Ecriture-Lecture




LA REDEMPTION



LA REDEMPTION




PREMIERE PARTIE



CHAPITRE 1




Très haut dans le ciel, une alouette chantait. Dans le champ que Serge côtoyait, les graines de tournesol commençaient à lever, et si le ciel, presque uniformément bleu, n?était orné, que de quelques nuages blancs décoratifs, un vent très frais, rappelait que nous n?étions qu?au tout début du mois d?Avril. La nature dégageait une impression de sérénité.
Vêtu d?une simple chemise et d?un pantalon de gabardine, Serge frissonna, les beaux jours n?étaient pas encore là. Dans tous les sens de l?expression, les beaux jours n?étaient vraiment pas là pour lui. Certes, en ce qui concerne le temps, ils n?allaient pas tarder à venir, en revanche, Serge ne voyait pas la fin des tourments qui s?étaient abattus sur lui !
C?était un garçon de 22 ans, assez bien bâti. Son visage mince et sa chevelure brune et courte, son maintien un peu guindé, lui donnaient un air assez british, qu?il cultivait certainement.
Dans un cadre agréable, il marchait lentement, mais, plongé dans de profondes réflexions, il ne pouvait apprécier pleinement les beautés environnantes.

Sa courte vie, jusqu?alors, avait été des plus douces, et normalement, il devait terminer dans quelques mois, une maitrise de droit. Pourtant, à ce moment précis, son avenir était tellement incertain, qu?il n?était même plus assuré de pouvoir aller jusqu?au bout de ses études.
Le drame avait éclaté l?avant-veille.
Son père, dirigeait une fabrique de meubles de 25 employés, qui, pour tout le monde, semblait en pleine prospérité, et pourtant, dans ce ciel qui paraissait bleu, un coup de tonnerre, venait d?éclater.
Marc Laviron, désireux d?épargner sa famille, n?avait parlé à personne de ses difficultés, jusqu?à l?avant-veille, quand sa société avait été mise en liquidation. Il n?avait plus été question de cacher la douloureuse réalité.
C?était lui qui avait créée sa Société, c?était lui qui l?avait développée, et pour Marc, elle était toute sa vie. A un point tel, qu?il avait commis l?imprudence, de tout miser sur elle, et de donner ses biens personnels, en garantie de ses emprunts. Du jour au lendemain la famille, voyait surgir le spectre de la pauvreté, et la charge de lourdes dettes à assumer.
Serge, était l?ainé de trois enfants. A ce titre, il se sentait investi d?une responsabilité familiale de premier plan.
Son père était depuis quarante huit heures, une loque, incapable de prendre la moindre décision. Il ne savait que répéter sans fin : « Je ne savais pas, je ne savais rien ». Lorsqu?on lui avait demandé ce qui s?était passé, il n?avait su que répéter cette même phrase, en ajoutant seulement : Je jure que je ne savais rien.
En fait, il devait bien se douter de quelque chose depuis un certain temps, c?est en tout cas ce que pensait tristement Serge.
Lorsque, le matin même, le jeune homme l?avait supplié de dire au moins ce qu?il avait ignoré, et qu?il connaissait maintenant, il s?était contenté de dire : Dufour.
Denis Dufour, un vieil ami de la famille, après avoir franchi plusieurs échelons, était devenu le chef comptable de la société, depuis une dizaine d?année, et occupait pratiquement les fonctions de bras droit de Marc.
Puisque son père était pour l?instant incapable de s?expliquer, et afin d?en savoir plus, Serge avait pris la décision de se rendre chez Dufour.
Lui, au moins, pourrait expliquer ce qui était arrivé, et comment cela avait pu survenir. Arrivé chez l?homme de confiance de son père, il trouva sa femme, triste et abattue. Elle lui dit qu?elle n?avait pas eu de nouvelles de son mari depuis 48 heures, et ignorait totalement où il était. Devant l?insistance de Serge, elle finit par avouer sa crainte qu?il ait « fait des bêtises ». Mais le jeune garçon ne put pas obtenir plus de précisions. Elle semblait d?ailleurs ne pas très bien connaitre les activités de son mari.
C?était en sortant de la maison du chef comptable, que Serge avait décidé de faire un tour dans la campagne, pensant que la pureté de l?air et du paysage pourrait peut être lui permettre de retrouver un peu de sérénité et d?avoir une idée plus nette de la situation. Les pensées roulaient dans sa tête, sans ordre, ni enchainement, et, c?est l?esprit tout aussi confus qu?il rentra chez lui.
Jeanne sa s?ur de 17 ans, qui avait toujours été vive, sensible, et proche de lui, se jeta à sou cou, en lui disant :
- J?avais peur que tu ne sois parti. Dis-moi, Serge, que se passe-t-il exactement ? Tu ne nous abandonneras pas ?
- Où es-tu allée chercher cette idée ridicule ? Pourquoi voudrais-tu que je parte ? Et où ? Non, soeurette, il faut au contraire que nous fassions front tous ensemble. Je suis allé chez Dufour pour lui demander des explications, mais sa femme, qui semble aussi « sonnée que nous, ne l?a pas vu depuis deux jours.
- S?il est parti, c?est peut être bien parce qu?il est coupable ? Il faut le rattraper. Que pouvons-nous faire ?
- Il faut absolument que l?on parvienne à faire parler papa. Il doit tout de même avoir quelques éléments en sa possession. Il n?est pas possible qu?il n?ait pas eu, au moins quelques doutes sur la situation de sa société. Viens avec moi, nous allons l?interroger.
Le frère et la s?ur, trouvèrent leur père dans le salon, avachi plutôt qu?assis dans un fauteuil, il avait le regard fixe, et ne fit pas un geste lorsque ses enfants entrèrent dans la pièce.
Serge se posta en face de lui, et avec le maximum d?autorité dans la voix, lui dit qu?il était temps de voir les choses en face pour trouver une solution. Il lui dit qu?il venait de chez Dufour, qui semblait avoir disparu, ce qui constituait sans doute un aveu de malversations.
- Papa dit-il, il est indispensable que tu reprennes tes esprits et que nous parlions de ce qui s?est passé.
- Je ne savais rien, je n?étais pas au courant.
- Nous te croyons. Tu ne savais rien, mais maintenant, tu sais. Alors tu vas nous dire ce que tu sais.
- A quoi bon ? Tout est fini.
- Tu n?en sais rien, et puis, songe que tu es le chef. Tu as 25 employés qui ont toute confiance en toi. Pour eux, si ce n?est pas pour ta famille, tu dois reprendre les choses en mains, avec mon aide.
- Mais mon garçon, tu es trop jeune. Il n?y a rien à faire.
Serge se mit en colère. Il éleva le ton, fit remarquer qu?il avait 22 ans, et que même si la situation financière était difficile, ils avaient, tous, dans la famille, au moins une chose à sauver, c?était l?honneur.
Il n?avait pas lancé cette expression un peu pompière au hasard. Il savait que son père était un homme droit, et que l?appel à son honneur avait quelques chances de le faire sortir de son attitude prostrée.
Son calcul s?avéra judicieux.
- Je vous l?ai dit, je n?étais au courant de rien. Le seul reproche que l?on puisse me faire c?est de ne pas avoir surveillé Dufour, en qui j?avais toute confiance. Or, il s?avère que ce misérable, avait de gros besoins d?argent. Je pense qu?il avait du perdre beaucoup au jeu, et, de surcroit, mais à ce sujet, je n?ai pas de preuve formelle, il semblerait que, poussé par une maitresse intéressée, il ait détourné des fonds également pour cette dame qui se serait constitué un magot. Même si nous parvenions à attraper Dufour, comme il a vraisemblablement tout dépensé, nous ne pourrions pas indemniser nos créanciers. Tout est perdu.
Monsieur Laviron venait de prononcer ces derniers mots, lorsque sa femme entra.
C?était une personne encore jeune, élégante, bien faite, parée de bijoux, mais son regard dur, et son allure hautaine ne la rendait pas très sympathique.
- Rends-moi cette justice, Marc, devant les enfants : J?ai toujours dit que tu étais un incapable. Tu as bénéficié de la chance pendant quelques années, mais il était fatal qu?un jour ou l?autre, tu te casserais la figure. Tu n?as pas le sens des affaires. Heureusement pour moi, j?avais pris mes précautions. J?ai mis l?héritage de mes parents à l?abri, en achetant une maison, qui m?appartient exclusivement, et, par ailleurs, j?ai de quoi vivre. Alors, je vous laisse, toi, Marc et les enfants. Débrouillez vous. Un déménageur viendra demain. Je vais emporter les quelques meubles qui viennent de mes parents, sauf la chambre de Jeanne que je lui laisse en cadeau.
Cette déclaration agit comme un électrochoc sur Marc, qui se leva, et asséna une gifle magistrale à sa femme.
- Tu es une misérable ! J?ai acheté les plus beaux bijoux pour toi, je t?ai fait une vie aisée, débarrassée de tout souci matériel, et maintenant comme il y a des difficultés, tu pars. Je suppose depuis un certain temps que tu dois avoir un amant. C?est avec lui que tu pars ?
- Cette gifle, Marc, tu me la paieras chère ! En ce qui concerne les bijoux, tu me les as donnés, ils sont à moi, ne compte pas que je te les laisse. Enfin en ce qui concerne mon amant, je n?ai plus de compte à te rendre. Tu ne t?inscris plus dans mes projets avenir.
Serge et Jeanne se précipitèrent ensemble sur leur mère, la prenant chacun par un bras.
- Maman, ce n?est pas possible que ce soit toi qui parles de cette façon ! cria Jeanne. Si c?était vrai, ce serait trop affreux
Puis, Serge, après avoir regardé longuement sa mère, et lui lâchant le bras, laissa tomber d?un air désespéré :
- Si, Jeanne, ce que dit maman, elle le pense réellement. Il suffit de la regarder. C?est horrible à dire, mais nous avons une mère dénaturée. Ou, plus exactement, nous n?avons plus de mère, puisqu?elle nous quitte. Consolons- nous, ajouta-t-il en pensant que cette femme n?est plus ton épouse, papa, qu?elle n?est plus notre mère, Jeanne, autrement, elle nous ferait trop honte.
Pendant que Marc, Jeanne et Serge, s?étreignaient et s?embrassaient, Marthe Laviron, les regardait avec dédain et sortit en prononçant ces derniers mots.
- Vous êtes bien tous de la même race : Celle des vaincus. J?avais oublié de le dire, mais il est évident que je pars avec Nicole. A dix ans, elle est encore malléable, et je l?élèverai à ma manière, pour qu?elle soit aussi toujours du côté des vainqueurs.
Lorsqu?elle fut sortie de la pièce, Marc, effondré, se laissa tomber dans un fauteuil en murmurant.
- C?est impossible ! Ce n?est pas elle !! Elle a raison sur un point : Je suis nul, nul, archi nul?. Je n?ai pas su voir que mon chef comptable et ami était un escroc, je n?ai pas envisagé une seule seconde que Marthe, était une mauvaise femme et une mauvaise mère. Dites moi les enfants, très franchement, vous doutiez-vous qu?elle était comme ça ?
- Non papa répondit Serge, pas à ce point là. C?est vrai que notre mère n?a jamais été très affectueuse, ni avec Jeanne, ni avec moi. De plus, je dois le dire, je trouvais exagérée la façon dont elle gâtait Nicole, et j?en étais un peu jaloux?.. Il est vrai qu?elles se ressemblent beaucoup.
- Mes enfants, dit Marc, j?espère que vous pourrez me pardonner un jour de n?avoir rien vu venir, ni dans ma société, ni dans mon ménage.
Il y eut un très long silence durant lequel les trois protagonistes réfléchissaient à ce qui venait de se passer. C?était extrêmement grave pour la famille qui venait de voler en éclats. Après avoir perdu sa Société, Marc n?avait plus de femme, quand à Serge et Jeanne, ils n?avaient plus de mère. C?était un cataclysme ! Après les problèmes matériels qui s?annonçaient dans un avenir très proche, le désespoir s?installait brusquement dans une famille qui vivait normalement il y a trois ou quatre jours encore.
Marc se demandait pourquoi sa femme partait avec l?un de ses enfants et non pas tous les trois, lorsqu?en une fraction de seconde, il comprit la réponse à cette question, et il l?expliqua à ses deux enfants.
- Je crois, je sens, que votre s?ur Nicole, ne doit être que votre demi-s?ur, puisqu?elle l?emmène avec elle. J?ai maintenant la quasi-certitude que ce n?est pas ma fille, mais sans doute celle de son amant.
Jeanne, fut tout de suite d?accord avec son père. Elle dit avoir senti une chose anormale. La fillette faisait toujours bande à part, et ne répondait jamais aux marques d?affection qu?essayaient de lui prodiguer ses deux ainés.
Dans cette débâcle générale, la seule mince consolation que pouvaient retirer le père et ses deux enfants, c?était la sensation de faire bloc contre les coups de la destinée.
Comme Marthe entrait dans le salon pour prendre les bustes de Molière et de Voltaire qui lui appartenaient, Marc en profita pour lui dire.
- Tu as raison sur un point. J?ai été aveugle, aussi bien dans ma société que dans mon ménage, mais du moins, ces chocs successifs m?ont ouvert les yeux. J?aimerais bien savoir si à défaut de c?ur, tu as au moins une once de franchise. Vas-tu reconnaitre que Nicole n?est pas ma fille.
- Tu en as mis du temps à t?en apercevoir !! Pourtant il est évident qu?elle n?a rien, absolument rien de toi. Elle est fine, intelligente, affectueuse, elle a les pieds sur terre, et tu n?as rien de tout cela.
- Si elle a toutes ces qualités, elle ne les tient certainement pas de toi. A part les pieds sur terre dans le mauvais sens de l?expression, celui du goût immodéré pour l?argent.
Avec un air méchant, Marthe répondit, qu?en effet, sa fille avait pris beaucoup des qualités de son vrai père.
Comme Marc essayait de savoir, qui était ce merveilleux père de Nicole, elle répondit que puisqu?il était subitement devenu clairvoyant, il le devinerait bien tout seul, et elle sortit en emportant précieusement les deux bustes.
Lorsqu?ils se retrouvèrent tous les trois, et après un moment de silence, Serge fit remarquer qu?en quelques heures, Dufour était parti et que sa mère partait à son tour, et il se demandait s?il n?y avait là qu?une simple coïncidence.
Il est certain, lui répondit son père qu?il y avait un lien de causalité, puisque Dufour était parti, parce qu?il était responsable de la faillite, et que Marthe partait, parce que du fait de la faillite, la famille étaient ruinée.
- Ce n?est pas à cela que je pensais papa. Nous sommes tous les trois bruns, alors que Nicole est blonde, très claire ?.comme Dufour. Alors?..
- Après un nouveau long silence, Marc, un peu plus tassé sur lui-même, admis qu?il pouvait y avoir là, autre chose qu?une simple coïncidence, et il ajouta.
- Ces deux là m?auront fait boire le calice jusqu?à la lie. Je suis persuadé que tu as raison, mon fils, c?est Dufour qui est le fossoyeur de ma société et de notre famille.
Et il retomba dans l?atonie complète qui était son état normal depuis l?annonce de sa faillite.



















CHAPITRE 2




C?est vers 18 heures que Marthe Laviron, une valise dans chaque main, accompagnée de Nicole, sortirent de la maison. Au passage, Marthe avait déposé une lettre sur la table de la salle à manger, puis après avoir monté ses valises dans le coffre de sa voiture (Que Marc lui avait offerte au dernier Noël), elle se mit au volant, et sortit du jardin de la maison, sans le moindre regard en arrière, vers les vingt années, passées là, avec son mari et ses enfants.
Serge qui guettait depuis plus d?une heure, à côté de son cyclomoteur, derrière une haie de troènes, bondit sur son véhicule et entreprit de filer sa mère. Si elle partait rejoindre son amant, si ce dernier était bien Dufour, et qu?il ne se trouve pas trop loin, peut être pourrait-il repérer l?endroit où ils s?étaient cachés. Il avait eu le temps de réfléchir, et se rendait parfaitement compte que son calcul comportait beaucoup de « si », mais n?y aurait-il qu?une chance sur cent de réussir, la tentative valait la peine.
Avec son casque intégral sur la tête, et perdu au milieu d?autres deux roues, il ne risquait pas d?être reconnu en roulant à une centaine de mètres de sa mère.
Sur la route nationale, la circulation était assez dense, et comme les limitations de vitesse étaient nombreuses, il suivait l?automobile sans trop de difficulté. Cependant, ils roulaient depuis trois quart d?heure, et Serge, commençait à se demander s?il aurait assez d?essence pour aller beaucoup plus loin, lorsque le véhicule tourna sur la droite pour emprunter une voie secondaire. La filature allait devenir plus difficile, car la circulation étant très peu dense sur cette petite route, et il risquait de se faire repérer.
Ils roulaient depuis 5 minutes lorsque sa mère ralentit, mit son clignotant, et entra dans l?allée d?une propriété privée. Serge s?arrêta au bord de la route, prêt à faire semblant de regarder un problème sur sa roue arrière si la voiture ressortait, et comme il n?en était rien, il enfourcha sa mobylette et passa lentement devant la propriété.
Au bout d?une allée de platanes, d?une cinquantaine de mètres, il vit la voiture de sa mère arrêtée devant une maison cossue.
A l?entrée de l?allée, sur l?un des piliers du portail, ouvert semblait-il en permanence, il vit le nom de la propriété qui avait du demander un puissant effort intellectuel au propriétaire : « Les Platanes ».
Il savait désormais où demeurait sa mère, et sans aucun doute son amant.
A 1 kilomètre plus loin, se trouvait l?entrée d?un gros bourg.
Serge s?y rendit et entra dans un café pour se désaltérer et se livrer à une petite enquête.
Après avoir dit au patron, qu?il avait beaucoup de chance de vivre dans une aussi jolie région, il dit être passé devant une magnifique propriété, qui s?appelle Les Platanes.
Le propriétaire du bar, très bavard, expliqua que cette propriété appartenait à un monsieur Langlois, extrêmement sympathique et très simple, qui venait souvent prendre une consommation et parlait avec tout le monde.
Malheureusement, ce monsieur Langlois n?avait qu?une fille, qui habitait à Riom dans le Puy de Dôme, et il avait vendu Les Platanes pour se rapprocher d?elle. Depuis 6 mois, il y avait un nouveau propriétaire que personne ne voyait, et qui n?avait jamais mis les pieds au café (Ce qui classait l?homme parmi les gens peu intéressants, dépourvus de savoir-vivre). Il ne savait même pas son nom.
Sa consommation absorbée et réglée, Serge reprit son cyclomoteur et revint sur ses pas. Il s?arrêta juste après le portail d?entrée de la propriété, posa son véhicule contre le mur qui clôturait latéralement la propriété et revint à pied vers le portail. Il aperçut alors deux jeunes filles à bicyclette qui roulaient vers la sortie. Serge revint en courant, se cacher derrière le mur à côté de son cyclomoteur et vit passer les deux jeunes filles qui, elles, ne le remarquèrent pas. L?une d?elle était sa demi-s?ur Nicole.
Revenant de nouveau vers le portail, Serge vit qu?il y avait du courrier, dans la boite aux lettres fixée sur l?un des battants du portail métallique. Après s?être assuré que personne ne se trouvait à proximité, il entra dans l?allée, contourna le portail et constata que la boite contenait un journal et 3 lettres. Après une brève hésitation, il remit le journal dans la boite, et empocha les trois lettres, puis reprit son cyclomoteur pour rentrer chez lui.
Une fois dans sa chambre, il constata que les lettres étaient adressées à Denis Dufour.
Il avait donc bien établi que sa mère, avec Nicole, étaient chez Denis Dufour, lequel était propriétaire depuis 6 mois d?une splendide propriété.
Serge était un peu surpris par la rapidité avec laquelle il avait pu réunir des éléments importants, et en particulier avait pu trouver l?adresse à laquelle se trouvaient sa mère, sa s?ur et Dufour.
Il commença par vérifier sur l?annuaire téléphonique s?il n?y avait pas de Denis Dufour dans le village où était située la propriété. Il n?y avait personne. Dufour avait tout de même pris la précaution élémentaire de se mettre sur liste rouge.
Dès que son père entra, Serge lui raconta en détail l?enquête à laquelle il s?était livré, et conclut :
- Tu vois papa, tout n?est pas perdu. Il faut absolument accumuler les preuves concernant la responsabilité de Dufour dans l?état de la société, et il y aura certainement une possibilité de le faire arrêter et de récupérer une partie de ses détournements, en vendant sa propriété.
Monsieur Laviron était sceptique. Il ne pouvait admettre que Dufour, qui était un escroc, mais très intelligent, ait pu commettre la bêtise d?acheter une propriété à moins de trente kilomètres de la fabrique de meubles.
- Tu sais, papa, lui répondit Serge, c?est précisément parce qu?ils se croient plus intelligents que les autres, que ces individus commettent des imprudences. En tout cas, maman, Nicole et Dufour habitent bien dans une propriété, qu?il a achetée il y a 6 mois. Je suis formel, ils sont là.
Il est évident que nous devons saisir un avocat rapidement, ce dont je me charge, si tu le veux bien, et de ton côté, il serait bon que tu rassembles tous les éléments prouvant les malversations de Dufour.
Un peu dopé par l?énergie de son fils, Monsieur Laviron semblait reprendre du poil de la bête, et lui fit part de la possibilité pour lui, de trouver, au moins partiellement les détournements effectués. Il possédait des documents qu?il faudrait étudier de près.
- A propos, demanda Serge, j?ai guetté le départ de maman dans le jardin. Je n?étais donc pas là quand elle est partie de la maison. Comment s?est passé son départ ?
- Elle n?a pas dit un mot. Elle a déposé une lettre sur la table de la salle à manger, une lettre sans aucun intérêt, dans laquelle elle s?était contentée de me traiter de nul, sans ambition réelle, et que sa vie désormais allait être beaucoup plus agréable avec l?homme qui en était un réellement, et son seul enfant qu?elle aimait. Je ne parviens pas à comprendre la raison pour laquelle elle nous déteste tant.
- Je crois papa, qu?il vaut mieux admettre que c?est une malade, et essayer de ne penser à elle, que le moins possible.
- Ta position est peut être raisonnable, mais en pratique, c?est difficile, bien difficile.
- C?est vrai, c?est très difficile. Personnellement j?ai beaucoup de mal à admettre, que celle qui est ma mère, ait pu ne pas m?aimer. C?est même affreux. Mais nous devons essayer de mettre cela de côté pour l?instant. Nous devons nous battre, pour nous en sortir, et nous avons déjà un petit avantage. Nous savons où ils habitent, et ils ne s?en doutent pas. C?est important. Ce que je ne comprends pas, c?est pourquoi, Dufour a acheté une propriété aussi proche de notre domicile.
- Je me suis fait la même réflexion. Maintenant, il, n?est pas certain qu?il ait acheté. Peut être n?est-il que locataire ?
- Tu as raison papa, c?est le problème que je vais tirer au clair en priorité. Mais quelque chose me dit qu?il est vraiment le propriétaire des Platanes. D?ailleurs, le cafetier du village m?avait bien dit que l?ancien propriétaire avait vendu, et non loué, sa propriété
Le lendemain matin, Serge partit sur son cyclomoteur en direction de la propriété habitée par sa mère. Avant d?aller se renseigner au cadastre, il résolut d?aller voir, avec précaution, combien de personnes vivaient là. Il était certain qu?il y avait sa mère, sa jeune s?ur, une autre jeune fille, et peut être Dufour, mais après tout, ce n?était pas certain. Peut être y recevait-il son courrier seulement.
Après avoir mis son cyclomoteur dans un fourré, à l?extérieur du mur d?enceinte, il vint devant le portail. Il n?y avait personne dans l?allée, et aucune automobile n?était visible devant la maison. Le temps était frais, le ciel gris, et un léger crachin commençait à tomber. Serge pensa que la pluie lui serait favorable, puisque les habitants de la propriété hésiteraient à sortir, aussi, il entra résolument dans l?allée, puis obliqua à gauche pour progresser le long d?une rangée de thuyas. Il fut arrêté par une deuxième rangée de thuyas, perpendiculaire à la première. Il essaya de voir de l?autre côté de la haie, avant de prendre la décision soit de retourner, soit de trouver un passage pour se rapprocher des bâtiments. La pluie maintenant tombait assez drue, et il se sentait en sécurité, lorsqu?une voix derrière lui, le fit sursauter.
- Où allez-vous, monsieur ?
Serge se retourna brusquement, pendant que son c?ur se mit à battre la chamade. Une jeune fille le regardait, et attendait sa réponse. Il s?agissait de celle qu?il avait vu passer à bicyclette, en compagnie de sa s?ur. Comme paralysé, il ne savait que dire, aussi, réitéra-t-elle sa question. Après un nouveau silence, il finit par dire :
- Veuillez m?excuser. Je suis un incorrigible curieux. De la route j?ai vu que cette propriété devait être magnifique, et j?ai voulu la voir de plus près.
- Avouez que votre réponse est bizarre ? Vous vous promenez à pied sous la pluie, et au risque de vous tremper, vous entrez dans une propriété privée ? Je ne vous crois pas. Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?
La jeune fille n?était pas menaçante, mais elle semblait bien décidée à connaitre la vraie raison de la présence de Serge dans le parc.
La pluie redoublant de violence, elle lui proposa d?aller se mettre à l?abri, dans une petite remise, pour pouvoir s?expliquer tranquillement. La jeune fille n?était nullement effrayée de se retrouver avec un inconnu qui pourtant avait des agissements curieux.
Ils coururent, elle devant, et Serge la suivant, vers un petit bâtiment dont la vieille porte, était ouverte. Une automobile, très ancienne, sale, couverte de toiles d?araignée, et de vieux outils hors d?usage avaient été entreposés dans cette petite grange.
- Monsieur, dit-elle, je ne crois pas à votre histoire de curiosité par un temps pareil. J?attends vos explications.
Mais, tous les deux, nous sommes trempés. Si vous voulez bien me donner votre parole que vous ne partirez pas, je vais aller me changer et je vous apporterai des vêtements secs.
Serge lui promis de ne pas bouger jusqu?à son retour, et elle partit en courant sous la pluie.
Pendant son absence qui dura une quinzaine de minutes, Serge, enleva sa chemise, s?en servit pour se frictionner et se réchauffer, puis, chercha un siège. Il trouva un vieux banc, pas trop bancal, et, enleva la poussière avec un chiffon récupéré dans la vieille voiture, dont les sièges étaient complètement défoncés.
Sous un parapluie, car la pluie continuait à tomber, la jeune fille, qui s?était chaudement vêtue, apporta à Serge un pantalon, une chemise et un pull over.
Vous pouvez vous changer, pendant que je vais à la porte regarder la pluie tomber, ce que j?adore, et je compte sur vous pour me dire toute la vérité quand vous serez réchauffé.
Les vêtements étaient à la fois trop larges et trop courts pour Serge, le pantalon lui arrivait à mi mollet, alors qu?à la ceinture, il faisait 10 tailles au dessus de celle du jeune homme, mais il était au sec ce qui était appréciable.
La jeune fille éclata de rire lorsqu?elle vit le jeune homme ainsi habillé, et lui dit qu?il avait beaucoup grandi durant son absence. Puis, elle lui expliqua que ces vêtements étaient ceux de son grand père, qui n?était pas très grand, mais possédait un abdomen copieux. Enfin, redevenant sérieuse, elle lui demanda, qui il était, et ce qu?il était venu chercher dans la propriété.
- Soit. Je vais me présenter, puis, si vous le voulez bien, vous me direz votre nom et je vous donnerai les explications que vous me demandez. Je m?appelle Serge Laviron.
- Laviron ? Vous êtes apparenté à Nicole Laviron ?
- C?est ma s?ur.
- Ah ? je commence à voir. Je m?appelle Agnès Dumontel. Mon père est le jardinier de cette propriété depuis 15 ans. Le nouveau propriétaire a bien voulu reconduire son contrat. Je vous écoute.
Rassuré par le fait que la jeune fille n?avait aucune parenté avec Dufour, Serge, décidemment très vite en confiance, raconta en détail, la faillite de son père, due à Dufour, qui semblait être l?amant de sa mère. Par ailleurs, il lui apprit que sa s?ur Nicole pourrait bien n?être que sa demi-s?ur, puisque le père serait peut être Denis Dufour.
Agnès avait attentivement écouté les explications de Serge, et semblait compatir avec le jeune homme qui voyait tomber sur lui, en quelques jours, de nombreux et graves problèmes.
Il n?y avait aucun antagonisme dans la conversation entre les deux jeunes gens, et Agnès, d?ailleurs ne cacha pas que le nouveau propriétaire était beaucoup moins sympathique que l?ancien. Hautain, souvent désagréable, il avait la critique facile, et son père, pourtant passionné par le travail qu?il faisait dans la propriété, avait dit à plusieurs reprises, qu?il ne pourrait pas supporter très longtemps le nouveau patron.
Serge expliqua, qu?il était important pour lui de savoir où demeurait Dufour, car, il entendait bien le faire poursuivre pour malversations dans la société de son père. Agnès lui apprit que l?achat de la propriété avait été réalisé en un temps record. Il était venu la visiter en compagnie d?une dame qu?elle savait maintenant être la mère de Serge. Il avait voulu signer séance tenante un compromis de vente, et avait proposé de verser comptant la moitié du prix convenu, à condition de pouvoir occuper les lieux un mois plus tard, donc, avant les signatures définitives de l?acte de propriété. L?ancien propriétaire avait accepté. Cela s?était passé il y a 6 ou 7 mois.
Muni de tous ces renseignements, Serge pensa à rentrer chez lui, mais d?une part il ne pouvait remettre ses vêtements trempés pour rentrer à cyclomoteur, et d?autre part, il hésitait à repartir avec les vêtements du grand père.
C?est Agnès qui proposa une solution.
- Vous allez chercher votre cyclo, et le rentrer dans cette vieille grange où personne ne vient. Pendant ce temps, j?irai chercher la voiture de mon père, et si vous n?avez pas trop peur (Je n?ai mon permis que depuis 3 mois) je vous raccompagnerai chez vous. Dans la voiture, votre accoutrement ne se verra pas.
- Vous êtes trop gentille, mademoiselle. Mon père me ramènera demain pour que je vienne rechercher mon cyclomoteur, et je vous rendrai bien sûr, les vêtements de votre grand père.
- D?accord, mais demain, arrêtez-vous, un peu avant la propriété et téléphonez moi sur mon portable. Je vous dirai si la voie est libre.
Elle donna le numéro de son portable, et tout se passa comme elle l?avait proposé.

Serge se demandait comment il avait pu raconter tous ses malheurs à une jeune fille qu?il ne connaissait pas, mais ne s?attarda pas sur cette question. Il y avait des problèmes plus importants à régler.
Une fois rentré chez lui, et habillé plus décemment, Serge appela son père et sa s?ur pour leur indiquer tous les éléments qu?il avait pu rassembler.
- Parfait, dit monsieur Laviron. Tu as fait un important travail. Je suis fier de toi. Je vais demander à un huissier de constater que votre mère a quitté le domicile conjugal, et qu?elle vit chez un autre homme. Elle sera coincée.
- Papa, je ne suis pas d?accord avec toi. Le problème de maman, pour important qu?il soit, compte tenu des autres qui se posent, n?est que secondaire. Ce qu?il faut, en priorité, c?est, prouver les malversations commises par Dufour, puis le poursuivre pour récupérer le maximum des fonds détournés.
- Je crois malheureusement que ta mère avait raison. Je ne suis pas à la hauteur des évènements. C?est en effet par Dufour qu?il faut commencer.
- Non papa, maman n?avait pas raison. C?est toi qui as monté et fait prospérer ta fabrique de meubles. Tu as donc de grandes qualités d?homme d?affaires. Mais actuellement, et c?est bien normal, après tous les coups que tu as subis, tu n?as plus les idées bien en place. Il faut attendre un peu, et ça va aller. A nous deux, nous parviendrons à lui faire rendre gorge, j?en suis persuadé.
Je le répète, il faudrait avoir des preuves contre Dufour. La difficulté, est que tu ne peux plus te rendre à la société, pour aller consulter la comptabilité.
- C?est vrai, je ne peux pas. Je n?ai pas pris la comptabilité concernant le début de l?année. Cela se serait vu aussitôt. Mais avant de partir, j?ai tout de même pu prendre la comptabilité de l?année dernière, et c?est bien le diable, si nous ne trouvons pas quelques irrégularités. Ce sont de ces documents dont je parlais l?autre jour, en disant qu?ils nous permettraient peut être de trouver les preuves de malversations de Dufour.
- Voilà encore quelque chose de concret ! Nous allons étudier ces documents immédiatement. Allons, au travail !!
Et les deux hommes commencèrent à éplucher la comptabilité de l?année précédente. A vrai dire, Serge n?était pas d?un grand secours. Il ignorait à peu près tout de la comptabilité, et vraiment rien de la marche de la société. Cependant, sa présence tranquillisait son père.
Marc Laviron pensait qu?il s?attaquait à un problème à peu près insurmontable. Dufour était malin. Comment prouver que la comptabilité avait été truquée ?
Finalement, ce fut beaucoup plus facile qu?il ne le craignait. Dans la clientèle de la fabrique de meubles, le client le plus important possédait 5 magasins de vente, de plus, le Directeur était devenu un ami personnel de Marc. Or, ce client faisait systématiquement une commande tout les quinze jours. Or au cours de l?année précédente, il y avait en tout et pour tout 10 commandes au lieu de 22 (Il n?y avait pas de commande pendant le mois de fermeture des magasins, cela c?était normal). Il semblait évident que Dufour devait encaissait personnellement certains chèques, sans les passer dans les registres, et que par ailleurs, il devait falsifier la comptabilité des stocks, dont il s?occupait aussi personnellement.
C?était bien simpliste comme procédé, mais Dufour savait qu?il bénéficiait de l?entière confiance du patron, et il jouait sur du velours.
Rien que sur ce client, les sommes détournées étaient considérables, mais il était certain qu?il devait y en avoir bien d?autres.
Afin de parfaitement verrouiller les malversations commises durant l?année précédente, sur ce seul client, Marc décida d?aller le voir afin de posséder la liste de tous les chèques envoyés à sa société, et il sauta aussitôt dans sa voiture, accompagné de Serge.
Il s?avéra que pour une seule année, et sur ce seul client, en comparant les sommes envoyées par le client et celles passées en comptabilité, le détournement s?élevait à plus de 82.000 euros.
La mise en liquidation étant très récente, Marc Laviron n?avait pas encore pris un avocat. Il décida de le faire dès le lendemain, après avoir conduit son fils à la propriété « Les Platanes » pour récupérer son cyclomoteur.
Serge, lorsque l?automobile conduite par son père, parvint à proximité de chez elle, appela Agnès, pour lui annoncer son arrivée. Elle lui promit de l?attendre près du portail, pour lui indiquer si la voie était libre.
Tout se passa au mieux. Pendant que Marc partait chez un avocat, Serge, accompagné d?Agnès se rendit dans la grange, récupéra son cyclomoteur et remit à la jeune fille, les vêtements du grand- père.
Sous le sceau du secret, Serge, décidemment en confiance avec Agnès, raconta les découvertes de la veille. De son côté, connaissant les problèmes, que son nouvel ami avait avec Dufour, Agnès avait essayé d?écouter les conversations qu?il avait avec madame Laviron. Elle avait eu la chance d?entendre une partie d?une discussion, au cours de laquelle, Dufour reconnut qu?il avait fait une bêtise en achetant cette propriété si proche du domicile de Marc. Il avait indiqué que le moment n?était pas venu de réparer cette bévue, et de la remettre en vente, mais qu?il était indispensable, pendant quelque temps, d?être prudents et de sortir le moins possible. Il avait dit notamment :
- Il faut que tu empêches la petite de sortir à bicyclette avec la fille de mon jardinier. Le parc est assez grand pour qu?elle puisse s?y amuser. Je compte sur toi, pour qu?elle ne sorte jamais sans l?un de nous. Je vais acheter une automobile aux vitres foncées pour que l?on ne puisse voir les passagers. Tranquillise-toi, ces précautions ne seront que passagères. C?est moi qui vais reprendre la fabrique de meubles, et bientôt nous pourrons sortir sans problème.
Agnès venait de finir le compte rendu de la conversation qu?elle avait surprise entre Madame Laviron et Dufour, lorsque les jeunes gens entendirent des pas qui approchaient. Ils se réfugièrent le plus possible au fond de la grange, mais bientôt dans l?encadrement de la porte, apparut la silhouette de Dufour.
- Qui est là ? demanda-t-il ?
Comme il ne reçut aucune réponse, il reprit :
- Je sais qu?il y a au moins deux personnes là dedans. J?ai entendu parler. Sortez !!
Agnès s?avança, et dit qu?elle était là.
- Je le vois bien, mais tu n?es pas seule. Qui est avec toi ?
Serge s?avança à son tour.
- C?est moi. Nous discutions Agnès et moi. Je la remerciais pour le service qu?elle m?avait rendu hier. Il pleuvait, j?étais trempé, et elle m?a prêté des vêtements secs, pour que je rentre chez moi. D?ailleurs, vous le voyez, elle a sur le bras les vêtements que je viens de lui rendre.
- Tu me prends pour un idiot ! Si elle t?a prêté des vêtements, c?est que tu étais déjà venu ici. Que viens-tu faire, chez moi ?
- Je n?ai pas à répondre à votre question. La seule chose que je puisse vous dire, c?est que pour vous, un chapitre se termine. Celui dans lequel tout vous réussissait est fini.
- Je ne comprends rien à ce que tu dis. En revanche, je sais, ajouta-t-il en s?adressant à Agnès, que ton père et toi-même pouvez préparer vos bagages, je vais vous flanquer à la porte. Je n?admets pas que tu reçoives chez moi ce garçon, sans m?en demander la permission.
- Permettez-moi de vous mettre en garde, lui répondit Serge. Vous allez avoir très prochainement, de gros, de très gros ennuis, pour ce que vous avez fait dans le passé, alors, n?aggravez pas votre cas, en faisant d?autres bêtises dans l?avenir, comme de licencier le père d?Agnès sans motif recevable.
- Quand je voudrai des conseils, ce n?est pas à toi que je m?adresserai, blanc bec !! Pour l?instant, tu es chez moi, et je t?ordonne de déguerpir immédiatement.
Sans insister, montant sur son cyclomoteur, Serge rejoignit l?allée puis la route, en se promettant de téléphoner à Agnès, dans quelques minutes, lorsqu?elle ne serait plus avec Dufour.
Il se demandait s?il avait bien fait de proférer des menaces. Evidemment, Dufour qui se croyait en sécurité va maintenant se tenir sur ses gardes, et peut être prendre des dispositions pour échapper aux risques qui pèsent sur lui. Après réflexions, il pensa qu?après tout, il n?était pas mauvais d?avoir déstabilisé l?adversaire, à condition toutefois de ne pas tarder, et d?activer les choses.
Arrivé chez lui, il téléphona à Agnès, pour lui demander ce qui s?était passé après son départ. Elle lui répondit, que Dufour lui avait seulement interdit de revoir « ce garçon », mais il n?avait pas réitéré ses menaces d?expulsion et de mise à la porte de son père. Serge en conclut qu?il était peut être parvenu à lui faire peur, et il attendit avec impatience le retour de son père, toujours chez l?avocat.
L?avocat avait confirmé que la priorité absolue, était d?obtenir des preuves de la falsification des comptes par le chef comptable. Les premiers éléments étaient intéressants mais insuffisants, il fallait poursuivre les recherches, et en particulier, établir que c?était bien Dufour, qui encaissait les chèques détournés.
Serge alors se frappa le front et dit à son père que lors de sa première visite aux platanes, il avait « emprunté » des lettres destinées à Dufour, et que parmi elles, il croyait se souvenir qu?il y avait un relevé de compte bancaire. Bien sûr, les détournements constatés dans la comptabilité dataient de l?année précédente, alors que le relevé devait concerner le dernier mois, mais il serait intéressant néanmoins de voir les mouvements de fonds sur le compte de Dufour.
Serge courut dans sa chambre et ramena les trois lettres. L?une provenait d?un ami personnel, et ne présentait aucun intérêt, la seconde était une facture, la troisième était bien un relevé de compte bancaire. Entre autres écritures, au début du mois précédent, Dufour avait été crédité de deux chèques importants. L?un de 9500 euros, l?autre de 7.700 euros. En fin de mois, un virement de compte à compte de 17000 euros avait été effectué. Il est probable qu?il avait placé la totalité des sommes détournées, soit sur un autre compte rémunéré, soit pour acheter des actions.
Comme Serge estimait qu?ils avaient maintenant assez d?éléments pour aller voir Dufour, Marc lui répondit qu?il ne ferait pas une seule démarche sans l?accord de leur avocat, et le fils se rangea à l?avis plus sage, du père.



















CHAPITRE 3





Serge, était beaucoup plus perturbé qu?il ne voulait le laisser paraitre. Que Dufour soit à l?origine des ennuis financiers de la société de son père, ne faisait qu?alimenter sa colère contre lui. En revanche, que sa mère ait trompé son père, qu?elle ait eu un troisième enfant avec son amant dont la paternité avait été endossée par son père, et surtout, surtout, son attitude lorsqu?elle avait pratiquement reconnu que son amant était ce Dufour, à l?origine de tous les ennuis, privés et professionnels de son père, était pour Serge une épreuve qui l?affectait profondément.
Certes, comme il avait eu l?occasion de le dire, il n?y avait jamais eu de gestes affectueux entre la mère et le fils ainé, ni d?ailleurs avec la fille ainée, mais elle restait sa mère, et avoir honte de sa mère était une épreuve considérablement déstabilisante.
Que de bouleversements en quelques jours dans sa jeune vie ! Les ennuis personnels et professionnels de son père, sa mère qui se révélait être une marâtre, puis, venant se superposer sur ces évènements, il y avait Agnès, dont il venait de faire la connaissance sans savoir encore la puissance et la pérennité des sentiments qu?il éprouvait pour elle.
Serge était un garçon pondéré et raisonnable. Il avait longuement réfléchi à tous les évènements de ces derniers jours, et avait décidé, qu?il se devait de mettre de côté ses rapports avec Agnès. Il devait mobiliser toutes ses forces, pour réunir les preuves susceptibles d?abattre Dufour, et de restaurer la situation financière de la société de son père.
Il eut une idée qu?il communiqua à Marc.
- Papa, lui dit-il, il y a une filière que nous pourrions creuser. Je ne suis pas au courant de la marche de ta société, mais je suppose, que tu dois avoir des transporteurs qui livrent tes meubles chez tes clients.
- A vrai dire, je n?ai qu?un transporteur. Mais je vois où tu veux en venir, et le fait de n?avoir qu?un transporteur va me faciliter les choses. Tu as parfaitement raison, je vais pouvoir obtenir la liste de toutes les livraisons effectuées par la société, et lorsque nous aurons accès à la comptabilité nous verrons bien s?il y a des manques. Ton idée est lumineuse, je m?en occupe immédiatement.
Pendant que son père partait chez son transporteur, Serge estima, que, par correction, il se devait de tenir Agnès au courant du développement de l?affaire. Certes il aurait pu le faire par téléphone, mais la correction n?était qu?un prétexte, et sans s?attarder sur la vraie raison, il décida de se rendre aux platanes, après avoir prévenu Agnès par téléphone de sa visite.
Bien sûr, Dufour avait interdit à la jeune fille de le voir, mais ils se débrouilleraient bien pour ne pas être aperçus par l?un des habitants de la propriété.
Agnès avait amené deux chaises pliantes dans la grange, et sagement assis, ils purent discuter un long moment sur un ton amical, et les sujets de discussion, débordèrent largement, des problèmes actuellement à l?ordre du jour dans la famille Laviron.
Lorsqu?ils se quittèrent, Agnès demanda à Serge de bien vouloir continuer à la tenir au courant du développement de cette affaire à laquelle, par la force des choses, elle était un peu mêlée. Il le lui promit bien entendu.
Lorsqu?il rentra chez lui, son père venait juste d?arriver. Il avait obtenu sans aucune difficulté la liste de tous les transports de meubles, effectués depuis deux ans. Par la suite, il était passé chez l?avocat, lequel avait décidé d?introduire une demande en référé, pour faire interdire à Dufour, l?entrée dans la société. Il y avait suffisamment d?éléments au dossier, pour le suspecter de malversations. Il fallait absolument l?empêcher de dissimuler ou de falsifier des preuves de ses détournements.
Si l?ordonnance de référé leur était favorable, on pourrait estimer que la période de pain blanc serait terminée pour Dufour.
Non seulement Serge n?avait pas repris ses cours de droit, il n?avait pas l?esprit suffisamment libre pour cela, mais il avait pratiquement pris la décision de ne pas se présenter à son dernier examen, et de redoubler. Après tout, dans une vie professionnelle, que l?on ait obtenu un diplôme un an plus tôt, ou un an plus tard, n?était pas d?une grande importance.
Serge se trouvait dans le salon, plongé dans la comptabilité de la société de son père, lorsqu?il entendit une automobile entrer dans la cour. Il se précipita à la fenêtre pour voir s?il s?agissait de son père. C?était la voiture de sa mère. Il réagit immédiatement, en téléphonant sur le portable de son père afin de lui annoncer cette visite, et lui demander ce qu?il devait faire. Marc, après un instant de réflexion lui dit de faire entrer sa mère dans le salon, de ne pas lui dire autre chose que « Monsieur Laviron va arriver, il va vous recevoir ». Il lui demanda de ne pas accepter d?entamer une discussion, et de ressortir immédiatement du salon.
Dire « madame » à sa mère, était une chose bien difficile pour Serge, mais il pensa que son père avait certainement ses raisons, et qu?il convenait de lui obéir. Madame Laviron, qui devait pourtant encore posséder la clé de la maison, sonna à la porte d?entrée, et Serge, en s?efforçant de prendre un air froid et détaché alla ouvrir. Sa mère et sa plus jeune s?ur étaient sur le pas de la porte.
- Vous désirez, Madame ?
- Ne fais pas l?idiot Serge, appelle-moi maman. Ton père est-il là ?
- Monsieur Laviron sera là dans un moment. Vous allez l?attendre au salon. Si vous voulez bien me suivre.
- Arrête Serge, tu n?es pas drôle. Déjà que la situation ne l?est pas !! Je sais parfaitement où se trouve le salon. A quoi joues-tu ?
Sans répondre, devant la porte du salon Serge s?effaça pour laisser entrer sa mère et sa s?ur, puis, avant de refermer la porte et de les laisser seules répéta « Monsieur Laviron sera là dans quelques minutes ».
La porte déjà refermée, il entendit sa mère dire à sa fille : « Ton frère ne tourne pas rond. Mais je crois que cela ne va pas être une partie de plaisir, ils ont l?air très montés contre nous ».
Serge descendit dans le jardin pour pouvoir échanger quelques mots avec son père, avant qu?il ne se rende dans le salon.
Pour la première fois, depuis que leurs ennuis avaient débuté, il vit son père sourire en descendant de voiture, et il en eut immédiatement l?explication
- Je sors de chez notre avocat. L?ordonnance de référé nous donne entièrement satisfaction. Puisque ta mère est déjà là, c?est que les nouvelles vont vite, et qu?elle est déjà au courant.
En quelques mots, Serge le mit au courant des quelques paroles échangées avec sa mère, et sans hésitation, remonté par une énergie nouvelle, Marc entra dans le salon, et attaqua le premier.
- Que viens-tu faire ici ? Tu es partie volontairement de la maison, tu n?es plus chez toi.
- Ne dis pas de bêtise, Marc, je suis toujours ta femme.
- Je puis te certifier que cela ne durera pas. De fait, ton vrai mari, est le père de cette petite. J?ai beaucoup à faire. Dis-moi rapidement le but de cette courte visite.
- Il ne s?agit pas d?une courte visite, je te l?ai dit, nous sommes toujours mariés, et je viens reprendre ma place.
Marc éclata de rire, ce qui fit très mal à Marthe, et il vit avec satisfaction les efforts qu?elle devait déployer pour garder son sang froid.
- Tu as une vision trop simpliste des choses, ma chère. Crois-tu que les choses peuvent se mettre en place selon ton humeur?..ou ton intérêt ? J?avais de l?argent, tu restais avec moi, en te faisant faire, par ton amant, un enfant dont j?ai endossé la paternité. Puis, lorsque je me suis trouvé ruiné, l?argent étant du côté de ton amant, tu es allée le rejoindre, et maintenant, tu viens d?apprendre que l?ordonnance de référé marque le début de la fin de Dufour, et tu reviens ??où l?argent va revenir. Je te le dis d?une façon nette et irrévocable, c?est non. Je te somme de quitter cette maison avec cette fillette qui ne m?est rien.
La fillette en question lui tira la langue, et prenant sa mère par la main, lui dit :
- Viens maman, ce n?est pas mon vrai papa, et je ne l?aime pas.
Marthe hésita un moment, et estimant que l?attitude de sa fille rendait impossible tout retour en arrière, elle sortit en disant, à titre de baroud d?honneur :
Tu as toujours été, et tu seras toujours nul. Rira bien qui rira le dernier !
- Soit. En attendant, c?est moi qui ris. Il me semble bien que le pauvre Dufour devra trouver une autre maitresse, car il n?aura plus assez d?argent pour réaliser tes désirs.
La mère et la fille sortirent. Lorsqu?elles passèrent devant lui, Serge vit que sa mère pleurait pendant que Nicole tirait la langue tout en faisant un pied de nez à son demi-frère. Cette gamine promettait d?être dans l?avenir, une femme au moins aussi effroyable que sa mère.
En revanche, Serge ne put s?empêcher d?être ému, en voyant sa mère dans la désolation. Certes elle l?avait bien mérité, mais, tout de même, elle était sa mère.
Le lendemain, dans l?après midi, le père et le fils discutaient dans le salon. Serge expliquait qu?il n?était pas en état pour poursuivre ses études, et que, réflexion faite, il préférait ne pas se présenter à l?examen de fin d?année, quitte à redoubler l?année prochaine, lorsque la situation, sur tous les plans, serait normalisée. Marc estimait qu?il serait dommage de ne pas tenter sa chance. Après tout, ayant fait deux bons trimestres, il n?était pas complètement exclu qu?il réussisse dès cette année.
Cette discussion était en cours, lorsqu?ils entendirent une voiture qui entrait dans la propriété. Serge se précipita vers la fenêtre et sur un ton surpris dit à son père :
- Ce n?est pas possible ! c?est encore maman !!
C?était en effet Marthe qui revenait, seule, cette fois, car elle avait du penser que Nicole manquait vraiment trop de diplomatie pour l?accompagner dans sa démarche, qui serait sans doute très délicate.
Comme Serge était visiblement fébrile, son père lui conseilla de se retirer dans sa chambre, pendant qu?il recevrait sa mère. C?est Marc qui alla ouvrir, et face à sa femme, s?exclama :
- Encore toi ? Je pense que nous n?avons plus rien à nous dire !
- Toi, peut être, mais moi, si. Je te demande seulement de m?écouter. Ce ne sera pas long, et quand tu m?auras écouté, je partirai, pour te laisser réfléchir tranquillement.
- Je veux bien t?écouter, mais sois brève, j?ai beaucoup à faire.
Ils entrèrent dans le salon, et c?est donc Marthe qui prit la parole.
- Il est certain que nous traversons une période très agitée, mais cela ne doit pas nous empêcher de voir, le plus clairement possible la situation, avec le maximum d?objectivité. C?est ce que je vais essayer de t?exposer.
Comme Marc n?ouvrait pas la bouche, elle continua :
- Nous pouvons savoir à peu près ce qui va se passer. Dufour sera poursuivi pour détournements de fonds. De cela, maintenant, j?en suis persuadée, et il sera condamné. De cela, j?en serai heureuse également, car mes yeux se sont ouverts. Je te le dis, même si je sais que tu ne me croiras pas. Ce sera une belle revanche pour toi. Mais il faut voir plus loin. Que vas-tu faire ?
Ta société a de grosses dettes. Tu vas pouvoir en récupérer une partie, mais une partie seulement sur Dufour, parce qu?il a perdu beaucoup d?argent au jeu, et cet argent là, malheureusement, tu ne pourras jamais le récupérer. Nous sommes bien d?accord ?
Comme Marc ne répondait toujours pas, elle poursuivit :
- Bien sûr, il y a la propriété « Les platanes », que tu pourras sans doute revendre à ton profit, mais cela ne suffira pas pour indemniser tous tes créanciers. Je ne pense pas que tu puisses dire le contraire, tu n?éviteras pas le dépôt de bilan.
Moi, et moi seule, peux te tirer de cette situation embarrassante, et faire en sorte que tu puisses reprendre normalement la direction de ta société.
Tu sais que je possède en propre une maison qui vient de mes parents. Je suis d?accord pour la vendre, et te donner l?argent pour te remettre à flot, à une condition évidemment, c?est que nous reprenions notre vie commune, comme auparavant.
Voilà ma proposition. Comme je te l?ai dit, je ne te demande pas une réponse immédiate. Je sais que tu vas avoir besoin de réfléchir, mais j?ai la certitude qu?objectivement tu arriveras à la conclusion que ma solution est non seulement la meilleure, mais la seule qui te permettra de te tirer d?affaire.
Je sais, que pour l?instant, tu ne crois pas en ma sincérité, mais je te le répète, j?ai ouvert les yeux, et sais maintenant que Dufour est un escroc, ce que j?ignorais auparavant. Je veux réparer le mal que j?ai fait, à toi et à nos enfants, en t?aidant à rétablir ta situation financière.
Marc était époustouflé par la proposition que lui faisait sa femme. Comment pouvait-elle penser, que l?argent suffirait à panser les profondes blessures, faites par son attitude antérieure inqualifiable ? Elle envisageait froidement, de revenir vivre avec son mari, qu?elle avait bafoué, avec ses deux enfants pour lesquelles cette mère dénaturée ne ressentait aucune tendresse, et d?imposer à tous, une fillette qui s?avérait n?être rien pour lui.
Toujours sans un mot, Marc se leva, se dirigea vers la porte du salon, ensuite vers celle d?entrée, suivi par Marthe, puis, lorsqu?elle fut sortie de la maison, il referma la porte. Il n?avait pas prononcé une parole, ni fait un geste susceptible de faire comprendre, ce qu?il pensait de cette curieuse proposition.
Jacques se rongeait les poings pendant la discussion entre son père et sa mère. Tout d?abord, il estimait injuste que son père ne lui ai pas demandé d?assister à l?entrevue, car après tout, c?est lui, Serge, qui l?avait fait sortir de l?état de prostration dans lequel il &eacu

( Suite)

Jacques se rongeait les poings pendant la discussion entre son père et sa mère. Tout d?abord, il estimait injuste que son père ne lui ai pas demandé d?assister à l?entrevue, car après tout, c?est lui, Serge, qui l?avait fait sortir de l?état de prostration dans lequel il était. Il était intéressé, à part entière, par les décisions qui allaient être prises.
Et puis, en dehors de cette petite blessure d?amour propre, il ne voyait vraiment pas pourquoi sa mère avait eu le culot de revenir et il était curieux d?en connaitre la raison. Aurait-elle dans la manche des atouts que lui, ne connaissait pas ? Que pouvait-elle proposer après avoir agi comme elle l?avait fait ?
Sa mère partie, il se précipita sur son père, qui lui rapporta intégralement la proposition de sa mère.
- Si je comprends bien, maman te propose d?acheter son retour à la maison ? C?est quand même curieux, car elle est suffisamment intelligente pour savoir que revenir ici, serait pour elle, avoir une vie intenable. Comment peut-elle penser, que nous puissions tirer un trait sur ce qu?elle a fait ? Je dois dire, pour ma part, qu?il me serait sans doute impossible de lui pardonner
Comme son père restait muet, Serge lui demanda :
- Tu sembles hésiter, papa. Envisages-tu de lui donner satisfaction ?
- Pour l?instant, je n?en suis pas à prendre des décisions. Je pèse le pour et le contre, et, ne te fais aucun souci, ce sera la meilleure solution pour nous que je prendrai.
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DEUXIEME PARTIE





CHAPITRE 1



Deux années s?était écoulées. Les ondulations des champs de colza en fleurs, sous un vent assez violent formaient un spectacle qui tenait Serge sous hypnose. Il était bien, engourdi dans la douceur de sa canadienne fourrée. Il ne pensait à rien. Le bruit d?une automobile, passant à grande vitesse sur la route, à proximité, le tira de son état second.
Il était à peu près au même endroit, lorsque, il y a deux ans, en sortant de chez Dufour qu?il n?avait pas trouvé, il était sous le coup des deux affreuses nouvelles : La société de son père était en faillite, et sa mère se préparait à partir avec son amant ainsi que sa dernière fille, qu?elle avait eu avec lui.
Au lieu du colza en fleurs, c?était alors un champ de tournesol qu?il côtoyait, le vent était moins fort, mais il se retrouvait, avec à peu près le même état d?esprit qu?il y a deux ans. Il était malheureux.
Après l?ordonnance de référé qui interdisait à Dufour de retourner dans la société, la mère de Serge était revenue à la maison pour demander à reprendre sa place dans la famille. Elle proposait toujours de vendre une maison venant de ses parents, pour aider Marc à payer les créanciers de la société et assainir la situation financière. Elle avait essuyé un refus. Par la suite, des poursuites judiciaires avaient été entamées contre Dufour. Pour tenter d?alléger sa responsabilité, il avait déclaré qu?il avait agi, poussé par Marthe Laviron.
L?enquête n?avait pu prouver qu?elle avait été l?élément moteur, en revanche, il était certain qu?elle avait bénéficié des agissements délictueux de son amant Dufour, puisqu?elle avait pu s?acheter, personnellement, une villa dans le Var, au bord de la mer. C?était là un fait nouveau, important, susceptible de rétablir la situation financière de la société.
Marc s?étant constitué partie civile, il put obtenir le paiement des indemnités qui lui avaient été accordées par le tribunal, grâce aux reventes des biens immobiliers acquis par le couple infernal. Avec cet argent, plus un prêt bancaire qu?il avait pu obtenir, du fait que sa situation s?était grandement assainie, la normalisation comptable devenait possible.
En quelques semaines, Marc se trouva à la tête d?une entreprise dont la situation financière était saine.
De ce côté-là, donc, tout s?était bien passé, et Serge avait décidé d?abandonner définitivement ses études pour entrer dans la société, aux côtés de son père.
Sur le plan pénal, Dufour avait été condamné à 8 ans de prison, dont trois fermes. Bien défendue, Marthe n?avait été condamnée qu?à deux ans, dont un avec sursis. Compte tenu de ses trois mois de préventive, et d?une remise de peine, elle n?avait été emprisonnée que durant 6 mois. Elle avait été libérée il y a six mois, et c?est elle qui suscitait les nouveaux tourments de Serge.
Il n?avait pas cessé de se rendre, au moins deux fois par semaine dans la propriété des platanes, avant et après qu?elle ait été vendue à un nouveau propriétaire, lequel avait reconduit le contrat de travail du jardinier. Agnès habitait donc toujours dans le petit pavillon.
Les relations entre les deux jeunes gens étaient curieuses. Ils ne pouvaient rester trop longtemps sans se voir. Lorsqu?ils étaient ensemble, les sujets de discussion ne manquaient pas, mais il n?était jamais question de leurs sentiments. Si l?on avait demandé à Serge pourquoi il lui était nécessaire de voir Agnès aussi souvent, il aurait répondu simplement, qu?ils s?entendaient bien, et qu?il se sentait parfaitement en harmonie avec elle.
C?était donc dans une ambiance redevenue sereine, que, de nouveau, deux évènements graves vinrent replonger Serge dans une période très difficile.
Il y a une semaine, Agnès était allée au village, à bicyclette, pour faire des courses.
En revenant du village, il y avait une descente courte, mais très raide. Comme chaque fois, elle voulut freiner, les freins cassèrent, et du fait de la vitesse, ne pouvant prendre le virage à gauche en bas de la descente, elle sortit de la route, et entra dans un platane.
C?était quelques minutes plus tard qu?un automobiliste la trouva, inerte auprès de sa bicyclette. Il arrêta un autre automobiliste pour qu?il reste auprès de la jeune fille, pendant qu?il allait prévenir la gendarmerie du village.
Agnès fut hospitalisée, et resta plusieurs heures dans le coma. Elle était toujours hospitalisée, mais ses jours n?étaient pas en danger. La commotion cérébrale ne devrait pas laisser de séquelle, quand à la fracture du bras droit, elle était nette, « propre » selon l?expression du médecin, et après la pose d?un plâtre durant quelques semaines, elle récupérerait entièrement l?usage de son bras.
C?est dans ces circonstances tragiques que Serge réalisa combien Agnès comptait pour lui, et admit que ses sentiments allaient au-delà d?une simple camaraderie.
Une enquête avait été diligentée, à la suite de laquelle, il avait été établi sans contestation possible qu?il ne s?agissait pas d?un accident. Le câble du frein arrière était constitué de plusieurs fils métalliques. Or si deux d?entre eux étaient coupés à deux endroits différents, tous les autres étaient rompus à exactement la même hauteur.
Il était évident qu?ils avaient été coupés volontairement à l?aide d?une pince. D?ailleurs, le frein avant dont la cycliste ne s?était pas servi, présentait deux fils intacts, et tous les autres coupés à la même hauteur. C?était un attentat. Mais, qui pouvait en vouloir à cette jeune fille, qui certainement n?avait jamais causé de tort à personne ?
Si, l?enquête sur ce point n?avait pu aboutir, Serge en revanche, avait une idée assez précise sur ce qui s?était passé. Il avait l?intime conviction, que sa mère, par esprit de vengeance avait coupé une grande partie des fils des freins. Sa mère, une criminelle ? Il en avait froid dans le dos.
Tout d?abord, elle avait habité dans la propriété les Platanes, et savait parfaitement où Agnès garait sa bicyclette. Par ailleurs, elle savait que son fils venait souvent la voir, et connaissait les liens tissés entre les deux jeunes gens. De plus, elle avait du savoir par Dufour, qu?Agnès avait pris position contre eux. Elle avait entendu certaines conversations entre elle et son amant, et les avait rapportées à Serge.
Comme il s?agissait de sa mère, il n?avait pas parlé de ses doutes aux enquêteurs, mais se promettait d?avoir une explication avec elle.
D?autant plus, qu?un autre fait étrange s?était produit le matin même, qui également aurait pu avoir des conséquences dramatiques.
Marc circulait dans son véhicule, lorsque, longeant un bosquet, une grêle de plombs s?abattit sur la vitre qu?elle brisa, du côté conducteur. Heureusement, il n?avait pas été blessé, mais lorsqu?après avoir arrêté son véhicule, il se précipita dans le bois, il vit un individu qui partait en courant. Or, cette course, lui avait semblé plus être celle d?une femme que d?un homme. C?est en tout cas l?impression qu?il avait eue. Si l?on rapproche ces éléments du fait que Marthe il y a quelques années encore, adorait se rendre à la chasse avec son mari, ces deux accidents survenus précisément depuis la libération de Marthe Laviron, faisait peser une grave suspicion sur elle.
Serge avait du mal à admettre qu?il avait un monstre pour mère, pourtant, indépendamment de ces deux derniers attentats, elle avait bien été condamnée par un tribunal, et ce, indépendamment de ses propres sentiments. Objectivement elle était donc coupable. Mais ce que la raison admet, n?est pas aussi facilement admis par le c?ur d?un fils.
Serge savait que sa mère et sa plus jeune fille habitaient dans un appartement loué à Orange, et à l?issue de sa promenade en campagne, il décida de s?y rendre immédiatement. Mieux valait avoir une franche explication très vite pour tirer les choses au clair.
Il rentra chez lui, prit sa voiture et partit pour Orange.
L?appartement occupé par sa mère, se trouvait au troisième étage dans un vieil immeuble peu reluisant, et sans ascenseur. Serge ne put s?empêcher d?avoir le c?ur serré en songeant à la déchéance que devait ressentir sa mère. Après avoir vécu successivement dans deux jolies propriétés, avec son mari, puis avec son amant, elle se retrouvait dans un logement à peine salubre, et en tout cas certainement très peu confortable.
Sur la porte, une simple carte de visite punaisée, MARTHE LAVIGNE. Elle avait repris son nom de jeune fille, quoique le divorce n?ait pas encore été prononcé officiellement. Sans doute parce que la presse locale avait longuement parlé de l?affaire Laviron, et qu?elle espérait ainsi passer inaperçue.
Serge hésita avant d?appuyer sur le bouton de la sonnette. Lorsqu?il le fit, c?est sa jeune s?ur qui vint ouvrir.
Dès qu?elle l?aperçut, elle voulut refermer la porte, mais Serge l?en empêcha en insérant son pied et entra dans l?appartement. Comment cette adolescente pouvait-elle en être arrivée à détester son demi-frère à ce point ? Cela fit mal à Serge, qui cependant ne manqua pas de lui dire qu?elle était très impolie, et lui demanda qu?elle aille chercher sa mère à laquelle il voulait absolument parler.
- Elle n?a rien à te dire. Toute votre clique passe son temps à nous faire des misères !
- La clique dont tu parles est composée de celui qui t?a nourri pendant 12 ans, ton demi-frère et ta demi-s?ur. Par ailleurs, tu ne connais qu?une partie de toute l?histoire, et un de ces jours, il faudra bien, que nous nous donnions rendez vous, pour que je t?explique toute la vérité.
- Je la connais la vérité. Vous détestez tous, ma maman et mon vrai père.
- En attendant, va chercher ta mère, je ne sortirai pas d?ici avant de lui avoir parlé.
La fillette hésita un moment, puis finit par lui dire que sa maman n?était pas là, et qu?elle cherchait du travail, puisqu?on ne lui donnait plus d?argent.
Serge lui répondit qu?il allait l?attendre et profiter de leur tête à tête pour lui expliquer exactement ce qui s?était passé.
Il prit de force Nicole par le bras, et entra dans une pièce qui semblait être la salle de séjour.
Les meubles étaient des vieux meubles, sans doute achetés dans une brocante, et l?on avait l?impression que les occupants n?étaient là que depuis peu de temps, car les meubles étaient disposés un peu partout, sans constituer un ensemble cohérent. Pourtant, cela devait faire certainement plusieurs mois, qu?elles habitaient là.
Avisant un canapé très défraichi, Serge alla s?y asseoir, et demanda à Nicole de venir à ses côtés.
- Que tu le veuilles ou non, tu es ma s?ur. Alors, il faut que je t?explique ce qui s?est passé.
- Pas la peine, je le sais. Jeanne et toi, vous ne m?avez jamais aimée, et mon faux papa non plus. A cause de vous, comme vous avez fait des ennuis à papa, maman a du me mettre en pension pendant qu?elle était en prison. Ce n?était pas juste, puisqu?elle n?avait rien fait de mal.
- Tu vois bien, que tu ne sais pas tout. En premier lieu, si mon père n?est pas le tien, c?est que?maman est allée avec un autre homme, alors qu?elle était mariée, ce qui, tu dois le reconnaitre, n?est pas très joli. De plus, cet homme était malhonnête. Il a pris de l?argent dans la société de mon père, qui aurait pu être complètement ruiné si nous ne nous étions pas défendus.
Alors si tu réfléchis un peu par toi-même, au lieu de simplement écouter ce que dit maman, tu verras que tous nos ennuis viennent de monsieur Dufour surtout, et de maman aussi.
- Moi je sais que nous étions riches avec mon vrai papa et ma maman, et que vous nous avez tout pris. Maintenant c?est vous qui êtes riches, et nous pauvres.
- Non, vous n?étiez pas riches, car l?argent que vous aviez ne vous appartenait pas, il avait été volé à mon père.
Nicole ne démordait pas de sa constatation très simple. Avant nous étions riches, vous nous avez fait des embêtements devant un tribunal, et maintenant nous sommes pauvres.
Constatant qu?il ne pourrait jamais convaincre sa demi-s?ur, Serge lui dit qu?il allait attendre leur mère et qu?elle pourrait écouter leur conversation.
L?attente fut longue, plus d?une heure, durant laquelle Nicole préféra aller dans sa chambre, pendant que Serge ruminait, et préparait ce qu?il allait dire à sa mère.
Lorsqu?elle entra, Serge subit un coup. En quelques mois, elle avait vieilli de 10 ans, de plus, elle qui naguère était si coquette, ne portait plus aucun bijoux et ses vêtements étaient simples et austères.
On ne reconnaissait plus la brillante, la jolie, l?élégante madame Laviron.
En apercevant son fils, elle eut un mouvement de recul.
- Que viens-tu faire ici ? Tu veux jouir de votre triomphe ? Tu veux contempler ma déchéance, et te moquer de la pauvre femme que je suis devenue ?
- Absolument pas. Tu as de lourdes responsabilités dans les ennuis que nous avons eus, mais tu restes ma mère. Je ne veux pas revenir sur les agissements que vous avez eus Dufour et toi, dans le passé. Cette affaire a été jugée, chacun a payé ou paye encore pour cela. Non. Je suis venu te parler de deux nouveaux faits. Deux attentats. L?un commis contre Agnès, et l?autre, ce matin, contre papa. J?ai des raisons de penser que tu n?es pas étrangère à ces deux évènements. Je suis venu te mettre en garde. N?as-tu pas été assez punie, et veux-tu aller encore, et encore, au devant d?autres ennuis ?
- Je ne suis pas au courant de ce dont tu me parles. Si tu es venu pour me menacer, ton déplacement était inutile Ton père et toi m?avaient plongée dans la misère, alors que j?étais venue repentante vers vous. Je te demande de me laisser un peu de tranquillité, et de ne plus venir m?accuser de je ne sais quoi.
Nicole qui était revenue dans le salon en entendant sa mère rentrer, intervint
- Serge, tu viens de parler d?Agnès, demanda-t-elle, que lui est-il arrivé ? Je l?aime bien.
- Il lui est arrivé qu?elle a failli mourir. Tu connais la descente pour revenir du village vers Les Platanes ? Hé bien, lorsqu?Agnès a voulu freiner, les freins se sont cassés et après enquête, on s?est aperçu que les câbles des freins avaient été coupés.
Se tournant vers sa fille, Marthe reprit :
- Et, tu l?as entendu, ton frère semble penser que c?est moi qui ai coupé les freins. Comment veux-tu que je fasse une chose pareille ? D?une part, j?aime bien Agnès, je ne lui veux aucun mal, et d?autre part, je ne connais rien au fonctionnement des bicyclettes, j?ai toujours eu des automobiles, je suis bien incapable de trafiquer une bicyclette pour provoquer un accident.
- Pourtant maman, tu m?as dit que tu détestais « cette gamine » en parlant d?Agnès.
- C?était une façon de parler, bien sûr, mais je n?ai jamais voulu lui faire de mal, et encore moins la tuer, tu le penses bien.
Serge constata que Nicole commençait à se poser des questions, mais il préféra ne pas insister sur l?accident d?Agnès pour qu?elle se fasse elle-même une opinion. Et il parla du second accident.
- Maman, possèdes-tu toujours le fusil de chasse que papa t?avait offert il y a une dizaine d?années.
- C?est possible, mais je n?ai pas de permis de chasse. Je n?ai pas les moyens de m?offrir cette distraction.
- On a tiré sur la voiture de papa ce matin, et s?il s?en est tiré, ce n?est pas la faute de la personne qui avait tiré.
- Tu ne penses tout de même pas que je suis allé tirer sur ton père ? Mais enfin réfléchis eu peu ! Je ne suis pas une meurtrière.
- Mais maman, dit Nicole, tu sais bien que ton fusil est là puisque tu le nettoyais l?autre jour.
- C?est vrai, mais je ne m?en suis pas servie. En voilà assez !! Cela ne te suffit pas, Serge de voir, celle qui, tu l?as dit, reste ta mère, dans un complet dénuement ? Il faut encore que tu viennes me tarabuster avec je ne sais quelle faribole. Tu ne vas pas me mettre sur le dos tous les accidents qui surviennent dans la région ? Ca suffit !! Sors d?ici !!
- - Je pars maman. J?étais venu pour savoir, maintenant, je sais, et je crois que Nicole commence à y voir clair, elle aussi.
Il alla embrasser sa s?ur qui se laissa faire sans protester, ce qui était nouveau, et lui dit que si elle voulait venir les voir, ils seraient tous heureux de l?accueillir.
- C?est ça !! Et maintenant prends moi ma fille, la seule qui me reste ; Déguerpis immédiatement !!!
Serge quitta l?appartement de sa mère avec la certitude que les deux attentats étaient bien imputables, à sa mère. Mais il ne ressentait aucune satisfaction d?avoir vu juste. Il était profondément malheureux de constater, que toutes les épreuves qu?ils avaient traversées n?avaient pas contribué à assagir sa mère, dont le fond s?avérait définitivement mauvais, et non amendable.
Il passa à l?hôpital où se trouvait toujours Agnès. Il se garda bien de lui parler de la visite qu?il venait de faire, et qui avait confirmé ses soupçons. Lorsqu?il était entré dans sa chambre, la jeune fille eut un large sourire, qui plus que n?importe quelle parole, décrivait les sentiments qu?elle ressentait pour Serge. Aussi, sans l?avoir prémédité, poussé par une impulsion incontrôlable, il lui dit, avant même de s?asseoir à son chevet.
- Agnès, je crois bien que je t?aime.
En guise de réponse, elle tendit ses bras vers lui, il se précipita pour l?enlacer, et ils échangèrent pour la première fois, un baiser qui n?était pas simplement amical.
Lorsque Serge vint s?asseoir, ils ne parlèrent plus de leurs sentiments, et il raconta ce qui était arrivé le matin même à son père, ce qu?elle ignorait encore.
Agnès ne comprenait pas, qui pouvait vouloir s?acharner sur eux, et lorsqu?elle demanda à Serge s?il avait une idée sur la question, malgré leur nouvelle situation amoureuse, il n?osa pas lui faire part des soupçons, à peu près confirmés qu?il avait au sujet de sa mère. Il était évident qu?une histoire d?amour qui débutait par des cachotteries, partait sous de mauvais auspices, mais il était difficile, très difficile pour un fils, d?avouer que sa mère était une criminelle. La honte, qui normalement ne devrait que la concerner, s?étendait également sur lui, et il ressentait des sentiments complexes, un mélange de bonheur tout nouveau d?aimer et d?être aimé d?une part, et la profonde tristesse d?avoir une mère aussi dénaturée d?autre part.
Après sa visite à l?hôpital, Serge rentra chez lui, où son père était déjà rentré. A lui, il n?avait aucune raison de le cacher. Il lui raconta la visite faite chez sa mère, la conversation qu?ils avaient eue, et la conviction qu?il en avait tirée sur la responsabilité de sa mère.
Profondément abattu, Marc murmura : Elle ne s?arrêtera donc jamais ? Jusqu?où veut-elle aller ? Il n?y avait pas de réponse à ces questions. Après un moment de réflexion, il ajouta :
C?est curieux, c?est irrationnel, mais je ne parviens pas à croire que ta mère soit coupable de l?attentat contre moi.
Jeanne étant entrée dans la pièce, ils cessèrent de parler de ce problème, mais la jeune fille sentait bien qu?il se passait quelque chose. Elle insista tellement pour tout connaitre, mettant en avant son âge de raison, son appartenance à la famille, et donc son droit de tout savoir, que son père finit par céder et lui raconta le coup de feu qu?il avait essuyé le matin, ainsi que la visite rendue par Serge à sa mère.
Marc tenta de ne pas trop incriminer Marthe, mais Jeanne ne s?y trompa pas.
- Vous mentez très mal, tout les deux, et je suis sûre que vous pensez à la responsabilité de maman aussi bien dans l?accident d?Agnès que dans l?attentat contre papa. Qu?allons-nous faire ? Elle vient de sortir de prison, et si vous dites à la police ce que vous savez, elle risque d?y retourner pour longtemps, or, c?est notre mère, malgré tout.
Les hommes furent dispensés de répondre car on sonnait à la porte d?entrée. C?est Serge qui alla ouvrir, et eut la surprise de trouver sur le pas de la porte, sa demi-s?ur Nicole, en larmes.
- Que se passe-t-il Nicole ?
- Je ne veux plus rester avec maman. J?ai compris qu?elle vous avait fait beaucoup de mal, et je voudrais demander à papa, même s?il n?est pas mon vrai père, de me reprendre avec vous.
Les minutes qui suivirent furent, émouvantes, et la famille se reconstitua, en dehors de la mère évidemment.
Nicole était venue avec les seuls vêtements, d?ailleurs en mauvais état qu?elle portait au moment où elle avait quitté l?appartement de sa mère, aussi, Jeanne lui prêta une de ses robes, et Marc ayant donné l?argent nécessaire, les deux s?urs partirent en ville pour faire les achats d?objets de première nécessité.
Le soir, ils étaient tous les quatre réunis autour de la table du dîner. L?ambiance était un peu lourde, car, même si le problème n?avait pas été abordé, ils pensaient à Marthe, qui venait de perdre sa dernière fille. Certes, elle avait été à l?origine de tous les ennuis de la famille, mais ils avaient vécu ensemble durant des années, et ce passé ne pouvait s?effacer aussi rapidement.
Désormais seule, dans une situation matérielle qui ne devait pas être brillante, son amant en prison, dans l?impossibilité de revenir vers sa famille qu?elle avait volontairement quittée, c?était elle, maintenant, qui passait des moments sans doute très difficiles, et chacun y pensait autour de la table. Chacun ? Non, pas tout à fait, car Nicole venait seulement de réaliser les actes impardonnables de sa mère et ne se laissa pas aller, vers un début de pardon.
Après la fin du repas, Marc demanda à ses enfants de ne pas parler de l?agression qu?il avait subie le matin même. Nicole essaya de dire, que si aucune sanction n?était prise contre elle, rien ne l?empêcherait de recommencer, et qui sait, si une autre fois, elle ne parviendrait pas à occasionner des blessures graves à l?un d?eux.
C?est encore Serge qui présenta une solution.
Il estima que son père avait raison de ne pas déposer plainte contre sa femme, mais d?un autre côté, ne rien faire, pourrait en effet inciter Marthe à récidiver. Aussi fit-il la proposition suivante.
- Je vais retourner voir notre mère, pour la mettre en garde. Nous n?interviendrons pas maintenant, pour inciter les gendarmes à orienter leur enquête vers elle, à la suite de l?accident d?Agnès. De même, nous ne déposerons pas plainte pour l?attentat commis contre papa. Mais, en même temps, je préviendrai notre mère, qu?à la moindre nouvelle tentative pour nuire à l?un de nous, nous la chargerions à bloc auprès des enquêteurs. Pour bien prouver que nous avons effectué cette mise en garde, je propose que nous lui envoyions une lettre recommandée, signée de nous quatre, et dans laquelle nous rappellerons notre mise en garde. Si nous sommes appelés à déposer plainte contre elle, nous pourrons prouver la date de notre mise en garde.
Sa proposition fut adoptée par tous.




















































CHAPITRE 2






Trois jours après cette discussion, la lettre recommandée ayant été envoyée, Serge se présenta devant la porte de l?appartement de sa mère.
Il avait sonné par trois fois, mais personne n?était venu lui ouvrir. Il essaya de frapper du poing, de plus en plus fort, mais n?eut pas plus de succès. Il s?apprêtait à repartir, lorsque, machinalement il posa la main sur le bouton de porte pour tenter d?ouvrir. A sa grande surprise, la porte n?était pas fermée.
Il eut subitement une montée d?angoisse. Si la porte était ouverte, c?est que sa mère était là, et si elle ne répondait pas à la sonnerie d?entrée, ni à ses coups dans la porte, c?est qu?il lui était arrivé quelque chose. Il eut un court moment d?angoisse et d?hésitation, puis pénétra dans l?entrée. Sur la gauche, la porte menant à la salle de séjour était fermée, il l?ouvrit doucement, et vit sa mère affalée sur le vieux divan. Il s?approcha craignant le pire, et constata avec soulagement que sa poitrine se soulevait à intervalle régulier. Elle était en vie, mais dans quel état !!Elle n?avait pas du se coiffer depuis plusieurs jours, elle portait une vieille robe dont un côté relevé, laissait voir une jambe d?ailleurs encore magnifique, et sur la petite table, à côté d?elle, elle avait posé la lettre recommandée, qu?ils avaient signée tous les quatre.
S?approchant lentement de sa mère, il posa sa main sur son épaule et la secoua, doucement d?abord, un peu plus fort ensuite, jusqu?à ce qu?elle se réveille. Lorsqu?elle ouvrit les yeux et vit son fils, elle murmura :
- Encore !!Vous ne m?avez pas fait assez de mal, tous ? S?il te reste un petit sentiment pour ta mère laisse-moi !! Je n?ai plus rien ! Il me restait une fille, elle m?a quittée. Que voulez-vous de plus ?
Plus remué qu?il ne l?aurait pensé, Serge ressentit une grande compassion pour sa mère. Certes elle avait beaucoup à se faire pardonner, mais son état actuel ne pouvait qu?inciter à la miséricorde.
Il s?assit auprès d?elle, et, d?une voix très calme, Serge énuméra tous les griefs que son père, lui-même, et ses soeurs pouvaient lui reprocher. Puis il conclut en lui demandant d?arrêter ses vengeances, qui, si elles se poursuivaient, ne pourraient que lui amener de très gros ennuis.
- Maman, arrête, arrête, je t?en prie à t?en prendre à nous, Nous avons jusqu?ici essayé de te préserver, mais nous ne pourrons pas éternellement cacher, tous tes agissements aux enquêteurs. Tu as provoqué l?accident d?Agnès, tu as tiré sur la voiture de papa, maintenant ça suffit !!
Marthe se redressa lentement et prenant une position plus digne, demanda à son fils de l?écouter sans l?interrompre.
- Il faut que tu connaisses la totalité de l?affaire avant de me juger et de lancer des accusations à la légère.
- Si tu pouvais te justifier, maman, je serais le fils le plus heureux.
Après lui avoir demandé une nouvelle fois, de la laisser parler sans l?interrompre, elle commença son récit. Elle expliqua que lorsqu?ils s?étaient rencontrés, Marc et elle, ce fut littéralement le coup de foudre, puisque 3 mois plus tard, ils étaient mariés. Ils eurent deux enfants, lui, Serge, sa s?ur Jeanne, et formèrent une famille très unie, et heureuse. Serge avait 6 ans et Jeanne un an, lorsque Marthe, en faisant ses courses, aperçut Marc attablé à la terrasse d?un café, le bras passé sur les épaules d?une assez jolie femme.
Ce fut pour elle un effondrement. Jamais, jamais la pensée d?une infidélité de Marc, ne l?avait effleurée. Elle n?intervint pas, et rentra chez elle en pleurs. Lorsque Marc arriva, elle lui dit ce qu?elle avait vu. Certes, son mari était affreusement gêné, mais il ne nia pas. Ce fut un tournant dans leur vie familiale. Marthe était certaine, que Marc continuait à voir sa maitresse, mais aucune autre explication n?eut lieu entre les deux époux.
Il y avait six mois que Marthe avait fait la découverte de l?infidélité de son mari, lorsqu?un après midi, alors que Marc était allé, ou était censé, être allé au terrain de golf, elle eut la visite de Denis Dufour.
C?était le chef de comptabilité de son mari. Il était bien physiquement, beau parleur, et lui dit qu?il avait remarqué la tristesse de Marthe, et affirmait en connaitre la raison. Oui, dit-il, il savait que Marc avait une maitresse, elle-même mariée, et ils semblaient très amoureux l?un de l?autre.
Ce jour-là, Denis n?alla pas plus avant, mais le samedi suivant, il revint, et dit à Marthe, que depuis qu?il l?avait vue, il avait été très attiré par elle.
Durant plusieurs semaines, Denis vint voir Marthe, sans revenir sur les sentiments qu?il éprouvait à son égard.
En revanche, à chacune de ses visites, il expliquait que « ce pauvre » Marc, n?était vraiment pas doué pour les affaires. Que s?il n?avait pas été là, lui, Denis, pour redresser ses erreurs, et lui donner de bons conseils, il y a belle lurette que la société serait en liquidation.
Il effectua ce lavage de cerveau, avec intelligence, disant toujours qu?il aimait Marc comme un frère, et que toujours, il défendrait ses intérêts, comme s?il s?agissait des siens propres.
Ces lancinantes répétitions, firent que Marthe était persuadée être mariée avec un homme infidèle, et de surcroit, nul en affaires. Elle en était arrivée à l?intime conviction, que sans Denis, leur aisance actuelle n?existerait pas. Lorsque Marc lui faisait un cadeau, elle était persuadée, qu?en fait, c?était à Denis qu?elle le devait.
Elle finit par devenir la maitresse de cet homme remarquable, qui lui jurait fidélité, et qui dans l?ombre, maintenait la société de son mari à bout de bras.
Lorsqu?elle tomba enceinte, elle savait parfaitement, que l?enfant était de Denis, et dès la naissance de Nicole, elle fut sa préférée. Dès lors, pour Marthe, son mari et les deux premiers enfants, furent rassemblés dans le même opprobre.
A ses yeux, il y avait désormais, deux groupes dans la famille, d?une part, Marc, avec les deux enfants qu?il avait fabriqué, et d?autre part elle-même et Nicole, auxquelles venait s?adjoindre Denis Dufour, pour l?instant à l?extérieur du groupe familial, mais avec lequel, c?est certain elle vivrait prochainement avec Nicole leur fille chérie.
En racontant cela à son fils, elle pleurait abondamment, et dit comprendre désormais l?injustice dont elle avait fait preuve en traitant différemment ses ainés et sa fille cadette. Son aversion pour Marc était telle, qu?elle le traitait d?incapable, ce qui, elle le pensait maintenant, n?était pas fondé, puisque son entreprise, créée par lui, avait été très prospère jusqu?aux malversations de Denis.
Les années passèrent et la famille continuait cahin-caha. Un jour, Denis dit à Marthe :
- Je vais t?annoncer une grande nouvelle. Bientôt, nous pourrons nous aimer au grand jour. Ton mari a fait des bêtises, c?est moi qui le remplacerai, je redresserai la situation de la société, et nous serons riches et heureux.
Pendant quelques mois, elle fut en effet heureuse des perspectives que lui faisait miroiter Denis, puis, elle en vint à se demander comment, si la société arrivait à déposer le bilan, Denis pourrait d?un coup de baguette magique redresser la situation. Elle lui posa la question, et il estima que Marthe lui était suffisamment attachée, pour qu?il lui révèle la vérité.
La situation de la société, n?était pas due aux insuffisances de Marc, mais au savoir faire, de lui, Denis, qui avait su profiter de sa position de chef comptable et homme de confiance de Marc, pour « arranger un peu les comptes ».
Marthe ne pardonnait pas à son mari adultère, mais elle ne pouvait accepter ces man?uvres frauduleuses réalisées à son encontre, et ne le cacha pas à son amant.
C?est alors que Denis, toujours sûr de lui, poussa ses confidences plus loin, et lui dit, sur un ton sec, qu?elle ne pouvait en tout état de cause revenir en arrière. « Vois-tu, lui avait-il dit, nous avons des intérêts intimement mêlés », et comme elle invoqua sa possibilité de le quitter et de vivre en toute indépendance pour ne pas être mouillée dans ses malversations, il lui répondit qu?elle se trompait, car il avait pris ses précautions.
Méfiant pas nature, il avait fait en sorte que Marthe devienne sa complice. Pour cela, il avait acheté une villa sur la côte d?Azur au nom de madame Marthe Laviron. Puis, il lui précisa :
- Tu ne pourras pas justifier ton achat par des gains personnels. Il n?y a que moi, qui pouvait de permettre de devenir propriétaire, et tu savais par conséquent d?où provenait cet argent.. Alors, tiens-toi tranquille, car nous sommes dans le même bateau.
Comme elle le traitait de menteur et soutenait n?avoir pu acheter une villa sans avoir rien signé, avec un sourire vainqueur, Denis lui dit, qu?il lui avait fait signer, avec d?autres papiers, celui qui lui donnait tous pouvoirs pour acquérir des biens au nom de Marthe, et c?est avec ce pouvoir, dûment signé par elle, qu?il avait procédé à l?achat de la villa.
En conclusion il lui dit avec le sourire complice qui s?imposait : « Vois-tu, ma chérie, tu as une assez jolie villa, rien que pour toi, tu devrais être heureuse ! Mais bien sûr, tu ne pourras jamais essayer de me tirer dans les pattes, tu es mouillée jusqu?au cou »
- Voilà mon histoire avec Denis Dufour que j?ai du suivre bon gré mal gré, n?ayant pas de moyen personnel de subsistance. Maintenant, avant d?en terminer avec ce récit de la réalité, je tiens à te préciser qu?en ce qui concerne les deux évènements récents, je puis te jurer que je n?y suis pour rien. Il est certain que c?est Denis qui à du faire couper les freins de la bicyclette de ton amie Agnès, quand au coup de feu contre la voiture de ton père, il a peut être été tiré avec mon fusil de chasse, mais je ne m?en suis pas servi depuis des années. Je l?ai nettoyé l?autre jour, c?est exact, mais il a du m?être dérobé, car je ne l?ai plus retrouvé après ta dernière visite. Dans ce domaine, je suis réduite à des suppositions. Je crois, et à vrai dire, je suis même certaine, que du fond de sa prison, Denis a conservé des contacts avec certains complices à l?extérieur, et qu?il a fait organiser les deux attentats, celui contre Agnès, et le guet apens contre ton père, par l?un d?eux.
J?ai commis des fautes, de lourdes fautes, et plus particulièrement envers vous, mes deux ainés, mais la trahison de ton père m?avait mise hors de moi. Ce n?est pas une excuse, mais une explication.

Serge était déstabilisé par les révélations de sa mère. Elle avait été plus un instrument, que l?élément moteur des évènements. Trahie par son mari, passée sous la coupe d?un homme sans scrupule, certes elle avait failli à ses devoirs de mère auprès de ses deux premiers enfants, mais elle avait des circonstances atténuantes, et la sévérité de son jugement à son sujet, devait être révisée. Une autre révision, déchirante celle là, concernait son père qui objectivement avait été à l?origine de la cascade de catastrophes qui s?étaient abattues sur la famille.
En revanche, en ce qui concernait Denis Dufour, Serge avait reçu la confirmation de sa responsabilité totale, y compris dans les évènements récents.
Au fond de lui, malgré les faits qui plaidaient contre sa mère, il avait toujours eu des difficultés à la croire aussi horrible, aussi, pas une seconde, il ne mit en doute les explications de sa maman.
Il resta un long moment sans parler. La mère et le fils assis côte à côte sur le divan réfléchissaient, lorsque Serge se leva, il prit sa mère dans ses bras, et ils s?embrassèrent avec une profonde affection. Après ce grand moment d?émotion, Serge dit à sa mère qu?il prenait sur lui de la ramener à la maison immédiatement. Il lui laissa une bonne demi-heure pour se préparer, et lorsqu?elle sortit de la salle de bains, certes ses vêtements n?étaient pas de première fraicheur, mais l?on sentait que dans peu de temps, elle pourrait redevenir la jolie femme qu?elle était il y a encore trois ans.
Lorsqu?ils arrivèrent à la villa, seule Jeanne s?y trouvait avec Nicole. Certes l?ambiance entre les deux s?urs n?était pas très détendue, mais on sentait qu?elles faisaient des efforts, pour qu?elle soit plus agréable.
Elles furent très étonnées de voir leur mère revenir avec Serge, qui leur dit :
- Ecoutez les filles, je ne vais pas raconter deux fois une longue histoire. Alors nous allons attendre le retour de papa. En attendant, mes s?urs, je vous suggère de nous préparer un bon repas au cours duquel je raconterai tout ce que je sais, et j?espère que bien des malentendus seront dissipés. Montrez-vous de bons cordons bleus, et il vous sera plus facile, plus tard, de capturer un mari, ajouta-t-il en riant.
Nicole qui n?avait pas sa langue dans la poche demanda à son frère si Agnès s?était montrée bonne cuisinière pour le prendre dans se filets. Serge se contenta de dire à sa s?ur, qu?il vaudrait mieux qu?elles aillent préparer le repas au lieu de dire des inepties.
Presque timidement sa mère demanda, si elle pouvait aller, elle aussi, dans la cuisine pour aider ses filles. Décidemment, elle ne se sentait vraiment pas encore chez elle, et comme les filles se montraient réservées, c?est Serge qui lui dit :
- Bien sûr, maman, jusqu?à plus ample informé, tu es chez toi.
La chaleur lourde et humide, présageait un orage prochain. Marthe, Serge, Jeanne et Nicole étaient réunis dans la salle de séjour. Chacun essayait de s?éventer avec un journal, ils étaient tous nerveux dans l?attente de Marc, exceptionnellement en retard. Serge savait qu?en prenant sur lui d?amener sa mère, il n?était pas certain, de voir son initiative approuvée par son père, et il n?ignorait pas que, dans cette éventualité, un grave cas de conscience se poserait à lui.
Devrait-il accepter que sa mère soit priée, de retourner dans son appartement et de se débrouiller seule ? Devrait-il se séparer de son père pour aider matériellement sa mère à refaire surface? Dans ce dernier cas, sa situation personnelle dans la société risquerait d?être délicate, voire compromise.

Ce n?est que vers 20 heures que l?on entendit la voiture de Marc s?arrêter devant le perron.
Il arriva dans le salon en sifflotant, et lorsqu?il vit toute sa famille, avec sa femme, réunie dans le salon, il eut un mouvement d?arrêt, et, se tournant immédiatement vers Serge, demanda :
- Que se passe-t-il ici ? Pourquoi ta mère est-elle dans ma maison ?
- Papa, il est déjà tard. Pardonne-moi si j?ai pris une initiative, mais j?ai estimé qu?il était toujours bénéfique, de voir un problème dans sa globalité. Alors, si tu le veux bien, nous allons passer à table et lors du repas, je raconterai tout ce que j?ai appris aujourd?hui. Il est important que nous soyons tous, je dis bien tous, au courant de ce qui s?est réellement passé, ne serait-ce que pour relever quelques éventuelles erreurs qui se seraient glissées dans mon exposé.
Finalement, au grand soulagement de Serge, Marc ne fit aucune difficulté pour s?asseoir à la même table que sa femme, et dès le début du repas, il commença son récit.
Il parla longuement, et ne fut interrompu qu?une seule fois par son père, au sujet de son repas qu?il allait manger froid.
Lorsque Serge eut terminé, et après un assez long silence, personne ne désirant prendre la parole, ce fut Marc qui se décida, et s?adressant à Serge, lui dit :
- J?aurais préféré discuter de tout cela en tête à tête avec ta mère, mais après tout, puisque l?exposé entier, a été fait devant toute la famille, je vais répondre sur les points qui me concernent.
Il est exact, que durant 3 mois, j?ai eu une liaison. Mais, contrairement à ce qu?avait prétendu cette fripouille de Dufour, ce ne fut jamais sérieux et prit fin assez vite. Par ailleurs, j?en fais le serment, je n?ai jamais eu d?autre liaison.
Bien que cette liaison ait été courte, elle fut suffisante pour que Marthe change du tout au tout. Je le comprends, car elle a du souffrir de mon infidélité, mais je doute qu?elle ait pu souffrir autant que moi, lorsque j?ai su qu?elle avait un amant, lequel était mon bras droit, dont elle avait eu une enfant, et qui de surcroit avait organisé ma ruine à son profit.
- Mais, c?est toi qui avait commencé et enclenché le processus de notre éloignement, l?un de l?autre, interrompit Marthe.
- Je ne le nie pas, je ne le nie pas. En revanche, je dois le dire très franchement, je doute que tu aies pu bénéficier des largesses de Dufour, sans savoir d?où provenait l?argent. Cela je n?y crois pas.
- Quelle largesse ? Tous les bijoux que je possédais (Et que j?ai du revendre pour vivre) m?avaient été donnés par toi. Mais Denis Dufour, m?avait persuadé qu?en fait c?est lui qui m?offrait ces cadeaux, puisque c?est grâce à lui que tu pouvais avoir ton niveau de vie. Je dois dire que Dufour plutôt radin, ne m?a jamais fait de cadeau, personnellement, à part un bouquet de fleur pour mon anniversaire.
Le seul don, très important, il me l?avait fait, uniquement dans son propre intérêt, pour faire de moi sa complice, et il ne m?avait jamais parlé de cette acquisition. J?ignorais totalement, je le jure, qu?une villa sur la Côte d?Azur m?appartenait, et bien sûr, je n?y suis jamais allé. D?ailleurs, si cela avait été vraiment un cadeau pour moi, c?est moi qui serais allée signer le contrat de vente. Or, il sera facile de prouver, que pour faire cet achat, Denis s?est servi d?une délégation de signature, qu?il avait obtenue à mon insu.
Tu as reconnu m?avoir trompé le premier. Je dois à mon tour, reconnaitre que la femme blessée n?a pas su rester une mère pour mes deux enfants ainés. Cela me tourmente depuis quelques jours seulement, car, emportée par ma haine contre toi, Marc, je ne me rendais pas compte que j?avais été une mère dénaturée.
En ce qui concerne les deux derniers attentats, je répète ce qu?a dit Serge tout à l?heure, je n?y suis pour rien.

Serge, décidemment s?était institué le médiateur familial, et il était curieux de voir un fils arbitrer entre ses parents, mais c?est la situation qui l?avait placé dans ce rôle.
- Papa a trompé maman. Ce n?est pas exceptionnel. Mais c?est regrettable et surtout la réaction de maman a été extrêmement vive, au point d?oublier, qu?elle avait aussi des enfants.
Nous sommes trois enfants, dont l?une est de père différent, mais, en ce qui nous concerne, j?ai la certitude que nous parviendrons à bien nous entendre et à bien nous aimer. Maintenant le problème entre nos parents, ne peut être réglé que par eux. Ils doivent s?expliquer en tête et tête et déterminer où ils en sont sur leurs sentiments respectifs. Nous, les enfants, allons nous retirer dans nos chambres, et nous allons vous laisser. Lorsque vous aurez pris une décision vous nous en ferez part.
Chaque enfant se leva de table et alla embrasser Marc et Marthe. Serge qui n?avait rien mangé emporta un gros morceau de gâteau, et les parents se retrouvèrent face à face.
( A suivre)




CHAPITRE 3





La chaleur était accablante. Une ferme, à proximité, dans laquelle un élevage bovin était pratiqué, envoyait généreusement aux alentours, des escadrons de mouches que Serge chassait de la main avec énergie, dans un combat sans fin. Fermer la fenêtre, diminuait un peu le nombre des assaillantes, mais la chaleur lourde devenait intenable, et il était encore préférable d?avoir un petit courant d?air.
Malgré ces conditions climatiques désagréables, Serge avait le c?ur assez léger. Certes, rien n?était encore définitivement décidé entre son père et sa mère, mais ils avaient décidé de réfléchir pendant 48 heures. Lorsque sa mère était repartie, la veille, vers son appartement, son père était venu l?embrasser, en la serrant assez longuement dans ses bras, si bien que les enfants avaient compris, que la famille allait sans doute se reformer sur des bases nouvelles, et plus agréables pour tous.
Comme dans cette affaire Serge avait tenu un rôle prédominant, a son espérance d?une issue heureuse, venait se joindre une certaine fierté, pour en avoir été l?artisan principal.
Le rendement de son travail de l?après midi, dans la société, n?avait pas été fameux, mais après tout, s?il parvenait à reconstituer la famille dirigeante, la marche de la société elle-même, ne pourrait qu?en bénéficier. Il n?avait donc pas lieu de culpabiliser, et ne le faisait pas.
Serge venait de refermer le dossier qu?il étudiait, s?étirait les bras levés et tendus vers l?arrière, avec un grognement de satisfaction, lorsque le téléphone sonna.
En maudissant l?importun qui venait le retarder, alors qu?il voulait rentrer chez lui prendre une bonne douche réparatrice et rafraichissante, il décrocha.
- Allo ! Vous êtes bien monsieur Serge Laviron ?
- Oui. Je vous écoute !
- C?est ça. Ecoutez-moi bien !
Après un court silence l?interlocuteur reprit :
- Vous aimez bien mademoiselle Agnès ?
- Qui êtes-vous ? Et pourquoi cette question ?
- Qui je suis n?a pas une grande importance. En revanche, je veux bien répondre à votre deuxième question. Je vous demandais si vous aimez bien Mademoiselle Agnès, parce qu?elle est là, près de moi, un peu ligotée, il faut bien le dire, et qu?elle risque d?avoir de gros, de très gros ennuis, si vous ne faites pas ce que je vous dis de faire.

Malgré la chaleur, Serge senti un filet de sueur glacée couler dans son dos, pendant qu?une peur énorme le submergeait. On osait toucher à Agnès ? Il ne savait que répondre, et c?est à l?autre bout du fil qu?on lui dit :
- Cela vous a secoué, on dirait. Remarquez, je vous comprends. Elle est très mignonne cette petite, et pour ne rien vous cacher, personnellement, j?espère que nous n?arriverons pas à un accord, pour pouvoir m?amuser un peu avec elle.
Cette dernière phrase, suffit à rendre à Serge les idées plus claires, et il reprit la maitrise de lui.
- Si vous touchez un cheveu d?Agnès, j?inventerai des tortures pour vous le faire regretter des jours et des jours. Croyez-moi, je ne parle pas en l?air.
- C?est possible, mais en attendant, elle est en mon pouvoir, alors inutile de jouer au preux chevalier, défenseur de sa belle. Malheureusement, j?ai ordre de ne pas l?abimer, si vous faites correctement ce que je vous demande. Pour l?instant, vous pouvez être tranquille, et tout dépendra de vous.
- Qui me dit que vous me dites la vérité. Si elle est vraiment à côté de vous, passez-la-moi !
- D?accord. Mais deux secondes seulement.
Après un court moment d?attente, mais qui parut très long à Serge, il entendit la voix assez faible d?Agnès.
- C?est vrai, je suis en leur pouvoir, mais ne commettez pas d?imprudence pour moi.
On lui arracha l?appareil et l?homme reprit en riant grassement.
- Elle est vraiment bien cette petite. Je crois que je vais avoir de gros sentiments pour elle
- Dites moi immédiatement ce que vous voulez exactement.
- C?est simple. Très simple. Il ne faut pas que votre mère revienne vivre chez votre père.
- Mais?.En quoi cela vous regarde-t-il ?
- Oh, moi, je m?en fous. Mais c?est le patron qui demande?. Non ! pas qui vous demande, qui l?exige !!
- Et votre patron, ne serait pas Dufour par hasard ?
- Il n?y a aucune raison de vous le cacher, oui, c?est monsieur Dufour.
- MONSIEUR Dufour ! Un joli monsieur en effet !
- N?oubliez pas ! Nous tenons Agnès.
- Et alors ? Que voulez vous que je fasse ?
- C?est très simple. Vous allez voir votre mère. Vous lui dites que dès sa sortie de prison, monsieur Dufour vivra avec elle. Qu?en attendant, il a pris des dispositions, et il saura la mettre en sureté, en un lieu où elle aura une vie agréable, et ne manquera de rien. Demain, je vous retéléphonerai, et je vous dirai comment nous allons faire l?échange de Madame Laviron, contre votre Agnès. Si nous ne nous mettons pas d?accord, j?aurais échoué dans ma mission, mais j?aurais des compensations, si vous voyez ce que je veux dire. Elle est chouette la petite.
A demain, je vous téléphonerai à 18 heures. Ah ! Encore un mot. Vous ne parlez à personne, je dis bien à personne de notre petit marché, en dehors de votre mère, bien sûr. D?accord ? D?ailleurs, je me demande pourquoi je sollicite votre accord. Vous ne pouvez pas faire autrement.
Et sans attendre la réponse, il raccrocha.
Serge resta cinq bonnes minutes avachi sur sa chaise, l?esprit vide. Il fallut que son père passe la tête par la porte de son bureau, afin de lui proposer de rentrer ensemble à la maison, pour le faire revenir aux réalités.
Il prétexta un travail à finir pour ne pas se retrouver seul, avec son père, immédiatement, sans avoir eu le temps de réfléchir..
Il devait d?abord reprendre son sang froid, et analyser la situation.

Il avait en premier lieu une chose à vérifier. Il fallait savoir si le père d?Agnès était au courant du rapt de sa fille. Il téléphona chez lui, et apprit que la jeune fille était partie la veille pour aller passer 3 ou 4 jours chez une amie.
Jugeant inutile d?inquiéter le père, il raccrocha en pensant que désormais, tout le poids de cette affaire reposait sur lui. Il ne fallait pas qu?il commette d?erreur.
Comme il se sentait poisseux de transpiration, il décida de rentrer chez lui pour prendre une longue douche, avant de se rendre chez sa mère pour lui faire part de la situation. Il verra à ce moment, si elle continuait à tenir vraiment à ce Dufour, ou, si, consciente d?avoir été man?uvrée par lui, elle s?en était réellement détachée.
Lorsqu?elle vit son fils sur le pas de sa porte, Marthe le prit dans ses bras et l?embrassa affectueusement. Il était certain que sa période de réflexion était terminée, et qu?elle désirait vivement réintégrer sa famille, comme femme et comme mère.
Serge s?en montra très heureux, mais le problème nouveau qui se présentait, ne serait pas facile à régler.
Lorsqu?ils furent installés dans le salon, elle voulut informer son fils de sa décision de revenir, si toutefois Marc partageait son désir. Mais comme il ne pouvait pour l?instant se réjouir de cette décision, il lui raconta aussitôt le coup de fil qu?il venait de recevoir, et l?odieux marché qui était proposé.
Marthe murmura « Je n?en sortirai jamais » et elle se mit à pleurer.
Serge incita sa mère à reprendre son calme.
- Si nous voulons en sortir dans les meilleures conditions, lui dit-il, il faut que nous gardions notre sang froid.
Tout d?abord, savais-tu que Dufour était le chef d?une bande, et qu?il avait des séides tout dévoués ? Celui qui m?a téléphoné semblait être entièrement à ses ordres.
Elle répondit qu?elle ignorait beaucoup de choses au sujet de Denis, et bien entendu, elle ne s?était jamais posé la question de savoir s?il était chef de bande, quand ils vivaient ensemble. Mais qu?elle avait réfléchi, ces derniers temps, et qu?elle se souvenait de conversations que Dufour avait eues devant elle, avec des personnes auxquelles il donnait des ordres. Il était sans doute le chef d?un petit groupe d?hommes dévoués.
Ils discutèrent un long moment sur la conduite à tenir, et finalement, Serge résuma la situation.
- Agnès est entre leurs mains. Tu ne veux pas aller rejoindre la bande de Dufour jusqu?à sa libération. Je propose que tu viennes à la société demain après midi, vers 17 heures 30. Lorsque l?homme de main de Dufour téléphonera, je prendrai la communication puis je te le passerai pour que tu lui dises toi-même, qu?en aucun cas, tu n?accepteras de venir vivre avec lui, après sa libération. Je reprendrai l?appareil, pour lui dire qu?ils peuvent tous se tirer du mauvais pas où ils se sont mis. S?ils libèrent immédiatement Agnès, je m?engagerai au nom de tous, à ne pas déposer de plainte contre eux pour séquestration.
Sa mère ayant approuvé cette façon de procéder, ils se retrouvèrent le lendemain, à la société, dans le bureau de Serge
Il était un peu moins de 18 heures, lorsque l?homme téléphona.
- Alors ? Vous avez réfléchi, et vous avez fait le bon choix ?
- Il y a un problème que nous n?avions pas prévu, ni vous ni moi. Ma mère refuse absolument de vivre avec Dufour après sa libération.
- Tut,tut,tut ! Je ne suis pas un enfant de ch?ur, et c?est toi qui invente cela. Ils s?aiment beaucoup tout les deux, je le sais. Alors, ça ne prend pas.
- Puisque vous ne me croyez pas, je vais vous passer ma mère. Elle vous parlera librement, je vous le jure.
Marthe prit l?appareil et confirma ce que venait de dire son fils. Elle précisa bien qu?elle parlait en toute sincérité, sans aucune contrainte, qu?elle avait en effet aimé Denis, avant de le connaitre vraiment, mais maintenant qu?elle savait toutes les man?uvres frauduleuses qu?il avait accomplies, elle n?avait plus aucune estime, ni bien sûr de tendresse pour lui. Il n?était pas question, qu?elle aille vivre un jour chez lui.

Au bout du fil, l?homme un peu décontenancé, car pour lui, l?attachement de son patron et de madame Laviron ne faisait aucun doute, dit qu?il ne pouvait lui-même prendre de décision.
Serge qui avait repris l?appareil l?admit et lui donna 24 heures. Si, ce délai passé, il ne recevait pas de coup de fil, une plainte serait déposée pour kidnapping et séquestration, et les conséquences les plus graves pourraient en résulter pour tous, commanditaire et complices.
- OK. Je téléphonerai demain à 18 heures.
- Vous avez tout intérêt à ne pas continuer à séquestrer Agnès. Pensez à vous, car ce n?est pas Dufour, qui pourra vous sortir d?affaire. D?ailleurs, réfléchissez bien. Il est moins fort que vous ne le croyez, puisqu?il est en prison, et vous risquez simplement pour favoriser les amours de ce monsieur, dont vous n?avez personnellement rien à tirer, d?encourir de lourdes peines, Alors, je vous le répète, pensez un peu à vous, c?est votre intérêt..
Lorsqu?il eut raccroché, Serge dit à sa mère, que malgré ce qu?il venait de dire, ce Dufour était malheureusement assez fort, pour pouvoir continuer, du fond de sa prison, à diriger ses hommes, et communiquer facilement avec eux.
Cependant, il se félicita d?avoir suggéré à l?homme de penser à lui, car en continuant à défendre les intérêts personnels de Dufour, c?est lui qui risquait d?en subir les conséquences. Cela pouvait lui faire peur. En tous cas on pouvait l?espérer.
Bien entendu, Serge n?avait pas parlé à la maison, de l?enlèvement d?Agnès, et comme les 48 heures de réflexion que s?étaient données Marc et Marthe s?étaient écoulées, il amena sa mère dans sa voiture, à la maison.
Les réflexions de Marc l?avaient amené à la même conclusion que sa femme, et à la satisfaction de toute la famille, Marthe allait réintégrer le domicile conjugal.
Ce problème étant réglé, Serge estima qu?il pouvait maintenant parler du problème d?Agnès. La première réaction de Marc, à laquelle Serge ne s?attendait pas, c?était de demander avec anxiété à Marthe si ce rapt n?avait pas influé sur sa décision. Elle répondit par la négative, puisque sa décision de revenir était antérieure à sa connaissance de la séquestration d?Agnès.
Marc était d?avis de déposer une plainte immédiatement, avec l?accord du père d?Agnès, pour que la police se charge du problème. Serge s?y opposa formellement.
- C?est moi qui m?occupe de cette affaire depuis le début, et je veux continuer. S?il y a la moindre petite chance, d?arriver à la libération d?Agnès, rapidement et sans dommage pour la jeune fille, j?entends la saisir. Si j?échouais, il sera toujours temps, de passer la main aux autorités. Pour l?instant, le père d?Agnès croit sa fille chez une amie, et ne s?inquiète pas. S?il est possible qu?il apprenne en même temps son kidnapping et sa libération, ce serait mieux pour lui. Par ailleurs, en prévenant la police plus tard, il n?y a aucun risque de laisser Dufour s?enfuir : Il est en prison.

Peu à peu, même dans la société, Serge avait pris un poids prépondérant, et il fut décidé qu?il agirait à sa guise.
Pour la première fois depuis longtemps, au repas du soir, toute la famille était réunie, mais, malgré cette agréable nouveauté, l?ambiance restait lourde, car chacun pensait à la pauvre Agnès, prisonnière, alors qu?elle n?était en rien concernée, par les problèmes rencontrés par la famille Laviron.
Le lendemain, Serge alla normalement travailler à la société et sa mère lui dit qu?elle viendrait le rejoindre vers 17 heures 30, pour assister à la conversation, lorsque l?homme téléphonerait??s?il le faisait comme elle l?espérait.
A 1?heure prévue, l?homme téléphona.
- Ecoutez-moi bien, dit-il, car lorsque j?aurai fini de vous communiquer le message, je raccrocherai.
Monsieur Dufour maintient sa proposition, c'est-à-dire l?échange de Madame Laviron contre la fille. Venez demain matin à 10 heures au sommet de la colline de Crau. Si vous prévenez la police, la fille sera immédiatement exécutée.
Sans laisser le temps à Serge de discuter, il raccrocha. Il était évident que Dufour savait qu?une trop longue communication téléphonique, pouvait permettre de situer le lieu d?appel, et avait donné des consignes en conséquence.
Marthe ne savait que répéter : Le salaud, le salaud, le salaud ! Pendant que Serge, abattu, se demandait comment sortir de cette situation.
Arrivés à la maison, Marc, Marthe et Serge s?enfermèrent dans la chambre des parents pour tenir conseil.
Marc persistait à penser qu?il fallait prévenir la police, car eux même n?avaient aucun moyen de régler ce problème. Serge s?opposait de toutes ses forces à cette solution, qui risquait de condamner irrémédiablement Agnès. Marthe était restée silencieuse un long moment, puis elle finit par dire :
- Serge a raison. Nous n?avons pas le droit de laisser cette jeune fille courir de tels risques. Serge et moi, nous irons demain au rendez vous, et nous discuterons. Je pense, que de vive voix, nous avons des chances de trouver une solution. Ce qui est curieux, c?est que l?homme ne nie pas que Dufour soit derrière tout ça. Comme il est en prison, il sera facile, lorsque la police sera prévenue, d?instruire un nouveau procès pour, au minimum, rapt avec séquestration. Pourquoi a-t-il couru ce risque ?
- L?explication est peut être simple, dit Serge, c?est que l?homme en question, veut prendre une précaution. Si cela tourne mal, il pourra toujours dire que ce n?est pas lui l?instigateur, mais Dufour.
- L?explication est peut être encore plus simple continua Marc. Ces gens là, qui servent des patrons, ont une telle confiance dans le chef, qu?ils ont la certitude de la réussite de l?opération.
- Puisque vous faites un concours d?hypothèse, moi je dirai que tout simplement l?homme est un crétin, qui répète ce qui lui a été demandé de dire, mais pour le reste, ne réfléchit pas trop à ce qu?il dit.
- En toutes hypothèses, conclut Serge, ce problème est secondaire. Il faut qu?Agnès sorte indemne et c?est tout. Après, et pour le reste, la police fera sera son enquête.
La colline de Crau est, en fait, un tout petit coteau situé à environ 5 km du centre ville. Sa caractéristique, est son aspect presque entièrement dénudée, sauf au sommet où se trouvent deux ou trois chênes verts. Dans ces conditions, il est facile de voir ceux qui montent. Pour cela, il suffit de planquer 3 ou 4 hommes dans les petits bois au pied de la colline, et grâce aux portables, toutes présences suspectes peuvent être signalées au reste du groupe.
Serge se demandait si l?homme, ou l?un de ses complices monterait jusqu?aux arbres, seul, ou accompagné d?Agnès. Il passa une nouvelle nuit pénible.
Le lendemain, la journée s?annonçait moins chaude que ces derniers jours. L?air était léger, un petit vent rafraichissait l?atmosphère, et malgré la situation objectivement difficile, Serge se sentait relativement optimiste. Influence du temps ? Confiance en lui-même ? Il était persuadé que la matinée ne pouvait pas, mal se terminer.
Il partit avec sa mère à 9 heures 30, et en quelques minutes, se trouvèrent sur un petit chemin, au bas de la colline de Crau. Estimant qu?il ne fallait que 5 minutes pour monter à pied au sommet de la colline, ils durent attendre un quart d?heure dans la voiture, ce qui fut très énervant.
Quand ils descendirent du véhicule, une nouvelle fois, Serge demanda à sa mère de se montrer très persuasive, en répétant qu?en aucune façon elle ne désirait reprendre une vie commune avec Dufour, et que si un jour elle y était forcée, cela ne pourrait qu?accroitre la haine qu?elle ressentait pour lui.
- Il faut absolument, ajouta Serge, que le bonhomme sache que son patron n?a rien à gagner en insistant, et que lui, son porte parole, risquerait en revanche de gros ennuis, et ce, d?une façon certaine.
La mère et le fils s?embrassèrent longuement et affectueusement avant de se mettre en route.
Arrivés à une cinquantaine de mètres du bouquet d?arbre situé au sommet, Serge prit sa mère par le bras et ils s?arrêtèrent.
Serge cria
- Etes-vous là ?
- Bien sûr ! Vous allez être sage ?
- J?espère que c?est vous qui le serez ! Agnès est avec vous ?
- Elle est là.
- Demandez-lui de se faire voir.
Tout en la tenant par le bras, l?homme fit sortir Agnès de derrière le tronc d?un chêne. Elle avait les bras attachés derrière le dos.
- Comment allez-vous Agnès ?
- Je suis heureuse de vous voir.
Puis, après avoir tiré Agnès derrière l?arbre, l?homme dit :
- Assez de politesse. Madame Laviron va s?approcher seule, et lorsqu?elle sera là, je libérerai la fille. Comme vous l?avez vue, elle est intacte.
- Ecoutez-moi bien monsieur intervint Marthe. Non seulement je n?aime plus Dufour, mais je le déteste, pour tout le mal qu?il a fait à toute notre famille. Il ne peut rien attendre de moi, que du mépris. Alors, il faudrait que vous réfléchissiez et que vous pensiez un peu à vous. Pour l?instant, comme nous n?avons pas déposé plainte, vous ne risquez rien. Si vous libérez immédiatement Agnès, je vous donne ma parole d?honneur, que personne d?entre nous ne tentera de vous occasionner des ennuis. Les choses sont très simples, ne les compliquez pas pour vous. Votre patron est déjà en prison. Essayer de ne pas le rejoindre.
Après un petit silence, l?homme leur cria :
- Restez sur place. Attendez !
Serge et Marthe entendirent que l?homme parlait. Sans doute sollicitait-il des instructions. Cela paraissait impossible, pourtant, il semblait bien que Dufour pouvait diriger ses hommes par portable.
Quand l?homme cessa de parler, il leur cria de nouveau de rester sur place et d?attendre.
L?attente dura une éternité de plus de 10 minutes, puis ils entendirent parler de nouveau au téléphone, à la suite de cette conversation, il leur cria.
- Rien de changé. Monsieur Dufour sait que madame, vous êtes sous l?influence de votre famille. Mais il sait que vous l?aimez, et il veut vous délivrer.
- Me délivrer ? Mais vous êtes fou ! C?est Agnès qui est tenue prisonnière, ce n?est pas moi. Je hais Dufour, vous pouvez le lui dire.
- Dites ce que vous voulez, mais vous avez intérêt à venir me rejoindre, sinon, je vais devoir m?occuper de la petite.
Marthe dut retenir par le bras, Serge, qui furieux, voulait se précipiter vers les arbres, avec tous les risques que cela comportait.
- Ecoute, mon chéri, ne fais pas de bêtise. Je ne peux laisser cette petite, souffrir pour nous. Dis à papa que je l?aime très, très fort, comme vous trois, mes enfants. Vous allez maintenant pouvoir prévenir la police. Surtout ne bouge pas, attends Agnès.
Puis elle cria.
- Je viens. Quand je serai à 10 mètres de vous, vous libérerez Agnès et ensuite je vous rejoindrai.
Serge bouillait de rage, mais ne bougea pas. Marthe monta lentement et arrivée à proximité du premier arbre, elle demanda.
- Vous me voyez, je suis là. Déliez les mains de la petite et libérez là.
- O.K. Mais asseyez-vous. Je ne veux pas que vous ayez le temps de redescendre avec elle. Je vous l?amène et vous viendrez avec moi.
Quelques secondes plus tard, Agnès, les mains libres, se précipita vers Marthe, l?embrassa en la serrant dans ses bras, et lui dit de garder confiance en Serge.
L?homme, narquois, demanda d?activer les embrassades, et prit Marthe par le bras, pour rejoindre les arbres, tandis qu?Agnès courrait vers Serge et les jeunes gens s?embrassèrent.
Comme Serge voulait se précipiter vers le haut, Agnès lui dit que c?était inutile. Ils étaient venus à moto, par le chemin de l?autre côté de la colline, et il allait repartir de la même façon. En effet, on entendit aussitôt un moteur qui était mis en route, et Serge, impuissant se mis à pleurer.
- Je craque, excusez moi demanda Serge, et
Agnès pour toute réponse lui serra fortement le bras, puis ils descendirent vers l?automobile.




































CHAPITRE 4





Marc, de nouveau, était abattu. A peine venait-il de retrouver sa femme, avec laquelle un nouveau départ s?effectuait, qu?on la lui enlevait. Serge lui dit :
- Papa, il faut que tu soies digne de maman, de son courage. Il faut se battre, pour la récupérer, très vite. Comme elle me l?a conseillé, il faut maintenant aller prévenir la gendarmerie, et faire activer les choses.
Ils se rendirent à la gendarmerie, et racontèrent tout ce qui s?était passé, sans omettre le moindre détail. On savait qui était l?organisateur de toute l?opération, et comme il se trouvait encore en prison, il devrait être facile de le faire parler.
C?était un capitaine de gendarmerie qui fut chargé de l?enquête, et Serge parvint à obtenir son accord pour l?accompagner à la prison où se trouvait Dufour.
Ce dernier les accueillit très décontracté, et apparemment, sûr de lui.
Il ne nia pas aimer madame Laviron, mais il attendait sa libération pour recommencer une vie commune. En revanche, il nia toute intervention pour les captures successives d?Agnès et de Marthe. Une fouille minutieuse de sa cellule fut vaine. On ne trouva pas de portable. Comment pouvait-il correspondre avec ses hommes à l?extérieur ?
Serge émit l?hypothèse que Dufour pouvait avoir un portable et que durant les promenades collectives, il pouvait le confier à un autre détenu.
Le Directeur de la prison, estimait que cette hypothèse n?était pas entièrement impossible, mais hautement improbable, car toutes les cellules, sans exception, étaient régulièrement fouillées à fond.
Les gendarmes et Serge, sortirent bredouilles de la prison, et ils avaient quitté un Dufour narquois, ce qui avait mis Serge en fureur.
Une enquête fut lancée auprès de tous les habitants autour de la colline de la Crau, pour savoir s?ils avaient aperçu une moto montée par un homme et une passagère.
De son côté Serge réfléchissait, en partant d?une certitude. C?était bien Dufour, qui dirigeait toute l?affaire. Il suffirait de le tenir sous surveillance 24 heures sur 24 pour savoir, quand et comment, il pouvait communiquer avec l?extérieur.
Les autorités ne voulaient pas que Serge se charge de cette surveillance, mais, comme il avait sympathisé avec l?officier de gendarmerie, il obtint l?autorisation de s?installer, derrière la porte de cellule de Dufour, à son insu évidemment. La cellule voisine avait même était libérée, pour qu?il puisse s?y réfugier, quand Dufour sortirait pour les promenades, au cours desquels, il resterait constamment sous surveillance.
Serge avait amené un sac de couchage avec un petit matelas incorporé. Il l?installa à côté de la cellule de Dufour, en veillant à ce qu?il ne puisse être aperçu par le prisonnier, même s?il venait coller son ?il contre le judas de surveillance.
Serge s?allongeait sur son matelas, et toutes les dix minutes, venait voir par le judas ce que faisait Dufour. Cet homme semblait parfaitement serein. Il fumait beaucoup, lisait, couché sur son lit, ou écrivait, en réfléchissant longuement entre chaque phrase écrite. Entre ses moments de surveillance, Serge qui possédait un livre électronique contenant une centaine d?ouvrages, lisait distraitement, couché sur son sac de couchage.
A aucun moment, Dufour ne donna l?impression de communiquer avec qui que ce soit. Au moment de la promenade, Serge qui avait été prévenu, entra avec son couchage dans la cellule voisine, et il demanda qu?on vienne le prévenir quand la promenade serait terminée. Il profita de ce moment ou d?autres, dans la cour, prenaient le relai et ne perdaient pas de vue tous les gestes de Dufour, pour dormir un peu.
Le soir, Serge avait repris sa place à proximité de la porte de la cellule qu?il surveillait, et constata que Dufour se coucha de bonne heure et s?endormit assez tôt, vers 10 heures.
Serge avait du mal à rester éveillé, mais 2 ou 3 fois par heure, il allait vérifier par le judas que Dufour dormait toujours.
Il lisait machinalement un roman assez insipide, lorsque son attention fut attirée par une petite sonnerie. Il bondit vers le judas, et vit Dufour, assis sur son lit, qui arrêtait la sonnerie-réveil de sa montre. Il était une heure du matin. Maintenant bien réveillé, Serge suivait chaque mouvement du prisonnier, qui alla prendre son stylo bille et se dirigea vers les barreaux de sa fenêtre. Avec une lampe de poche, il éclairait un papier qu?il avait sans doute écrit dans la journée, et en le lisant, il se mit à taper sur les barreaux avec son stylo, des coups plus ou moins espacés.
C?était vraisemblablement du morse, mais malheureusement Serge ne connaissait pas ce langage. Impuissant, il ne pouvait que calculer le temps que dura le message.
Son travail terminé, Dufour jeta le papier qu?il venait de lire dans la cuvette des WC, tira la chasse d?eau et revint se coucher.
Serge, persuadé qu?il n?apprendrait pas autre chose, entra son sac de couchage dans la cellule voisine et s?endormit presqu?aussitôt.
Le lendemain, il fit part au capitaine de sa découverte, et il fut convenu que le lendemain, la garde se ferait à deux. A Serge, on allait adjoindre un gendarme qui connaissait parfaitement le morse, et devait apporter un magnétophone afin d?enregistrer le message et en garder une trace.
Du fait du partage de la tâche, la seconde nuit fut moins pénible pour Serge qui espérait pouvoir être témoin d?un nouveau message échangé avec l?extérieur.
Les deux guetteurs entendirent en même temps la petite sonnerie de la montre de Dufour. Il était une heure du matin, comme la veille. Le magnétophone fut mis en marche, tout contre le judas, pendant que le gendarme déchiffrait et écrivait le message qui était transmis.
Lorsque Dufour se fut recouché, le gendarme fit part à Serge du message passé.
« Transportez femme ferme Codavicci à Valréas. »
Serge faillit hurler de joie. Il savait désormais où allait se trouver sa mère, dont la délivrance n?était plus qu?une question de temps.
Lorsque le lendemain matin, les deux hommes se rendirent à la brigade de gendarmerie de Valréas, ils eurent facilement le renseignement. La ferme Codavicci se trouvait à l?extérieur de Valréas à environ 3 kilomètres. Elle était très isolée, habitée par un vieux couple de paysans à la retraite, qui continuaient, pour leur consommation personnelle à cultiver quelques légumes, à élever quelques poules, lapins, et tiraient du miel de 3 ou 4 ruches.
Ils étaient très sauvages, mais n?avaient jamais fait parler d?eux.
Il fut décidé qu?une surveillance discrète serait mise en place immédiatement sur les deux voies d?accès de la ferme Codavicci, afin de savoir quand madame Laviron y serait amenée.
Dans l?après midi l?arrivée d?une voiture à vitres opaques était signalée, dans la ferme surveillée, et le capitaine décida de ne procéder à l?investissement des lieux que durant la nuit, quand tout le monde dormirait.
Avec une sorte d?humour, il fixa l?heure de l?assaut à 1 heure du matin, heure à laquelle Dufour faisait ses vacations en morse.
C?est la gendarmerie seule, qui réalisa l?opération, pendant que Serge et Marc, autorisés à suivre l?évolution de loin, étaient restés dans un petit bois à 300 mètres de la ferme.
En fait, tout se passa avec une facilité déconcertante. Les deux propriétaires endormis dans leur chambre, furent arrêtés sans résistance. Un gardien n?était pas nécessaire, puisque Marthe dont les pieds et les mains étaient ligotés, se trouvait sur un lit, dans une chambre fermée à clé. Il fallut défoncer la porte, mais ce fut la seule difficulté. Cinq minutes plus tard, Marthe, pleurant de joie, Marc et Serge s?embrassaient.
Les Codavicci ne firent aucune difficulté pour donner le nom et l?adresse de l?homme qui était venu amener Marthe, et une heure plus tard, un dénommé Jacques Garange fut arrêté chez lui.
L?hypothèse envisagée par Serge se révéla exacte. Dufour avait réussi à se procurer un portable, mais se sachant particulièrement surveillé, il ne l?avait jamais dans sa cellule, et lors des promenades, c?était l?un ou l?autre des deux détenus complices, qui parvenait à planquer l?appareil. La nuit, Dufour envoyait ses messages par morse au possesseur du portable, qui ensuite les transmettait à Jacques Garange. Les réponses prenaient la même voie.





NOTE DE L?AUTEUR

J?avais l?intention d?écrire un épilogue. Et puis, j?ai pensé que ce serait inutile et presqu?offensant pour mes lecteurs, car la suite coulait de source.
Il était évident que Dufour, par sa récidive perdait le bénéfice du sursis de sa première condamnation. En y ajoutant les années qu?il allait écoper lors de son deuxième passage devant le tribunal, pour : tentatives de meurtre sur Agnès et monsieur Laviron, ainsi que séquestration de madame Laviron et d?Agnès, il devait espérer vivre très, très vieux pour espérer sortir encore en vie de la prison. Alors, puisque c?était évident, pourquoi le dire ?
Agnès, tout le long de ce récit a joué un peu le rôle de l?Arlésienne. On ne l?a pas beaucoup vue, mais elle avait eu, très souvent, une importance centrale, et la vérité était éclatante qu?avec Serge, tout ne pouvait se terminer que par un mariage.
Comme vous le constatez, la suite s?inscrivait dans un processus logique, et un épilogue aurait été superfétatoire.



FIN
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