller chez des gens, et tu ne sais même pas ce qu?ils font.
JEANNE
Mais maman je ne vais pas voir les parents. Je veux passer quelques jours avec ma copine Solange.
XAVIERE
Tu n?es plus un bébé. Tu as 15 ans. Tu devrais savoir que l?on ne va pas chez des gens sans savoir ce qu?ils font?enfin s?ils sont d?un milieu correct. Ce n?est pas très difficile à comprendre.
JEANNE
Hé ben, moi, je ne comprends pas. Solange est comme moi. Nous sommes dans la même classe, elle a de bonnes notes, et si tu veux le savoir, elle ne se mouche pas dans ses doigts.
XAVIERE
Tu es dégoûtante. Ca t?amuse de dire des horreurs ?
JEANNE
Mais maman, si c?est moi qui dis des horreurs, Solange ne peut pas me pervertir. Logique, non ?
XAVIERE
Arrête ou je te fiche une paire de claque.
JEANNE
Tu vois ? Tu me parles de châtiment corporel, or je suis sûre que les parents de Solange ne la battent pas.
XAVIERE
Je n?aime pas quand tu veux faire la raisonneuse. Je ne te donnerai pas l?autorisation d?aller chez Solange, aussi longtemps que je ne saurais pas ce que font les parents. C?est une question de principe que tu comprendrais si tu avais pour deux sous de bon sens.
JEANNE
Bon. N?en parlons plus. Je demanderai à papa !
XAVIERE
Si tu veux. Mais comme ton père a du bon sens, il te fera la même réponse que moi.
JEANNE
Je te parie que non.
A ce moment, Carmen, la bonne entre dans la pièce. C?est une très belle jeune femme, très brune, au fort accent hispanique.
CARMEN
Madame, pourrais je m?absenter pendant une heure ?
XAVIERE
Vous avez fini le repassage ?
CARMEN
Oui, madame.
XAVIERE
Bon. Mais c?est curieux cela fait plusieurs jours de suite que vous me demandez de pouvoir sortir pour une heure. D?ailleurs vous vous absentez pour plus longtemps. Vous avez un petit ami ?
CARMEN
Oh, madame !!
XAVIERE ( l?imitant)
Oh madame ! En tous cas soyez très prudente. Avec les hommes il faut toujours être sur ses gardes. Bon. Allez y !
CARMEN
Merci madame.
Carmen sort pendant que Jeanne essaie de cacher son hilarité.
XAVIERE
Pourquoi ris tu bêtement ?
JEANNE
Parce que l?on peut rire intelligemment ?
XAVIERE
Tu m?énerves !! Tu es vraiment à l?âge bête ! Tu ris sans raison.
JEANNE
Qui te dit que c?est sans raison ? Ce n?est pas parce que tu ne la connais pas que ma raison n?existe pas !
XAVIERE
Alors peut on connaître cette raison ?
JEANNE
Non, maman, je regrette, mais tu ne peux pas.
XAVIERE ( en colère)
Sors d?ici ! Tu es insupportable, je ne sais pas ce que je serais capable de te faire ! Sors immédiatement !!
Jeanne sort, toujours en riant, et exaspérée Xavière s?adresse au public
XAVIERE
J?aimerais bien savoir si toutes les filles de 15 ans sont aussi insupportables. Quelle différence avec les garçons !! Vous verrez mon fils, lui au moins est très respectueux, très bien éduqué . Il est vrai qu?il est très intelligent, beaucoup plus que sa s?ur.
A ce moment un jeune homme entre dans la pièce. C?est précisément Roland, le fils.
ROLAND (en plaisantant)
Tu parles seule maman ? Il est vrai que si tu as envie de parler, tu n?as pas le choix. J?ai vu partir Carmen, comme chaque jour depuis quelque temps, ma s?ur rentrait dans sa chambre en riant comme une bossue, et papa n?est pas là.
Alors voila, si tu as envie de parler, je suis là. Je t?écoute.
XAVIERE
Ta s?ur me met les nerfs en pelote. Elle me demande l?autorisation de passer ses prochaines vacances chez sa copine Solange, mais elle est incapable de me dire ce que font les parents de cette jeune fille. Je ne peux quand même pas la laisser aller n?importe où.
ROLAND
Sur ce point, je peux te rassurer maman. Le père de Solange est ingénieur chez Elf. Il a une bonne situation.
XAVIERE
J?en suis heureuse, mais tu ne crois pas que ce serait à ta s?ur de me le dire plutôt que toi??..à moins que tu soies un petit copain de cette Solange, hein ?

ROLAND
Oh non maman ! C?est une gamine. Mais je sais ce que font ses parents, c?est tout.
XAVIERE
C?est bien mon chéri. Tu vois, quand le parlais toute seule je disais justement que l?on avait plus de satisfaction avec les fils qu?avec les filles.
ROLAND
Il ne faut pas généraliser. Je connais des jeunes de mon âge qui font du trafic de drogue.
XAVIERE
Quelle horreur !!!!
( Après un moment de silence)
As-tu vu ton père ? Nous sommes samedi, il n?est pas au bureau, et je ne l?ai pas vu depuis midi.
ROLAND
Moi non plus. Il a du aller faire des courses.
XAVIERE
Ca m?étonnerait. Ton père ne fait jamais de courses.
ROLAND
Alors, c?est qu?il est allé voir un match de rugby. Il y a Toulouse- Stade Français.
XAVIERE
C?est possible.
Un moment de silence.
Dis donc, toi qui sait tout, sais tu où Carmen va tous les jours. Elle me demande l?autorisation de sortir pour une heure, et elle s?absente d?ailleurs pour beaucoup plus. Elle a un petit ami ?
ROLAND
Cela n?aurait rien d?extraordinaire. Elle a l?âge, non ? ( un peu violemment) D?ailleurs je me fous de ce que fait Carmen.
XAVIERE
Bon, bon, c?est pas la peine de te mettre en colère !
ROLAND
Je ne suis pas en colère ! Mais j?ai autre chose à faire que d?espionner Carmen.
XAVIERE
Je te demandais ça?..comme ça? Mais je m?en fiche aussi. Pourvu qu?elle n?attrape pas un bébé !
ROLAND
Oh, tu sais, de nos jours, si on « attrape « un bébé comme tu dis, c?est qu?on l?a bien voulu. Et je crois que Carmen ne se plaint pas d?être ici. Tranquillise toi, elle est comblée.
XAVIERE
Comblée, comblée, elle est payée normalement, c?est tout.
ROLAND
Je me comprends.
XAVIERE
Tu as de la chance. Moi, non. Alors explique toi !
ROLAND
Il n?y a rien a expliquer. Carmen a une bonne place, c?est tout.
XAVIERE ( après réflexion)
C?est vrai que je ne l?embête pas, et que je ne l?empêche pas de sortir. Tiens à propos, il faut que je sorte. Mon esthéticienne a un nouveau produit qu?elle a du recevoir aujourd?hui. A tout à l?heure.
Elle sort.
Roland s?apprête à sortir de la pièce à son tour, lorsque sa s?ur entre.
JEANNE
Maman est partie ?
ROLAND
Oui. Chez son esthéticienne.
JEANNE
Ah, bon !! elle a raison de s?accrocher.
ROLAND
Pourquoi dis tu ça ?
JEANNE
Parce que lorsqu?une femme arrive à un certain âge, la concurrence arrive.
ROLAND
Tu dis ça en l?air ?
JEANNE
Non. Pas en l?air.
Ils restent un moment silencieux.
ROLAND
Tu crois que maman a une concurrente ?
JEANNE
Non. Je ne crois pas. J?en suis sûre !
ROLAND
Carmen, hein ?
JEANNE
Bien sûr Carmen !
ROLAND
Je m?en doutais. C?est dégueulasse.
JEANNE
Oh, tu sais, les hommes?
ROLAND
Evidemment. Tu as une longue expérience des hommes ( un temps) tu es certaine ?
JEANNE
Bien sûr. Je sais même ou ils se voient. A l?hôtel de France. Je les ai vu y entrer.
ROLAND
C?est dégueulasse !
JEANNE
Tu l?as déjà dit. Mais il me semble que dans ton esprit, Carmen et toi, ce serait moins dégueulasse, non ?
ROLAND
Moi, je ne suis pas marié. Et je suis jeune comme elle !
JEANNE
Nous y voilà. Alors toi aussi tu as le béguin pour cette fille ? Une bonniche ? Vous n?êtes pas difficile les hommes.
ROLAND
Ecoute, sais tu ce que tu devrais faire ?
JEANNE
Non.
ROLAND
Dans l?entrée il y a une grande glace. Quand tu te trouveras dans l?entrée avec Carmen, demande lui de se mettre à côté de toi, et regardez vous dans la glace. Et tu comprendras « les hommes »
JEANNE (au bord des larmes)
Tu trouves que je suis si moche que ça ?
ROLAND
Non, tu n?es pas moche ! mais Carmen?.C?est autre chose !
JEANNE
C?est à cause de son accent. Vous avez l?impression de vivre des amours exotiques?.
ROLAND
Même quand elle se tait, elle est très belle. Et figure toi qu?elle n?est pas bête du tout. Elle lit Zadig de Voltaire.
JEANNE
Comment le sais tu ?
ROLAND
Le livre était sur sa table de nuit ( s?apercevant qu?il avait gaffé) ne vas pas croire?non, je suis entré dans sa chambre, ou elle n?était pas d?ailleurs, pour prendre une raquette de tennis qui s?y trouvait.
JEANNE (riant)
Ah ! les hommes !! Vous êtes bien tous pareils !!
ROLAND ( soucieux de faire diversion)
Oh, toi, avec ta connaissance des hommes !! Tu es ridicule. Et tu vois le mal, et le mâââle ( il appuie sur le â) partout.
JEANNE ( riant toujours)
Intéressant ça ! Elle va pouvoir comparer entre le père et le fils. Je crois que pour la connaissance des hommes, elle me bat, la Carmen !!
Le rideau tombe.



Le rideau se lève sur le même décor.
Marcel et sa fille Jeanne sont en scène. Lui, lit un journal, elle, les jambes passées sur l?accoudoir de son fauteuil a un livre à la main.
JEANNE
Dis papa, ça veut dire quoi « amours ancillaires »
MARCEL ( surpris)
Quoi ?
JEANNE ( qui le sait très bien)
Ca veut dire quoi « Amours ancillaires »
MARCEL gêné)
Pourquoi me demandes tu ça ?
JEANNE
Ben, pour le savoir bien sûr !
MARCEL
Tu es certaine de ne pas le savoir ?
JEANNE
Si je le savais, je ne te le demanderais pas !
MARCEL
Oui??Hé bien?Tu n?as pas besoin de savoir ça. Ce n?est pas important.
JEANNE
L?autre jour, tu disais qu?il était important d?apprendre, de toujours apprendre. Alors, c?est quoi des amours ancillaires ?
MARCEL
Que tu es pénible ma fille. Des amours ancillaires, c?est, enfin?.c?est lorsque un patron aime une servante. Tu es contente ? Ca va te servir dans la vie de savoir ça ?
JEANNE
Tout peut servir. Mais cela ne doit pas arriver souvent ce truc là. C?est comme si tu aimais Carmen. C?est ridicule.
MARCEL ( plongeant dans son journal)
Je suis d?accord avec toi. Ce serait ridicule. Maintenant si tu veux bien me laisser lire mon journal.
Un long silence.
JEANNE
Remarque, elle est drôlement bien foutue.
MARCEL ( faisant semblant de ne pas comprendre)
Qui ça ?
JEANNE
Ben, Carmen bien sûr. Elle est bien foutue, et même en étant son patron, on doit s?en apercevoir.
MARCEL ( posant son journal d?un air excédé)
Qu?est ce que tu as ce matin ? Tu es encore plus énervante que d?habitude !
JEANNE
Je m?instruis. Pourquoi ça t?énerve ?
MARCEL
Ca ne m?énerve pas que tu veuilles t?instruire. Ce qui m?énerves?..C?est que tu m?empêches de lire mon journal.
JEANNE
Bon, bon. Excuse moi. Je ne te dérangerai plus.
Marcel reprend son journal, Jeanne lit son livre, de nombreuses secondes s?écoulent.
JEANNE
Dis papa,
MARCEL ( abaissant son journal et d?une voix excédée)
Quoi encore ?
JEANNE
Si c?est le fils du patron qui couche avec la bonne, c?est aussi des amours ancillaires ?
MARCEL reprenant son journal
Je n?en sais rien. Fous moi la paix.
Marcel rabaisse son journal.
MARCEL
Qu?es tu en train de lire ?
JEANNE
Zadig de Voltaire ? Moi, je trouve ça rasoir.
MARCEL
Et c?est la dedans que tu as trouvé l?expression « amours ancillaire » ça m?étonnerait.
JEANNE
Non. C?est par association d?idées. Figure toi que Carmen lit Zadig, elle aussi ?
MARCEL
Oui, et alors ?
JEANNE
Alors, rien. Ou du moins, si. Je me demandais qui lui avait prêté ce livre ?
MARCEL
Elle a pu l?acheter toute seule.
JEANNE
D?accord. Mais qui a pu lui donner l?idée d?acheter ce bouquin ?
MARCEL ( il replie soigneusement son journal, mais on le sens furieux)
Bon. Tu as décidé de me pourrir ma matinée. Qu?est ce qui te prend à poser des questions idiotes ? Je ne pourrais pas lire mon journal tranquillement. Je préfère sortir .
Il se lève et sort de la pièce.
Jeanne attend qu?il soit sorti pour éclater de rire.
JEANNE
Je l?ai bien eu mon petit papa. Il était embêtééééééé
CARMEN entre. Son tablier de soubrette marque sa condition mais elle a une certaine classe.
Je vois que Mademoiselle Jeanne est très gaie ce matin.
JEANNE
Ah ! Carmen !! c?est l?instruction qui me met en joie. J?aime apprendre. Ainsi tu vois mon père m?a appris la signification d?une expression que je ne connaissais pas. Mais toi peut être, tu la connais ?
CARMEN
Cela m?étonnerais, si vous ne la connaissiez pas vous-même. Quelle expression ?
JEANNE
Les amours ancillaires.
CARMEN ( on sent qu?elle connaît l?expression, elle est un peu nerveuse)
Non. Non, je ne vois pas. Mais pour faire le ménage j?ai moins besoin d?être cultivée que vous, qui faites des études.
JEANNE
Alors, vous êtes comme Monsieur Jourdain.
CARMEN
Je ne comprends pas. D?ailleurs je ne connais pas de Monsieur Jourdain
JEANNE
Monsieur Jourdain n?existe pas. C?était un personnage inventé qui faisait des choses sans le savoir.
CARMEN
Excusez moi, mademoiselle Jeanne, mais je ne comprends pas ce que vous dîtes
JEANNE
Ce n?est pas grave. ( un temps)
Il y a trois mois que vous travaillez ici. Que faisiez vous avant ?
CARMEN
Avant, j?étais mariée.
JEANNE
Ah bon ! Vous n?avez pas toujours fait?.heu?ce que vous faites ici ?
CARMEN
Non. C?est ma première place. Mais si vous permettez j?ai du linge à repasser
Elle sort.
Xavière et Roland entrent en discutant.
XAVIERE
Tiens ? Tu es là toi ? Je te croyais à un cours ?
JEANNE
La prof est malade. Dites, vous saviez que Carmen n?est pas une vraie bonne ? C?est sa première place. Avant, elle était mariée.
XAVIERE
Bien sûr que je le savais. Et ça change quoi ?
JEANNE ( qui sort en éclatant de rire)
Ca change beaucoup. Elle n?est pas comme Monsieur Jourdain, puisqu?elle n?est pas domestique.
XAVIERE
Il y a des moments ou ta s?ur ne me parait pas tout à fait normale. Elle rit pour un oui ou pour un non, elle tient des propos décousus?.
ROLAND
Ne t?en fais pas maman, c?est l?âge qui veut ça. Elle fait des découvertes?
XAVIERE
On peut s?instruire sans rire bêtement. Au fait? Je fais du coq à l?âne, l?autre jour ton père cherchait le Zadig de Voltaire, ce n?est pas toi qui l?a pris ?
ROLAND en souriant.
Non, moi je ne l?ai pas. Mais il me semble avoir entendu parler de ce bouquin dernièrement. Ce doit être une mode.
XAVIERE
Peut être. Moi, je ne l?ai jamais lu. Il est vrai que la lecture m?empoisonne. Surtout les grands auteurs. C?est d?un barbant !!!! D?ailleurs, on lit de moins en moins.
ROLAND
Dans les classes aisées, c?est vrai. Mais dans les classes dites laborieuses, on lit d?avantage. Enfin, il me semble. Je suis sûr par exemple que Carmen lit plus que toi ?
XAVIERE (Après réflexion)
Ce n?est pas impossible. Elle n?est pas bête cette fille.
ROLAND
Pas bête et sacrément bien fichue !!
XAVIERE
Tu ne devrais pas dire des choses comme ça, Roland.
ROLAND
Je peux dire qu?une femme est jolie.
XAVIERE
Bien sûr. Mais Carmen n?est pas une femme. C?est une employée
ROLAND souriant
Tu as raison maman, une employée ne peut être une femme.
Le rideau tombe.

Le rideau se lève sur le même décor. Xavière lit un livre, et Marcel fait des mots croisés.
Après un moment de silence ; Xavière lève la tête.
XAVIERE
As-tu entendu parler, mon chéri, de Somerset Maugham ?
MARCEL
Oui, pourquoi ?
XAVIERE
Je lis sa biographie, et l?on parle de ses amours ancillaires. Je ne connais pas cette expression. Qu?est ce que c?est ? C?est correct ?
MARCEL (excédé)
Qu?est ce que vous avez toutes à me poser cette question ?
XAVIERE
Ah, bon ? Qui t?a posé cette question ?
MARCEL
Ta fille ! Pourquoi me posez vous cette question ?
XAVIERE
Pour savoir bien sûr !!
MARCEL
C?était aussi la réponse de ta fille.
XAVIERE
Ca prouve que nous pensons de la même façon. Maintenant ; tu n?as pas répondu à ma question. C?est quoi des amours ancillaires
MARCEL ( excédé)
Somerset Maugham avait épousé sa cuisinière, ou il couchait avec elle, je ne sais plus. Là ! Tu es contente ?
XAVIERE
Mais pourquoi t?énerves tu ? Quand on épouse sa cuisinière on fait des amours ancillaires. Ca va j?ai compris.
MARCEL
Admettons que tu aies compris, et n?en parlons plus.
Après un certain temps
XAVIERE
Et tu trouves ça normal, toi ?
MARCEL
Quoi donc ?
XAVIERE
Ben, qu?un homme important épouse sa cuisinière.
MARCEL avec un peu de défi dans la voix
S?il l?aime pourquoi pas ?
XAVIERE
Mais il ne peut pas l?aimer, c?est une employée et lui le patron. Et puis, si c?est sa cuisine qu?il aime, il n?a pas besoin de l?épouser, il n?a qu?a la garder comme cuisinière et c?est tout.
MARCEL
Ecoute, vous commencez à me casser les pieds avec vos amours ancillaires. Vous le faites exprès ?
XAVIERE
Quelle expression ! Pourquoi veux tu qu?on fasse exprès de te « casser les pieds » comme tu me le dis élégamment .
MARCEL toujours énervé
Bon, bon n?en parlons plus !!!
Après un moment de silence :
XAVIERE
A propos, as-tu remarqué que Carmen demande à sortir tous les jours ?
MARCEL ( sursautant)
Pourquoi dis tu « à propos » ?
XAVIERE
Pourquoi je dis « a propos » ? je ne sais pas. Peut être parce que nous avons parlé d?employées ? Tu me parais bien nerveux.
MARCEL
Je ne suis pas nerveux, mais vous m?embêtez tous avec des questions ridicules. Comment veux tu que je sache si Carmen sort ou ne sort pas ? C?est à toi de t?occuper d?elle, pas moi !!
XAVIERE
Mais je ne t?ai jamais demandé de t?occuper de Carmen !Quelle drôle d?expression d?ailleurs ! Je te demandais seulement si tu avais remarqué quelque chose.
MARCEL
Hé bien ma réponse est : Non !
XAVIERE
Parce qu?il me semble qu?elle doit avoir un amoureux !
MARCEL ( faussement détaché)
Tu crois ? En tous cas, c?est son problème, pas le mien !
XAVIERE
Décidemment, on ne peut pas discuter avec toi. Je n?ai jamais dit que si Carmen sortait c?était ton problème . ( un temps) d?ailleurs c?est vrai que c?est une jolie fille. Tu ne trouves pas ?
MARCEL ( prenant l?air excédé)
Si. Si tu y tiens, d?accord ! Carmen est une jolie fille ! Là ! Tu es contente ? Je vais pouvoir finir mes mots croisés ?
XAVIERE
C?est bien ce que je disais : On ne peut pas discuter avec toi ! Je ne sais pas ce que tu as, mais tu m?énerves ! ( elle jette son livre sur la table) Je vais faire un tour, ça me calmera ! ( Elle sort)
Marcel est seul en scène. Il sort un mouchoir et s?essuie le front.
MARCEL ( s?adressant au public)
Mais qu?est ce qu?ils ont, tous, à me tarabuster ? Toutes ces allusions m?énervent c?est vrai. Savent ils quelque chose, ou est ce l?effet du hasard ?
Carmen entre avec un aspirateur qu?elle va brancher, et met en route. Puis abandonnant l?appareil, elle vient vers Marcel.
CARMEN
Monsieur est seul ?
MARCEL
Tu le vois bien que je suis seul !
CARMEN
Je te demandais ça, parce que nous devons être prudent. Je crois que ta femme se doute de quelque chose.
MARCEL
Je me posais aussi cette question. Depuis ce matin, ils me parlent tous d?amours ancillaires. C?est bizarre, non ?
CARMEN
En tous cas, si c?est voulu, c?est vexant. Il y a dans « amours ancillaires » une connotation péjorative que je n?apprécie pas.
MARCEL
Coté péjoratif en moins, c?est quand même un peu ça, non ?
CARMEN
Pas du tout. Tu es un homme, je suis une femme, tu es mon amant, je suis ta maîtresse et c?est tout.
MARCEL
Au fond, tu n?as pas tort. Mais il faudra être plus prudent. Et pour commencer, varier nos heures de rendez vous.
CARMEN
Je crois que ce ne serait pas très intelligent. Ce n?est pas que je m?absente à heures fixes qui attire l?attention. C?est simplement que je m?absente.
MARCEL
Mais alors que proposes tu ?
CARMEN
Ma foi, je n?en sais rien. C?est à toi de voir. Peut être devrions nous nous voir moins souvent ?
MARCEL
Tu dis ça comme si cela ne te faisait rien de moins nous voir ! Mais, c?est que moi, j?ai besoin de toi, de ta peau douce, de ton odeur de.. ;
A ce moment là, Roland entre. Carmen l?avait entendu arriver, était allée prendre l?aspirateur toujours en marche et dit très fort.
CARMEN
Si monsieur pouvait aller dans une autre pièce pour que je puisse passer l?aspirateur ?
MARCEL ( qui n?avait pas vu son fils)
Quoi ? ( il voit son fils) Ah oui, je vais vous laisser travailler, Carmen.( Marcel sort, et Roland vient occuper le fauteuil que vient de quitter son père)
ROLAND
Je vais me faire tout petit. Je ne vais pas vous gêner, Carmen ! j?adore vous voir travailler ! vous avez une élégance, une souplesse..
CARMEN
Ce n?est pas gentil de vous moquer de moi !
ROLAND
Mais je ne me moque pas. Je dis ce que je pense. D?ailleurs, je me pose souvent la question. Vous avez une certaine classe, vous ne préféreriez pas vous marier et faire le ménage chez vous plutôt que d?être employée chez les autres ?
CARMEN
Certainement pas, monsieur Roland !! Si j?étais mariée, je ferais également le ménage, mais sans être payée. Et de plus, je n?aurais droit qu?à un seul homme, alors que là, je suis libre.
ROLAND
Vous aimez avoir plusieurs hommes ?
CARMEN
Bien sûr ! Ou en tous cas, il est agréable de penser que l?on pourrait éventuellement en avoir plusieurs.
ROLAND
Oh, alors, c?est parfait. Je pose ma candidature !
CARMEN
Vous êtes bien jeune. Et puis, avec vous, ce ne serait pas possible.
ROLAND
Tiens donc !! Et pourquoi ? Je suis certain en tous cas que ce n?est pas parce que vous êtes notre employée?
CARMEN
Mais, si, c?est pour ça !!
ROLAND
Ce n?est pas gentil de vous moquer de moi. Vous n?êtes pas mon employée, alors que vous êtes l?employée de mon père.
CARMEN
Je ne vois pas ou vous voulez en venir.
ROLAND
Intelligente comme vous l?êtes, vous comprenez parfaitement, ou je veux en venir.
CARMEN après un temps
Ce que vous êtes en train de faire, Monsieur Roland, ce n?est pas un peu du chantage ?
ROLAND
Oh, non ! Vous vous trompez ! Je ne vous menace de rien du tout. Je ne veux pas que vous partiez. Je veux seulement que vous sachiez, que je ne suis pas si jeune que ça. Je vais avoir 18 ans.
CARMEN
Hé bien, Monsieur Roland, lorsque vous aurez 18 ans, nous reprendrons cette conversation. En attendant, pouvez vous me laisser faire mon travail ?
ROLAND
Ce que vous me laissez espérer, c?est pour dans deux mois. ça va être long !! Je vais compter les jours. Pourrais je avoir un petit baiser en acompte ?
Carmen vient vers Roland, lui pose sur le front un rapide baiser.
CARMEN
Voilà, maintenant vous me laissez travailler. Je suis en retard aujourd?hui.
ROLAND
Et « ON » n?aime pas quand vous êtes en retard, hein ?
CARMEN
« JE » n?aime pas être en retard, allons soyez gentil, laissez moi !
Roland sort, pendant que le rideau tombe.
Le rideau se lève sur le même décor.
La scène est vide quelques secondes. On entend des voix de personnes qui se disputent, puis entrent Marcel et Xavière
MARCEL
Je ne sais pas ce que vous avez, tous depuis quelques jours, toi et tes deux gosses !! On dirait que vous faites un concours pour savoir qui pourra le plus m?empoisonner la vie !! J?en ai ras le bol !
XAVIERE
Quelle expression !!! Par ailleurs, au lieu d?accuser les autres, ne pourrais tu te poser la question de savoir si ce n?est pas toi, le fautif ?
MARCEL ( proche de sa femme, et la regardant dans les yeux)
Bon. Expliquons nous une fois pour toute. En quoi suis-je fautif ?
XAVIERE
D?abord, tu es très nerveux !
MARCEL
C?est vous qui m?énervez ! Et c?est tout ?
XAVIERE ? hésitante)
Oui?.non, enfin?Je trouve que tu n?es plus le même ?.depuis que Carmen est là.
MARCEL
Carmen ? Qu?est ce qu?elle vient faire là ?
XAVIERE
Il me semble?que tu ne la regardes pas normalement.
MARCEL
Qu?est ce que ça veut dire « Tu ne la regardes pas normalement »
XAVIERE
Carmen est notre employée
MARCEL
Oui est alors ?
XAVIERE
Tu la regardes?Comme une femme.
MARCEL
Ce n?est pas une femme ?
XAVIERE
Si?Non, enfin, tu la regardes comme si tu l?appréciais.
MARCEL
Mais je l?apprécie !! Elle fait bien son travail et de plus, elle est agréable à regarder.
XAVIERE
Justement ! Tu n?as pas à la regarder ?.avec des yeux gourmands.

Roland entre
ROLAND
Qui donc papa regarde avec des yeux gourmands ?
XAVIERE
Ca ne te regarde pas !! Tu vois que je discute avec ton père. Laisse nous !
ROLAND
Bon, bon ! Que vous êtes nerveux, tous, depuis quelque temps?Tiens ! depuis que Carmen est à la maison.
XAVIERE
Ah ? Tu as remarqué ça toi aussi ?
MARCEL ( décidé)
Asseyez vous tout les deux, et videz vos sacs ! Que me reprochez vous ?
ROLAND
Oh, moi, à part ta nervosité, rien du tout. Je dirai mieux : je te comprends
XAVIERE
Tu comprends quoi ?
ROLAND
Hé bien, que l?on puisse regarder Carmen avec des yeux gourmands. C?est une très jolie femme.
XAVIERE
Tu n?as pas honte de dire ces monstruosités ?
ROLAND
Quelles monstruosités ? Tu ne peux nier que Carmen soit une très belle femme ?
XAVIERE
Ce n?est pas une femme ! C?est une employée. Et si vous continuez à ..l?admirer, elle ne le restera pas longtemps !
ROLAND
Si tu flanques Carmen à la porte parce qu?elle est trop jolie, tu vas avoir des ennuis, maman, avec les prud?hommes !
MARCEL (excédé)
Assez !!!!!! Je ne veux pas continuer à vivre au milieu de sous entendus, d?allusions, de bêtises. Que voulez vous, à la fin ? Carmen est dans la maison, je ne peux pas tourner la tête dés qu?elle entre dans la pièce ou je me trouve ; hein ?
XAVIERE
Je ne te demande pas de tourner la tête. Mais c?est elle qui te tourne la tête, et cela je ne peux l?admettre.
MARCEL
Mais ma pauvre, ta jalousie est maladive. Ou as-tu vu que notre domestique me tourne la tête ? Ce n?est pas parce que mes yeux se posent sur elle quand elle passe à proximité qu?elle me tourne la tête. Tu es ridicule !!!
XAVIERE
Je sais ce que je sais !
MARCEL
Tu sais quoi ? Vas y ! Mets tout sur la table, qu?on s?explique une bonne fois, et qu?on n?en parle plus !!
XAVIERE
Je préfère me taire.
MARCEL
Ou tu parles, ou tu te tais, mais tu arrêtes avec tes insinuations idiotes ! Compris ?
ROLAND ( admiratif)
Hé bien papa !
MARCEL
Quoi ?
ROLAND
Rien. Tu es très fort !
MARCEL ( très énervé)
Mais enfin vous allez en finir ? Pourquoi dis tu que je suis très fort ?
ROLAND
Parce que je le pense. Tu ne peux pas m?empêcher de t?admirer ?
MARCEL
Admire moi. Mais en silence.
Un silence, puis Marcel reprend
MARCEL
Maintenant, tous ces mauvais procès que l?on me fait tournent autour de Carmen. Alors, c?est bien simple, il n?y a qu?a lui demander sa démission.
XAVIERE
Et sous quel prétexte je vais lui demander sa démission ?
MARCEL
Ca, c?est ton problème ! Tu m?a dit que tu savais des choses. Tu ne veux pas me les dire, tu n?as qu?à les lui dire à elle??enfin débrouille toi ! Moi, je donne mon accord pour qu?elle soit renvoyée, pour le reste?
ROLAND
Moi, si je peux dire un mot??.
XAVIERE
Toi, tais toi !!
MARCEL
C?est toi qui est nerveuse, Xavière ! Si Roland a quelque chose à dire, laisse le parler ( A Roland) Dis le ton mot.
ROLAND
Moi, je pense qu?il serait injuste de renvoyer Carmen au seul motif que c?est une jolie femme.
MARCEL
C?est un fait?
XAVIERE
Oh, bien sûr ! Les mâles tombent toujours d?accord quand il s?agit d?une femme pas trop laide.
MARCEL
Ce n?est pas une question de sexe, de mâle ou femelle, c?est un problème de justice.
ROLAND ( heureux de son mot)
Oh, tu sais papa, les femmes s?en balancent de la justice !!
MARCEL
Pas mal mon fils !
XAVIERE
Qu?est ce qui n?est pas mal ?
ROLAND
Mais, maman, les balances et la justice? C?était bien non ?
XAVIERE
Vous m?énervez tout les deux. Je préfère aller faire un tour pour me détendre.
Elle sort
Roland et Marcel restent silencieux un moment.
ROLAND
Moi, je trouve qu?elle est bien Carmen. Tu es de mon avis ?
MARCEL
Il me semble qu?elle fait bien son travail, et elle est là pour ça.
ROLAND
Oui. Elle est là pour ça, ici. Et dehors elle est bien aussi.
MARCEL
Vous êtes tous bien énervants avec vos propos sibyllins . Je vais faire comme ta mère, je vais faire un tour.
Marcel sort, et Roland resté seul, s?adresse au public
ROLAND ( à la salle)
Il est gêné le paternel. Je le comprends. Mais je suis bien obligé de parler à demi mot. Je ne peux pas lui dire : Papa, je sais que Carmen est ta maîtresse. D?ailleurs, rien que de vous le dire ça me fait mal. Elle me plait énormément, et il ne s?agit pas d?amours enfantines, depuis qu?elle est là, elle me plait de plus en plus. Je ne peux quand même pas concurrencer mon père ! On a tous les nerfs à cran ! Moi aussi, il faut que je sorte. Je vais faire un footing. A plus tard
Roland sort, pendant que
Le rideau tombe


Le rideau se lève sur le même décor. Roland est seul en scène. Il est assis en travers sur un fauteuil, son dos contre un accoudoir, ses jambes passées sur l?autre accoudoir. Il est entouré de livres, de feuilles et il écrit.
Jeanne entre. Elle a l?air préoccupée.
JEANNE
Bonjour mon frère ! Je te souhaite un bon anniversaire. 18 ans c?est important ! C?est paraît il le plus bel âge ! Tu as de la chance !
ROLAND
Merci Jeanne. Mais ce n?est pas une question de chance. Tout le monde a un jour 18 ans sans effort. Par ailleurs, je ne sais pas si c?est le bel âge pour les autres, mais pour moi, en tous cas, ce n?est pas drôle. J?ai un exposé à faire demain, et je vais bosser toute la journée. Tu peux me laisser travailler ?
JEANNE
Oh ! Tu peux bien prendre quelques minutes de récréation ?
ROLAND
Pourquoi ? Tu as à me parler ?
JEANNE
Oui. Je suis bien embêtée.
ROLAND (posant sa feuille et son stylo pour l?écouter)
Bon. Mais ne sois pas trop longue. Je t?écoute. Qu?est ce qui t?embête ? Tu as des ennuis ?
JEANNE
Ce n?est pas directement moi. Mais ça m?embête !
ROLAND
Tu accouches, oui ? Si ce n?est pas directement toi, c?est qui ?
JEANNE
Tu te souviens, il y a quelque temps, je t?ai dit que j?avais vu papa et Carmen, aller à l?hôtel de France ?
ROLAND
Oui, et alors ? Il y a du nouveau ?
JEANNE
Non justement !
ROLAND
Tu vas t?expliquer, oui ?
JEANNE
Hé bien, quand je t?en avais parlé, je trouvais ça marrant. Je connais les hommes, ils ne savent pas résister aux jolies femmes.
ROLAND (ironique)
Je t?admire de si bien connaître les hommes. Mais ou veux tu en venir ?
JEANNE
Tu viens de me demander s?il y avait du nouveau. Je t?ai répondu : Non. Et c?est ça qui est dramatique. Papa et Carmen, ça continue. Alors ça, ce n?est plus marrant du tout. Une petite aventure comme ça en passant, ce n?est pas important, mais quand ça dure, c?est hyper grave. La pauvre maman, tu te rends compte ?
ROLAND
Pourquoi tu dis ça ? Maman est au courant ?
JEANNE
Ca, je ne le sais pas. Mais si papa finissait par demander le divorce, tu t?imagines un peu ?
ROLAND
Oh, il n?en est pas là ! Carmen est une jolie fille, point à la ligne.
JEANNE
Point à la ligne, point à la ligne !! Ma parole tu es inconscient ! Non, je te dis : c?est hyper grave ! Il faut faire quelque chose !
ROLAND
Que veux tu que l?on fasse ?
JEANNE
Je ne sais pas, moi. C?est pour ça que je t?en parle. Il faudrait peut être en parler à Carmen ?
ROLAND
En parler à Carmen ?
(On sent qu?il réfléchit et qu?une idée lui vient)
ROLAND
Attends, attends. Ce ne serait pas idiot. J?ai peut être une idée. Laisse moi réfléchir un moment.
Un moment de silence.
ROLAND
Oui. Je crois que ton idée n?est pas mauvaise. On ne peut pas en parler à maman, bien sur, à papa, c?est difficile, et ça ne donnerait rien. Il n?y a que Carmen.
JEANNE
Bon. Puisque c?est moi qui ai eu l?idée, c?est à moi de lui parler, mais ça m?embête.
ROLAND ( faux jeton)
Oui, je comprends que ça t?embête. Et puisqu?il s?agit de sauver la famille, et que je suis l?aîné, c?est à moi de parler à Carmen.
JEANNE ( soulagée)
Merci, Roland, tu es très courageux. Moi je ne sais pas si j?aurais osé !
ROLAND ( faussement modeste)
C?est tout à fait normal. C?est à moi de prendre les responsabilités de l?aîné. Je crois même que le plus tôt sera le mieux. Papa et Maman sont invités chez les Dormois, ils ne seront pas là avant deux ou trois heures. Nous allons en profiter .
Voilà ce que nous allons faire. Tu vas t?habiller pour sortir. Lorsque tu seras prête, tu iras voir Carmen, et tu lui diras que je veux la voir, et puis tu sortiras.
JEANNE
C'est-à-dire, que je préfèrerais être dans la pièce à côté pour écouter.
ROLAND
Il n?en est pas question. Tu sais, c?est une corvée pour moi. Alors je préfère être seul. Maintenant si tu veux lui parler toi-même?.
JEANNE
Non, non !D?accord, je sortirai. Que vas-tu lui dire exactement ?
ROLAND
Je verrai. C?est mon problème. Fais moi confiance. Je saurai trouver les mots qu?il faut.
JEANNE
Ne sois pas trop méchant avec elle. Après tout, elle est obligée de faire ce que papa lui demande.
ROLAND
Non, elle n?est pas obligée d?aller à l?hôtel avec lui. Mais je te le dis : Fais moi confiance je ne serai pas impitoyable avec elle. Habille toi, demande à Carmen de venir me voir, sors, et ne reviens pas avant une heure.
JEANNE
Il te faut si longtemps pour lui dire d?arrêter avec papa ?
ROLAND
Je ne sais pas, mais je préfère compter large. Vas ! Et fais moi confiance : je ferai mon devoir.
Jeanne sort. Roland range ses livres, ses papiers, met un peu d?ordre. Renoue sa cravate, va se donner un coup de peigne devant un miroir, et va s?asseoir dans un fauteuil en prenant une position élégante.
On frappe à la porte.
ROLAND
C?est vous Carmen ? Vous pouvez entrer !
CARMEN
Votre s?ur me dit que vous vouliez me voir.
ROLAND
Oui, Carmen. Vous voir?..Et vous parler.
CARMEN
Je vous écoute.
ROLAND
Bon. Je ne vais pas y aller par quatre chemins. ( Il hésite) Tiens, à propos, vous saviez que j?ai 18 ans aujourd?hui ?
CARMEN
Je ne le savais pas, mais je vous souhaite un bon anniversaire. Voilà?. Je peux reprendre mon travail maintenant ?
ROLAND
Mais je ne vous ai encore rien dit.
CARMEN
Ah bon, vous avez autre chose à me dire, ou à me demander peut être ?
ROLAND
Pourquoi croyez vous que c?est moi qui ai quelque chose à vous demander ?
CARMEN
Excusez moi, je croyais que vous vouliez faire allusion à des propos en l?air que j?avais tenu il y a un ou deux mois.
ROLAND ( qui s?en souvient très bien)
Quel propos ? Je ne m?en souviens plus !
CARMEN
Ce n?est pas grave. N?en parlons plus.
ROLAND
Oh, mais si, parlons en ! Qu?est ce que vous m?aviez dit ?
CARMEN
Une bêtise. Vous me faisiez un peu la cour, je vous ai dit que vous étiez trop jeune, vous m?aviez répondu que vous alliez avoir 18 ans et pour plaisanter, je vous avez dit que nous en reparlerions à ce moment là.
ROLAND
Ah, oui. Ca me revient. Hé bien j?ai 18 ans aujourd?hui. Une promesse est une promesse !
CARMEN ( un peu énervée)
Quelle promesse ? D?en parler ? Hé bien d?accord. Parlons en. C?est non.
ROLAND
Du calme, Carmen, du calme. Il faut voir tous les éléments d?un problème. Voyons donc les choses avec réalisme.
Vous êtes la maîtresse de mon père. Comme le dit ma s?ur, qui entre parenthèse est au courant, une passade??.ça passe. Mais lorsque cela dure, c?est hyper grave. Vous risquez ni plus ni moins de démolir toute une famille.
Vous êtes une jolie femme, mon père est vieux, vous ne devez pas tenir à lui énormément. Mais d?un autre côté, je ne veux pas que vous soyez lésée. Je vous demande de rompre avec lui, mais je ne vous impose pas de rester chaste, alors je me propose pour remplacer mon père. D?ailleurs vous y gagnez au change, je suis jeune, et je ne suis pas marié, donc vous ne ferez de mal à personne. Tout le monde est gagnant.
CARMEN
Tout le monde est gagnant ? Certainement pas. Il y a d?abord votre père?
ROLAND
Mon père est vieux, et surtout, il est père de famille. Il serait temps qu?il s?en souvienne.
CARMEN
?.Et puis, il y a moi. Car voyez vous, même si vous le trouvez vieux, moi, non, et je l?aime.
ROLAND
Vous l?aimez ? Et vous osez me dire ça ? Mais vous n?avez pas le droit ! Il n?est pas libre, il a une femme, il a des enfants, il n?a pas votre indépendance?..Alors que moi, je suis indépendant.
CARMEN
Indépendant ? S?il n?y avait pas votre père, qui vous logerait ? Vous habillerait ? Vous nourrirait ? Allons, vous avez peut être 18 ans, vous êtes théoriquement majeur, mais vous êtes un enfant.
ROLAND
Alors, vous refusez ma proposition.
CARMEN
Bien sûr, je la refuse .
ROLAND
Bon. Alors, je vous écoute.
CARMEN
Que voulez vous que je vous dise ?
ROLAND
Je veux connaître vos intentions ; Avec mon père, cela ne peut pas durer. Alors ? Que comptez vous faire ?

CARMEN
Je n?ai pas de compte à vous rendre. En revanche, j?ai des comptes à rendre à mes patrons, et il faut que j?aille travailler.
Carmen s?apprête à sortir
ROLAND
Attendez, Attendez Carmen ! Une seconde ! Si vous avez des comptes à rendre à mes parents, vous devriez dire à ma mère que vous faites des heures supplémentaires. Logique, non ?
CARMEN
Non. Je ne me fais pas payer mes heures supplémentaires comme vous dites. Je suis donc libre, dans la mesure ou je fais bien mon travail.
ROLAND ( chagrin)
Décidemment, vous êtes bien trop intelligente pour rester domestique. ( un temps) Carmen, voulez vous m?épouser ?
CARMEN ( interloquée)
Vous êtes fou ? ( Après un moment, elle rit) Et avec quoi vous allez pouvoir m?entretenir ?
ROLAND( furieux)
Ah, nous y voilà !! C?est donc uniquement un problème matériel. Vous couchez avec mon père parce que c?est confortable, mais vous ne l?aimez pas !
CARMEN
Pensez ce que vous voulez. Vous êtes un enfant. Vous ne comprenez pas grand-chose de la vie. Peut être n?avez-vous pas de travail, mais moi, j?en ai. Je vous laisse. Elle sort.
ROLAND ( lui crie)
Au fond, vous n?êtes pas intelligente !! Vous ne savez pas ou est votre intérêt !
Le téléphone sonne, Roland va décrocher.
Allo ? ??Oui, ne quittez pas, je l?appelle.
Roland hurle
Carmen !!! C?est pour vous !
Carmen entre, va prendre le téléphone. Sa conversation est inaudible, pendant que Roland vient à l?avant scène et s?adresse à la salle.
ROLAND
Ma s?ur prétend connaître les hommes. Elle a bien de la chance ! Moi, je ne comprends pas les femmes. Enfin, je vous fais juge. C?est vrai que mon père n?est pas trop mal pour son age. Mais franchement, je suis au moins aussi bien que lui, et en plus jeune. Pourquoi Carmen ne veut elle pas de moi ? Vous êtes d?accord ? c?est incompréhensible ! A moins, à moins bien sûr qu?elle ne soit intéressée. Mais au fond de moi, je ne peux pas y croire. Ma Carmen ne peut être attirée par l?argent. Je l?aime. Et puis, il faut bien l?avouer, entrer en concurrence avec mon père cela me plait. Cela me plait beaucoup. Mais je ne suis pas encore battu.
Carmen qui vient de raccrocher l?interpelle :
CARMEN
Monsieur Roland?
ROLAND
Il est inutile de m?appeler Monsieur Roland. Vous me considérez comme un gosse, alors appelez moi Roland. D?ailleurs, ce sera plus intime.
CARMEN
Monsieur Roland il faut que je m?absente. Je ne pense pas être très longue. Si vos parents rentrent avant moi, pouvez vous les prévenir ?
ROLAND ( boudeur)
Oh, faites ce que vous voulez ! Professionnellement c?est à ma mère que vous devez des comptes, et pour le reste, débrouillez vous avec mon père .
CARMEN
Allons, ne soyez pas fâché, Monsieur Roland ! je réfléchirai à votre proposition, là ! Vous êtes content ?
ROLAND
Si je suis content ?? Je pense bien ! Mais que vos réflexions aillent dans le bon sens, hein ?
(Carmen sort, et Roland se met à danser comme un fou, en criant, « Elle veut bien, elle veut bien ! j?ai gagné, je suis heureux etc?. cette scène doit durer deux ou trois minutes, puis, Roland épuisé se jette sur un fauteuil)
ROLAND
Bon sang que je suis heureux. Si elle m?a dit qu?elle allait réfléchir, c?est que sa décision est déjà prise. C?est chouette.
( Marcel et Xavière entrent
XAVIERE
Je ne me souvenais pas que les Dormois étaient aussi snobs et ridicules. Elle surtout ! Quelle bécasse !
ROLAND
Tiens ? Vous êtes déjà là ?
MARCEL
Non. Nous sommes enfin là. Tu as eu raison de ne pas vouloir nous accompagner. Ils sont rasoirs ces gens.
ROLAND
Ah ça ! Je sais que j?ai bien eu raison de ne pas aller avec vous. J?étais mieux ici.
XAVIERE
Sais tu ou est Carmen ?
ROLAND
Carmen a reçu un coup de fil, et elle est sortie.
MARCEL
Qui lui téléphonait ? Elle aurait pu attendre que nous soyons rentrés pour nous demander de sortir
XAVIERE
Je dois dire qu?elle commence à exagérer, avec ses sorties à répétition. Elle doit avoir plein de petits amis.
MARCEL
Elle peut très bien sortir pour autre chose que pour aller voir un homme !
ROLAND
Papa a raison. Je suis certain que Carmen est très sérieuse.
XAVIERE
Je me demande ce qui peut de faire dire ça ? Quand elle sort, tu n?es pas derrière elle ?
MARCEL
Roland a raison. Carmen me parait très sérieuse. Tes accusations sont sans fondement.
XAVIERE
Ah, bon !! Je constate qu?elle a deux bons avocats. Tout ça, parce qu?elle n?est pas trop moche. Qu?ils sont nigauds les hommes !!!

ROLAND
Tu sais, maman, je connais des cas ou ce sont les femmes qui sont nigaudes, et ne voient pas ce qui devrait leur crever les yeux.
XAVIERE ( un peu inquiète)
Pourquoi dis tu ça ?
ROLAND
Quand tu disais que les hommes étaient nigauds, tu parlais en général. Quand je dis que les femmes sont nigaudes, je parlais aussi en général.
Après un moment de réflexion.
XAVIERE
Je parlais en général, mais je pensais à vous deux. C?est à moi que tu faisais allusion, Roland ?
MARCEL
Mais non, il parlait en général. Il te l?a dit.
XAVIERE
Je préférerais que Roland réponde lui-même à la question que je lui ai posée : Tu parlais en général?.de ta mère ? Qu?est ce qui devrait me crever les yeux ?
MARCEL
Mais rien du tout. Qu?est ce que tu vas chercher ?
XAVIERE
Je m?adresse à Roland.
ROLAND
Considère que la réponse de papa est la mienne. Là ! tu es satisfaite ?
XAVIERE
Non, je ne suis pas satisfaite. Je ne sais pas ce que vous manigancez tout les deux, mais je suis certaine que vous me cachez quelque chose.
A ce moment là, Carmen entre.
CARMEN
Pourrais je parler à madame ?
XAVIERE
Je vous écoute. Vous pouvez parler devant mon mari et mon fils.
Manifestement, Roland et Marcel sont inquiets.
CARMEN
Je suis navrée, madame, mais je vais quitter mon service.
MARCEL et ROLAND (en même temps)
Quoi ?
XAVIERE ( les regarde, étonnée)
Vous semblez encore plus étonnés que moi. ( A Carmen) Bien sur, vous êtes libre. Mais avez-vous quelque chose à nous reprocher, Carmen ?
CARMEN
Oh non, madame. J?étais parfaitement heureuse chez vous.
XAVIERE
Vous avez trouvé une place mieux payée ? Si c?est le cas, nous pourrions ??
CARMEN
Non, non madame, je ne vais pas dans une autre place. C?est?.c?est privé.
XAVIERE
Ah, bon. Si c?est privé, je n?insiste pas.
MARCEL
Tout de même, nous avons le droit de savoir pourquoi vous partez.
XAVIERE
Mais non, Marcel. Du moment que c?est privé, elle ne nous doit aucune explication.
MARCEL
Mais enfin, quand même, vous avez pris cette décision subitement. Nous avons le droit de savoir si l?un de nous est en cause ?
ROLAND
Papa a raison. Nous avons discuté un moment tout à l?heure et vous ne m?aviez pas parlé de votre intention de partir. C?est à la suite de votre sortie que vous avez pris cette décision ?
CARMEN
Puisque vous insistez, je vais vous le dire. Je vais m?arrêter de travailler. Je n?étais pas divorcée mais seulement séparée de mon mari. Il vient de me donner sa parole d?honneur qu?il me sera fidèle, alors, nous allons reprendre la vie commune.
MARCEL
Alors, il suffit qu?un homme vous dise » je serai fidèle » pour que vous le croyiez ? Surtout un homme qui vous a déjà trompée ?
XAVIERE
Comment sais tu qu?il avait trompé Carmen ?
MARCEL
Je ne sais plus. Elle a du en parler un jour.
XAVIERE
En tous cas, moi, je ne le savais pas.
MARCEL
La question n?est pas là. Ecoutez Carmen, vous pourriez au moins réfléchir un peu, c?est votre intérêt, et puis, cela nous permettrait de nous retourner pour vous trouver une remplaçante, n?est ce pas Xavière ?
XAVIERE
Bien sur, ça nous gêne un peu, mais nous n?avons pas le droit de nous opposer à la décision de Carmen.
Je vous demande de rester encore 8 ou dix jours, ensuite vous serez libre. D?accord ?
CARMEN
Je resterai encore 10 jours. Merci madame pour votre compréhension.
Elle sort
MARCEL
Mais enfin qu?est ce qui lui prend subitement ?
XAVIERE
Et toi ? Qu?est ce qui te prend subitement à t?intéresser à un problème qui est de mon ressort ? Décidemment, je ne suis pas mécontente qu?elle s?en aille. Elle est bien trop jolie cette femme .
MARCEL
Qu?est ce que tu veux insinuer ?
XAVIERE
Je n?insinue rien. Je constate qu?elle est jolie, c?est tout. C?est curieux, maintenant que je suis d?accord pour reconnaître que c?est une belle femme, c?est vous qui n?êtes plus d?accord.
ROLAND
Oh, si ! Moi je suis toujours d?accord. C?est une très jolie femme. Je trouve seulement regrettable qu?elle songe à se consacrer à un seul homme.
XAVIERE
Tu n?as pas honte de dire ça ? Bon. Il faut que je me mette à la recherche d?une remplaçante.
Elle sort. Marcel et Roland sont effondrés dans leur fauteuil
MARCEL ( parlant à lui même)
Mais qu?est ce qui lui a pris ?
ROLAND ( parlant également à lui même)
Pourtant, elle m?avait promis..
MARCEL ( se rendant compte de ce que son fils vient de dire)
Elle t?avait promis quoi ?
ROLAND
Oh, rien. C?était entre elle et moi.
MARCEL
Quoi entre elle et toi ? Il y avait quelque chose entre vous ?
ROLAND
Non, papa, rassure toi. Il n?y avait encore rien.
MARCEL
Il n?y avait encore?? Donc il devait y avoir ? Elle t?avait promis quelque chose ?
ROLAND
A quoi bon ? Elle part. Pour toi, c?est fini, et pour moi, ça n?a pas commencé.
MARCEL
Ah ? Tu savais ?
Un long moment de silence.
MARCEL
Au fond, c?est beaucoup mieux comme ça. J?étais très gêné avec ta mère. S?il te plait, tu garderas ta langue ?
ROLAND
Bien sûr, je ne dirai rien. J?espère seulement que maman, par précaution ne va pas prendre une mocheté. Je ne dirai rien à maman, mais souviens toi papa, c?est moi qui aurai la priorité.

Le rideau tombe
FIN
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