Ecriture-Lecture




SUR L\'HUMUS DU PASSE


CHAPITRE 1

Bachotage




Allongée sur le dos, dans l?herbe haute, légèrement surélevée sur ses coudes, Caroline sentait qu?elle faisait partie intégrante de la nature qui l?entourait. Des abeilles qui butinaient autour d?elle et bourdonnaient contribuaient à créer une ambiance sereine, heureuse. Tout là haut, des hirondelles et des martinets tournaient dans un ciel bleu, pur, sans le moindre petit nuage.
Pourtant, des larmes finissaient de sécher sur les joues de Caroline, qui dans cette ambiance paisible sentait son désarroi s?estomper.
Elle avait toujours aimé venir en cet endroit, une prairie en pente, au bout de laquelle un petit ruisseau coulait, abrité sous une voute de saules et d?aulnes.
Elle venait s?y réfugier pour calmer ses petits chagrins d?enfant.
Mais cette fois ci, c?était sa première grande tristesse d?adulte.
Oh certes, il n?y avait rien d?original dans son désarroi. Mais pour elle, qui n?avait jamais connu ce sentiment, cela prenait des proportions considérables.
En arrivant là, il y a une demi-heure, elle estimait, en toute bonne foi, qu?elle était la jeune fille la plus malheureuse du monde, et que jamais avant elle, un être humain n?avait autant souffert.
Maintenant, intégrée dans une nature merveilleuse, elle commençait à penser, que peut être, son grand malheur, ne durerait pas toujours, et, de fait, il commençait déjà à s?estomper.
Ses cheveux blonds, qui ondulaient naturellement tombaient sur les épaules, et flottaient légèrement sous la petite brise qui rafraichissait l?air. Des yeux noisette qui s?étiraient vers les tempes, et des pommettes hautes lui donnaient un peu le type oriental. La poitrine, bien moulée dans une petite robe verte, très simple, la taille fine, elle offrait un spectacle charmant.
Malheureusement, il n?y avait pas de spectateur.
Sauf une vache, à une trentaine de mètres, qui de temps en temps s?arrêtait de brouter pour regarder la jeune fille.
Un dernier sanglot qui secoua la poitrine de Caroline, la fit sortir de son engourdissement, et elle se leva pour, à travers les herbes, rejoindre le chemin sablonneux qui menait à la maison.
Un brin d?herbe entre les dents, elle avançait lentement, quittant à regret ce havre de paix qui était parvenu à engourdir sa tristesse.
Après tout, ce qui lui arrivait n?était pas terrible. Son lointain cousin Yves, qui devait venir passer les vacances de Pâques, venait de prévenir qu?il ne viendrait pas, un copain l?ayant invité en Angleterre.
Difficiles à comprendre les garçons. Comment préférer aller voir un copain en Angleterre, pays où l?on dit qu?il pleut tout le temps, plutôt que de venir ici, où le temps et le paysage sont merveilleux, et surtout, surtout, où elle se trouvait, elle, Caroline ?
En plus d?être incompréhensible, c?était vexant. Son amour propre en avait pris un coup. Elle était cruellement déçue parce qu?Yves tenait une très grande place dans son c?ur, et, la prochaine occasion de se voir, les grandes vacances paraissaient loin, très loin, et peut être même n?arriveraient- elles jamais?. Le temps est, quand on est jeune, quelquefois difficile à évaluer.
En arrivant devant sa maison, sa tristesse s?était estompée, et elle en arrivait même à trouver qu?Yves était un nigaud en préférant aller dans un autre endroit du monde, alors qu?il avait la possibilité de venir dans un lieu paradisiaque, où elle se trouvait, elle.. Elle estimait beaucoup moins ce pauvre Yves, et chacun sait que sans estime, un autre sentiment plus doux, ne peut prospérer.
En ce mois d?avril 1990, la chaleur était déjà élevée, et Caroline songea que jouir d?une journée magnifique était bien, mais que dans deux mois, elle allait se présenter à sa première partie du bac, et qu?il serait bon, peut être, d?aller faire quelques révisions.
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Sur ce plan là, d?ailleurs, l?absence d?Yves serait bénéfique, car, lui présent, elle n?aurait pu consacrer beaucoup de temps à ses études.
En traversant le salon, elle vit sa grand-mère qui tricotait tout en lisant un livre. Elle avait toujours admiré sa Mamie qui pouvait tricoter sans regarder son ouvrage, et pouvait tourner les pages de son livre entre deux mailles.
Sans lever les yeux de son livre, Mamie demanda.
- Tu reviens de la prairie, ma chérie.
- Oui, Mamie. C?était merveilleux.
- Nous avons, c?est vrai le privilège de vivre dans une région bénie des Dieux. Quel est ton programme aujourd?hui ?
- Je vais aller réviser mes Sciences Nat.
- C?est bien. Mais ne t?abrutis pas trop. Tu es en vacances, il faut en profiter. Je dois aller faire des courses, as-tu besoin de quelque chose ?
- Non, merci. J?ai tout ici.
En souriant, Mamie ajouta
- Sauf Yves peut être, mais il viendra aux grandes vacances
- Oh, les grandes vacances c?est loin. C?est drôle d?ailleurs, parce qu?elles arriveront juste après le bac, or le bac me semble tout près et les vacances très loin.
- Travaille, bien sûr, mais arrête de te faire du mauvais sang pour le bac. Tu ne pourras pas échouer, tes moyennes sont toujours largement au dessus de 12.
- Mon professeur de maths, dis toujours qu?il n?y a que deux cas, dans lesquels un candidat peut aller tranquillement passer un examen. L?ignorance totale, ou la connaissance complète.
- Je suis certaine que tu es proche de la connaissance complète de tes programmes.
- Quel dommage, Mamie, que tu ne sois pas mon examinateur??




























CHAPITRE 2

La Marseillaise



Nous allons laisser la jeune Caroline à ses révisions, car malgré l?optimisme de sa Mamie, elle était encore loin de la connaissance totale de son programme, et rejoignons Yves, ce vilain garçon, cause du grand chagrin de Caroline.
Au moment où cette dernière entrait dans sa chambre pour ingurgiter les connaissances contenues dans son livre de Sciences Nat, Yves, qui n?était pas du tout à Londres avec l?un de ses copains, était plus au sud, à Marseille, pour revoir Béatrice, la jeune fille qu?il avait rencontrée dans une surprise partie à Orange.
Elle avait fait une grande impression sur Yves, qui lui avait demandé son adresse pour lui écrire. Elle la lui avait donnée sans aucune difficulté, mais Yves, plutôt que de lui écrire, avait préféré venir la voir.
Elle habitait en plein Marseille, rue de Rome, et c?est d?un pas décidé et joyeux qu?il se dirigeait vers le domicile de sa belle.
Arrivé devant un grand portail et une porte latérale, à côté de laquelle figuraient une dizaine de nom, dont celui du père de Béatrice, Yves se rendit compte de la difficulté de sa démarche.
Il ne pouvait aller sonner, car il ignorait comment les parents l?accueilleraient. Et s?il fallait attendre que Béatrice, entre ou sorte de chez elle, cela pourrait durer pas mal de temps.
Pendant une demi-heure, il fit les cent pas devant la maison, et s?apprêtait à abandonner la partie, quand Cupidon sembla avoir eu pitié du pauvre Yves, qui vit Béatrice arriver en sens inverse.
Ils s?arrêtèrent simultanément alors qu?ils étaient à 5 mètres l?un de l?autre.
- Yves ? Que fais-tu là ?
Elle ne semblait pas particulièrement heureuse de le revoir, et il se demanda un moment s?il ne devait pas invoquer le hasard. Et puis, il se dit qu?il serait idiot d?avoir fait tant de kilomètres pour rien. Mieux valait savoir ce qu?elle pensait franchement de lui.
- Tu m?avais donné ton adresse, et j?ai estimé, qu?au lieu de t?écrire, il était plus intelligent de venir te voir. Je ne te cache pas que tu m?as fait une ?.certaine impression, pendant la surprise partie chez Jeanne, et j?ai préféré venir pour avoir une conversation sérieuse et franche avec toi. Voilà. Je t?ai répondu avec sincérité. Pouvons-nous aller discuter, à la terrasse d?un café par exemple ?
Elle sembla hésiter un moment, puis finit par dire.
- Je dois rentrer chez moi assez rapidement. Une copine va venir me voir, pour me passer des cours. Je ne peux t?accorder au maximum qu?une demi-heure.
- Cela permettra de nous dire beaucoup de choses. Je suis là depuis un moment et j?ai repéré un café à 150 mètres, allons-y.
Chemin faisant, ils échangèrent des propos anodins, sur la surprise partie à laquelle ils avaient assisté, et sur Jeanne, qu?ils connaissaient l?un et l?autre.
Une fois installés à la terrasse du café, Yves pensa qu?il ne devait pas gaspiller le peu de temps qui lui avait été accordé.
- Tu sais, Béatrice, je ne vais pas te faire de grands discours. D?ailleurs les faits parlent d?eux-mêmes. Je suis venu d?Orange à Marseille en train. Or, à part toi, je ne connais personne dans cette ville.
Cela doit signifier quelque chose.
Cependant, je veux te mettre complètement à l?aise. Cette décision de venir, tu le sais, je l?ai prise seul, et tu n?as pas à te sentit engagée en quoique ce soit...
- C?est évident. Je ne t?avais pas demandé de venir. Tu as prévu de retourner chez toi ce soir ?
- Non. En tout état de cause, j?ai pris une chambre à l?hôtel et je ne rentrerai chez moi que demain.
Nous ne nous connaissons pas vraiment, et je crois avoir un esprit assez rationnel. Je reconnais que cette espèce de ?.coup de foudre que j?ai ressenti en te voyant la première fois, ne plaide pas en faveur de mon rationalisme, mais, crois moi je garde l?esprit clair.
Donc, nous ne nous connaissons que très peu, et ma venue à Marseille n?a qu?un but. Te demander de vive voix si tu veux bien que nous correspondions pour mieux nous connaitre ; Pour être plus direct, je dirai les choses autrement.
Si tu as la certitude que rien de sérieux ne pourra exister entre nous, tu me le dis franchement, demain je rentre chez moi, et jamais je ne reviendrai t?importuner.
Si tu n?as pas cette certitude, je te demande simplement de bien vouloir que nous correspondions pour mieux nous connaitre, et s?il n?y a pas d?obstacle, nous pourrions nous rencontrer de temps en temps. Je n?ajouterai qu?un mot : Je ne cherche pas une aventure.
J?ai beaucoup parlé, je t?écoute.
Béatrice avait écouté Yves, sans grande attention semble ?t-il, et elle l?avoua assez sincèrement.
- Ne m?en veux pas, mais je n?ai pas écouté tout ce que tu m?as dit. J?ai des problèmes en ce moment qui occupent mes pensées. Ce que je te propose, c?est que nous nous écrivions, et nous verrons bien par la suite.
- C?est exactement ce que je venais de te proposer. Je veux que tu saches dès maintenant, que si je peux faire quelque chose pour arranger ou diminuer tes ennuis, je suis là.
- Merci. Maintenant, il faut que je rentre, j?ai une copine qui doit m?attendre chez moi.
- Bon, d?accord, Je t?écris dès ce soir, et je te répète qu?en cas de nécessité, tu peux compter sur moi.
Béatrice se leva lui serra la main, et se dirigea vers son domicile.
Yves resta un peu plus longtemps à la terrasse du café, pendant qu?il voyait s?éloigner Béatrice. Il était évident qu?elle avait de gros problèmes, et il s?en voulait de ne pas s?en être rendu compte immédiatement.
Dans sa chambre d?hôtel, le soir même, Yves écrivit une longue lettre à Béatrice. Il était assez intelligent pour ne pas trop parler de ses sentiments. Puisqu?il fallait qu?elle et lui se connaissent mieux, il s?attacha à parler de sa vie, de ses études, de ses projets, et renouvela son offre d?aide si elle le jugeait nécessaire..
Puis il écrivit une petite lettre, gentille mais assez insignifiante à Caroline, dont il n?ignorait pas les sentiments à son égard. Son c?ur et ses pensées étaient tellement tournés vers Béatrice qu?il posta les deux lettres à la gare Saint Charles, sans se rendre compte qu?il était censé, pour Caroline, être en Angleterre.
Aussi, lorsque 48 heures plus tard, Caroline reçut la lettre d?Yves, la colère prit le dessus sur la tristesse, et elle s?écriât :
- Oh ! Le sale menteur, l?infect individu ! Il me prend pour une idiote ? Il croyait que je ne
remarquerais pas le cachet de Marseille ? C?est la preuve qu?il n?est pas en Angleterre. D?abord qu?est-il allé faire à Marseille ? Il n?en parle pas dans sa lettre, mais il faudra bien qu?il me le dise !! Je le hais, je le hais !
Puis à voix basse, elle ajouta : Et pourtant je l?aime.
Après réflexion, elle se dit que si Yves n?était pas en Angleterre, il allait rentrer bientôt chez lui à Orange, et elle décida de lui répondre.

Mon cher Yves

Je viens de recevoir ta lettre, qui je ne te le cache pas, me perturbe un peu.
Tu sais que je dois passer mon baccalauréat dans deux mois, et l?Angleterre fait partie de mon programme.
Je me faisais déjà du mauvais sang, tu me connais, je suis » traqueuse » mais depuis la réception de ta lettre, je panique carrément. Grâce (ou à cause) de toi, je sais maintenant que Marseille se trouve en Angleterre. Je me rends compte de mon ignorance, car ce n?est pas du tout là que je situais cette ville.
Tu m?excuseras de ne pas t?écrire plus longuement, mais tu comprendras parfaitement qu?il y a urgence pour moi d?aller réviser ma géographie.
Je te fais la bise
Caroline
Après relecture de sa lettre, elle se plut à imaginer la tête d?Yves la lisant, et elle ne put s?empêcher d?en rire.
Un rire qui ne dura pas longtemps et fut suivi immédiatement d?une crise de larmes.
Elle connaissait bien Yves. S?il avait voulu mentir, ce n?est pas par plaisir, mais parce qu?il y avait une importante raison, et cette raison ne pouvait être que l?existence d?une jeune fille à Marseille.
Elle se sentait trompée, comme si Yves était son petit ami, et décida immédiatement que ce garçon ne pouvant garder son estime, il fallait le bannir de son esprit, pour se consacrer à quelque chose de beaucoup plus sérieux : ses révisions.
Le troisième jour, alors que dans sa prairie préférée, elle était dans l?herbe, écoutant le ruissellement du cours d?eau à 20 mètres devant elle, elle jouissait d?un moment de repos entre ses révisions de maths et celles de littérature, il lui sembla entendre quelqu?un qui venait derrière elle.
Sans doute sa grand-mère, qui quelquefois venait s?asseoir à côté d?elle, sans prononcer un mot, goutant avec sa petite fille, la sérénité de ce coin charmant.
- C?est comme cela que tu fais tes révisions ?
Caroline sursauta. Ce n?était pas la voix de sa Mamie, mais celle d?Yves. Que venait-il faire ici ce menteur, cet infidèle ? Mais curieusement, cette pensée agressive s?accompagna d?une grande joie intérieure.
Elle aurait voulu rester impassible et immobile, mais elle ne put s?empêcher de se lever, et de dire d?une voix joyeuse.
- Je ne t?attendais pas. Tu n?as pas aimé Marseille?..Et ses habitantes ?
- Je suis allé à Marseille?pour m?acheter une moto.
- C?est vrai que pour aller en Angleterre, une moto, c?est bien pratique.
- Quelle mouche t?a piquée ? Tu me sembles bien agressive !
- C?est peut être parce que je n?aime pas les menteurs.
Après un moment de silence, Yves reprit :
- Oh ! Tu ne vas pas en faire un fromage !! Je devais aller en Angleterre, c?est vrai, et puis, j?ai changé d?avis. J?ai préféré aller voir une personne à Marseille, j?y suis allé, et j?en reviens. Tout est donc très simple.
- Si ce n?est pas indiscret, qui est celle que tu appelles pudiquement « une personne » ?
- C?est une jeune fille que j?avais connue dans une surprise partie.
- Elle a du te faire un effet puissant pour que tu fasses tant de chemin pour aller la voir !
- J?ai fait moins de chemin pour aller la voir, que pour venir te voir, toi !
- Oh, moi !!! Ce n?est pas pour moi que tu es ici !
- Ah bon ? Et pour qui, selon toi ?
Faisant un arc de cercle harmonieux avec son bras, elle désigna la nature alentour
- C?est pour ce cadre et ce temps.
- Il faisait très beau à Marseille, et il y a des coins dans cette ville qui sont magnifiques.
- Bon. Arrêtons ! Tu es là pour combien de temps ?
- Je ne sais pas encore. Cela ne dépend pas de moi.
- Cela dépend de la jeune fille de Marseille ?
- Non, bien sûr que non. Que vas-tu imaginer ?
- Alors, cela dépend de moi ?
Yves esquiva la question avec l?un de ses sourires charmeurs
- C?est du domaine des possibilités.
- Donc, ce n?est pas certain du tout. Décidemment, tu sembles avoir beaucoup changé. Ce que j?aimais en toi, c?était que tu étais toujours direct, franc?.Et tu es devenu tout le contraire.
Voulant rester sur le plan de la plaisanterie Yves demanda si cela signifiait qu?elle ne l?aimait plus.
Elle préféra ne pas répondre, et lui proposa de revenir à la maison.
Caroline n?avait pas les idées très claires. D?un côté, elle se sentait heureuse de la présence d?Yves à ses côtés, et d?autre part, elle réalisait que ce qu?elle venait de dire, spontanément, sans réfléchir, était bien vrai.
Oui, il avait beaucoup changé. Auparavant, elle lisait en lui comme dans un livre ouvert, tant il était simple et sincère, alors qu?il était devenu compliqué, menteur, et?..Elle avait du mal à lui appliquer ce qualificatif, mais il s?imposait : Yves était fourbe.
Comment pouvait-on changer à ce point. Ou, plus exactement, qui pouvait l?avoir fait changer à ce point ? La réponse s?imposait : La fille de Marseille.
Emportée par son imagination, Caroline imagina une jeune fille très belle, très aguichante, mais complètement pourrie à l?intérieur, dotée d?une liste impressionnante de défauts.
Ils arrivaient près de la maison, et perdus dans leurs pensées, ils n?avaient pas prononcé un mot, lorsque Caroline murmura. « Il ne faut pas se fier aux apparences »
Yves qui n?avait pas bien entendu la questionna :
- Je n?ai pas très bien compris. Tu as dit : Il ne faut pas??..Il ne faut pas, quoi ?
- Il ne faut pas se fier aux apparences.
- C?est une évidence. Mais pourquoi dis- tu cela ?
- Je me comprends.
- J?aimerais bien comprendre aussi. C?est trop te demander, si je te prie de t?expliquer.
- Si tu es intelligent, tu comprendras, si tu n?es pas intelligent, tu ne m?intéresses pas.
- Parfait. Comme je ne comprends pas, je suis un crétin, et le crétin te salue bien !
Et Yves se mit à courir pour aller prendre sa bicyclette contre le mur de la maison, et avec laquelle il était monté chez Caroline. Il l?enfourcha revint sur ses pas, et croisa la jeune fille sans tourner la tête. Elle était figée sur place, littéralement foudroyée par la réponse et le départ inattendu d?Yves.












CHAPITRE 3

Beaucoup plus tard



Cette petite dispute, avait toutes les apparences d?une petite brouille passagère.
Pourtant il fallut attendre 19 ans pour que Caroline et Yves se revoient, et, de plus, la rencontre fut fortuite.
Caroline avait poursuivi ses études, et obtenu une maitrise de droit. Elle avait travaillé durant 5 ans, comme cadre, dans un service contentieux, puis elle avait rencontré Paul, un homme d?affaires séduisant, dont elle tomba follement amoureuse. Ils se marièrent et eurent une petite fille, Agnès, qui n?avait que 10 mois quand ses parents divorcèrent.
Le beau, le brillant homme d?affaires s?était révélé être un coureur impénitent, et un menteur, un fabulateur de tout premier ordre.
A plusieurs reprises, Caroline pensa : Il ne faut pas se fier aux apparences, et chaque fois, cela lui remettait en mémoire la dernière scène qu?elle avait vécue avec Yves. Qu?était il devenu ? Depuis près de 19 ans, elle n?avait pas eu une seule fois de ses nouvelles.
Caroline avait 35 ans. Depuis deux ans, c?est elle qui dirigeait le service contentieux, et elle vivait à Avignon, dans un appartement confortable avec sa fille Agnès, âgée maintenant de 5 ans. Une « nounou- femme de ménage » s?occupait de la petite fille et de l?intérieur, ce qui permettait à Caroline de se consacrer, en dehors de son travail, à sa passion du tennis.
En ce samedi du mois d?Avril 2009, tenant la petite Agnès par la main, Caroline se rendait à son club de tennis. Plusieurs mères amenaient leurs enfants au club, aussi les parents pouvaient ils jouer au tennis sans trop s?occuper des enfants, eux-mêmes passionnés par leurs jeux, et surveillés par une personne du club chargée de la garde des enfants.
Dès leur arrivée au club, Agnès lâcha la main de sa mère pour se précipiter vers Nicolas, son habituel compagnon de jeu, lorsqu?elle venait avec sa mère.
Rassurée, et persuadée que sa fille ne trouverait pas le temps trop long, Caroline se dirigea vers les cabines de femmes pour se mettre en tenue.
Lorsqu?elle en sortit, la raquette, sous le bras, elle trottinait vers les cours, lorsqu?elle heurta un homme lui-même en tenue de tennisman.
Ils se reconnurent simultanément.
- Caroline !
- Yves !
La première surprise passée, Yves prouva qu?il n?avait pas la mémoire courte.
- Tu vois, Caroline, je suis habillé en tennisman, j?en ai bien l?apparence, hé bien figure toi que je suis réellement un joueur de tennis.
- Toi, Yves, tu as une mémoire comparable à celle de la mule du pape, et comme cette dernière, tu ne m?as pas ratée?. Maintenant que tu t?es bien vengé, si tu me disais ce que tu es devenu.
En souriant, et avec cet air railleur qui avait toujours été le sien, il lui répondit qu?évidemment, ayant connu Caroline dans sa jeunesse, il n?avait jamais pu se marier.
Que néanmoins, un homme étant un homme, il avait eu deux ou trois compagnes, dont une actuellement le supportait depuis 18 mois.
- Tu as beaucoup de chance. Tu es tombé sur une sainte !
- Caroline, je voudrais te demander quelque chose
- Je t?écoute.
- Nous venons juste de nous revoir, et déjà nous nous lançons des rosseries. Cela peut être amusant, mais souviens toi, c?est ce petit amusement qui nous a séparé durant?19 ans, Alors, je t?en prie, ne recommençons pas, et reprenons nos gentilles conversations d?antan.
- Tu veux dire d?avant ta petite amie marseillaise ?
- Tu as la rancune tenace. Remarque, cela flatte mon amour propre. Mais je vais te faire un aveu, et cette fois ci, mon amour propre va en prendre un coup : Je ne suis parvenu à rien avec cette marseillaise, dont nos rapports se sont bornés à l?échange de trois ou quatre lettres.
- En tout état de cause, il y a prescription. Mais si tu me parlais un peu de ton activité professionnelle.
- J?ai créé un cabinet de recouvrement. Je m?occupe des mauvais payeurs, et je fais en sorte que des sociétés ou des commerçants récupèrent des factures impayées. Et toi ? Qu?es tu devenue ?
Caroline raconta son mariage, son divorce, l?existence de sa petite Agnès. Puis elle parla de son activité professionnelle à la tête d?un service contentieux.
- En fait sur le plan professionnel, nous avons des activités juridiques très proches, bien que je sois spécialisé dans les factures impayées.
Je suis là, et toi aussi je pense, pour faire une partie de tennis ; As-tu un partenaire, ou veux tu que nous échangions quelques balles ?
- J?avais prévu de jouer avec une collègue, mais je vais me décommander et j?aimerais jouer avec toi. J?espère que ces balles feront moins mal que celles que nous avions échangées sous forme de paroles, lors de notre dernière rencontre.
Dix minutes plus tard, Caroline et Yves obtenaient un court et échangeaient des balles. Ils avaient décidé de ne pas faire un match, afin de ne pas d?emblée placer leurs nouveaux rapports sur la base d?un affrontement.
Après une heure d?exercice, lorsqu?ils s?arrêtèrent, Caroline reconnut sportivement qu?ils avaient bien fait de ne pas faire un match, car Yves était techniquement bien au dessus de Caroline.
Après sa douche, Caroline récupéra Agnès et elles allèrent au bar où rendez vous avait été pris avec Yves.
Dès qu?il vint s?installer à leur table, Agnès, après l?avoir observé quelques secondes, vint s?asseoir sur les genoux d?Yves et lui dit avec la grande simplicité des enfants.
- Tu es très beau.
- Tu es très belle aussi Agnès
Faisant mine de se lever, en souriant, Caroline demanda :
- Il faut que je vous laisse ? Je dois me retirer ?
La petite qui n?avait pas compris le trait d?humour de sa mère, lui dit :
- Oh, non, reste maman !
Caroline se sentait très heureuse, des remarques fraiches, qui ne pouvaient être que sincères, de sa fille. C?est vrai qu?il était beau, Yves !
En un instant, des souvenirs et des images firent dans son esprit un véritable feu d?artifice ; elle se vit avec Yves, à la pèche aux écrevisses dans le petit ruisseau au bas de la prairie, faisant de longues promenades à bicyclette, la cueillette de champignons au printemps et à l?autome, la récolte de truffes en hiver?..
Au dessus de tous ces souvenirs, une sorte d?incompréhension. Comment être restée si longtemps, sans tenter de revoir Yves avec lequel elle avait passé tant de moments heureux ?
Yves devait lire dans ses pensées, car il lui dit :
- Comment avons-nous pu rester si longtemps sans nous voir ?
- C?était une erreur, à laquelle je l?espère tu voudras bien que l?on mette fin.
- Ne prenons pas de risque et échangeons immédiatement nos adresses et numéros de téléphone.
Ils restèrent plus d?une heure à bavarder, se remémorant des souvenirs d?antan, et sans plus parler une seule fois de ce qu?ils avaient fait, durant les 19 années précédentes, comme si tacitement, ils voulaient occulter cette longue période de séparation.
Pendant toute la conversation, Agnès était restée sur les genoux d?Yves, et Caroline réalisa que sa fille était privée d?un père.
Yves ayant un rendez vous d?affaires, dut à regret mettre fin à ces moments agréables, et il fut convenu que le lendemain soir, ils dîneraient ensemble au restaurant « La fourchette d?or », ce qui engendra un petit drame, Agnès tenant à venir aussi, alors que Caroline, resta inflexible pour que la petite reste à la maison, gardée par la nounou.







CHAPITRE 4

Le doute




Cette rencontre perturba Caroline, qui ne pouvait s?empêcher d?établir un parallèle entre Yves, et celui qui avait été son mari.
On se doute de celui qui sortit vainqueur de cette confrontation.
Elle se rendit compte que la vie quelquefois se joue en quelques minutes. Que se serait il produit, si, il y a 19 ans ; elle avait su dominer sa jalousie, et avait pu éviter la scène à la suite de laquelle ils ne s?étaient plus revus ?
Après leur dispute, elle avait pensé que leur brouille ne résisterait pas à toutes ces années de profonde amitié, et puis, chacun se drapant dans un amour propre ridicule, ils avaient cessé de se revoir.
Le soir de leur rencontre au club de tennis, dans sa chambre, Caroline réalisa pleinement qu?elle avait sans doute gâché tout un pan de sa vie, en quelques minutes, il y a bien longtemps, et elle pleura ces années perdues.
Depuis la naissance d?Agnès, les choses pourtant, lui avaient semblé très simples, et normales. Sa vie avait deux centres d?intérêts, deux pivots, son travail qui la passionnait et sa fille, qu?elle adorait.
Et ce soir, tout se compliquait, et basculait. Elle constatait qu?avec seulement deux points d?appui, comme dans la nature, l?équilibre ne pouvait être qu?instable, et qu?il fallait trois bases pour bâtir une vie solide, pour parvenir à un équilibre durable.
Son travail, sa fille et un homme auraient constitué un trépied idéal.
Mais d?un autre côté, le style de vie qui avait été le sien, les années passant, avaient fini, par pétrifier ses sentiments. Habituée à vivre seule, elle n?était pas du tout certaine d?être en mesure de modifier sa vie.
Avant de s?endormir, dans un éclair de lucidité, Caroline pensa que ses cogitations n?avaient qu?un intérêt philosophique, mais que dans la pratique, sa reprise de contact avec Yves, ne pouvait en tout état de cause, changer sa vie, puisqu?il avait une compagne et n?était pas libre.
Malheureusement, le langage de la raison, est bien souvent inopérant pour diriger les pensées.
Durant toute la journée du lendemain, dans son bureau où elle avait demandé que l?on ne vienne la déranger que pour des problèmes importants et urgents, Caroline, ne cessait de penser à Yves et des sentiments qui auraient pu se développer en elle, s?ils n?avaient pas rompu toute relation, il y a près de 20 ans. Dix fois dans la journée, elle prit la décision de téléphoner à Yves pour annuler leur rendez vous du soir au restaurant. Dix fois, elle revint sur cette décision, et en fin de compte, si, en fin de journée, elle lui téléphona, ce fut pour lui demander si son invitation tenait toujours.
Rentrée chez elle, elle passa un temps inaccoutumé dans sa salle de bains, pour se faire une beauté, à tel point que lorsqu?elle ressortit, Agnès elle-même, lui en avait fait la remarque, tout en profitant de l?occasion pour obtenir un changement de décision de sa mère.
- Tu es restée longtemps dans la salle de bains, maman. C?était pour te faire belle, parce que tu vas, voir Yves ? Moi aussi, j?aimerais bien aller au restaurant avec vous, il est très gentil ce monsieur, et très beau.
Fort heureusement, l?obligation de se lever tôt pour aller à l?école le lendemain matin, fournit un excellent prétexte pour ne pas modifier la décision prise. Il fallut cependant y ajouter la promesse d?acheter le lendemain l?un de ces livres illustrés que la gamine adorait.
Le restaurant n?étant pas très éloigné de son domicile, Caroline décida d?y aller à pied, et elle eut les idées assez claires pour rire d?elle-même. Des centaines de fois, dans sa jeunesse, elle était allée à des rendez vous qu?avec Yves ils avaient fixés, et à ce moment là, sa cadence cardiaque n?augmentait pas d?un seul battement, alors, que cette fois ci, une grande émotion la submergeait, Elle se demanda s?il en était de même pour Yves.
La réponse à cette question qu?elle n?eut pas à formuler, vint rapidement car dès qu?elle arriva à la table à laquelle Yves était déjà installé, il lui dit.
- Je vais te faire rire, Caroline, je suis venu à ce rendez vous comme un jouvenceau à l?orée de son premier amour.
- Puisque tu me parles franchement, j?en ferai autant, en t?avouant qu?il en est de même pour moi. C?est je pense, parce que nous regrettons d?avoir perdu tant d?années, à cause d?une petite brouille ridicule. Avoir gâché une amitié pour une raison aussi insignifiante, est un crime contre la raison.
- On peut évidemment l?expliquer comme ça, répondit Yves, qui ne semblait pas particulièrement convaincu. C?est vrai, nous avons torpillé une belle amitié, pure et riche, pour un motif dont je me souviens à peine.
Durant toute la soirée, contrairement à la veille, ils parlèrent de ce qu?ils avaient fait, chacun de leur côté pendant leur longue séparation.
Malgré un évident plaisir de se retrouver, une certaine gêne subsistait entre eux, gêne dont l?un et l?autre avaient conscience, sans cependant en trouver la véritable raison.
S?agissait-il de ce grand vide de près de vingt ans, qui avaient fait évoluer chacun dans des directions différentes. Ou était-ce dû à une mutation dans leurs sentiments ? Ils s?étaient quittés alors qu?ils avaient vécu une longue camaraderie, et ils se retrouvaient avec des sentiments, certes confus, mais incontestablement d?une autre nature.
C?est cette incertitude qui générait cette retenue, cette crainte de se livrer d?une façon parfaitement franche.
Lorsqu?ils se quittèrent, ils se promirent de se revoir, mais sans fixer un rendez-vous précis?.














CHAPITRE 5

YVES



Je vis depuis 18 mois avec Marthe. Nous ne sommes pas liés par une passion dévorante, et nous ne constituons pas un couple très fusionnel.
Mais, je dois bien l?avouer, je n?aime pas la solitude. Me retrouver seul le soir, me mettre à table, sans vis-à-vis (même si ce n?est que pour échanger des banalités) me déprime. D?ailleurs, nous avons, Marthe et moi suffisamment de points communs pour que sa présence ne me soit pas insupportable
Comme moi, Marthe, a un tempérament placide, et je sens que moins nous nous affronterons et plus notre couple aurait une chance de pérennité.. L?inconvénient de ce modus vivendi, est que, nous avons chacun un jardin secret assez étendu pour que nous ne soyons jamais très proches l?un de l?autre.
Marthe dirige une agence immobilière, et cette occupation très prenante réduit au minimum le temps passé à la maison. Sur le plan professionnel, elle fait, je crois, preuve d?autorité, mais dans notre vie privée, je la trouve un peu effacée, timide, renfermée.
Certes, finalement je ne la connais pas beaucoup, mais je pense qu?elle manque de sensibilité, et si elle en a, elle le cache bien !
Je crois que nous avons cependant en commun une qualité primordiale : Nous ne pouvons nous mentir, lorsqu?il s?agit de problèmes importants..

Aussi, après avoir rencontré Caroline, j?en ai parlé à Marthe, laquelle, assez perspicace, détecta aussitôt l?importance que cette reprise de contact avait pour moi.
Pour une fois assez directe, elle me posa la question :
- Cette femme que tu avais connue jeune fille, semble tenir une grande place dans ton c?ur. Quels sont tes projets ?
- Il est certain, lui ai-je répondu, que retrouver une amie d?enfance, pas revue depuis plus de 19 ans, constitue un évènement important. Mais de là à faire des projets, je ne vois pas le sens de ta question. Il est certain que nous nous reverrons, mais cela ne bouleversera pas nos vies. Elle est divorcée, et je crois, assez dégoutée des hommes. Toute sa potentialité affective s?est reportée sur sa fille qu?elle adore.
Je profite de l?occasion pour te dire, qu?à mon sens, je pense que nous formons un couple?satisfaisant.
Il est certain que ma déclaration, ressemblait bien à celle d?un faux jeton?.. Non, je ne pense pas que Marthe et moi formons un couple satisfaisant?Surtout depuis que j?ai revu Caroline.
Et je ne suis pas sûr du tout que Caroline soit dégoutée des hommes. En tous cas, je ne l?espère pas.
Je me prends en flagrant délit de mensonge avec Marthe, et je suis suffisamment lucide pour me rendre compte, que ce n?est pas un fait anodin.
Au fond, je ne me le cache pas. Ma crainte de la solitude est telle, que je ne veux pas me lâcher des deux mains.
Je vis, tant bien que mal une vie commune avec Marthe, et je ne la quitterai que dans la mesure où j?aurais la certitude que Caroline voudra bien venir vivre avec moi. Ce n?est pas très glorieux, je le reconnais, et je n?accepterai jamais de l?avouer à quelqu?un d?autre, mais à moi, je peux bien le dire. Cela ne sortira pas de moi?.
Je tente de me reporter vingt ans en arrière pour analyser les sentiments que je ressentais pour Caroline. J?étais heureux d?être avec elle, mais je ne pense pas que l?on puisse appeler « amour » cet attachement. C?était une camarade, une amie, avec laquelle je me sentais bien parce que nous parlions le même langage, nous apprécions les mêmes choses, nous nous trouvions « de plain pied ». En fait, ni elle ni moi n?étions matures.

Lorsque j?analyse mes sentiments actuels, ils sont très différents. Tout d?abord, alors que je connaissais par c?ur ma petite amie, je ne connais pas très bien la femme qu?elle est devenue. Je dois avouer, d?ailleurs, que c?est là un élément attractif. Le mystère est toujours attirant.
Par ailleurs, l?idée de former un couple ne m?avait pas effleuré durant notre adolescence, alors que maintenant, c?est sous cet angle, et uniquement sous cet angle que j?envisage l?avenir.
Pour me résumer, mes sentiments sont encore dans le domaine des espérances, et non pas des certitudes. J?aimerais l?aimer, mais je ne connais pas encore suffisamment la Caroline nouvelle. Seul, le temps pourra m?éclairer sur la réalité de mes sentiments, et la conclusion qui s?impose est qu?il faut nous voir souvent.
C?est je crois Ninon de Lenclos qui disait : « il faut choisir de connaitre les hommes ou de les aimer ». Comme beaucoup de formules, elle pourrait être retournée. On ne peut aimer sans connaitre vraiment. Et il faut par-dessus tout que je ne prenne pas mes désirs pour des réalités, parce je sais que ce serait grave pour moi. Je m?investis entièrement dans mes rapports avec Caroline.
Bon. Côté Caroline, c?est clair. Il faut que nous refassions connaissance.
En ce qui concerne Agnès, je n?ai pas à m?attarder. Certes, c?est la fille d?un autre, mais cela ne me gêne pas outre mesure. Elle est très attirante cette gamine, et j?ai l?impression qu?elle a grand besoin d?un père. Je suis très disposé à jouer ce rôle. Bien sûr, il aurait été préférable qu?elle soit de moi, mais nous sommes dans la vie réelle, et tout ne peut être parfait.
Il reste un dernier problème, et sans doute le plus délicat. C?est celui de Marthe. J?ai beaucoup d?estime pour elle, et je n?ai pas le droit de la faire souffrir, de lui faire du mal. Certes, je ne pense pas qu?elle brûle d?un amour ardent pour moi. Si nous devions nous séparer, ce ne serait sans doute pas un écroulement pour elle. Mais je viens de dire » sans doute »?.et cela signifie que justement, il y en a un, de doute. Après tout, je ne sais pas la profondeur de ses sentiments. Et puis indépendamment de ce qui l?attache à moi, c?est une question de correction. Je ne puis envisager de lui dire prochainement :
« Voilà, je t?ai trouvé une remplaçante. Merci d?avoir bien voulu me tenir compagnie quand j?étais seul. Je te souhaite bonne chance. Tu mérites quelqu?un de mieux que moi »
Non je ne puis lui dire cela. Ne serait ce que parce que je ne la vois pas trouver quelqu?un de mieux que moi??Et puis, la laisser seule, alors que moi, j?aurais trouvé une autre compagne?Je ne dis pas que c?est impossible que je le fasse, mais je suis assez lucide pour me rendre compte que ce serait dégoûtant.
Voilà. J?ai fait un tour d?horizon. Mais il ne faut pas que je me mette martel en tête pour Marthe. Après tout, il n?est pas impossible qu?avec le temps, je sois déçu par Caroline, et que je me retrouve à la case départ.
Je dis que ce n?est pas impossible, mais, sincèrement, je n?y crois pas.
Tiens, il y a une hypothèse que je n?ai pas envisagée. Sans doute parce qu?elle m?est désagréable. Il est possible que je devienne amoureux de Caroline, et qu?elle ne me considère que comme un vieux copain. C?est une idée tellement inenvisageable que je ne veux pas m?y attarder.
Assez cogité. Le temps apportera les solutions qui s?imposeront.




















CHAPITRE 6


CAROLINE






C?est obligatoire. Quand on rencontre quelqu?un que l?on n?a pas vu depuis longtemps, on lui dit : « Tu n?as pas changé. »
Pourtant, lorsque je me suis trouvée nez à nez avec Yves, c?est ce que j?ai pensé aussitôt. Il est toujours aussi beau, cet animal !!!
Quand je dis qu?il n?a pas changé, c?est de son physique qu?il s?agit. Parce que je sens, (sans pouvoir asseoir cette affirmation sur des faits concrets) qu?il n?est plus le même.
C'est-à-dire que nous étions tellement proches, pendant notre adolescence, nous ne nous cachions rien, qu?évidemment une vingtaine d?années ont dû modifier et densifier sa personnalité. Dans quel sens ? Je n?en sais rien.
Il est curieux que je m?attarde à cogiter sur Yves, puisque, rationnellement, nos routes ne sont pas faites pour se rejoindre.
Il vit en couple, et il n?y a aucune raison pour penser qu?ils ne s?aiment pas. Ensuite, je veux être lucide. Je suis une divorcée avec un enfant. Et mon Agnès chérie, constitue pour un homme, une « reprise », une charge, importante. Comment accepter un enfant qui n?est pas de soi ?
Du côté de ma fille, je sais qu?il n?y aurait pas de problème. Elle n?a pratiquement pas connu son père et ne l?a plus revu depuis notre divorce. Son père génétique n?est rien pour elle. Par ailleurs, dès qu?elle a vu Yves, elle s?est précipitée sur ses genoux. Il est certain que cette petite ressent le besoin d?un père, mais lui ? Serait- il disposé à prendre en charge paternelle, la fille d?un autre ?
Je suis idiote. Je commence par dire qu?Yves n?est pas libre, qu?il serait donc vain d?envisager un avenir commun, et aussitôt après j?essaie de savoir s?il accepterait ma fille.
On se moque toujours de la logique féminine, et je crois que je suis un exemple parfait pour ceux qui font de l?humour à nos dépens.
Mais j?ai été tellement attachée au jeune Yves, qu?il m?est difficile de ne pas imaginer une suite entre les deux adultes.
J?ai envisagé le fait qu?il avait du beaucoup changer. Il faudrait que je me pose la même question à mon sujet.
Oui, et moi ? Ai-je changé ? Car enfin, l?adolescente qu?Yves avait connue, a traversé des épreuves et des évènements.
Je suis tombée amoureuse d?un autre homme, je me suis mariée avec lui, j?ai été déçue, très déçue, malheureuse, profondément malheureuse (surtout vexée peut être, mais cela génère aussi une profonde souffrance) et acculée au divorce. J?ai eu une fille, et devenir mère ne peut être sans conséquence sur une personnalité. J?aime ma fille avec passion. Pourtant, je sais, je sens qu?elle ne peut remplir tous mes besoins affectifs.
J?ai changé, c?est certain. Il a changé, c?est certain également. Alors, que nous puissions nous aimer tiendrait du miracle.
Mais pourquoi vivre, si l?on ne compte pas sur des miracles ?
Yves et moi, allons-nous revoir. Je le veux, et il en a envie, cela j?en suis sûre. Et puis nous verrons bien.
A propos de voir, j?aimerais bien faire la connaissance de la compagne d?Yves. Je ne sais même pas son prénom. Cela peut s?arranger facilement. Je le demanderai à Yves, et il me le dira sans difficulté. La rencontrer, c?est tout autre chose. Je ne vais quand même pas jouer à la détective privée, et faire le poireau devant la porte de la maison d?Yves, pour voir sa compagne.
Si Yves me voyait embusquée près de chez lui, quelle honte !!!! Non. Il n?en est pas question !! Il n?est pas question non plus de prendre un vrai détective privé. J?ai trop d?amour propre pour m?abaisser à cela.
Il y a bien longtemps que je n?ai pas eu l?occasion de réfléchir aussi profondément. Même quand j?étais tentée de ressasser mes déceptions, quand j?ai su les frasques de mon mari, je ne m?appesantissais pas aussi longtemps. Il est vrai, que c?était très désagréable, et que je n?avais alors aucune raison d?espérer, alors que lorsque je pense à Yves, il y a une forte dose d?espoir, c?est beaucoup plus agréable.







CHAPITRE 7


MARTHE



Je crois que je suis un peu spéciale. Il est certain que je ne me sens pas très à l?aise avec les autres. Je pense que ma timidité me rend très repliée sur moi-même.
Comme, cela je le sais, je ne suis pas trop mal fichue physiquement, de nombreux hommes m?ont fait la cour, et ceux qui étaient les plus empressés, les plus patients surtout, ont eu droit à mes faveurs, mais cela n?a jamais pu durer très longtemps. Quelquefois, c?est moi qui les trouvais trop insuffisants, mais la plupart du temps, ce sont eux qui m?ont lâchée. Ils ne me trouvaient sans doute pas très drôle.
Pourtant je sens en moi des monceaux d?affection inutilisés, mais je ne peux m?extérioriser, et personne ne peut s?en rendre compte.
Je ne suis pas heureuse, mais je n?ai pas le droit de me plaindre, car je ne peux m?en prendre qu?à moi-même. Si j?étais un homme, une femme comme moi ne m?attirerait pas. C?est peut être cette certitude qui me paralyse.
Lorsque j?ai rencontré Yves, il m?a tout de suite plu. D?abord il a un physique très avantageux. Ce n?est pas à mon crédit que de l?avouer, mais je suis très sensible au physique des hommes. Et pour une fois, il n?a pas eu à faire un très long siège. Je lui ai cédé très rapidement, et quinze jours après notre première nuit d?amour, je suis venue (à sa demande bien sûr) vivre chez lui.
Cela fait 18 mois que cela dure, et je dois dire que ma seule crainte est que cela s?achève. Yves, très attirant au premier abord, gagne, en plus, à être connu.
C?est un homme solide, droit, franc, intelligent, et bien entendu, je l?aime énormément. Pourtant si, lui, m?a dit quatre ou cinq fois qu?il m?aimait, moi, je n?ai pas pu le lui dire une seule fois. Toujours cette foutue timidité. Mais je crains que cela aille au-delà de la simple timidité. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond en moi.
Depuis un an et demi que nous sommes ensemble, nous n?avons pas eu une seule dispute, ni même une discussion un peu vive. Vue de l?extérieur, notre entente est parfaite, mais je sens bien qu?il manque quelque chose. Nous vivons ensemble et pourtant, nous ne sommes pas proches. J?en ai parfaitement conscience, j?en suis fautive, et les jours s?écoulant, j?ai de plus en plus peur qu?il aille chercher ailleurs une chaleur que je ne lui donne pas. Pourtant, je sais que si je lui disais le dixième des sentiments que j?éprouve pour lui, il serait gavé et demanderait grâce.
Je l?aime follement, et je ne sais pas le garder.
Il m?a annoncé, avec sa franchise habituelle, qu?il avait par hasard rencontré une ancienne amie d?enfance. Quand il dit que c?est par hasard, je le crois. Il est tellement droit ! Mais depuis qu?il m?en a parlé, je vis dans la crainte de le voir faire des comparaisons entre son ancienne amie, et moi. Et bien entendu, je ne puis sortir victorieuse de cette comparaison.
Il va me quitter, j?en ai l?intime conviction. Et je suis incapable de faire quoique ce soit pour défendre mon bonheur.
Il n?est pas question que je lui parle, pour lui révéler les sentiments que j?éprouve pour lui. Cela, je ne le pourrais pas. Mais peut être pourrais-je lui écrire ?
Je constate qu?en ce moment, je peux écrire facilement mes états d?âme, je pourrais peut être lui écrire une lettre et lui dévoiler mon amour ?
Mais je ne me fais pas d?illusion. Si j?écris facilement quand je sais, que je serai, éventuellement mon unique lectrice, il n?en serait pas de même si je savais qu?Yves était appelé à me lire.
Donc, je ne vais pas lui écrire non plus. Je vais attendre. Le fait est, que c?est ce que je sais le mieux faire. Attendre. Ne pas bouger. Ce n?est pas la meilleure façon pour défendre notre couple auquel je tiens tant, mais je ne peux rien faire d?autre. Attendre, avec la peur au ventre de m?entendre donner mon congé.
Une pensée vient de me traverser l?esprit. Mais elle ne s?est pas arrêtée. Elle était contraire à mon éthique.
Cette pensée, d?ailleurs, ne pourrait sans doute rien m?apporter de positif. A vrai dire, je n?en sais rien, mais cela m?arrange de le penser. Cela m?évite de me tourmenter.
Cette idée était de demander à Yves de faire connaissance de son amie, pour pouvoir lui parler, l?évaluer... Quand on en est à créer des chimères, on peut les pousser à l?extrême. Mais non. Décidemment, je ne ferai rien. J?attendrai.
C?est dur à admettre, quoique je le sache depuis longtemps : je ne suis pas faite pour être heureuse. Je ne suis pas faite pour rendre un homme parfaitement heureux.
Pourquoi Yves est il resté avec moi depuis si longtemps ? Je n?avais jamais eu une liaison aussi longue ! 18 mois ! C?est extraordinaire. Mais je crois avoir la réponse à ma question, et cette réponse ne me rend pas optimiste pour l?avenir.
Yves reste avec moi, parce que nous avons un point commun : Nous n?aimons pas la solitude. Bien sûr, il doit m?aimer un peu, mais il reste avec moi, avant tout, pour ne pas être seul.
Cela signifie que s?il trouve une nouvelle compagne, plus agréable, plus communicative, il me quittera pour elle. Et c?est ce qui va arriver. J?en suis certaine. Quand il m?a parlé de son amie d?enfance, j?ai bien vu qu?il était très heureux de l?avoir retrouvée. Et pas seulement pour avoir une copine pour parler de l?ancien temps.
Oui, je crois que c?est fichu !



























CHAPITRE 8



Caroline aime l?indépendance





Il y avait un mois qu?Yves et Caroline s?étaient retrouvés. Ils avaient eu l?occasion de se voir à une dizaine de reprises, et peu à peu, la connivence de leur jeunesse reprenait vie.
La petite Agnès appréciait toujours le grand ami de sa maman, et dès qu?ils se rencontraient, elle allait sur ses genoux quand il était assis, et lui tenait la main quand ils marchaient.
Yves, se sentait toujours heureux en leur compagnie, mais il ne parvenait pas à voir très clair en lui. Il avait pensé lorsqu?ils s?étaient retrouvés, que Caroline pouvait devenir autre chose qu?une copine de jeunesse, mais il devait bien reconnaitre que c?est un sentiment amical qui l?unissait à la jeune femme.
De son côté, Caroline, se comportait comme une simple amie, et à aucun moment ni d?un côté ni de l?autre, la moindre phrase, le moindre geste, n?aurait pu laisser penser qu?un sentiment plus profond pourrait les réunir.
En fin de compte, il n?y avait qu?une personne qui avait franchement dévoilé ses batteries. A plusieurs reprises, Agnès avait demandé à Yves.
- Dis, Yves, tu ne veux pas devenir mon papa.
La première fois, Yves avait essayé de répondre en riant.
- Je t?aime beaucoup, beaucoup, Agnès, mais je ne peux être ton papa, puisque je ne le suis pas. On ne peut pas inventer, tu me comprends. Si tu veux, appelle-moi tonton
- Pourquoi veux-tu que je t?appelle Tonton, puisque ce n?est pas vrai ? Tu m?as dit qu?on ne peut pas inventer. Je préfère t?appeler papa.
Les autres fois, Yves s?était contenté de répondre à la fillette, qu?il ne pouvait être son papa, sans tenter de donner d?autres explications, car il savait que la gamine saurait rebondir à la moindre de ses tentatives de raisonnement.
Durant ces courtes joutes, Caroline n?était jamais intervenue, sans doute soucieuse, elle aussi, de ne pas risquer de provoquer l?implacable logique enfantine.
Chez lui, Yves se demandait ce que Marthe pensait réellement. Certes, elle avait toujours été assez difficile à déchiffrer, il lui semblait pourtant qu?elle était encore plus hermétique, depuis qu?il lui avait dit avoir rencontré Caroline. A aucun moment elle n?avait fait la moindre allusion à la jeune femme, mais Yves sentait sans en avoir un indice concret, que Marthe pensait à son ami d?enfance.
Il résolut de lancer lui-même le débat, pour savoir ce que Marthe pensait réellement.
- Je t?avais dit que j?avais rencontré par hasard, une amie d?enfance, Caroline. T?en souviens-tu ?
- Parfaitement.
- Je l?ai revue à plusieurs reprises.
- Ah ? Bon. Y a-t-il une raison particulière pour que tu m?en parles aujourd?hui ?
- Une raison particulière ? Non. Je t?en parle parce que je ne te cache rien, c?est tout.
- Merci de ta franchise. Mais, j?ai toujours su que tu étais très droit. Si tu avais de nouveaux projets, tu m?en parlerais.
- Bien entendu. Mais je ne vois pas pourquoi j?aurais de nouveaux projets. A moins que tu considères que c?est avoir un projet nouveau que de te demander si tu acceptes que j?invite Caroline et sa fille Agnès à déjeuner, par exemple samedi prochain.
Marthe hésita quelques secondes, avant de répondre, que bien évidemment il pouvait les inviter, et qu?elle essaierait de faire un repas assez correct pour qu?il n?ait pas à rougir d?elle.
- Très franchement, Marthe, je ne vois pas dans quelle circonstance je pourrais avoir à rougir de toi.
C?était à la manière d?Yves, une sorte de déclaration d?amour, et en fait c?est Marthe qui se mit à rougir, ce dont il s?aperçut aussitôt, en se demandant si sous ses dehors glacés, elle n?était pas agitée intérieurement de sentiments très forts.
A plusieurs reprises, au cours de la journée, il se demanda s?il ne faudrait pas tenter de percer la carapace de sa compagne, pour connaitre la véritable nature de ses sentiments.
Il avait toujours pensé, peut être parce que cela l?arrangeait, que Marthe vivait avec lui avant tout pour ne pas être seule. Mais sa réaction, quand il lui avait fait un compliment, l?amenait à réviser son jugement. Se pourrait-il qu?elle l?aime vraiment ? Et si c?était le cas, n?aurait il pas intérêt à mettre les choses au point également avec Caroline. La situation se compliquait singulièrement, et Yves se demandait si inviter Caroline et sa fille chez lui était vraiment une très bonne idée.
En tout état de cause, il avait toujours la possibilité de ne pas inviter Caroline, puisqu?il ne lui en avait pas encore parlé?..mais il n?envisagea pas une autre possibilité, c?est que la jeune femme refuse son invitation. Il ne l?envisagea pas, tout simplement parce que l?invitation d?une camarade d?enfance chez lui, ne constituait pas un fait très important.
S?il en avait eu conscience de ce raisonnement intérieur, il aurait vu ses problèmes résolus, puisqu?il aurait eu la preuve qu?il ne considérait Caroline que comme une simple amie.
Yves restait donc dans l?incertitude de ses propres sentiments, et décida de s?en tenir à ce qu?il avait décidé lors de sa conversation avec Marthe. Dans la soirée, donc, il téléphona à Caroline pour l?inviter à déjeuner avec Agnès le samedi suivant. Elle accepta immédiatement, et Yves se demanda s?il devait considérer cette rapide décision, comme la preuve qu?elle n?attachait pas une grande importance de se trouver en présence de Marthe, ou, si au contraire, elle était impatiente de la connaitre.
Sagement, il arriva à la conclusion qu?il était inutile de continuer à cogiter puisqu?il n?arriverait à aucune conclusion certaine. Mieux valait donc attendre, et observer les rapports entre les deux femmes durant le déjeuner.
Marthe était douée pour la cuisine, mais il était évident que pour ce repas, elle avait fait des efforts particuliers, cependant, là encore, quelle conclusion en tirer ? Le simple amour propre avait pu l?inciter à se surpasser.
Le premier contact entre les deux femmes fut normal et presque naturel. Presque, car durant les premières minutes, Caroline et Marthe, avec discrétion (mais cela n?échappa pas à Yves) s?examinaient l?une et l?autre avec attention, sans doute pour voir ce qu?Yves pouvait trouver de mieux dans la concurrente. C?est en tous cas, ce qu?il crut constater.
La conversation durant tout le repas roula sur les souvenirs d?enfance que Caroline et Yves déroulaient avec un plaisir évident. On aurait pu penser que Marthe se sentirait exclue de la conversation, mais il n?en fut rien, et elle n?hésitait pas à questionner, à demander des précisions, comme si ces petits souvenirs d?enfance revêtaient une grande importance pour elle.
Agnès, qui avait tenu à être assise à côté d?Yves, le regardait avec admiration, ce dont il se rendait compte, et puérilement lui faisait grand plaisir.
A la fin du repas, de la même façon qu?elle avait parlé de ses souvenirs d?enfance, et donc, sans changer de ton, Caroline dit :
- Je ne sais pas si vous ressentez la même chose, mais je me sens bien, comme cela, tous les quatre. J?aime la compagnie de gens que j?aime, même si je ne pense pas être capable de supporter quelqu?un en permanence à côté de moi.
Cette déclaration faite très simplement provoqua cependant un long silence.
Yves comprit tout de suite qu?elle lui signifiait son aversion pour une vie de couple, et cela coupait les ailes aux chimères qu?il avait pu entretenir.
De son côté, Marthe, n?osait pas croire que Caroline se retirait de la compétition, tout en ressentant cependant une joie profonde.
Agnès, quand à elle, n?avait rien compris du tout et regardait toujours Yves avec admiration.
Au moment où Caroline et Agnès prirent congé, Yves proposa à la jeune femme de se retrouver au club de tennis le samedi suivant, ce qui fut accepté.
Quelques minutes plus tard, alors Qu?Yves aidait Marthe à débarrasser la table et à c
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