Ecriture-Lecture




AUTOUR D\'UN BEBE



AUTOUR D?UN BEBE



PERSONNAGES


JEANNE 34 ans
HENRI 35 ans son mari
HELENE amie de Jeanne
CAROLINE 29 ans






ACTE 1


Le rideau s?ouvre sur :

Salle de séjour dans une maison bourgeoise. Un très long canapé, quatre fauteuils, table basse et très longue aussi
Une porte au fond qui mène vers l?entrée, une porte à gauche, une porte à droite. Dans un fauteuil, face au public, Jeanne a des écheveaux de laine sur les genoux et crie :

JEANNE
Henri !!!Tu es là ?
Voix off
Oui ma chérie. Que veux-tu ?
JEANNE
Peux-tu venir me donner un coup de main ?
HENRI (plaisantant)
Oh, même plusieurs si tu vu veux, mais je ne frapperai pas fort !
JEANNE
Idiot !! Non, il te suffira de tenir un écheveau pour que je fasse des pelotes de laine.
HENRI
Pour ça, je suis imbattable. Je le faisais déjà pour ma mère.
(Henri entre, met un écheveau entre ses deux poignets écartés et Jeanne fait des pelotes.
JEANNE
Je sais, je sais !!! Tu as tout fait pour ta mère??Et tu continues d?ailleurs.
HENRI
N?y aurait-il pas un sous-entendu dans ce que tu viens de dire ?
JEANNE
Si ce n?est qu?un sous-entendu, je vais être plus directe. Il suffit que ta mère te demande quelque chose, et hop !! Tu bondis pour qu?elle ait satisfaction.
HENRI
Que veux-tu, c?est dans mon caractère !! Regarde, tu viens de m?appeler pour faire tes pelotes, et je suis là aussitôt.
JEANNE
Ce n?est pas la même chose. Moi, je suis ta femme.
HENRI
C?est vrai, mais pour que tu m?aies pour mari, il a bien fallu que ma mère me fabrique.
JEANNE
Fabriquer un gosse, ce n?est pas bien fatigant !
HENRI
Qu?en sais-tu ? Tu n?en as jamais eu.
JEANNE
C?est un reproche ?
HENRI
En tous cas, ce n?est pas un scoop. Tu sais depuis longtemps, au temps de nos fiançailles pour être précis, que j?aimerais avoir des enfants.
JEANNE
M?occuper d?un marmot puant, et criant jours et nuits, merci bien. Je ne me sens pas une âme de mère.
HENRI
Tu n?en sais rien. C?est une chose que l?on ne peut savoir que lorsque l?on a un bébé.
JEANNE
Ouais !!! Et si l?expérience n?est pas concluante, tu restes avec ta boule puante et braillante. J?aimerais que tu ne reviennes pas sur cette question. C?est non. Dé-fi-ni-ti-ve-ment, compris ?
HENRI
Bien. C?est parfaitement compris. (un temps) Avec toi ce ne sera pas possible.
JEANNE
Hé, non !
( après un temps assez long)
Mais?.que veux dire : AVEC TOI, ce ne sera pas possible ?
HENRI
Ca veut dire, que toi tu n?en veux pas.
JEANNE
Ca peut vouloir dire qu?avec une autre, ce serait possible ?
HENRI
Ca peut vouloir dire ça.

JEANNE (qui a abandonné sa pelote)
JEANNE
C?est une menace ? Si je ne te fais pas un enfant, tu me quitterais ?
HENRI
A vrai dire, je ne me suis pas posé la question. Je ne peux donc t?y répondre, dans un sens ou dans un autre.
JEANNE
Ce serait donc possible ?
HENRI
Je n?y avais pas réfléchi, mais?.
JEANNE
Mais ?
HENRI
Mais puisque tu soulèves la question, je vais y réfléchir.
JEANNE
Je n?ai rien soulevé du tout ! C?est toi qui en a parlé.
HENRI
Bon, Puisque LA question a été soulevée, je vais y réfléchir.
JEANNE
Tu ne m?aimes plus ?
HENRI
Si bien sûr !
JEANNE (reprenant sa pelote de laine)
Alors tu ne me quitteras pas !
HENRI
Si ça t?arrange de le penser !
Jeanne abandonne de nouveau ses pelotes
JEANNE
Je me demande si tu n?es pas en train de me dire que tu as trouvé une autre femme qui te fera un enfant.
HENRI
Hé non ! Personne en vue??Pour l?instant.
JEANNE
Pourrais-tu parler plus franchement ? Tu cherches une autre femme pour avoir un enfant ?
HENRI
Je t?ai dit que je voudrais avoir au moins un enfant. Pour l?instant, cela ne va pas plus loin.
Un long silence
JEANNE
Remarque, il y aurait peut être une solution ?
HENRI
Je t?écoute.
JEANNE
Nous pourrions en adopter un.
HENRI
Je ne te comprends pas. Un enfant naturel ou adopté, ça sent de la même façon et ça braille aussi fort.
JEANNE (s?énervant peu à peu)
Vous êtes marrants les hommes ! Vous voulez des enfants ! Pour vous ce n?est pas désagréable ! Vous faites l?amour, vous jouissez et c?est tout ! Alors que nous, nous avons des nausées, nous vomissons pendant des mois, nous sommes complètement déformées, nous sommes hideuses, lorsque l?accouchement arrive, alors vous pouvez nous tenir gentiment la main, mais c?est nous qui souffrons, souffrons pendant des heures et des heures. C?est vous qui avez le plaisir et nous tous les tourments !!
HENRI
Si je comprends bien, les raisons que tu m?avais données n?étaient que des prétextes. Ce n?est pas parce qu?un bébé sent mauvais et braille que tu n?en veux pas, c?est que tu ne veux pas être enceinte.
JEANNE
C?est tout à la fois. Mais pour te faire plaisir, j?accepterais peut être d?en adopter un.
HENRI
Mais ce n?est pas du tout la même chose ! C?est un enfant de moi, de nous que je voudrais.
JEANNE
Tu vois ? Je tente de faire un effort, mais toi, tu ne bouges pas d?un millimètre.
(Sonnerie à la porte d?entrée. Henri regarde sa montre)
HENRI
J?ai un rendez vous avec un client dans une demi-heure, je vais ouvrir en partant.
(Il sort. Jeanne prend les écheveaux et les pelotes de laine et les range dans un tiroir. Entre Hélène une jeune femme)

JEANNE
Ah, c?est toi, Hélène ? Je suis bien contente de te voir ! Ca va me changer les idées.
HELENE
Pourquoi ? Tu as des problèmes ?
JEANNE
Oh, c?est Henri. Il veut un gosse, il veut un gosse, il veut un gosse !!! Et zut à la fin. C?est nous qui, nous tapons toutes les souffrances et les corvées !
HELENE
Il est vrai que la nature ne nous a pas donné le rôle le plus facile, mais tu sais globalement, c?est drôlement positif d?avoir un enfant !
JEANNE
Ca, ça m?étonnerait !
HELENE
Tu oublies que j?en ai un et que je parle en connaissance de cause. Avoir un enfant à soi, que l?on a fabriqué avec l?homme que l?on aime, c?est quelque chose de merveilleux, que seules les mères peuvent comprendre !
JEANNE
C?est ça !!Dis que je suis ignare !
HELENE
Tu es loin d?être ignare, mais tu n?es pas mère.
JEANNE
Et je ne veux pas l?être ! Mais arrêtons sur ce sujet, veux tu ? Je viens d?en parler longuement avec mon mari, alors, ça suffit ! Si je dois continuer avec mon amie, non ! Merci!
HELENE
O.K. Parlons d?autre chose ! Au fait ; mais tu dois le savoir déjà, les Marais divorcent.
JEANNE
Ah, bon ? Je savais que le ménage ne marchait pas fort, mais c?est officiel ? Ils divorcent ?
HELENE
Officiel ! J?ai rencontré Caroline ce matin et c?est elle-même qui me l?a dit. Finalement, cela ne se passe pas trop mal avec Jacques. Maintenant qu?ils se sont mis d?accord pour divorcer, ils n?ont plus de raisons de se disputer.
JEANNE
Alors s?ils s?entendent bien, ils n?ont qu?à rester ensemble !

HELENE
Tu dis des bêtises. C?est parce qu?ils se sentent libres qu?ils ne se disputent plus. Et puis, ils ont bien pris conscience qu?ils avaient fait une erreur en se mariant, ils sont trop différents. Leur chance, c?est qu?ils n?ont pas d?enfant, et n?auront pas de source de dispute à ce sujet.
JEANNE
Ah ! Tu vois ? C?est toi qui viens de le dire. Les enfants sont causes de disputes
HELENE
Les enfants ne sont une cause de dispute qu?en cas de divorce, mais justement la présence d?enfants évite souvent les divorces.
JEANNE
Si un couple ne tient que parce qu?il y a des enfants, mais que le mari et la femme ne s?entendent pas, ce n?est pas la joie, et je ne vois pas l?intérêt.
HELENE
Il faut croire que la joie d?avoir un enfant est plus puissante que les petits désaccords.
JEANNE
Pas possible de discuter avec toi. Tu n?es pas objective. Tu pratiques la méthode Coué : J?ai un enfant, donc je suis heureuse.
HELENE
Et toi tu parles d?un problème que tu ne connais pas ! Tu m?énerves aujourd?hui, je reviendrai quand tu seras moins agressive. A un autre jour
JEANNE
C?est ça. Va torcher ton gosse !
Hélène sort et

LE RIDEAU TOMBE
( A suivre)



ACTE 2

Le rideau se lève sur le même décor. Jeanne est en scène. Assise dans un fauteuil elle lit. On entend une porte qui s?ouvre, et peu après Henri entre.
Il va s?asseoir dans un fauteuil, allonge les jambes et s?étire.
HENRI
Quelle journée ! Je ne sais pas quelle mouche a piqué tous les gens, mais je n?ai rencontré que des personnes à cran.
JEANNE (Sans lever les yeux de son livre)
Le temps est orageux. Moi aussi, j?ai les nerfs à fleur de peau.
Un temps
HENRI
Tiens ? J?ai rencontré Hélène. C?était d?ailleurs une exception. Elle est heureuse, épanouie, et ne tarit pas d?éloge sur son fils.
JEANNE
Ah ? Pourquoi me dis tu ça ?
HENRI ( surpris)
Je te dis ça parce qu?Hélène est ton amie, et que je l?ai rencontrée
JEANNE
Ouais !! Tu me parles d?elle pour me faire comprendre que lorsqu?elle a un enfant, une femme est épanouie, et même la nervosité générale n?a pas de prise sur elle.
HENRI
Je n?avais pas songé à cela, mais ta remarque est judicieuse.
JEANNE
Pas de flatterie, veux tu ? J?ai dit non, c?est non. Je ne veux pas d?enfant !
HENRI
Il était inutile de le répéter. C?est une donnée que j?avais intégrée.
JEANNE
« Une donnée que j?avais intégrée » ça veut dire quoi ?
HENRI
Ca veut dire tout simplement, que j?avais noté notre profond désaccord sur ce point.
JEANNE
Et tu en conclus?
HENRI
Je n?en suis qu?au stade de la réflexion.
JEANNE
Si je comprends bien, tu n?exclus pas de me faire jouer le rôle de Joséphine Bonaparte.
HENRI
Joséphine Bonaparte avait eu des enfants !
JEANNE
Ne détourne pas la conversation. Tu envisages de me quitter ?
HENRI
Je croyais avoir été clair. Je t?ai dit que je n?en étais qu?au stade de la réflexion.
JEANNE
Donc une séparation n?est pas exclue ?
HENRI
Rien n?est exclu.
JEANNE
Salaud !!! Tu veux louvoyer, mais je sens bien que ta décision est prise !
HENRI
Non, mais si tu continues à être aussi désagréable cela pourrait aller très vite.
Un très long silence
JEANNE
Puisque tu en es à intégrer des données, je vais t?en livrer une : Si nous nous séparer, sur le plan matériel, ça va te couter cher, très cher ! Je ne te ferai pas de cadeau.
HENRI
J?avais déjà intégré cette donnée. Tu ne m?apprends rien.
JEANNE
Tu es donc plus avancé dans ta réflexion que tu me le dis.
( La sonnette de la porte d?entrée retentit. Ni l?un ni l?autre ne bouge)
JEANNE
Je ne veux voir personne !
HENRI
On ne peut pas laisser quelqu?un à la porte. Va dans la chambre, je dirai que tu es sortie.
Jeanne sort de la pièce sur la gauche, Henri va vers la porte du fond pour aller ouvrir.
Il revient suivi d?une jeune femme.
HENRI
Alors ? Quoi de neuf, Caroline ?
CAROLINE
Jeanne n?est pas là ?
HENRI
Non, elle est sortie. Ca va ?
CAROLINE
Vous n?êtes pas au courant ?
HENRI
De quoi ?
CAROLINE
Jacques et moi divorçons.

HENRI
Non, je ne le savais pas, j?en suis navré. Vous êtes mariés depuis quand ?
CAROLINE
Cela fait un peu plus de 5 ans.
HENRI
Je suis désolé. Pouvons-nous faire quelque chose pour vous ?
CAROLINE
Non. Oh, si, tiens ! Connaissez-vous un bon avocat pas trop cher ?
HENRI
Je vais y réfléchir, mais comptez sur moi sur ce point. C?est un accord à l?amiable ? Dans ce cas vous pourriez ne prendre qu?un avocat.
CAROLINE
C?est un divorce?.Enfin, c?est difficile à dire, mais je préfère prendre un avocat à moi.
HENRI
Vous prévoyez des difficultés pour obtenir un accord amiable ?
CAROLINE
C?est plus qu?une prévision, c?est une certitude. IL y aura discussion sur tous les plans. Mais, franchement, cela ne me touche pas beaucoup. Du moment que je suis débarrassée de lui, le reste n?est plus rien. Mais je ne me laisserai pas faire.
HENRI
C?est quand même dommage d?en arriver là.
CAROLINE
C?est comme ça. Vous ne savez pas quand Jeanne doit rentrer ? J?aimerais bien discuter avec elle.
( A ce moment là, Jeanne entre)
JEANNE
J?avais demandé à Henri de dire que j?étais sortie, parce que je ne savais pas qui venait. Mais tu penses bien que pour toi, je suis là.
HENRI
Bon. Hé bien je vais vous laisser discuter. Je vais faire un tour au club de tennis.
( Henri sort
CAROLINE
Je suis contente de te voir. Tu sais la nouvelle ?
JEANNE
Oui, tu divorces. Mais c?est une décision rapide ? Tu me parlais de petits problèmes avec Jacques, mais je ne pensais pas que c?était aussi grave.
CAROLINE
Il me parlait de temps en temps d?un problème, mais n?insistait pas. Depuis quelques jours, il se fait plus pressant, et m?a pratiquement posé un ultimatum, alors, cela, je ne peux le supporter.
JEANNE
Tu sais, les hommes ont quelquefois de petites lubies, et puis ça leur passe
CAROLINE
Là, non seulement ça ne passe pas, mais ça s?aggrave. Il veut que je lui fasse un enfant.
JEANNE (criant)
Quoi ? Lui aussi.
CAROLINE
Pourquoi, lui aussi ?
JEANNE
Parce que figure-toi, qu?Henri me demande la même chose.
CAROLINE
Non ! Et alors ? Qu?est ce que tu lui as répondu ?
JEANNE
Qu?il n?en était pas question, bien sûr !
CAROLINE
Alors, vous divorcez ?
JEANNE
Non, non?..J?espère qu?on n?en arrivera pas là. Mais qu?est ce qui leur prend à tous ces hommes de vouloir procréer ? Pour ma part, je crois que j?ai été très bien, j?ai fait un gros effort, en lui proposant d?adopter un enfant.
CAROLINE
Adopter un enfant ? Mais tu es folle. C?est encore pire ! Tu as les mêmes embêtements et tu dois élever l?enfant d?une autre.
JEANNE
Quand même, tu échappes aux nausées et vomissements pendant des mois, tu n?as pas à être transformée en baudruche, avec un ventre tout déformé, tu n?as pas à souffrir des heures et des heures pendant l?accouchement.
CAROLINE
Et c?est pour ça que tu ne veux pas d?enfant ? Tout ce que tu dis, dure au maximum quelques mois. Moi, ce que je ne veux pas, c?est tout ce qui suit.
JEANNE (pensive)
Mais dis donc, j?y pense, il y a peut être une solution.
CAROLINE
Ca m?étonnerait. Laquelle ?
JEANNE
Tu te fais faire un enfant par ton mari, et Henri et moi, nous l?adoptons.
CAROLINE
Ca va pas la tête ? Non ? J?espère que tu plaisantes ! Jacques ne veut pas seulement que je sois enceinte, il veut avoir un enfant à lui. Tu règles peut être ton problème, mais pas le mien. D?ailleurs je ne sais même pas si ce serait possible légalement. Quoiqu?il en soit, bien sûr, il n?en est pas question.
JEANNE
Remarque, je te disais ça, mais je ne suis pas vraiment décidée à adopter un enfant. Les nuits blanches, les couches à changer, Pouah !! Non. J?avais fait cette proposition à Henri parce que je le voyais se diriger vers le divorce, alors, j?ai pris peur, mais je crois que je ne pourrais pas adopter un gosse.
CAROLINE
Tu as bien raison. Tu m?avais fait peur. Tu sais, le divorce, c?est un mot qui traumatise, mais si tu réfléchis bien il signifie avant tout liberté, et ça, c?est un beau mot !
JEANNE
Un beau mot, un beau mot ! C?est vite dit. Tu en parles à ton aise, toi ! Tu travailles, tu peux subvenir à tes besoins, mais moi, imagine que je divorce, que veux tu que j?en fasse de la liberté ? Pour survivre, il faudrait que je trouve un autre mari?..Si c?était le cas, il faudrait que je m?assure qu?il ne veut pas d?enfant.
Mais non ! Tu me fais dire des bêtises. Je l?aime, moi, mon mari, et ça, excuse-moi, ça compte.
CAROLINE
Tu veux que je te parle franchement ?
JEANNE
Bien sûr, je t?écoute.
CAROLINE
Hé bien dans ton cas comme dans le mien, il n?y a que deux solutions. Ou tu lui fais un gosse, ou tu divorces. Crois moi, quand ça leur tien, ils ne lâchent pas.
JEANNE
Qu?est ce que tu fais de l?amour dans tout ça ? Au fond, tu ne l?aimes pas tellement Jacques, puisque tu me l?as dit, tu aimes la liberté.
CAROLINE
Si je l?aime bien Jacques. Mais pas au point de lui faire un enfant. En ce qui te concerne, je crois que le problème est différent. Tu ne veux pas perdre Henri, alors, crois-moi, commence à acheter la layette.
JEANNE
Il n?en est pas question ! Je ne sais pas comment ça va tourner, j?espère qu?Henri deviendra raisonnable, mais je n?aurai pas d?enfant
(Caroline se lève et se dirige vers la sortie)
CAROLINE
Tu sais, on est amené quelquefois à faire ce que l?on ne veut pas. Excuse moi, mais j?ai rendez vous chez mon coiffeur. A bientôt. On se tient au courant ?
Les deux femmes s?embrassent et Caroline sort pendant que

LE RIDEAU TOMBE
( A suivre

ACTE 3

Le rideau se lève sur une salle à manger.
Jeanne et Henri sont attablés et terminent un repas de fête. Bougies sur la table, guirlandes en décoration, vaisselle de choix.
JEANNE
C?est économique d?avoir un an et deux jours de différence. Nous ne faisons qu?un repas d?anniversaire. Toi c?est le lendemain de ton anniversaire et moi la veille. D?ailleurs, je te fais remarquer que je suis toujours perdante avec ce système : Quand on fête mon anniversaire, j?ai encore un an de moins.
HENRI
Ce n?est pas bien grave, il s?agit de quelques heures seulement.
( Un temps)
HENRI
Moi 35 et toi 34 ! Nous ne sommes pas encore vieux, mais quand même, il ne faudrait pas attendre ta ménopause pour mettre un bébé en chantier.
JEANNE
Merci pour la ménopause ! Mais j?en suis encore loin?..et encore plus loin d?avoir un enfant.
HENRI
Mais enfin ma chérie, réfléchis un peu. Ce qui est normal, ce qui est naturel, c?est que des couples se forment, fassent des enfants et constituent une famille.
JEANNE
Je ne vois pas au nom de quoi tu décrètes qu?il est naturel d?avoir des enfants.
HENRI
C?est pourtant simple. Il est naturel d?avoir des enfants, car si tous les couples étaient sans enfant, la race humaine disparaitrait complètement. Pour la survie de l?espèce , la nature a donc prévu que des enfants naitraient dans les couples.
JEANNE
Tu dis des bêtises ! Il y aura toujours des femmes qui auront des enfants, ne serait-ce que parce qu?elles ignorent la contraception. Alors ton discours ne tient pas. D?ailleurs, si tu es de bonne foi, tu reconnaitras qu?avant notre mariage, je t?avais dit que je ne voulais pas d?enfant
HENRI
C?est vrai. Mais si à ton tour, tu es de bonne foi, tu reconnaitras qu?avant notre mariage je t?ai dit que je voulais des enfants. Comme tu as accepté de te marier avec moi, j?en ai conclu légitimement que tu t?étais rangée à mon avis.
JEANNE
Et moi, j?ai pensé que par amour pour moi, tu t?étais rangé au mien !
( Un silence. Henri se lève de table, fait quelques pas dans la salle à manger. Il réfléchit manifestement, puis il revient derrière sa chaise, s?appuie des deux mains sur le dossier de sa chaise et dit :
HENRI
Ecoute moi bien, Jeanne, parce que ce que je vais te dire est grave, et je n?y reviendrai pas dessus.
Si dans un an tu n?es pas enceinte, nous ne fêterons pas ensemble notre prochain anniversaire.
(Jeanne est effondrée, puis se met à pleurer)
JEANNE
Et moi qui croyais que tu m?aimais !
HENRI
Mais je t?aime Jeanne ! La preuve, malgré mon désir d?avoir des enfants, je ne t?ai pas tarabustée avec ça, reconnais-le ! Mais les années passent, et quand tu ne pourras plus en avoir, alors, j?en suis persuadé, tu regretteras d?avoir laissé passer la ménopause.
JEANNE (furieuse tout d?un coup)
Fous-moi la paix avec ma ménopause ! Quel tact de me parler de ça ! Je peux dire que tu me déçois !! Tu n?as aucune pudeur, aucune délicatesse ! Comme beaucoup d?hommes tu es un esclavagiste. Les femmes doivent être à votre botte et faire les choses les plus pénibles, les plus dégradantes !
HENRI
Qu?y a-t-il de dégradant à faire un enfant ? C?est au contraire merveilleux pour une mère.
JEANNE
On ne revient pas là dessus !
(Jeanne se lève à son tour et prend le paquet cadeau qu?elle destinait à son mari)
JEANNE
Quand au cadeau que je voulais te faire, je le donnerai à mon père.
HENRI
Je te ferai remarquer que ton père avait trouvé une femme qui lui a donné deux enfants, toi et ton frère.
JEANNE
Parce qu?à cette époque, la pilule n?était pas encore très utilisée.
HENRI
Nous allons arrêter cette conversation. Je vais te donner un dernier conseil : Va passer quelques jours chez tes parents, discute avec ta mère, et demande-lui si elle regrette d?avoir des enfants.
JEANNE
Ma mère n?osera pas dire le contraire, pour ne pas déplaire à papa.
HENRI
Tu peux bien lui poser la question en dehors de la présence de ton père.
JEANNE
Cela reviendra au même. Elle est, à vie, sous l?emprise de papa. Mais je vais suivre ton conseil au moins sur un point : Je vais aller passer quelques jours chez mes parents. Je partirai demain ; J?ai besoin d?un peu de repos. Mais ne te fais pas d?illusion, je ne pars pas pour réfléchir.
HENRI
Je dois donc considérer que ta décision est irrévocable, définitive ?

JEANNE
Henri, je t?aime, tu ne sais pas combien je t?aime ! Je t?en supplie, arrête de me torturer ! Nous sommes bien tout des deux ; non ? Nous sommes heureux, nous n?avons pas de problèmes matériels, notre vie est agréable. Je ne veux pas te perdre.
HENRI
Mais moi aussi, je t?aime, Jeanne, et je voudrais tant que nous formions une vraie famille, avec au moins un enfant. Tu vois, je ne suis pas exigeant, je ne t?en demande qu?un. Je suis persuadé que lorsque notre bébé sera là, tu seras encore plus heureuse, puisque tu auras deux êtres à chérir.
JEANNE
Ne me demande pas de te faire un enfant ! Mais pour ne pas te perdre, je veux bien te reparler sérieusement de ce dont je t?avais parlé un peu sans réfléchir. Je veux bien que nous adoptions un enfant de trois ans.

HENRI
Et pourquoi pas un enfant de 20 ans ? Arrête de dire des bêtises. C?est un enfant de nous que je veux. La plupart des femmes veulent être mères, et j?avoue ne pas te comprendre.
JEANNE
La plupart des femmes ? Certainement pas. Sans aller plus loin, Caroline n?en veut pas, je suis loin d?être unique.
HENRI
Ah bon ? C?est la raison du divorce des Marais ? Je savais qu?ils divorçaient, je n?en connaissais pas la raison. En tous cas, les choses doivent te paraitre plus claires. Le refus de faire un enfant peut être un motif de divorce, et tu as la preuve que je ne serais pas le premier. Ma demande est tout à fait normale.
Mais nous n?allons pas discuter pendant cent sept ans ! Va chez tes parents passer quelques jours, et à ton retour, nous reprendrons la discussion.
JEANNE
Tu changes tout le temps. Tu m?avais donné un délai de un an, et maintenant, tu parles d?une décision dans quelques jours.
HENRI
D?accord. Je ne reviens pas là dessus. Pas de décision dans l?immédiat. Nous en restons à ce que je t?avais dit. Si tu n?es pas enceinte d?ici un an, je te le répète, nous ne fêterons pas nos anniversaires ensemble.
(Sans dire un mot, Jeanne et Henri débarrassent la table et portent la vaisselle dans la cuisine, par la porte de droite. Ce travail terminé, Jeanne fait voir un bouchon de champagne à Henri.)
JEANNE
Un amour comme le notre résistera à cette tempête. Je garde ce bouchon de champagne, et je le poserai au milieu de la table dans un an, pour notre anniversaire.
HENRI
Dans cette hypothèse, si elle se réalise, comme tu seras dans une situation où je ne voudrais pas que tu te fatigues, je ferais venir un repas du meilleur traiteur.
JEANNE
Décidemment, tu ne m?épargnes rien ! Tu es têtu comme une mule.
HENRI
Je peux te retourner le compliment. Avant de sortir, je vais te donner un conseil. Va voir ton amie Hélène, et discute un peu avec elle.
JEANNE
Je n?ai pas envie de discuter avec Hélène. Je préfère aller voir Caroline. C?est plus reposant.
HENRI
A ton gré !

LE RIDEAU TOMBE
( A suivre)


ACTE 4



Le rideau s?ouvre sur le salon du premier acte. La scène est vide. Par la porte du fond, on entend une porte s?ouvrir, un bruit de clés, des pas, et Jeanne, revenant visiblement de voyage, entre, portant une valise.
Elle traverse la scène, sort par une porte au fond à droite, et revient presqu?aussitôt sans sa valise. Puis, elle se dirige vers le téléphone, forme un numéro.
JEANNE
Allo ? Hélène ?
???????????????.
JEANNE
Oui. Je rentre à l?instant. Je viens de passer une semaine chez mes parents.
???????????????
JEANNE
Oh, pas grand-chose. J?ai surtout discuté avec maman et je me suis reposée. Tu sais, retrouver ma chambre de jeune fille, m?a fait un grand bien. Je me suis remémoré mes rêves de l?époque
??????????????.
JEANNE
Tu as raison, entre nos rêves de jeunes filles et la vie réelle, il y a un abime.
???????????????.
JEANNE
C?est vrai que quand on est une jeune fille, on pense au prince charmant, mais pour ma part, je n?ai jamais songé également à la famille que j?aurais pu construire avec lui.
?????????????..


JEANNE
Hé bien non. A aucun moment je ne pensais aux enfants que nous aurions avec mon prince charmant. Jamais. Et tu le sais j?ai rencontré à peu près mon prince charmant?oui?..à peu près, car j?aime Henri, mais il n?y a toujours pas de place pour les enfants. Que fais tu dans l?après midi ?
????????????..
JEANNE
Attends ! Je vais te dire (Elle regarde sa montre) Il est 15 heures et des poussières..
????????????
JEANNE
Chic ! Je t?attends. Je serai heureuse de discuter avec toi de vive voix. A tout à l?heure.
(Elle raccroche au moment où Henri entre dans la pièce)
HENRI (s?approche de Jeanne et va l?embrasser)
Tiens ? Tu es rentrée ? Tu aurais pu me prévenir, je serais allé te chercher à la gare.

JEANNE
Tu es gentil mais la gare est à deux pas.
HENRI
Bon séjour ?
JEANNE
Excellent. Je me suis beaucoup reposée.
HENRI
Parfait. Tu as beaucoup discuté avec ta mère ?
JEANNE (après une hésitation)
De choses et d?autres, oui.
HENRI
Ah ? Pas de choses importantes ?
JEANNE
J?étais allé avant tout pour me reposer.


HENRI
Tu étais vraiment fatiguée ? Tu ne travailles pas à l?extérieur et un intérieur où ne vivent que deux personnes, ne donne pas un travail écrasant.

JEANNE
Que veux-tu insinuer ? Que je ne fiche rien ? Que je n?ai pas de raison d?être fatiguée ? Figure-toi que les fatigues ne proviennent pas obligatoirement du travail. Il est des préoccupations qui minent plus qu?un travail acharné.
Enfin, ne parlons pas de tout cela. J?attends Hélène qui doit passer. Tu ne travailles pas aujourd?hui ?
HENRI
Si bien sûr. Je ne fais que passer pour prendre un dossier que j?avais laissé par là, mais je rentrerai tôt.
(Il y a un dossier sur la table)
Tiens ! Le voilà mon dossier. Bon, j?y vais. Je porte ce dossier et je reviens. A tout à l?heure.
(Il embrasse sa femme et sort. Jeanne se laisse tomber dans un fauteuil, et parle toute seule)
JEANNE
Je n?ai plus que des défauts aux yeux d?Henri. Je ne veux pas d?enfant, je suis paresseuse? Je me demande même s?il ne veut pas un enfant pour avoir quelqu?un à aimer, car il ne m?aime plus, moi. J?en ai marre, marre !!!
(Elle pleure. Au bout de quelques secondes, sonnerie de la porte d?entrée. Jeanne sort un mouchoir et sèche ses larmes)
JEANNE (à mi voix)
Zut !! C?est Hélène. Elle va voir que j?ai pleuré.
(Elle sort pour aller ouvrir, et revient suivie d?Hélène)
HELENE
Toi, ce n?est pas la grande forme !
JEANNE
Non. Ce n?est pas la grande forme !

HELENE
Toujours ce problème de bébé avec Henri ?
JEANNE
Oui, toujours. Il s?accroche à cette idée d?une famille avec enfant.
HELENE
Pléonasme !
JEANNE
Quoi ?
HELENE
Je dis pléonasme. Une famille, c?est toujours avec des enfants.
JEANNE
Alors avec Henri, nous ne sommes pas une famille ?
HELENE
Hé non ! Vous êtes un couple, vous n?êtes pas une famille.
JEANNE
Oui, bon, hé bien je m?en fiche ! Moi je trouve que les choses sont très bien comme ça ; et je ne vois pas pourquoi Henri veut les changer. Toi qui a un bébé, tu ne peux pas dire le contraire, c?est une source de complications. Tiens, s?il te plait, assied toi, là, dans un bon fauteuil, et dis-moi ce que tu as fait pour ton bébé en 24 heures. Tache d?être honnête. On commence à hier 3 heures de l?après midi. Qu?as-tu fait pour ta fille depuis ?
HELENE (Elle s?assied dans un fauteuil et joue le jeu. Elle ferme les yeux pour bien se souvenir)
Voyons, à 15 heures je lui ai préparé et donné un biberon. Je veux bien être honnête et te dire ce que j?ai fait pour mon bébé, mais ce que je ne pourrais sans doute pas te faire comprendre, ce sont les sentiments qui m?ont agitée. Quand elle prenait son biberon, je la regardais, elle a un petit nez adorable, elle est un peu vorace, ce qui veut dire qu?elle est en bonne santé. J?étais fière d?elle. Son biberon terminé je l?ai mise droite sur mes genoux, et elle a fait son rôt. Aussitôt après, et chaque fois, elle me fait un petit sourire.
JEANNE
Un sourire, Ouais ! Ce n?est peut être pas un sourire. C?est parce qu?elle est soulagée qu?elle fait une grimace de contentement.
HELENE
Désolée de te contredire, mais c?est un vrai sourire, car chaque fois elle me regarde. Si c?était un simple soulagement, elle ne me regarderait pas.
JEANNE
Bon après ?
HENENE
Après je l?ai changée. Ma fille est très propre, ou plus exactement, elle n?aime pas être sale, alors quand je lui ai bien nettoyé les fesses, elle fait de la bicyclette avec ses petites jambes, de contentement.
JEANNE
Si tu étais complète, tu me dirais que ça pue et que c?est désagréable de lui changer sa couche.

HELENE
C?est naturel de la rendre propre, et elle me paye de mes efforts en étant vive et joyeuse :
JEANNE
Bon. Et la nuit ?
HELENE
Dernier biberon à 10 heures, et elle s?endort presque tout de suite.
JEANNE
Et elle ne se réveille pas la nuit ?
HELENE
Si, bien sûr, mais uniquement quand elle a perdu sa sucette, alors elle crie pour me la demander. Si tu voyais comme elle me regarde quand je lui remets sa sucette dans la bouche ! Ses yeux me remercient.
JEANNE
D?accord. Mais tu es réveillée.
HELENE
Il est inutile de continuer. Tu ne veux voir que le mauvais côté des choses, et, remarque, ce n?est pas de ta faute, je n?arrive pas à te faire ressentir la joie de la voir, de sentir qu?elle est à moi, qu?elle dépend de moi, et qui si elle est heureuse et en bonne santé, c?est à moi qu?elle le doit. C?est un sentiment merveilleux, et je l?aime tellement que quelquefois, j?ai envie de la manger.
JEANNE
Et cela rend anthropophage en plus !!!
HELENE
Nous ne nous comprendrons jamais.
JEANNE
Que veux-tu ? Je suis plus rationnelle que toi.
HELENE
Je crois surtout que tu n?es pas mère.
Alors si je comprends bien, Henri et toi, vous campez sur vos positions.
JEANNE
J?espère. J?espère toujours qu?il réalisera que nous n?avons pas besoin d?enfant pour être heureux.
J?ai un peu de temps devant moi, puisqu?il me donne jusqu?au prochain anniversaire pour prendre une décision.
HELENE
Partis comme vous l?êtes, je crains que la situation n?évolue pas beaucoup, et qu?à l?échéance, ce sera toujours la même alternative, soit, tu lui fais un bébé, soit, vous vous séparez.
JEANNE
Je pense que nous n?en n?arriverons pas là.
( On entend quelqu?un qui entre par la porte d?entrée, des pas, et Henri entre.
HENRI
Bonjour Hélène ! Comment allez-vous ? Et votre mari ? Et la petite Mathilde.
HELENE
Merci Henri ! Tout le monde est en forme ; et la petite Mathilde commence a être expressive. Elle fait de beaux sourires, et je suis certaine que dans un mois, elle marchera.


HENRI
Ce sera à ce moment là qu?il faudra faire très attention. Quand ils se mettent à marcher, ils ont la possibilité de faire des bêtises, sans encore avoir l?expérience des dangers.
HELENE
Oh, mais vous êtes un vrai spécialiste !!
HENRI
Un spécialiste ? Oh non. Mais j?ai pas mal lu sur la question.
(Un moment de gêne)
HELENE
Oui, hé bien il va falloir que j?y aille. Tous les jours, je prends une nourrice à la maison qui vient durant deux heures. Cela me permet de faire mes courses?.et de petites visites à mes grandes amies.
JEANNE
Je te comprends. C?est tellement astreignant ces gosses, qu?on doit avoir besoin de respirer un peu dans la journée.
HELENE (souriante)
Toi, tu ne changeras pas. Quand tu veux défendre une idée, toutes les occasions sont bonnes
HENRI
Oui. On appelle ça du sectarisme. C?est le propre des gens bornés.
HELENE (prenant vivement congé)
Bon, je me sauve, au revoir, Henri !
(Elle embrasse Hélène et sort précipitamment)
JEANNE
Merci pour les gens bornés, mais je te fais remarquer que tu fais partie de la corporation.
HENRI
Je constate que ton petit séjour chez tes parents ne t?a pas fait modifier ta position.
JEANNE
J?ai beaucoup réfléchi et je me suis demandée quelle était la valeur et la force d?un amour qui ne résiste pas à une petite divergence.
HENRI
Une petite divergence ? C?est une conception fondamentale de la vie !
JEANNE
Ouais ! J?ai l?impression d?être une sorbetière !
HENRI ( surpris)
Une sorbetière ?
JEANNE
Oui, une sorbetière. Une sorbetière, ça sert à faire des sorbets et c?est tout. La sorbetière n?a pas de valeur en elle-même, et si elle ne peut pas faire de sorbet, elle ne vaut rien, elle n?a qu?un rôle utilitaire. Moi, je suis ta femme, mais dans ta conception, je suis faite pour te faire des enfants, et si je ne t?en fais pas, je n?ai plus aucun intérêt : Bon à jeter, c?est tout. Je suis un ventre.
HENRI (voulant plaisanter)
Indépendamment de son rôle utilitaire, on peut être attaché à une sorbetière.
JEANNE
Tu veux dire que même si elle ne peut faire de sorbet, on peut garder une sorbetière ?
HENRI (redevenant sérieux)
Comparaison n?est pas raison, et quand on veut la pousser trop loin, cela devient carrément ridicule.
JEANNE
Et un de plus. Décidemment j?accumule les défauts. Je ne veux pas faire d?enfant, je suis paresseuse, et maintenant je suis ridicule. En me choisissant tu as fait une sacrée erreur de casting.
HENRI
Jeanne, nous étions convenus d?attendre notre prochain anniversaire pour reprendre la question du bébé. Le temps peut faire évoluer les idées, à condition, que l?on ne remâche pas sans arrêt, le problème en cause. Alors, s?il te plait, inutile de nous entre- déchirer, et nous reviendrons à notre différent actuel en temps utile.

JEANNE
Tu as raison le temps peut faire évoluer les choses. Il me semble par exemple que ton attachement pour moi me semble beaucoup moins évident.
HENRI
Mais si ! Je t?aime, grosse bête. Mais ne parlons plus de tout cela.
Henri va embrasser Jeanne, et


LE RIDEAU TOMBE
(A suivre)



ACTE 5


Le rideau se lève sur le salon. Jeanne est seule en scène. Elle est habillée pour sortir, va se voir dans une glace, remet une mèche en place, va s?asseoir, et quelques secondes après appelle :
JEANNE (Criant)
Tu es là Henri ?
HENRI (off)
Oui, pourquoi ?
JEANNE
Peux-tu venir ?
HENRI (off)
J?arrive.
(Il entre et va embrasser Jeanne, sur les joues)
HENRI
Bigre, tu es déjà sur ton trente et un !
JEANNE
Hé oui ! Je te souhaite un bon anniversaire.
HENRI
Ah oui ?merci. Je te souhaite le tien avec un peu d?avance.
JEANNE
Merci. Voilà. Nous arrivons à l?échéance que tu avais toi-même fixée.
HENRI (Va s?asseoir à son tour)
Bien. Alors, tu me le fais ce petit bébé ?
JEANNE (très décidée)
Non. Je ne te ferai pas ton bébé.
HENRI ( fermé)
Ah, bon ! Tu prends une grande responsabilité.
JEANNE
J?ai pris la responsabilité de ne pas te faire de bébé, maintenant, si tu le désires, c?est à toi de prendre une grande responsabilité.

HENRI
Je veux créer une famille !
JEANNE
C?est une constatation, ça, ce n?est pas une décision.
HENRI (après un temps)
C?est une constatation qui vaut une décision. Je veux créer une famille, j?aurais préféré que ce soit avec toi. Tu ne veux pas, et tu préfères donc la séparation.
JEANNE
S?il te plait, ne renverse pas les rôles. La situation actuelle me convenait parfaitement. C?est donc toi et toi seul qui veut modifier les choses. S?il y a séparation, c?est parce que tu n?auras pas voulu que les choses restent comme elles sont.
HENRI
Il est déjà pénible d?en arriver à cette conclusion, inutile d?y ajouter une bagarre sémantique. Ne jouons pas sur les mots. Il est désagréable de constater que tu ne m?aimes pas assez pour créer un autre lien puissant que constitue la venue d?un enfant. Je suis très déçu.
JEANNE
Déçu ? Le mot est léger pour la fin d?un amour et d?un couple, tu ne trouves pas ?
HENRI
Bon. Je suis malheureux si tu préfères.
JEANNE
Je ne préfère rien du tout. Si « déçu » était le mot juste, il faut le conserver.
HENRI
Ecoute !! Nous n?allons pas en rajouter.
D?ailleurs, je dois te dire que je me doutais de ta décision depuis qu?il y a quatre mois, tu as voulu que nous fassions chambre à part.
JEANNE
Pour ce que nous faisions en chambre commune, cela n?a pas changé grand-chose, tu peux bien l?avouer !!


HENRI
D?accord, d?accord, d?accord, arrêtons de chipoter.
JEANNE
Déçu, chipoter, décidemment tu adores les euphémismes. Enfin, si cela te facilite les choses de tout minimiser, après tout, pourquoi pas ?
HENRI
Parlons plus sérieusement, veux-tu ? Puisque nous en sommes arrivés à la conclusion qu?une séparation était inévitable, nous devons régler un certain nombre de problèmes matériels. Tout d?abord, où penses tu aller ?
JEANNE
Ah ? Parce que c?est moi qui devrai partir ?
HENRI (gêné)
Enfin?Il me semble?.D?ailleurs le loyer serait trop important pour toi, alors j?avais cru?.


JEANNE
Tranquillise-toi. Je plaisantais. Bien sûr, je te laisse l?appartement, et c?est moi qui vais partir.
HENRI
Et où vas-tu aller ?
JEANNE
J?ai loué un studio à partir d?aujourd?hui.

HENRI
Comment as-tu pu faire ? Tu avais de l?argent ?
JEANNE
Bien sûr ! N?oublie pas que j?ai la procuration sur ton chéquier.
HENRI
Euh ! Oui, bien sûr?Mais?..Tu as l?intention de travailler ?
JEANNE
Non. Pas tout de suite. Je vais suivre une formation et je travaillerai dans un an, ou un an et demi.
HENRI
Ah, bon ? Et??En attendant.
JEANNE
En attendant, Dieu merci, j?ai un mari?.Oh, sois sans crainte, je ne suis pas très dépensière
HENRI
Tu sais, je ne les fabrique pas les billets?

JEANNE
Je ne t?ai jamais traité de faussaire. Non, ne te fais pas de mauvais sang. J?ai pensé à tout.
Puisque tu veux créer une famille, je suppose que tu vas te remarier. Peut être d?ailleurs as-tu déjà trouvée la génitrice de tes rêves.
HENRI
Bien sûr que non ! Ne dis pas de bêtise !
JEANNE
En tous cas, tu te remarieras?.Si tu trouves quelqu?un. Donc nous allons divorcer, c?est bien ce que tu veux ?
HENRI
Moi ce que je veux, c?est au moins un enfant.
JEANNE
Ca suffit Henri !! Regarde un peu les choses en face, et arrête, toi, de dire des bêtises. Donc, pour le divorce, nous verrons comment les problèmes matériels seront réglés. Dans l?immédiat, tu vas me donner 1500 euros par mois, et je me débrouillerai avec ça. Tu vois que je ne suis pas exigeante.
HENRI (abattu)
Mais je ne pourrai pas te donner 1500 euros par mois.
JEANNE
Mais si, tu le peux. Je n?ai pas lancé ce chiffre en l?air. J?ai fait mes calculs. Je sais ce que tu gagnes, et tu peux très bien me verser 1500 euros. D?ailleurs, je ne te le cache pas, quand nous en serons au divorce, cela va te revenir plus cher, je me suis renseignée sur la jurisprudence en la matière.

HENRI
Je ne te connaissais pas sous ce jour. Tu es redoutable !
JEANNE
Oh, tu n?es pas au bout de tes surprises.
Bon. En ce qui concerne mes revenus mensuels c?est réglé.
En ce qui concerne les meubles qui m?appartiennent (notre chambre, la salle à manger et le bahut qui me viennent de ma tante) les déménageurs viendront lundi prochain. Ce sont mes parents qui vont payer le déménagement et garder mes meubles chez eux. Tu vois, cela ne te coutera pas un sou.
HENRI (Amer)
Tu es grande et généreuse !!!
JEANNE
Plus que tu ne le crois, puisqu?en ce qui concerne mes vêtements personnels et un peu de linge de maison qui me sera nécessaire, je me chargerai de venir les prendre moi-même. J?aurai donc à venir 3 ou quatre fois. Je le ferai lorsque tu seras absent de la maison, pour éviter des rencontres pénibles et je te laisserai les clés après mon dernier voyage, mercredi prochain.
Voilà. Je ne crois pas avoir oublié quelque chose. Maintenant, vois- tu un autre problème ?
HENRI
J?en vois un tas, mais comme ils me concernent exclusivement, il est inutile que je t?en parle. En tous cas, je ne te reconnais plus. Tu as tout froidement réglé.
JEANNE
Une femme seule doit savoir se débrouiller. Bon. Je ne vois pas autre chose. Ah si ! Je t?ai noté mon adresse pour que tu me fasses suivre mon courrier elle lui tend un morceau de papier) Voilà. Maintenant, je pense que nous avons fait le tour?
HENRI
Le tour?? de cochon C?est un tour de cochon que tu me joues. Je vois que tu avais vraiment tout prévu. J?ai l?impression que notre séparation t?arrange. Tu as quelqu?un d?autre ?
JEANNE
Pour l?instant, non. Mais bientôt, oui.
HENRI
Ah ? Voilà l?explication ! Il y donc quelqu?un. Je le connais ?

JEANNE
Non. Et moi non plus.
HENRI
Ca veut dire quoi ?
JEANNE
Ah, oui ! Je n?ai pas encore eut le temps de te le dire. J?attends un bébé.
HENRI ( hurlant)
Quoi ????
JEANNE
Ne crie pas comme ça ! (faisant voir son ventre) il parait qu?il entend déjà, et cela peut le traumatiser.

HENRI
Qu?est ce que c?est que cette histoire ?
JEANNE
Elle ne te regarde pas, mais comme je suis une chic fille, je vais te le dire.
Tout d?abord, j?ai mis du temps à m?en apercevoir, mais j?en ai maintenant la certitude : tu ne m?aimes pas vraiment.
(Henri essaie de protester, mais elle le coupe)
Non, tais-toi !! Tu ne m?aimes pas. Je ne t?en veux pas. Je constate, c?est tout. Un homme qui se fiche éperdument de ce que peut penser ou vouloir sa femme, ne l?aime pas. C?est clair !
Mais comme je suis bonne fille, je vais t?expliquer :
Il y a trois mois, je suis allée passer quinze jours chez mes parents. J?ai rencontré un homme marié avec lequel j?ai eu une aventure. Je ne prenais plus de contraceptif et il faut croire que je suis une bonne pondeuse, puisqu?une fois a suffi. Je me suis trouvée enceinte. Ma première réaction a été effroyable. J?étais écroulée quand le test a été positif. Evidemment, mon réflexe immédiat a été de me faire avorter. Je suis donc allée voir un toubib. En fait c?était une femme.
Nous avons longuement discuté à plusieurs reprises. Elle a voulu m?emmener voir des échographies de futures mères, et j?ai vu ces petites vies qui commençaient à s?agiter.
Lorsque la doctoresse m?a posé la question : Alors, on le supprime votre petit occupant ? J?ai été choquée par la formule, qu?elle avait employée à dessein, et j?ai été ébranlée dans ma décision. J?ai longuement réfléchi, et puis, cet enfant qui était en moi, qui était un peu moi, je ne pouvais pas le tuer. Voilà. Tu sais tout.
HENRI (effondré)
Mais c?est affreux. Tu n?as pas voulu que nous fassions un enfant, tu as préféré notre séparation, et tu es allée t?en faire faire un par un étranger. Nous sommes en pleine folie !
JEANNE
C?est peut être regrettable, mais les choses sont ce qu?elles sont.
(Un long silence)

HENRI
C?est dur, très dur pour moi. Mais je vais être généreux. Tu peux rester, et j?élèverai cet enfant comme s?il était de moi. Tu le vois, je suis plus que compréhensif, et je passe sur ton adultère. Evidemment, je mets une condition, bien normale, tu en conviendras. C?est qu?un peu plus tard, nous en fassions un, de bébé, bien à nous.
JEANNE
Tu plaisantes ? Je ne te demande pas d?être « généreux » ni « compréhensif » ni rien d?autre d?ailleurs.
Je vais élever mon enfant seule, et j?ai bien l?intention de me débrouiller pour travailler quand mon bébé aura environ un an. Jusque là, tu me donneras les 1500 euros dont nous nous sommes convenus..
HENRI
C?est toi seule qui avais décidé cela. Je n?ai pas donné mon accord.
JEANNE
Peu importe. Tu me les donneras, et dès que je pourrais m?en sortir seule, je te le dirai.
HENRI
Tu oublies une toute petite chose !

JEANNE
Ah oui ? Laquelle ?


HENRI
Hé bien tout simplement que ce bébé va naitre alors que nous serons encore mariés. D?ailleurs il a été conçu pendant notre mariage et en conséquence, il sera légalement mon enfant.
JEANNE
Mais non, mon cher ! Tu retardes. Si tu voulais passer pour son père, je n?aurais aucune difficulté à prouver que tu ne l?es pas. La science est avec moi. J?ai décidé de le déclarer de père inconnu.
HENRI
Mais enfin, je ne comprends pas. Pourquoi es-tu si méchante avec moi ?
JEANNE
Tu veux le savoir ? Mais je te l?avais expliqué. Souviens-toi : La sorbetière. Je n?étais pour toi que le moyen de te faire un bébé, et tu l?exigeais sans te soucier de ce que je pouvais en penser. Tu ne m?as jamais vraiment aimée?.Quand à moi, si je t?aimais au début, lorsque j?ai constaté ton égoïsme, et que tu ne t?occupais pas de ce que je voulais, moi, je me suis détachée de toi. Je ne t?aime plus.
Voilà. Je pars. Je te souhaite de trouver une bonne génitrice. Et n?oublie pas mes 1500 euros par mois. Pour ce mois, je les ai déjà tirés sur notre compte commun. D?ailleurs si tu laisses ce compte en état, je les tirerai moi même chaque mois, tu peux me faire confiance, jamais je ne profiterai de ma signature, et tu n?auras même pas à penser à moi chaque début de mois.. Tu vois, je te facilite les choses au maximum. Bonne chance !!
(Elle va chercher deux valises qui étaient cachées derrière un fauteuil, et sort) pendant que


LE RIDEAU TOMBE

FIN
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