Ecriture-Lecture




JE VAIS TUER MA FEMME



JE VAIS TUER MA FEMME














PREMIERE PARTIE





CHAPITRE 1


Le 7 Novembre

La plupart de ceux qui veulent raconter une circonstance extraordinaire de leur vie, ne la mettent par écrit qu?après qu?elle se soit produite. Cela parait évident, puisqu?il s?agit en général d?un évènement non prévu, survenu à l?improviste.
En ce qui me concerne, si j?ai décidé hier soir seulement d?écrire (alors que jusqu?à ce jour, je n?ai jamais rien écrit), cela fait trois jours que je pense à la réalisation du projet dont je veux raconter le déroulement.
Ce matin, donc, j?ai acheté un cahier banal, des pages reliées par un ressort métallique, et je vais écrire au jour le jour, mes pensées et les dispositions que je prendrai pour parvenir à réaliser mon projet.
Ce but, je n?ai aucune raison de le cacher, puisque c?est pour en suivre les étapes que je vais écrire. Je le révèle donc immédiatement :
Je vais tuer ma femme.
Mais, pour ma première journée d?écriture, c?est de moi que je vais parler. Pourquoi ? Parce que je l?avoue, j?espère être lu un jour. Pour être plus précis, je voudrais être édité. Et pour être encore plus précis, je voudrais être édité?? mais dans 10 ans seulement, après avoir tué ma femme, lorsque je serai à l?abri des poursuites, couvert par la prescription. Ah oui quand même !! Je ne suis pas totalement inconscient !
Je m?appelle Pierre Barège J?ai 32 ans. J?ai fait des études supérieures, je suis titulaire d?une maitrise de droit, et je suis chef de service dans une société de recouvrements.
Je me suis marié il y a cinq ans avec Arabelle. J?ai fait sa connaissance au cours d?une réception donnée par un cousin qui se fiançait. Ce cousin, plus intelligent que moi, n?a pas donné suite à ses fiançailles, et a préféré en fin de compte, rester célibataire. Pourquoi prendre une seule femme quand on peut facilement en avoir plusieurs, sans enfreindre la loi? Pourquoi s?emprisonner, se limiter ? Les Liens du mariage, cela veut bien dire quelque chose, non ? : Les liens !!!
Et pourtant, comme bien d?autres, je m?y suis laissé prendre.
Par souci d?objectivité, je dois dire qu?Arabelle est une très belle femme. Enfin, je trouve que c?est une très belle femme, parce qu?elle correspond, physiquement à tout ce que j?aime. Elle n?est pas très grande, blonde à cheveux longs, un visage régulier à pommettes hautes, et surtout un corps splendide comme je les préfère, avec une taille fine, bien marquée, entre une poitrine haute et ferme, et un bassin rond et lascif, des jambes aux cuisses un peu fortes, des bras aux mouvements gracieux?.
Bref, lorsque mon cousin est venu me la présenter, j?ai su tout de suite que ce serait ma femme, elle, et pas une autre.
Elle a eu le bon goût (Je suis très objectif avec elle) de me trouver au sien, et nous n?avons pas perdu de temps à nous fiancer. Nous nous sommes mariés 3 mois après avoir fait connaissance.
Je dois à la vérité de dire que pendant nos trois premières années de mariage, je n?ai songé qu?à profiter de son physique merveilleux, et j?étais fier de me promener avec Arabelle à mon bras. Nous faisions un couple assez remarquable, pourquoi ne pas le dire, car de mon côté, mon physique athlétique, et les traits virils de mon visage, m?avaient valu, un nombre appréciable de maitresses.
Donc durant 3 ans, je peux dire que j?ai été heureux, et je crois pouvoir prétendre qu?elle l?a été également.
Assez curieusement, le petit grain de sable est venu se glisser dans notre couple euphorique, lors d?une autre réception, donnée par le même cousin chez lequel nous nous étions connus.
Arabelle parlait, parlait, et contrairement à ce qui se passait habituellement, où je me laissais bercer par sa voix qui, je ne l?ai pas encore dit, était chaude, prenante, ce jour là, je me suis rendu compte qu?elle débitait soit des lieux communs ridicules, soit des inepties. Je me souviens très bien que cette révélation pour moi, provoqua un étonnement douloureux, comme si, ma femme s?était jusque là, toujours cachée derrière un rideau ( ce qui était faux, c?est moi qui ne voyais rien) et que brusquement le rideau s?étant déchiré, c?était une autre femme, la vraie, qui m?apparaissait.
Mais non, ne tirez pas de conclusions hâtives ! Ce n?est pas parce que ma femme se révélait idiote que j?ai pris la décision de la tuer. Je suis quand même sain d?esprit, (Vous me direz que ce sont les fous qui disent le plus souvent qu?ils ne le sont pas?), mais cette révélation s?est produite il y a deux ans, alors que ma décision de la tuer ne remonte qu?à deux jours. Il y a donc eu autre chose, mais un peu de patience, que diable !!! Je vais m?expliquer.
A partir de la révélation de la bêtise d?Arabelle, je pense qu?elle-même ne s?est pas rendue compte du changement qui s?était produit en moi. Son corps était toujours aussi merveilleux, et j?en profitais, à notre satisfaction réciproque. Seulement, lorsqu?il n?y a plus d?estime, l?amour ou même les sentiments affectueux ne peuvent survivre.
La seule petite différence qu?Arabelle a peut être remarqué, (Mais à vrai dire, je ne le crois pas, car elle manque trop de finesse pour cela) c?est que j?acceptais de moins en moins les invitations que nous recevions. J?avais trop honte des bêtises qu?elle débitait, avec une assurance qui la rendait encore plus ridicule. Autant, durant les trois premières années, j?étais fier de montrer que cette merveille était ma propriété, autant maintenant je ne tenais plus à ce que l?on sache que j?étais l?heureux imbécile de mari de cette femme tout aussi idiote.
Je n?écris pas pour donner une impression flatteuse de ma modeste personne, (la vérité se suffit à elle-même) mais je me fais un devoir d?être franc. Et la vérité, est que malgré l?absence de sentiments pour ma femme, je n?ai jamais eu une seule maitresse. Hé non ! Cela peut paraitre bizarre, mais je n?ai jamais été infidèle, ni même tenté de l?être. Je crois que j?en ai donné la raison : Sur le plan uniquement physique, elle me donnait grandement satisfaction. Par ailleurs, vexé de m?être trompé sur sa valeur intellectuelle, je n?étais pas pressé de tenter une autre expérience.
Encore une petite précision, qui a son importance. Nous vivons dans une maison qui vient de mes parents. La maison principale est confortable. Nous avons un terrain de plus de 5000 mètres carrés complanté en grande partie d?arbres fruitiers et, à l?arrière de la maison, nous avons un petit jardin potager. Près du portail d?entrée, subsiste (Je dis subsiste, parce qu?elle est très vieille) une petite maison de deux pièces, en assez mauvais état. Arabelle n?y met jamais les pieds, car je lui ai dit qu?elle était délabrée et dangereuse), ce qui d?ailleurs ne la prive pas, car en parlant de ce petit bâtiment, elle le nomme « ton écrin à poussière ».
Si je vous signale ce petit bâtiment, c?est parce que j?ai décidé d?en faire mon quartier général. J?ai demandé ce matin à notre femme de ménage Maria, de mettre un peu d?ordre dans l?une des pièces. C?est là que j?écrirai désormais, que j?écris en ce moment, et c?est dans l?autre pièce que je planquerai mon cahier sous une latte du parquet que je suis parvenu à soulever avec de grandes précautions. On ne voit pas du tout que cette latte est basculante, et j?ai la certitude que personne, et en particulier, ma femme, ne pourra jamais découvrir mon petit cahier. C?est indispensable car si elle avait connaissance de ce que je confie à ces pages, je me trouverais dans une situation hyper grave.
J?ai dit que ma décision de tuer ma femme, ne remonte qu?à deux jours. Je vais expliquer ce qui s?est passé avant hier. C?est quelque chose d?assez banal, mais lorsque j?y réfléchis, je crois que c?est ma réaction qui ne l?est peut être pas. Cependant je suis comme je suis, et ne me soucie pas de changer.

C?était un samedi matin. Je ne travaillais pas, et lisais mon journal dans le salon. Je crois qu?Arabelle faisait sa toilette dans la salle de bains.
Je fus arraché à ma lecture par une sonnerie. Il faut dire qu?Arabelle aime bien les sonneries. Il y en a pas mal dans la maison : la porte d?entrée et le réveil, bien sûr, mais aussi le téléphone fixe, le four normal, le four à microondes, plusieurs minuteurs qu?elle utilise pour tout et pour rien. Même sa montre de poignet sonne toutes les heures.
Je m?interrogeais donc sur l?origine de cette sonnerie, lorsque je m?aperçus qu?il s?agissait de celle d?un portable (Ce n?était pas le mien), qui trainait sur la table. Par extraordinaire, Arabelle l?avait laissé là.
Je pris le téléphone et constatais que l?appel provenait de Claude. Je ne connais pas de Claude. J?ai aussitôt pensé qu?il s?agissait sans doute d?une copine de ma femme et j?ai porté l?appareil à mon oreille. C?est avec une immense surprise que j?entendis une voix, incontestablement mâle, dire :
« Ma chérie, j?ai pu me libérer, Jean, mon adjoint, me remplacera à la réunion. Nous pouvons donc nous voir dans notre petit nid habituel à partir de 16 heures. Tu es contente ? Je t?aime, à tout à l?heure. Tu m?aimes ? »
Malgré le coup que je venais de prendre sur la tête, j?eus la présence d?esprit d?éloigner l?appareil de moi, et en le laissant tomber par terre, de murmurer de ma voix la plus haut perchée; « Oui, Oh zut » !
Et l?appareil en tombant par terre sembla se casser, car il n?y avait plus de lumière.

Je commençais par me demander si le dénommé Claude avait été abusé par ma petite astuce, mais très vite, j?ai réalisé que ce problème était secondaire. Donc, ma femme avait un amant. Et tout de suite, j?ai su que c?était pour moi intolérable, au sens strict du mot. Je ne pouvais pas tolérer qu?Arabelle ait osé me tromper. Il ne s?agissait pas d?une atteinte aux sentiments, amour, ou tendresse, puisque je ne ressentais plus aucun de ces sentiments pour ma femme. Mais elle est juridiquement ma femme, et mon amour propre était profondément blessé. La vengeance la plus extrême, seule pouvait m?apporter un apaisement. La solution m?apparut, claire, unique : Ce crime contre moi (car c?en était un ! Si elle ne m?avait pas tué, c?était tout comme) ne pouvait être vengée que par sa mort.
Depuis deux jours, pas une seule seconde, je n?ai douté qu?en effet cette punition était la seule qui soit au niveau de son abominable forfait. Pas de problème de ce côté-là. Le seul problème, mais j?avoue qu?il est de taille, est dans la réalisation. Ce sera de mettre au point un assassinat, à la suite duquel je ne pourrai en aucun cas être mis en cause. Il ne manquerait plus que ça, qu?après avoir été ridicoculisé, je sois envoyé, moi, en prison !!! Je n?avais pas le droit de rater mon coup !
Il y a deux jours, donc, après avoir ramassé le portable hors de service, je le posais sur la table, et suis allé m?asseoir dans mon fauteuil, en faisant semblant de lire mon journal. En fait, je commençais à réfléchir à la forme que devrait avoir le décès de ma femme. Une chose était certaine : Il fallait qu?elle se voie mourir, qu?elle sache pourquoi elle avait été condamnée, et je voulais qu?elle n?ignore pas que c?était moi, le Justicier.
Sa toilette terminée, Arabelle est entrée dans le salon. Elle parut surprise de voir son portable sur la table, mais elle le prit et l?empocha sans faire de réflexion. Elle sortit de la pièce et revint peu après pour me demander si par hasard, je n?avais pas laissé tomber son téléphone qui ne marchait plus. Avec ma voix la plus naturelle, je lui ai répondu, en sortant mon propre portable et le lui faisant voir :
- Mais ma chérie, pourquoi veux-tu que je me serve de ton portable ? J?ai le mien. Tes piles sont peut être à plat ?
- C?est possible, je vais le recharger.
Dans la journée, un peu plus tard, elle me dit que son appareil était vraiment cassé, et nous en sommes restés là.
Depuis deux jours, je scrute le visage d?Arabelle, pour essayer de savoir si elle sait que j?avais répondu sur son portable. Car enfin, si son Claude lui a parlé de son coup de fil avorté, elle ne pourra, malgré son peu d?intelligence, que faire le rapprochement avec son portable abimé.
Rien. Elle est comme d?habitude. Et cela ne fait qu?accroitre ma rage. Car si Arabelle est comme d?habitude, c?est que cela doit faire un bon moment qu?elle me trompe?Elle n?est peut-être pas très intelligente, mais elle a une capacité remarquable, pour cacher ses sentiments.
J?ai eu toutes les peines du monde à ne pas faire justice immédiatement. Heureusement, mon instinct de conservation veille toujours. Tuer ma femme serait facile, mais le travail de la police pour trouver l?assassin, le serait également. Alors, pas de précipitation.































CHAPITRE 2




LE 9 Novembre


Je sais maintenant, après moult réflexions qu?il est facile de dire : je vais tuer ma femme, mais pour le réaliser en mettant sur pied un crime parfait c?est tout autre chose.
Il faut en premier lieu tenir compte de la réaction des membres de l?entourage, qui n?ont que rarement un rôle passif, et, surtout, des impondérables que par définition, l?on ne peut prévoir ni maitriser.
Ainsi, je n?ai encore rien fait qui puisse faire penser à Arabelle que mes intentions à son égard, ne sont pas des plus agréables. Pourtant, elle a déjà la puce à l?oreille. Du moins, j?ai des raisons de le penser.
Tout à l?heure, alors qu?elle revenait de faire des courses (C?est en tous cas ce qu?elle m?a dit, mais je n?ai plus aucune confiance en elle), après avoir déposé ses paquets à la cuisine, elle est venue me rejoindre au salon, s?est installée sur le canapé, et tout en lissant d?une main machinale sa robe sur ses cuisses, elle me dit :
- Pierre, il faut que je te parle
Aussitôt sur mes gardes, je quittais mes lunettes de lecture, et la regardant en face, je lui répondis :
- Je t?écoute.
- Je suis désolée, car je vais te faire du mal, mais tu sais que je suis franche. C?est difficile à dire, aussi vais-je le faire brutalement. Voilà?. J?ai rencontré un autre homme dont je suis amoureuse.
Je suis certain, que d?elle-même, elle n?aurait pas pensé me faire un tel aveu. C?est certainement son Claude qui a du lui dire : « Puisqu?il est au courant, mieux vaut prendre les devants, et il ne pourra pas te taxer de mensonge. Tu ne le trompes pas, puisque tu le lui dis. »
J?avoue avoir été pris de court. Je ne pensais pas qu?elle se découvrirait si tôt. Je parvins cependant à lui dire :
- Es-tu en train de me dire que tu es attirée par un autre homme, ou m?annonces-tu que tu es déjà sa maitresse ?
On n?avait certainement pas dû lui souffler ce qu?elle devait répondre à cette question, car, c?est elle, cette fois, qui était prise de court. Comme elle ne parvenait pas à me donner une réponse ; j?insistais :
- Pourquoi hésites-tu ? Ma question est pourtant simple, et tu m?as dit être franche : Es-tu la maitresse de cet homme ?
D?une voix faible elle murmura : Oui.
Respirant profondément à plusieurs reprises pour récupérer ma voix normale, je lui ai dit.
- J?espère que tu te rends compte de l?importance, de la gravité de ton aveu. J?enregistre ce fait. Dis-moi maintenant ce que sont tes intentions.


Elle me dit qu?elle voulait surtout me prévenir, parce qu?elle était franche (Et allez !!!Une nouvelle couche !! Elle le dit trop pour l?être réellement) Mais qu?elle ne savait pas ce qu?elle devait faire.
Fort habilement (Ce qui me fait penser que c?est son matou qui le lui avait conseillé) d?un ton humble, elle me dit :
- Cela dépend en grande partie de toi.
- Moi ? Tu as un sacré culot !! Tu viens me révéler : » Je te fais cocu » et tu pousses l?inconscience jusqu?à me demander ce que j?en pense !! Tu espères peut être que je vais te répondre : « Mais ma chérie, ce n?est pas grave, merci pour ta franchise, mais je ne veux pas le savoir, continuons comme avant » C?est cela que tu attends de moi ? Hé bien tu vas être déçue. Ce que tu viens de m?apprendre est grave, extrêmement grave, et comme je viens de prendre seulement connaissance de ton infidélité, il faut que je réfléchisse à cette nouvelle situation.
Je me suis levé, suis sorti de la maison, et me voici dans ma petite pièce consacrée à la rédaction de mon carnet.
Je suis bien embêté. Les choses ne se présentent pas exactement comme je l?espérais. Je ne dois pas laisser voir combien mon amour propre est profondément atteint, car cela ferait de moi le probable meurtrier. Il faut au contraire que je parvienne à feindre une certaine indifférence, afin que la jalousie ne puisse paraitre comme étant un mobile possible de la mort de ma femme.
Je me sens en danger, comme si j?avais déjà accompli mon acte meurtrier. A la réflexion, c?est un peu normal, puisque d?une façon ou d?une autre, je ne pourrai pas faire autrement que de la tuer, ce n?est qu?un problème de temps. Je ne changerai pas d?avis. Mais, je dois l?avouer, je ne suis pas en état en ce moment, de trouver les mots nécessaires. Donc, la meilleure solution est de prendre un peu de temps, de lui dire que j?ai besoin de réfléchir, de faire un examen complet de la situation, et que, dans quarante huit heures, je lui ferai part de mes intentions. Je vais ranger mon cahier sous la latte de plancher et je vais lui dire ce que je viens de décider.






Le 10 Novembre

Quand je suis revenu à la maison, hier soir, Arabelle était en pleurs. Allons bon ! A cela non plus, je ne m?attendais pas. Elle ne va pourtant pas avoir le culot de me dire qu?elle m?aime ?
- Je te le dis franchement, Arabelle, je ne suis pas en état de prendre une décision aujourd?hui. Il faut que je réfléchisse, et dans 48 heures, je te ferai part du résultat de mes cogitations. Tes larmes sont superflues, car d?une part, c?est toi qui a créé cette situation et par ailleurs, il faut bien l?avouer, ce qui nous arrive, est malheureusement assez banal.
Donc sèche tes yeux, ne parlons de rien durant deux jours, et nous aurons une discussion sérieuse après-demain. A une exception près, continuons à vivre normalement. L?exception est que provisoirement au moins, je vais coucher dans la chambre d?ami. Je ne pourrai pas supporter la présence dans mon lit, à mes côtés, d?un corps qui s?était donné à un autre.
Elle sortit en me disant à travers ses larmes, qu?elle allait préparer la chambre d?amis.
Ma décision de la tuer n?était évidemment pas remise en cause. Pourtant, je dois dire, que bêtement, j?ai été remué en la voyant pleurer. C?était d?autant plus idiot que si normalement l?un de nous devait pleurer, ce serait plutôt moi, non ?
Pourquoi pleurnichait-elle ? J?ai essayé de réfléchir à diverses explications, et je suis arrivé à la conclusion que j?étais idiot de me tarabuster l?esprit avec ça. Les femmes en général et la mienne en particulier, n?ont pas besoin de raison particulière pour pleurer, sinon, dans le cas d?espèce, pour cacher son sentiment de culpabilité, derrière un rideau apparent de tristesse.

Abandonnant ce problème secondaire, j?en suis revenu à l?essentiel. Je commençais à penser que mon intention de la faire mourir, tout en lui faisant savoir que c?était bien moi qui me vengeais, serait très difficile pour ne pas dire impossible à réaliser. Pour qu?elle sache, en mourant que j?étais son bourreau, il faudrait que je me trouve prêt d?elle, or, cela rendrait plus difficile ma défense. Non. Il fallait au contraire qu?au moment de sa mort, je me trouve très éloignée d?elle, avec un bon alibi indestructible.
En conséquence, pas d?arme à feu qui nécessite une proximité. Heureusement, il y a de nombreuses façons de tuer : Accidents provoqués, empoisonnements sous diverses formes, meurtres camouflés en suicide?.
Ce qui serait vraiment très satisfaisant pour moi, ce serait de tuer ma femme, et de faire en sorte que j?accumule des preuves pour que ce soit son amant qui soit inculpé et condamné.
Oui. Ce serait chouette. Une vengeance complète en somme. Faire d?une pierre deux coups.
« Faire d?une pierre deux coups ? Tiens, tiens ! Une petite idée commençait à germer dans mon esprit, générée par le mot « pierre ».
Oui, je commençais à avoir une petite idée sur la façon de procéder. Bien sûr, je vais devoir examiner tous les détails, éliminer toutes les causes de contre temps, et surtout, surtout, bien doser les preuves, c?est très important. Il me semble en effet que dans ce genre de crime, ce qui fait trouver le vrai coupable, c?est lorsqu?il n?a pas su restreindre le nombre de preuves. S?il y a trop d?éléments qui incriminent un présumé coupable, la police a la puce à l?oreille et finit par découvrir le pot aux roses. Les enquêteurs partent toujours du principe qu?un meurtrier ne peut être complètement idiot, et s?il y a trop de preuves à l?encontre d?un présumé coupable, ils subodorent la machination. Il faut donc de la mesure, quand on sème des indices..
Même dans les moments les plus dramatiques, il y a toujours des instants bizarres. Mon but est évidemment de tuer ma femme. Or, pour l?instant, ma préoccupation première, est devenue de faire accuser l?amant de ma femme, de son meurtre. Pour cela, il était évident que je devais en premier lieu faire sa connaissance. Il faut quand même au minimum connaitre un bonhomme, quand on veut l?entrainer dans une souricière. Or je ne sais rien de ce Claude. Ni son âge, ni sa profession, ni son caractère. Cela va m?être pénible, car, lorsqu?il sera devant moi, je devrai me maitriser pour ne pas sauter à la gorge de celui qui a piétiné mon honneur, et m?a rendu ridicule, mais il faudra absolument que j?y parvienne. Il en va de ma sécurité.







































CHAPITRE 3





LE 11 NOVEMBRE

Il fait nuit, et je suis venu me réfugier dans mon P.C. pour raconter sur le papier, la journée qui vient de s?écouler.
Bien sûr, l?ambiance entre ma femme et moi est assez froide, mais nous avions tacitement décidé d?attendre le soir pour nous expliquer, et nous échangions des paroles banales. Pour réduire la durée de ces moments j?ai proposé à Arabelle de regarder avec moi à la télévision, le reportage sur les manifestations de la commémoration de la fin de la grande guerre. Cela nous permit de regarder et d?écouter, sans avoir à parler.
Puis nous sommes passés et à table. A la fin du repas, je lui dis mon intention d?aller faire un tour en voiture, et qu?à mon retour, nous parlerions sérieusement.
Je suis rentré vers 18 heures. Arabelle avait les yeux cernés, j?ai bien vu qu?elle avait encore pleuré, et que ses mains tremblaient. Ce n?était qu?un début, mais ma vengeance avait donc bien commencé.
Nous nous sommes installés dans le salon, et m?efforçant de parler posément, je pris la parole le premier.
- Je voudrais que cette discussion se déroule calmement. Nous sommes des gens adultes, et nous devons raisonner en personnes responsables.
Nous sommes mariés depuis 5 ans. En ce qui me concerne, je pensais que notre vie commune se déroulait normalement et, pour ma part, j?en étais satisfait.
Il semble que de ton côté, le problème soit un peu plus compliqué. Tu n?étais pas heureuse dans notre couple, puisque tu as éprouvé le besoin d?aller chercher un autre homme.
Comme c?est toi qui as rompu le bon fonctionnement de notre ménage, il t?appartient de me dire, pourquoi tu n?étais pas satisfaite, et je voudrais également que tu me parles de Claude, que tu me dises ce qu?il t?apporte, lui, et que je ne te donne pas. Je t?écoute.
Arabelle, tassée sur elle-même ; restait silencieuse, et je dus la relancer.
- Je t?ai dit que nous devions parler calmement. Alors parle sans crainte, je ne te mangerai pas. Il faut seulement que tu répondes franchement à mes questions, afin que la situation soit claire.
Après un long soupir, et avoir réprimé un sanglot, elle finit par parler.
- Je te demande de me croire : Je ne sais pas quoi te répondre ! Tu m?as demandé ce qui ne me satisfaisait pas dans notre couple. Je n?en sais rien. Je n?avais pas à me plaindre de notre vie.
Il y a à peu près trois mois, lorsque nous sommes allés chez les Martin, pour le baptême de leur bébé, je ne sais si tu t?en souviens, nous avons dansé après le repas. Un homme est venu m?inviter à danser. C?était Claude Garat. Nous avons du faire trois ou quatre danses ensemble. T?en souviens-tu ?
- Pas du tout. Mais continue.
- Claude Garat est un homme ?..plein de charme, cultivé, très bien élevé, et qui m?a dit beaucoup apprécier ma conversation (excuse- moi de te le dire, mais tu m?as prié d?être franche). Il m?a demandé le numéro de mon portable, je le lui ai donné, sans penser à mal, je te jure, et je te demande de me croire, je ne croyais pas avoir l?occasion de le revoir.
Le lendemain, il m?a téléphoné, et m?a invitée à prendre un pot pour continuer nos discussions. J?ai un peu hésité, et puis, je me suis dit qu?il n?y avait aucun mal à prendre un verre ensemble. Par la suite, nous nous sommes vus plusieurs fois. Il me disait chaque fois, plein de choses agréables sur mon physique, sur ma conversation qu?il trouvait intéressante ??Et voilà.
- Ta conclusion est un peu rapide : Et voilà ! Voilà quoi ? Quand es-tu devenue sa maitresse ? Il a bien du parler de lui et je suppose que vous aviez du faire des projets ensemble. Je t?écoute.
- Il avait été marié durant trois ans. Il a divorcé il y a deux ans, parce que?.sa femme avait un amant, m?a-t-il dit. Quand aux projets, je ne sais pas s?il en avait, mais il ne m?en a jamais parlé, et moi, je n?en avais pas. Je t?aime mon chéri, et jamais je ne te quitterai. Je dois avouer que Claude était charmant avec moi, il me faisait toujours des compliments, je trouvais ça très agréable, je ne réfléchissais pas plus loin, j?étais heureuse entre vous deux.
Je dus faire un énorme effort sur moi pour ne pas laisser éclater ma rage. Aussi ai-je du attendre un bon moment, et faire comme si je réfléchissais, afin de reprendre la parole le plus calmement possible.
- En fait, cette situation te semblait idéale, et tu aurais aimé que les choses se perpétuent, c?est bien ça ?
- C'est-à-dire?que, oui, j?étais bien comme ça. Je t?aime, je continuais à vivre avec toi, et Claude me disait des mots gentils que j?aimais bien. C?était agréable.
- En somme, tu aimerais que j?accepte de continuer comme ça ?

- Ben?Moi, je ne sais pas. Je sens bien que ce n?est pas à moi de prendre une décision. D?ailleurs, je n?ai pas les idées claires. Je ne sais pas ce qu?il faut faire. La seule chose que je voudrais surtout, c?est de ne pas te perdre. Oui, c?est cela l?important pour moi : je veux continuer à vivre avec toi.
C?est à ce moment là que mes dernières décisions se confirmèrent. Certes, je continuais à penser que, seule la mort de ma femme pourrait laver mon honneur, mais il m?apparut indispensable de me venger également de ce Claude, qui se permettait de coucher avec ma femme, et de lui dire des inepties, comme le charme de sa conversation, alors que c?était manifestement faux.
J?avais déjà pensé à le faire accuser du meurtre de ma femme, et j?étais désormais certain que je devais me concentrer sur son cas. Ma femme est trop bête pour prendre des initiatives, et il en a profité, pour, avec de belles paroles, l?amener dans son lit. Oui. Lui aussi devait payer, en premier lieu si possible, et pour cela, il fallait que je le connaisse. D?ailleurs, en le frappant le premier, je faisais souffrir ma femme, qui sentira peut être, qu?elle sera ma prochaine victime. Ce sera très dur pour elle. Elle le mérite.
Je dis donc à Arabelle.
- Notre problème concerne 3 personnes. Il est donc logique que nous nous réunissions tous les trois, pour en parler. Demande-lui de venir Samedi après midi, vers 17 heures. Tu prépareras des rafraichissements, mais sans mettre les petits plats dans les grands. Ce n?est pas une réunion amicale et conviviale, mais nous devons nous réunir pour trouver, si possible d?un commun accord, la façon la plus élégante de sortir de la situation dans laquelle toi et ton amant vous nous avez mis.
Je dois dire que ma femme ne comprenait pas l?intérêt de cette réunion à trois, et persistait à penser que la solution devait être trouvée entre elle et moi.
Je finis par lui faire admettre que pour trouver une solution qui tienne la route, il fallait réunir les trois protagonistes. Elle finit par céder, et la rencontre a été fixée chez nous dans deux jours, dans l?après midi.
J?ai donc deux jours pour réfléchir à ce que je vais dire.








Le 13 Novembre.

Il est 14 heures. Je vais écrire quelques lignes pour rapporter les résultats de mes cogitations depuis le 11 Novembre.
Tout à l?heure, l?amant de ma femme va arriver, et ce soir, je reprendrai la plume pour faire un compte rendu de sa visite.
J?avais mis à profit les deux jours qui nous séparaient de la visite de Claude, pour mettre au point mon projet.
Je savais que j?allais encore devoir faire un énorme effort sur moi même, pour recevoir l?amant de ma femme, d?une façon décontractée, presque détachée (Mais pas trop quand même). Je leur dirai qu?il est difficile de commander aux sentiments, et que si, bien sûr, j?étais très malheureux, je parvenais tout de même à comprendre que s?ils étaient attirés l?un vers l?autre, ils ne pouvaient rien faire pour qu?il en soit autrement. Je leur dirai que si je m?efforce à me montrer compréhensif, je leur demandais en retour, de ne pas rompre brutalement avec moi. Je leur proposerai, le week-end prochain, dans une semaine, d?aller faire une ballade ensemble, par exemple dans ce que l?on appelle ici « le petit canyon ». C?est une petite rivière qui coule entre deux rives très encaissées, ou l?on rencontre de nombreux oiseaux dans un paysage sauvage et pittoresque. Après cette journée passée ensemble, s?ils le désirent, je disparaitrai de leur vie.
Je suis allé en repérage sur les lieux ce matin, et j?ai établi mon plan. J?irai dans la semaine au petit Canyon, et je repèrerai sur les rives hautes, des rochers moyens, assez gros pour faire des dégâts, mais maniables par un homme seul. Muni d?une barre métallique, j?installerai deux de ces rochers en équilibre instable, en les calant avec des cailloux..
J?ai toujours aimé la photographie. Ma femme ne trouvera pas anormal que j?emmène mon appareil lors de notre randonnée. J?ai d?ailleurs dit que dans ce coin, il y avait des oiseaux et des fleurs magnifiques assez rares. Lors de notre promenade, à un endroit précis que j?avais déjà repéré, je m?arrêterai pour examiner de près avec une loupe, une fleur des champs, et je leur conseillerai d?aller s?asseoir et m?attendre en un lieu particulier que je leur indiquerai. En effet, un peu plus loin, il y a un petit carré d?herbe, unique dans un environnement essentiellement caillouteux. Je leur conseillerai d?aller m?attendre en s?étendant sur l?herbe, pendant que je ferai quelques photos. Puis, lorsqu?ils auront disparu de ma vue, je courrai pour faire un détour, et monter jusqu?au lieu en hauteur où j?aurais préparé mes rochers.
Après m?être assuré qu?ils se trouvent bien juste au dessous de moi, assis ou allongés sur le carré d?herbe, je débloquerai les deux rochers qui dévaleront et tomberont sur eux. Il y a peu de chance qu?ils puissent en réchapper, mais si l?un n?était que blessé, je pourrais l?achever avec des pierres que j?avais accumulées à proximité. Deux ou trois traumatismes de plus ne transformeront pas un accident en meurtre décelable.
Toute notre expédition se déroulera à pied, mais le matin même, j?aurais amené et camouflé mon véhicule à proximité du piège, pour pouvoir me rendre immédiatement dans un bar, dans lequel je connais quelques habitués, qui pourront attester de ma présence dans le bar, au moment où ma femme et son amant auront eu un accident idiot.
J?ai prévu, dans le bar, de prendre un air abattu et d?expliquer à deux ou trois habitués des lieux, que j?ai des soupçons sur la fidélité de ma femme.
Bien sûr, ce plan n?est pas parfait, au regard de mon désir d?origine, car ils ne sauront jamais que c?est moi qui suis à l?origine de leur trépas. Sauf si j?ai le temps de le dire au survivant, avant de le terminer à coups de cailloux. A vrai dire, j?espère ne pas avoir à en venir là, car, enfin, je ne suis tout de même pas un sauvage, et lapider à mort une personne blessée ne doit pas être très facile. Cependant, mon but principal sera atteint : Ils auront payé tout les deux. S?ils ne savent pas que je suis le vengeur, après tout, ce n?est pas primordial.

Il m?arrive de temps en temps de me dire que je projette un double meurtre, et que je ne ressens aucune culpabilité. Pour être tout à fait franc, cela me gêne bien un peu, mais tellement peu que je me demande, si ma réaction est normale. Ne suis-je pas un monstre ? Car enfin, tous les jours, il y a des gens qui apprennent qu?ils sont cocus, et il n?y a pas des meurtres tous les jours pour cette raison Je suis arrivé à la conclusion rassurante, et valorisante, que la raison est des plus simples : Les autres n?ont tout simplement pas mon courage pour passer à l?action. Ils aimeraient, comme moi, se faire justice, mais ils n?ont pas le cran nécessaire.
Je vais remettre mon cahier dans sa cachette, et je le reprendrai ce soir après notre petite réunion.



LE 14 Novembre 21 heures

Navrant !
Que ma femme, Arabelle, ait pu préférer ce Claude, ce petit galopin, insignifiant, bellâtre, à son mari, qui, sans prétention aucune, est tout de même d?une autre trempe, d?une autre classe, cela dépasse l?entendement.
Quand il est arrivé, j?ai d?abord cru qu?Arabelle voulait me faire une farce. Ce ne pouvait être lui son amant ! Je ne sais pas quel âge il a exactement, mais j?ai pensé être en face d?un adolescent boutonneux, timide jusqu?au ridicule, incapable de prononcer une phrase entière sans buter sur un mot.
Et Arabelle qui le regardait comme s?il était l?une des merveilles du monde?..
J?avais fortement envisagé de les tuer tous les deux. Maintenant, je ne vois pas comment, il pourrait en être autrement. J?ai vraiment la certitude que je ne ressentirai aucun remords.
Notre entrevue n?a pas été très longue. Je me suis montré le plus aimable possible. Ma seule crainte était de me montrer trop détaché. Je me suis efforcé de prendre leur liaison comme un fait ennuyeux pour moi, mais pas dramatique. Il a voulu s?excuser, et je lui ai coupé la parole, en lui disant que chaque jour des couples se défont et que ce sont les couples qui durent toute la vie qui sont exceptionnels.
Il a semble soulagé par la façon dont je prenais les choses. Il a du craindre, en venant chez moi, que je lui casse la figure, ou que je lui interdise désormais tout contact avec Arabelle. C?est vrai qu?il a l?air accroché, ce crétin. Quand je pense que la vie de ces deux là est entre mes mains, j?ai un sentiment de puissance qui vient en partie soulager ma profonde blessure d?amour propre.


J?ai donc joué le rôle de l?homme sage, au grand c?ur, comprenant toutes les faiblesses humaines, et si je n?éprouve aucun remords à la pensée que je vais les supprimer, je crois que de leur côté, ils sont très gênés par le mauvais tour qu?ils me jouent.
Dans ces conditions, je pense qu?ils ont bien compris l?un et l?autre, mon désir de faire ensemble une petite promenade à trois, avant de les laisser en tête à tête, et de me retirer seul avec dignité. Et s?ils ne l?ont pas vraiment compris, ils n?eurent pas le courage, en tous cas, de refuser ma demande. Ils me devaient bien ça !!
Nous avons donc pris rendez-vous pour le Dimanche suivant, dans la matinée, pour partir d?ici à pied.
( A suivre)


CHAPITRE 4






LE 18 NOVEMBRE

Voilà. Tout est prêt. J?ai réalisé tout ce que j?avais prévu. A une petite différence près. J?ai finalement pensé qu?il serait mieux de disposer trois petits rochers au lieu de deux.
Il fallait absolument qu?ils soient tués sur le coup, car je veux bien l?avouer, si je dois les finir en les lapidant, ce serait très pénible pour moi.
J?ai travaillé très consciencieusement. Une simple chiquenaude suffira, le moment venu, pour faire dévaler mes trois rochers, et mécaniquement, les deux amoureux ne pourront pas échapper à l?écrasement. Du haut, je pourrai aisément voir le résultat de mon piège, et il me faudra, en courant une minute 20 secondes pour rejoindre mon véhicule, puis 6 minutes pour arriver au bar. J?ai tout chronométré.
Mais, il me vient une idée. Ce qui prouve qu?il n?est pas inutile d?écrire. Je viens de penser que l?heure exacte de la mort pourrait être déterminée par une montre brisée sous le choc. Aïe ! Sur la montre de Claude, je ne pouvais rien, en revanche, Arabelle ayant deux montres, je vais pouvoir m?en sortir.
Au lieu de fuir après avoir constaté du haut de la falaise que mes deux victimes seront bien mortes, il faudra que je descende et que je change la montre au poignet d?Arabelle en la cassant après avoir avancé l?heure d?un quart d?heure. Mon arrivée au bar, sera ainsi antérieure à leur mort supposée.
Si j?en ai le courage et la possibilité, je pourrais peut être faire avancer aussi la montre de Claude, mais je ne veux pas rester trop longtemps sur les lieux. Si je ne le peux pas, il y aura au moins un doute sur l?heure réelle de « l?accident ».

Ici, les choses se passent normalement. Bien sûr, Arabelle et moi faisons toujours chambre à part, mais lorsque nous sommes ensemble, durant les repas par exemple, nous discutons comme de vieux amis.
J?avoue que cela me pose toujours un problème. Je vais la tuer, et je suis parfaitement naturel avec elle. Je me demande si je suis un monstre. Pourtant, en réfléchissant, chaque fois, je me réponds par la négative. Je ne peux culpabiliser, alors que c?est elle qui a osé me tromper. Si elle n?avait pas accompli cet acte abominable, jamais l?idée de la supprimer ne me serait venue à l?esprit
Bien sûr, lorsque je ne suis pas là, j?ignore si elle va retrouver son complice Claude. Mais je dois dire, que moi présent à la maison, elle ne sort jamais. Elle a un minimum d?éducation. Ce qui me déculpabilise de m?être marié avec elle. Tout n?était pas mauvais en elle. Je ne suis pas entièrement responsable d?un mauvais choix. Que je prenne le problème par un bout ou un autre, je n?ai vraiment rien à me reprocher.
J?ai pris une autre décision. Oh, ce n?est qu?un détail, mais j?y tiens. La veille de la journée qui lui sera fatale, j?irai lui faire l?amour. Elle ne pourra pas me le refuser, et quand elle mourra, je pourrai me dire que j?aurais été le dernier homme qui l?aura possédée. Cela fait partie de ma vengeance. Quel pauvre type que ce Claude !!!




DIMANCHE 22 NOVEMBRE.

C?est le grand jour. Ce matin, je me suis réveillé en pleine forme. Hier soir j?avais demandé à Arabelle si je pouvais, pour la dernière fois, la rejoindre dans notre chambre.
- Tu comprends, lui ai-je dit, demain, nos deux vies se sépareront. Tu suivras ton chemin avec Claude, et moi, je partirai de mon côté.
Elle s?est mise à pleurer, et entre deux sanglots, elle est parvenue à me dire qu?elle ne voulait pas de notre séparation, qu?elle m?aimait toujours, et que, si je l?exigeais, elle ne reverrait plus Claude.
- Non, lui ai-je répondu. Quand le vin est tiré, il faut le boire. La faute que tu as commise à mon égard, ne peut s?effacer. Il faut savoir tourner une page. Nous allons écrire une dernière ligne ensemble cette nuit, puis chacun ira vers son destin.
Je dois dire que notre dernière nuit fut assez extraordinaire, je peux même dire unique. Nous avions elle et moi, pour des raisons différentes, des dispositions d?esprit assez favorables à des prouesses amoureuses exceptionnelles. Les malheurs exacerbent les sens
Durant notre petit déjeuner pris en commun, nous étions finalement d?assez bonne humeur. Pour moi, c?était normal, puisque j?allais réaliser mon plan. Quand à elle, je suppose qu?elle s?est prise à espérer qu?après notre nuit sublime, j?allais abandonner l?idée d?une séparation. Elle me connait bien mal, la pauvre !
J?ai prétexté la nécessité d?aller m?acheter un paquet de cigarettes (Que par prudence, j?avais acheté la veille. Ne négliger aucun détail !!) pour aller mettre ma voiture dans un fourré, à proximité du lieu de « l?accident ».
Je suis revenu à la maison, en attendant l?arrivée de Claude. Il avait toujours l?air gêné, emprunté, quel crétin ce type !! Il n?avait vraiment rien à faire sur terre. J?allais accomplir une ?uvre pie !
Nous sommes partis à pied tous les trois. J?étais en verve. Pour les mettre en confiance, j?ai surtout parlé de photographie, des oiseaux et des fleurs merveilleuses dans le microclimat du « Petit Canyon »
Arabelle ne manquait pas une occasion de dire à Claude, combien j?avais le sens artistique, j?étais un observateur assez extraordinaire, et je faisais des photos d?art. Et l?autre acquiesçait bêtement alors qu?il n?avait vu aucune de mes ?uvres.
J?avais remarqué un tapis de fleurs diverses à une cinquantaine de mètres avant la petite plaque de gazon qui se trouvait juste après un virage sur la gauche.
Comme je l?avais décidé, je leur ai conseillé d?aller m?attendre et se reposer sur une petite plaque de gazon, un peu plus loin, pendant que je faisais des photos de ces fleurs magnifiques.
Dès qu?ils eurent disparus après le virage, je me suis précipité sur le petit sentier qui menait en haut de la falaise, et en me penchant avec précautions, j?eus le plaisir de constater, qu?ils se trouvaient bien là. Lui, couché dans l?herbe, et elle, debout devant lui, juste au dessous de l?endroit où j?avais préparé mes rochers prêts à dévaler la pente.
On a beau se préparer mentalement depuis de nombreux jours à cette action, j?avais le c?ur qui battait très fort. Je respirais profondément plusieurs fois, et, faisant bonne mesure, je poussais violemment les trois rochers en un temps record, presque simultanément.
J?entendis un cri de frayeur auquel un profond silence lui succéda. C?était Arabelle qui avait crié, et cela me fit froid dans le dos, preuve que je ne suis pas dépourvu de sentiment.
Mais enfin, justice était faite. Je descendis aussitôt en courant vers le chemin, et j?arrivais très vite sur les lieux du drame. Là, une énorme surprise m?attendait. Pour Claude, la question était réglée et bien réglée. Son crâne avait éclaté sous le choc d?un rocher, la cage thoracique était écrasée et sans doute les membres avaient du subir pas mal de dégâts, mais je ne m?attardais pas à le contempler.
Arabelle était de l?autre côté du chemin, roulée en boule, mais bien vivante. Elle gémissait doucement, et je me baissais pour ramasser un gros caillou afin de la terminer.
A ce moment-là, elle leva les yeux sur moi, et murmura : C?est terrible ! Moi, j?ai pu éviter les rochers, pas lui.
En entendant sa voix, je n?ai pu me servir de mon caillou que je laissais tomber derrière moi, et vint vers elle.
-Es-tu blessée ?
- Je ne crois pas, mais c?est horrible ! Je ne sais pas comment je m?en suis tirée. Je ne comprends pas ce qui est arrivé.

Elle ne me répondit pas, se remit à gémir et finit par murmurer :
- Je dois avoir le bras cassé.
J?ai examiné son bras droit et put juger qu?en effet, elle devait avoir une fracture du bras droit.
Après l?avoir aidée à se relever, j?ai pensé que mon problème, puisque je n?avais pas pu la tuer, était maintenant d?essayer de m?en sortir. Pour cela, il m?a semblé habile de soutenir qu?il s?agissait certainement d?un attentat. Le prétendre aussitôt, pensais-je, devrait me dédouaner. Si j?avais été le coupable, j?aurais soutenu qu?il s?agissait d?un accident.
Je fus très prévenant auprès de ma femme. Je lui dis qu?il n?y avait plus rien à faire pour Claude, et que nous devions d?une part faire soigner ses blessures à elle, et ensuite prévenir les gendarmes, pour qu?ils viennent prendre le corps de Claude, et faire une enquête. J?insistais lourdement sur mon espoir que le ou les coupables de cet acte ignoble soient vite retrouvés et punis comme ils le méritaient.
Arabelle marchait difficilement, et il était évident qu?elle ne pourrait rentrer à la maison à pied. Après quelques secondes de réflexion, je pris la décision de prendre ma voiture qui se trouvait à proximité, me réservant de trouver plus tard une explication à ce qui paraitra comme une anomalie.

Je voulais aller à la clinique en premier, y laisser Arabelle, et aller voir les gendarmes ensuite. Ma femme me dit qu?elle ne souffrait pas beaucoup, et qu?il valait mieux aller chez les gendarmes d?abord, pour qu?ils aillent chercher le corps de Claude le plus vite possible, et puissent commencer immédiatement leur enquête
Je n?étais pas en état de la contredire, et je fis comme elle le désirait, et lorsque le chef de la Brigade lui demanda si elle était en état de relater les évènements survenus, elle répondit par l?affirmative.
Je crus alors que tout était fichu pour moi, et c?est avec surprise que j?entendis sa déposition.
- Nous avions décidé, mon mari, moi, et notre ami Claude, de nous rendre au « Petit canyon », où mon mari, féru de photos pourrait profiter des fleurs magnifiques de cet endroit, pour tirer quelques clichés.
Nous sommes partis en voiture, et nous avons laissé la voiture à proximité de notre but. Claude marchait devant, mon mari s?attardait pour prendre ses photos, et moi, je marchais entre les deux.
Après un tournant sur la gauche, je vis que Claude, profitant d?un carré d?herbes, s?était allongé en nous attendant. Je vins près de lui, et mon mari était à une dizaine de mètres derrière moi, lorsque j?entendis un grand bruit, et je vis des blocs de pierre dévaler la pente, et écraser Claude. Un bloc venait sur moi, je fis un bond de côté mais je ne pus l?éviter complètement et il vint me heurter le bras droit. Mon mari est venu à mon secours, nous sommes revenus à la voiture, pour venir directement ici. »
Durant toute sa déposition, Arabelle ne cessa de pleurer, avec une recrudescence de larmes, lorsqu?elle a parlé de l?écrasement de Claude. Quand à moi, j?étais bien trop ahuri par la déposition d?Arabelle, pour pouvoir dire autre chose que :
- Je confirme le récit de ma femme.
Mais je ne comprenais pas. Pourquoi, Arabelle faisait-elle une déposition qui me blanchissait entièrement ? Elle prétendait que nous étions partis en automobile, puis qu?au moment des chutes de rochers, j?étais juste derrière elle. Ce ne pouvait être le fait du traumatisme psychique qu?elle avait subi, car, malgré ses pleurs elle s?était exprimée d?une façon cohérente. C?est donc délibérément qu?elle me sauvait la mise, alors que tout, démontrait que c?était moi qui avais voulu les tuer. Peut être avait-elle craint que je veuille plus tard reprendre ma tentative qui cette fois n?avait réussi qu?à moitié ? En me sauvant, elle espérait sans doute s?attirer ma reconnaissance ? Enfin, ce n?est une hypothèse.
Pour l?instant, je ne peux que me féliciter de l?initiative qu?elle avait prise. Même si je sens qu?il ne s?agit pour moi que d?une rémission. Elle doit savoir que j?ai tué son amant. Elle n?est pas très intelligente, mais quand même?..
Nous sommes rentrés à la maison, sans prononcer un mot. D?ailleurs, elle était très occupée à pleurer, sans doute sur le sort de son amant.
Comme elle ne semblait pas en état de préparer un repas, je lui ai proposé de l?emmener au restaurant. Elle m?a remercié gentiment, mais, elle était désolée, elle n?avait pas faim.
Je me suis demandé un moment ce que je devais faire, puis je me suis décidé à aller seul déjeuner dans un petit restaurant à côté de chez nous.
Lorsque je suis revenu, ne la voyant dans aucune pièce, je suis allé doucement dans sa chambre. Elle dormait, et je me suis retiré sans la réveiller.
Je faisais des mots croisés dans le salon, lorsque vers 17 heures, elle est venue me rejoindre. Je pensais qu?elle allait me parler du drame de la matinée, mais à mon grand étonnement, durant deux heures, nous avons parlé de choses insignifiantes. Elle parlait de façon très sensée, et je me demandais comment interpréter cette curieuse attitude.
J?avais pourtant besoin de savoir le fond de sa pensée, et c?est moi, qui en définitive ai mis la question sur le tapis.
- Je comprends parfaitement que les évènements de ce matin, puissent t?avoir traumatisée d?une façon brutale. Si tu penses que cela pourrait t?apporter un apaisement, tu peux m?en parler.
Elle me regarda longuement, des larmes se mirent à couler sur son visage et elle finit par me dire :
- Je pense qu?il serait bien que nous n?en parlions pas.
Elle avait prononcé cette phrase d?une voix douce, sans aucune acrimonie, et à ma grande surprise, j?eus envie de la prendre dans mes bras.
Ce matin, je voulais la tuer. Maintenant, je voudrais lui faire un câlin. Je ne dois pas être tout à fait normal. Je ne comprenais pas l?attitude d?Arabelle dans sa déposition auprès des gendarmes, je ne comprenais pas ma propre attitude, il n?y a pas de doute, je ne tourne pas rond. Si j?ajoute à ces incompréhensions, le fait que ce matin, j?ai tué un homme, et que je ne ressente absolument aucune culpabilité, tout cela m?amène à la conclusion qu?effectivement je souffre de troubles du comportement.
Un besoin d?être réconforté m?a fait dire à Arabelle :
- Un homme a été tué ce matin, toi-même a été blessée, et à quelques mètres près, j?aurais pu également faire partie des victimes, or dans mon esprit, tout se passe comme si ces évènements étaient irréels. C?est un peu curieux, non ?
- Tu n?as jamais été en danger, de plus, si tu veux que je te plaigne, ne m?en demande quand même pas trop.
- Je ne te demande pas de me plaindre, mais de me dire si tu me crois dans un état normal.
- Je n?en sais rien. Je ne suis pas psychiatre, me répondit-elle en se levant et en sortant de la pièce.

Je n?étais pas très avancé, ni sur mon propre état, ni sur ce qu?elle pensait réellement.












































CHAPITRE 5






MERCREDI 23 Novembre

Cela fait trois jours que nous sommes partis en promenade au petit Canyon, à trois, et que nous sommes revenus à deux.
Heureusement, grâce à mon travail, je suis assez peu souvent à la maison. Je m?arrange d?ailleurs pour rentrer plus tardivement.
Je n?arrive toujours pas à comprendre l?attitude d?Arabelle. Elle ne peut pas ignorer que j?ai voulu la tuer. Or, lorsque nous nous voyons le soir, elle ne semble avoir aucune animosité à mon égard. Peut-être est-elle encore plus bête que je ne le pensais ? Pourtant, curieusement, en parlant de choses et d?autres, il me semble que ses propos sont au contraire plus sensés qu?auparavant. En tous cas, cela me met mal à l?aise.
Je me doutais un peu que la même phrase, pouvait avoir des sens différents selon l?intonation. Je viens d?en avoir la confirmation au cours du dîner de ce soir.
Lorsque quelqu?un vous dit : « L?enterrement aura lieu demain à 14 heures » il parait évident, au premier abord, que l?on a voulu vous donner un renseignement, et c?est tout.
Pourtant, lorsqu?Arabelle m?a dit au cours du repas « L?enterrement aura lieu demain à 14 heures », il y avait beaucoup plus qu?un renseignement dans cette petite phrase. Il y avait une mise en garde. C?est comme si elle avait ajouté : « C?était mon amant, mais tu ferais bien d?assister à la cérémonie, sinon?. »
Sinon, quoi ? Je n?en sais rien. Mais ce qui est certain, c?est que j?avais intérêt à venir à l?enterrement, même si cela devait être désagréable. Je suis certain de cette interprétation, même si je ne comprenais toujours pas le motif de cette exigence.
J?irai donc à l?enterrement de Claude.



JEUDI 24 NOVEMBRE

Nous sommes donc allés, Arabelle et moi, aux funérailles de Claude. Au moment de partir de la maison, elle m?a remis un papier plié en quatre, et m?a dit :
« Je pense qu?il serait bien que tu prononces quelques mots au cimetière. Tu n?auras qu?à lire ce que j?ai écrit. J?ai obtenu l?accord du curé pour que tu prononces ce petit laïus juste après la mise en terre ».
Comme je commençais à déplier le papier pour lire son contenu, Arabelle, posant sa main sur les miennes, me dit : « Inutile que tu le lises auparavant, tu le liras devant la tombe de Claude »
Elle avait prononcé ces quelques mots sur un ton de froide menace qui me glaça les sangs. Je ne reconnaissais plus ma femme?Et je ne me reconnaissais pas non plus, car jusqu?alors, c?était toujours moi qui avais le privilège de donner des ordres.
Durant le trajet jusqu?à l?église, puis ensuite jusqu?au cimetière, un tas d?idées se bousculaient dans mon crâne. Que contenait ce billet que je serrais dans ma main sans pouvoir l?ouvrir ? Une autoaccusation du meurtre de Claude ? Je décidais de parcourir rapidement le billet avant de le lire, et s?il était susceptible de me compromettre je prononcerais quelques mots qu?il est d?usage de dire en pareille circonstance, en faisant semblant de lire mon papier.
Lorsque le cercueil fut mis en terre, le curé me fit un signe de tête. C?était à moi de parler. La température était relativement fraiche en ce mois de Novembre, mais je transpirais, et mon c?ur battait à tout rompre.
Je fis quelques pas en avant, jusqu?au bord de la fosse, et j?ai déplié le papier. Le texte n?était pas très long, mais je n?eus pas le temps d?en connaitre le contenu avant de le lire, car je sentais que tout le monde attendait et me regardait. Je le lus lentement pour avoir le temps de le modifier in extrémis s?il paraissait me condamner.

Claude, mon ami, mon frère,

En présence de ton père et de ta mère, c?est pourtant moi qui vais prononcer ces quelques mots, au moment où tu viens de nous quitter. D?autres que moi ont connu et apprécié l?homme intelligent, intègre et bon que tu étais. Mais nul autre que moi n?a été aussi proche de toi.
C?est une main malveillante, criminelle, j?en ai la conviction qui a mis fin à ta jeune vie.
Devant ton cercueil, je fais le serment solennel de faire tous mes efforts pour trouver, et livrer à la justice, l?être malfaisant qui s?est arrogé le droit de disposer de ta vie.
Je jure que ce crime abominable ne restera pas impuni.
Adieu, Claude.

Après ces quelques mots, je me suis reculé pour venir me replacer auprès d?Arabelle, qui s?est penchée vers moi, pour me dire. « Souviens-toi. Tu as juré »
C?était comme si elle m?avait dit, explicitement : C?est toi qui l?a tué. Tu as juré, donc tu dois aller te dénoncer.

A la sortie du cimetière, le chef de la brigade de gendarmerie, vint vers moi, me prit par le bras pour m?amener en dehors du groupe, et me fit remarquer :
- Pourquoi avez-vous dit que c?était un assassinat ? Nous allions classer cette affaire, comme étant un simple accident. Il y a déjà eu des éboulements à cet endroit. Si vous avez des éléments, vous êtes dans l?obligation de nous les fournir.
- Chef, je n?ai aucun élément concret, mais c?est une intime conviction.
- Vous n?aviez pas à énoncer une intime conviction en public, en étant aussi affirmatif. Je vous somme de nous dire tout ce que vous savez. En premier lieu, je voudrais que vous me disiez à quel titre vous avez prononcé cet éloge funèbre. D?après notre petite enquête, vous ne connaissiez pas tellement celui que vous avez appelé « Mon ami, mon frère ». C?est très curieux.
J?eus du mal à m?en tirer. Je dis au chef de la gendarmerie, qu?il n?y avait pas très longtemps que je connaissais Claude, mais que nous avions rapidement sympathisé et que nous nous connaissions bien.
- En tous cas, me répondit-il, après votre déclaration publique, je ne peux classer ce dossier et je vais reprendre mon enquête. N?oubliez pas que si vous détenez le moindre renseignement, vous devez me les communiquer.
Lorsque nous nous sommes quittés, je savais pourquoi Arabelle m?avait fait lire cet éloge funèbre. Cette femme, que je croyais idiote, est en fait une énigme, beaucoup plus complexe que je ne le supposais.
Nous avions été plusieurs fois interrogés par les gendarmes et la dernière fois, ils nous avaient dit qu?ils allaient classer le dossier, car il leur paraissait évident qu?il s?agissait d?un accident dû à un éboulement naturel. Or, Arabelle ne voulait pas que le dossier soit classé, et par un raffinement dont je ne l?aurais pas cru capable, elle a fait que ce soit moi, l?assassin qui rende impossible le classement de cette affaire. Je commençais par avoir vraiment la frousse. Non, décidemment Arabelle n?était pas la jolie femme bébête, et soumise à ma volonté que je croyais. Ou, peut être ne l?était-elle plus, car l?amour qu?elle avait ressenti pour Claude avait réveillé son intelligence. A cette pensée, la peur fit place à la fureur. Ainsi elle avait aimé cet homme plus que moi. Au moment où je trace ces lignes, je regrette amèrement de ne pas l?avoir achevée à coups de cailloux. Aujourd?hui, je serais veuf, l?affaire serait classée, et je serais tranquille et vengé.



Jeudi 1er Décembre

Je sors de l?hôpital. Je m?en tire bien.
Dans la nuit d?avant-hier à hier, nous avons eu une véritable tempête. La pluie tombait drue, et surtout le vent soufflait à plus de 150 kilomètres par heure.
Quelques tuiles de notre toit ont été déplacées, et nous avons eu des gouttières qui se sont formées dans la maison.
En fin de matinée, je suis allé acheter quelques tuiles pour remplacer celles qui étaient cassées, et j?ai dit à Arabelle (Nos rapports sont toujours aussi « neutres » ) que j?effectuerai la réparation dans la soirée, en revenant de mon travail.
Vers 18 heures je suis allé chercher ma grande échelle dans la grange, et je l?ai placée contre le mur, afin de pouvoir monter sur le toit.
J?étais arrivé à l?avant dernier échelon, lorsque le barreau céda brusquement sous mon poids, et je fis une chute de plus de 5 mètres. Je ressentis une violente douleur au bras droit. Alertée par mes cris, Arabelle est sortie de la maison. Arrivée près de moi, elle me demanda où je souffrais. Je lui répondis que je devais avoir le bras droit cassé. D?une voix calme et impersonnelle, elle me dit que j?avais eu beaucoup de chance de ne pas avoir eu de blessures plus sérieuses, puis, sans ajouter un mot, elle sortit la voiture pour m?emmener à l?hôpital. Après radio et pose d?un plâtre, j?ai passé la nuit à l?hôpital et j?ai pu sortir au début de l?après midi.
L?échelle était restée en place. Avec moult précautions, je suis monté jusqu?au barreau cassé, j?ai pu constater qu?il avait été scié. Arabelle n?avait même pas essayé de camoufler son sabotage.
Devant cette froide détermination de me faire payer mon acte à l?encontre de Claude, je ne sais que faire.
La preuve de l?attentat contre moi, l?échelle avec son barreau scié, étant toujours là, devais-je appeler les gendarmes pour qu?ils constatent le sabotage ? Ce fut mon premier mouvement, mais je risquais de mettre la puce à l?oreille des enquêteurs qui ne manqueraient pas de trouver curieux cet attentat succédant à un accident qui en conséquence pourrait ne pas en être un.
Décidemment, nous formions Arabelle et moi, un couple de rêve. J?ai tué son amant, tenté de la tuer, et elle de son côté a tenté de me tuer. Si l?on tient absolument à trouver un aspect positif aux évènements qui viennent de se succéder, on peut considérer que j?ai eu raison de commencer un cahier pour noter tous les faits me concernant. Je comptais me borner à raconter comment j?allais tuer ma femme, mais l?homme propose et le destin dispose. Cela risque de faire un beau tirage?.dans une dizaine d?années.
Et maintenant ?
Maintenant, il y a plusieurs solutions.
Je pourrais avoir avec Arabelle une explication franche (Franche, dans la mesure du possible) au cours de laquelle chacun dirait ce qu?il recherche. En principe ce serait bien, mais pour ne parler que de moi, j?ignore, totalement, je ne sais plus, quel but je poursuis.
L?autre solution consisterait à proposer à Arabelle un divorce rapide par consentement mutuel, afin que chacun donne à sa vie, la direction qu?il désire.
Finalement, je suis arrivé à la conclusion que cette dernière solution est la plus facile pour mettre fin à mes craintes et mes doutes. Je vais donc la proposer.
Je suis entré dans le salon, où Arabelle debout, rangeait un livre dans la bibliothèque. Lorsqu?elle s?est retournée vers moi, et que nous sommes retrouvés face à face, chacun ayant le bras droit dans le plâtre, nous n?avons pu nous empêcher d?avoir un fou rire nerveux. Pourtant la situation ne s?y prêtait guère, mais bon?
Lorsque j?ai pu reprendre mon sérieux, je lui ai proposé de nous asseoir, ce que nous avons fait, et puisque j?avais pris l?initiative de notre discussion, je commençais :
- Nous formons un couple curieux. Nous faisons chambre à part, nous avons chacun le bras droit dans le plâtre, et nous avons traversé ces temps derniers de curieuses péripéties. Je n?ai pas l?intention d?entreprendre une longue discussion sur ces dernières. Je me pose, et je te pose la question. Ne serait-il pas préférable que nous envisagions un divorce à l?amiable ?
Arabelle resta un long moment sans parler. La tête rejetée en arrière, sur le dossier du fauteuil, ses yeux qui ne cillaient pas étaient fixés sur un point du plafond, et je dois dire en toute honnêteté qu?elle était magnifique, sa plastique irréprochable.
Enfin, elle baissa les yeux pour les fixer dans les miens.
- Nous avons chacun un bras dans le plâtre. Le destin a voulu nous mettre à égalité. Je ne comprends pas pourquoi, mais, bon. Cependant, Claude est mort. Or, il était mon amant, et l?égalité est rompue. Tu voudrais divorcer pour échapper à tes responsabilités. Je trouve que ce serait injuste.
-
Son raisonnement était des plus curieux. Si j?avais bien compris ce qu?elle venait de dire, c?est qu?il fallait un mort de plus de mon côté, pour rétablir l?équilibre. Autrement dit : Elle préférerait être veuve que divorcée comme je le lui proposais.
C?est ce que je lui dis :
- Si je ne fais pas erreur, tu viens de me dire que tu as droit à un mort. Comme ce mort ne peut être que moi, tu préfèrerais être veuve que divorcée ?
- Mon pauvre Pierre !! Tu as fait tant d?erreurs à mon sujet !!! Pour quelqu?un qui se croit intelligent !! Tu as toujours pensé que j?étais sotte, et tu avais honte de moi, au point de ne plus vouloir sortir en ma compagnie. Si j?étais vraiment sotte, je ne m?en serais pas aperçue. Or, je m?en suis rendu compte immédiatement.
Je vais t?apporter une preuve que je ne suis pas aussi nulle que tu ne le crois. Figure-toi que j?ai commencé, il y a deux ans à écrire un livre. Je ne t?en avais jamais parlé. Un comité de lecture d?une maison d?édition importante l?a accepté à compte d?éditeur, et je t?en donnerai tout à l?heure un exemplaire. Je ne suis peut être pas très intelligente, mais certainement au moins autant que toi.
Tu n?as pas eu le courage d?aborder nos problèmes au fond. Moi, je vais le faire.
Lorsque tu as su que j?avais un amant, ce ne sont pas tes sentiments pour moi qui ont été atteints. C?est seulement ton amour propre, parce que tu as un ego surdimensionné. Si j?ai pris un amant, ce n?est pas parce que je l?aimais : c?était un pauvre type. Mais du moins il m?admirait et ne le cachait pas. J?ai essayé d?obtenir quelques bribes de bonheur.

Je me suis douté très vite que tu préparais quelque chose contre nous. Cette histoire de promenade à trois était cousue de fil blanc. Je savais qu?elle faisait partie de ton plan de vengeance. Lorsque tu nous as conseillé d?aller t?attendre en allant nous reposer sur le carré de verdure, j?ai compris ce que tu voulais faire. J?ai laissé Claude se coucher sur l?herbe, mais j?ai fait en sorte de me tenir à l?écart, pour ne pas subir son sort.
Je n?étais pas certaine que tu irais jusqu?à tuer Claude, et j?ai laissé faire, parce que je pensais que tu voulais surtout lui faire peur. Je ne pensais pas que tu avais l?étoffe d?un criminel. J?avais tort.
Tu as du te demander pourquoi devant les gendarmes, j?ai fait une fausse déclaration pour te sauver la mise. J?ignorais auparavant que je vivais avec un criminel, et j?ai eu peur, je l?avoue que tu ne te venges sur moi, si je disais la vérité aux gendarmes. D?ailleurs, dire aux autorités que tu t?étais attardé pour prendre des photos n?aurait pas été suffisant pour faire de toi le coupable. Enfin, il y avait une autre raison. S?il y avait un problème, c?était entre toi et moi. Il aurait été trop facile, et à mes propres yeux peu glorieux, de laisser la Société et ses représentants, gendarmes et juges, se charger de ma vengeance. Car je voulais, je veux toujours, que tu payes pour ton crime. Je ne sais toujours pas comment, mais je parviendrai à te faire reconnaitre comme responsable de la mort de Claude.

Tu es lâche. Tu as préféré tenter de prendre la fuite en me demandant de divorcer. Je ne suis pas d?accord.. C?est trop simple. Moi aussi j?ai mon amour propre. J?ai souffert d?avoir été considérée comme une idiote, et je ne veux pas que notre histoire se termine en queue de poisson. Ai-je été claire ?
- Très claire. Je reconnais à retardement que je t?avais méjugée. Et alors ? Quels sont tes intentions ? Nous nous tuons mutuellement ou nous nous suicidons chacun de notre côté ?
- Pour l?instant, je te propose un pacte de non agression pendant 2 mois. Ce délai écoulé, nous nous ferons part de nos conclusions respectives, et nous déciderons.
- D?accord pour le pacte de non agression. Je m?engage à ne rien tenter contre toi. Je t?en donne ma parole d?honneur, tu peux être tranquille.
- Que vous êtes bêtes les hommes avec vos grands mots !! Ta parole d?honneur ! Et un serment sur ta tête aussi peut être ? C?est idiot. Nous sommes d?accord pour ce pacte, et cela suffit !
- « Bête » « idiot », en utilisant ces mots, je constate que mon jugement sur toi, dans le temps, t?a fait souffrir. Il n?était pas fondé et je m?en excuse de nouveau.
- Arrête de ramper, de t?excuser ! Ne parlons plus de tout cela. Vivons normalement?Enfin, vivons comme ces dernier temps, mais en réfléchissant uniquement à ce que nous désirons pour la suite.
Nous avons diné puis, assis côte à côte sur le canapé, comme un couple très uni, nous avons regardé un film à la télévision, après quoi, avant de regagner ma chambre, je suis venu écrire ce compte rendu de la main gauche. En cette occasion je me suis rendu compte que j?étais presque ambidextre
( A suivre



qu?Arabelle est amorale, et moi immoral.
Ce que j?écris est de l?eau de rose, je le sais, mais cela ne me gêne pas, car cela me permet de m?évader de ces murs gris et tristes qui me confinent dans un espace restreint et m?isolent de la vie réelle. Et puis cela me repose, plutôt que d?écrire ma vie réelle, qui, elle, ne regorge pas de beautés et de bons sentiments.
Pour en revenir à mes projets d?après ma levée d?écrou, je vais jouer sur plusieurs tableaux.
Je contacterai des éditeurs, en leur proposant mon roman, qui aura l?originalité d?avoir été écrit en prison. J?indiquerai également que je possède également un autre écrit qui raconte la préparation de mon crime, et ce qui s?en est suivi. Les mémoires d?un meurtrier, cela doit intéresser les éditeurs, qui pourraient faire de la pub sur cette histoire réelle et sanglante qui est susceptible de plaire aux lecteurs, non ?
Enfin, j?ai bien le droit de rêver. Surtout en prison, sinon, il ne me resterait plus qu?à me supprimer d?une façon ou d?une autre.
Comme je ne suis pas trop naïf (Enfin, dans ce domaine) je ne me berce pas trop d?illusion quand même, et parallèlement à mes contacts avec des éditeurs, je passerai des annonces sollicitant un poste dans le domaine juridique qui est le mien. Je ne cacherai pas que je sors de prison. Mieux vaut dès le départ sélectionner les employeurs qui ne reculeront pas devant mon lourd passé.
Je viens de parler de ce que je ferai sur le plan professionnel.
Et sur le plan privé ? C?est beaucoup moins clair dans mon esprit. Une chose est certaine, j?aime toujours Arabelle. Je ne reviens pas sur son physique qui me rend fou. Ce qui m?avait éloigné d?elle c?est que je la croyais bête au-delà de toute expression. En fait, d?une part elle est intelligente, et d?autre part elle est surtout différente de tous les êtres humains que j?aie eu l?occasion de rencontrer, ce qui lui donne un charme supplémentaire. Bien sûr, aux dernières nouvelles, elle vit toujours avec Yves, dans ma propre maison de surcroit, mais je compte beaucoup sur la comparaison qu?elle sera amenée à faire entre un homme, (dont elle se sera un peu lassée, j?espère, avec le temps) assez semblable aux autres, et moi, qui tout de même suis d?une autre trempe, mon passé étant là pour le prouver. Je suis spécial, elle est spéciale, nous sommes faits pour nous entendre, non ? C?est en tous cas, ce que je veux croire, et je m?accroche à cette espérance, pour plus tard.
J?ai beaucoup écrit aujourd?hui, mais je vais mettre ce cahier de côté, et je n?écrirai la suite que lorsque mon incarcération aura pris fin. En attendant, je vais poursuivre, et terminer avant ma sortie, mon roman africain.















CHAPITRE 3





Il est un fait, c?est que j?ai très peu écrit sur ce cahier durant toute mon incarcération. Cela s?explique aisément. La vie en prison est tellement désagréable sur tous les plans, que l?on n?a pas envie de la revivre en l?écrivant. Il faudrait être masochiste. C?est en tous cas ce que j?ai pensé durant toute la durée de mon emprisonnement. Ce n?est qu?aujourd?hui, à la veille de ma mise en liberté (Oui, je sors demain) que je me rends compte des éléments positifs de la prison. Oui, vous avez bien lu : Les côtés positifs de la prison.
Lorsque l?on est incarcéré : Plus de responsabilité, plus de préoccupation, plus de soucis financiers.
Emprisonné, vous ne connaissez pas les affres de la vie courante. Vous ne courez pas le risque de vous retrouver sans logis, du jour au lendemain. Ici, vous êtes logés. Certes, ce n?est pas terrible comme logement, mais on est à l?abri, l?hiver on est chauffé. De plus, vous n?avez pas à vous préoccuper de vos repas. On vous les apporte à heure fixe. Lorsque vous devez vous promener dans la cour, on vient vous le dire. Vous n?avez pas d?initiative à prendre. L?administration pense pour vous Certes, vous être privés de liberté, mais la liberté exige, pour exister tant de soins, de préoccupations, de prises de décision, que cette chère liberté coûte énormément d?efforts, et de soucis de tous ordre.
Je sais parfaitement pourquoi je fais, somme toute, le panégyrique de la prison. Ce qui peut paraitre déplacé. C?est parce que j?ai la frousse. Oui, j?ai la frousse.
Lorsque j?ai pénétré pour la dernière fois dans la cour d?assisses pour entendre le verdict qui allait être prononcé à mon encontre, j?avais déjà la frousse, bien sûr, mais rien de commun, avec celle que je ressens aujourd?hui. Grâce à mon avocat, je savais à peu près ce à quoi je devais m?attendre. De plus, le régime de prison, je connaissais déjà depuis plusieurs mois passés en préventive.
Maintenant, c?est tout autre chose. Demain, donc, ma dette à la société étant payée je vais me retrouver dehors, tout nu, si je puis dire. On ne va pas me libérer, on va me flanquer à la porte, et je ne saurai que faire.
Durant mon incarcération, des associations sont venues me voir pour m?aider à la sortie. Je les ai rejetés avec hauteur, par un orgueil imbécile : Je saurais bien m?en tirer tout seul pensais-je. Et aujourd?hui je me traite de crétin d?avoir refusé leur aide.

Lorsque le monceau de problèmes à régler, qui est énorme, va me tomber dessus, je ne vais pas savoir comment m?en sortir. En premier lieu, il va falloir que je me loge. Durant mon emprisonnement j?ai travaillé un peu. Je fabriquais des espadrilles, aussi suis-je sorti avec un petit pécule. Il n?est pas énorme. Alors, à la rigueur, je pourrais aller prendre une chambre dans un petit hôtel et mes repas dans une gargote. Mais sans apport nouveau d?argent, je ne tiendrai pas longtemps. Comment trouver un job ? Dans la période actuelle, c?est difficile pour tous, je crois, mais bien plus encore pour moi, avec mon casier judiciaire chargé. Cela risque de durer des semaines, des mois.
Bien sûr pour le toit, théoriquement, je pourrais avoir une solution. Je suis marié avec Arabelle, mais elle habite dans ma maison avec le frère de ma victime. Je ne me vois pas lui dire : Monsieur, trouvez vous une autre maison, celle-ci est la mienne, je la récupère.
Il aurait beau jeu de me répondre :
« Mon pauvre Pierre, il suffirait que je demande des dommages et intérêts pour le préjudice commis par la mort de mon frère, pour que vous soyez dans l?obligation de mettre en vente votre maison, et bien sûr c?est moi qui l?achèterais.
Je ne sais trop pourquoi je ne l?ai pas fait, mais cela pourrait se faire un jour, comme ça, juste pour vous inciter à vous tenir tranquille ».
Voilà ce que pourrait me répondre Yves, aussi, il n?est pas question que je retourne chez moi.
Mon petit pécule je l?ai amassé en travaillant : Je l?ai dit, je faisais des espadrilles. J?étais l?un des plus forts, l?un des plus rapides, pour fabriquer une paire d?espadrilles.
N?y a-t-il pas là, une idée à creuser ? Evidemment je pourrai fabriquer des espadrilles dans le civil, mais où ? Dans quel local ? Sur le trottoir ? Je ne suis pas certain que les forces de l?ordre me laissent exercer ma profession sur la voie publique.
Je me vois, me baladant sur les trottoirs, avec sur le dos, un énorme paquet contenant des cordes et du tissu, comme un énorme escargot. Je viens d?en rire. C?est plutôt bon signe, non ? J?ai encore un peu le sens de l?humour.
C?est possible, mais l?important, c?est que toutes mes réflexions sur l?organisation de ma vie extérieure à la prison, amènent en moi une énorme peur.
J?en viens à me demander s?il ne serait pas préférable pour moi, dés ma sortie, d?aller occire n?importe qui (Tiens ! Yves de préférence) pour pouvoir tout aussitôt revenir dans mon cocon, dans ce qui me semble être le lieu qui m?est destiné durant le reste de ma vie : la prison.
Pendant toute mon incarcération, Arabelle est venue très exactement 4 fois. Elle qui, elle me l?avait promis dans sa lettre, devait venir me voir souvent?.. Il est vrai que la conversation avec un homme enfermé 7 jours sur 7 durant des mois et des années, et qui donc n?est plus au courant de grand-chose, ne doit pas être très agréable. D?ailleurs, je ne sais même pas si j?aurais voulu la voir souvent. Chaque fois qu?elle est venue, j?étais heureux à son arrivée, mais tout aussitôt, je pensais immédiatement qu?elle allait bientôt partir et j?étais malheureux même pendant notre entrevue.
Puis, durant les jours et les semaines suivants, je pensais à elle, libre d?aller où elle le désirait, et filant le parfait amour dans ma maison, avec ce salaud d?Yves. Pourquoi ce salaud ? Parce qu?il m?a volé ma femme.
La dernière visite qu?elle m?a rendue est toute récente, elle remonte à une semaine. Je lui ai appris la date de ma libération. Elle m?a demandé si j?avais des projets pour après ce grand jour, et comme je lui ai répondu par la négative, elle m?a conseillé, tout simplement de commencer à y songer, car les jours filent vite.
Merci, merci, Arabelle !! J?ai été évidemment extrêmement touché par ce conseil précieux qui allait beaucoup m?aider, pour m?en sortir??????..
Non. Il faut que je me fasse une raison. Je suis seul, et pour m?en sortir, je ne pourrai compter que sur moi. Normalement, je devrais être heureux de recouvrer la liberté. Ce serait normal. Or j?ai une frousse terrible. Je ne suis pas normal. Mais cela, je le savais déjà.
Je crois que je ne vais pas dormir beaucoup la nuit prochaine.
( A suivre)


CHAPITRE 4







Cela fait quatre jours que je suis sorti.
Comme je le prévoyais en écrivant les dernières lignes, alors que j?étais encore en prison, ma dernière nuit a été complètement blanche. J?ai ressassé tous les problèmes qui allaient se poser, et au petit matin, quand je me suis levé, je n?avais pas le début d?un commencement d?une idée de ce que je ferai lorsque le portail de la prison se refermera derrière moi. La vacuité de mon esprit à ce moment là était totale, à la seule exception d?une vague petite idée : c?est que j?étais certainement mort, puisque ni avoir ni être, je n?avais rien, je n?étais rien.
Il y a eu toutes les formalités de levée d?écrou, accomplies machinalement durant lesquelles je suis resté dans cet état comateux, mais vers 11 heures, tout était terminé, il fallait vaguement se réveiller, et accompagné d?un gardien, je me dirigeais vers la sortie?.qui était pour moi l?entrée dans un monde hostile, totalement étranger.
Le gardien m?a serré la main en me souhaitant bonne chance. Quand je vous disais que c?est dans la prison que se trouvent mes semblables !! Je vis là, la preuve que je partais bien en exil?..
La porte franchie, je fis quelques pas sur le trottoir et m?arrêtais, indécis.
Des piétons passaient qui semblaient n?avoir aucun problème, eux. Dans la rue des automobiles circulaient à grande vitesse, et je me demandais avec effroi si je saurais traverser ces rues super dangereuses. Tout ce que je voyais me faisait sentir que j?étais un étranger propulsé dans un monde agressif.
Devant moi, le long du trottoir, une voiture stationnait. La portière avant gauche s?ouvrit, Arabelle descendit et vint vers moi, un sourire aux lèvres.
- Il y a près d?une heure que j?attendais ta libération. Mais dis-donc, je ne l?avais pas bien vu la dernière fois, la prison, ça conserve. Je me demande si je ne vais pas me faire incarcérer?. Tu n?as pas changé du tout.
- Tranquillise-toi. Bien qu?en liberté, tu n?as pas changé du tout non plus. Je n?aurais jamais espéré dans mes rêves les plus fous que tu m?attendes à ma sortie.
- Lorsque je suis venue te voir il y a une semaine, j?ignorais encore ce que je ferai. Alors ? Tu as eu largement le temps de réfléchir. Quels sont tes projets ?
- Je ne pense pas que tu puisses me comprendre. Mais je n?ai aucun projet. Je crois de plus en plus que mon avenir est de vivre en prison. Pour la société normale, je suis foutu.
Elle me prit par le bras pour m?entrainer vers son véhicule :
- C?est justement parce que tu es atypique que tu es si attachant. Je peux t?apporter une solution, à très court terme, malheureusement ! Pour 5 jours exactement.
Tu savais qu?Yves possédait une société en Afrique. C?est toujours le cas. Il a pris un Directeur qui fait tourner l?affaire sur place, et chaque mois, Yves va au Cameroun durant une semaine, pour vérifier la marche générale de sa société. Il est parti il ya deux jours, et reviendra dans 5 jours. Jusqu?à son retour, tu peux venir à la maison.

Cinq jours ! C?était pour moi une éternité durant laquelle j?aurai un toit, un couvert, et peut être plus. Qui sait ? Comme d?habitude je ne peux connaitre les pensées intimes d?Arabelle. Vais-je coucher dans la chambre d?ami, ou dans « notre »chambre ?
Je n?eus pas longtemps à me torturer l?esprit. Lorsque nous sommes arrivés dans le couloir d?entrée, Arabelle me dit : Va déposer ta valise dans notre chambre. Tu peux prendre une douche civilisée, ou un bain, à ton gré. Dans l?armoire de l?antichambre, j?ai conservé tous tes vêtements. Tu n?as pas grossi, tu vas pouvoir les mettre. Nous déjeunerons à midi, fais-toi beau. A tout à l?heure.
J?étais habitué à obéir aux ordres des gardiens. Avec Arabelle qui me disait ce que je devais faire, je n?étais pas dépaysé, et je lui en étais profondément reconnaissant.
C?est curieux comme l?esprit humain peut être versatile. En franchissant la porte de sortie de la prison, je regrettais d?être propulsé dans un monde que je ne connaissais plus ; Et maintenant, dans une maison agréable et confortable, sous une douche impeccablement propre, dans laquelle je peux rester aussi longtemps que je le désire, je trouve que tout de même, le confort et la liberté sont bien agréables.
De plus, la perspective de partager le lit d?Arabelle, est pour moi une pensée des plus euphorisantes.
Je ne veux pas penser au retour d?Yves. Carpe Diem. Je ne veux vivre que le présent, et apprécier les bons moments qu?il m?est donné de goûter.
C?est avec un immense plaisir également que j?ai retrouvé tous mes vêtements qu?Arabelle, pieusement, a conservé (Non. Pieusement est sans doute excessif, mais enfin, toujours est-il qu?elle les a soigneusement rangés dans une armoire).
Lorsque je suis descendu pour déjeuner, j?ai constaté avec surprise qu?Arabelle, élégante, avait préparée une très jolie table en mon honneur, et j?étais tellement peu habitué à ce traitement, que des larmes me vinrent aux yeux. Elle dut s?en apercevoir car, avec une intelligence intuitive que je lui avais déniée durant les années précédant mon acte de justice, elle me demanda :
- Tu as du souffrir. C?était dur ?
- Je préfère que nous n?en parlions pas pour l?instant. Le présent, rien que le présent.
- Je te comprends. Je me suis souvenue des plats que tu aimais. J?espère que tu n?as pas changé de goût
- Oh, tu sais, là bas?
- Je te fais remarquer que c?est toi qui en parle !
- C?est vrai.
Je m?étais dit que je ne voulais pas parler d?Yves, mais ce fut plus fort que moi, et je ne pus m?empêcher de lui demander si elle était heureuse avec lui. Il y a décidemment un jugement sur lequel je ne reviendrai jamais. C?est qu?il est impossible de prévoir ce que pense ou ce que va dire Arabelle. Elle me dit qu?Yves était un garçon assez gentil, mais plat, sans relief, sans mystère, en un mot ennuyeux. Elle me confia qu?elle avait vécu avec lui en attendant ma libération, mais nous allions devoir prendre certaines dispositions. Cependant, rien ne presse, ajouta-telle aussitôt. Profite de l?instant présent, tu as raison et tu l?as bien mérité.
Que j?aie raison, c?est certain, mais mérité, je me demande bien en quoi. Il me semblait que c?était mon emprisonnement que j?avais mérité, mais si Arabelle dit le contraire, après tout, c?est peut être elle qui a raison.
Après la description qu?elle venait de me faire d?Yves, je ne pouvais que lui demander pourquoi elle était restée avec lui, s?il était aussi ennuyeux. Elle me répondit que la réponse à cette question était évidente : Elle n?avait aucun revenu, alors, en attendant ma sortie, ne pouvant subvenir à ses besoins, elle devait vivre avec quelqu?un. Dès lors, pourquoi chercher ailleurs, puisqu?il y avait Yves ?

Je dois dire que je buvais les paroles d?Arabelle comme du petit lait. D?une part, il en ressortait qu?elle n?était pas attachée à Yves, et d?autre part, elle s?était organisée pour m?attendre, moi. Après lui avoir exprimé mon contentement pour ses gentilles explications, je dus cependant lui dire que pour l?instant, je n?avais pas plus de revenus qu?elle.
Avec ce beau sourire qui me ferait faire n?importe quoi, elle me dit :
- Je n?ai pas d?argent, tu n?as pas d?argent, mais Yves en a. Alors, comme tu le souhaitais tout à l?heure, vivons le temps présent, nous envisagerons l?avenir plus tard.
C?est vrai, je voulais vivre le temps présent, mais tout de même, une chose me chiffonnait. Qu?avait voulu dire Arabelle lorsque, constatant que nous n?avions d?argent ni l?un ni l?autre, elle a ajouté : Mais Yves en a ? Quelle idée a-t-elle derrière la tête ? Un ménage à trois ? De mon côté, il n?en est pas question ! Qu?il faudrait le supprimer ? Je dois dire qu?en reprenant contact avec la vie normale, je n?ai plus trop envie de courir le risque de retourner à la vie carcérale. Alors ? Alors, je devrais le savoir, pour l?avoir répété plusieurs fois : Il est inutile d?essayer de deviner les pensées d?Arabelle, son cerveau n?est pas fait comme le notre.
Durant mon premier jour complet de liberté, après une nuit de sensualité exacerbée, Arabelle s?est mise en tête de « me remettre à niveau ». Ce n?était pas une idée qui lui était venue subitement, non, elle avait préparé sur un petit carnet, les nouveautés qui avaient vues le jour durant mon incarcération.
Les nouveaux modèles de voiture, les évolutions politiques dans le monde, les équipes de rugby (Mon sport préféré) qui avaient obtenu les meilleurs résultats ces derniers temps, et surtout, surtout, elle a commencé à m?initier à l?informatique. Je connaissais l?existence d?internet, mais ce système ne s?était pas encore développé dans le grand public, lors de mon incarcération.
Or, Yves lui avait offert il y a quelques mois son premier ordinateur, et elle me fit fièrement la démonstration des possibilités inouïes de cet appareil magique. Je crois que cela va me plaire.
Elle avait également un téléphone portable. Bien sûr, cette invention ne bouleversait pas l?univers connu de moi, des communications, car je connaissais évidement le téléphone, et les téléphones radio des voitures, mais ce téléphone que l?on peut balader dans la poche est tout de même une invention bien pratique.
Comme je le fis remarquer à Arabelle, nous n?allions pas rester enfermés toute la journée, pour mon premier jour de liberté. Aussi sommes nous partis faire une grande promenade à pied, après quoi, nous sommes allés au restaurant. Arabelle voulait régler l?addition, mais comme il s?agissait de l?argent d?Yves, je m?y suis opposé, et c?est moi, qui ai tenu à nous offrir ce dîner.


Demain, Yves va revenir. Que vais-je faire ? Ou, plus exactement qu?est-ce qu?Arabelle a prévu pour moi ?
C?est extraordinaire. Cette femme que j?ai considérée longtemps comme une idiote, est devenue mon guide. Sans doute, le fait d?avoir vécu des années en prison fait de moi, provisoirement un déphasé qui a besoin d?un tuteur, mais je crois que si l?avenir nous ménage une vie commune, elle aura toujours le pas sur moi. Elle est plus fine, plus volontaire, et je marcherai derrière elle comme un bon petit toutou. Cette idée devrait m?être pénible. Il n?en est rien. J?ai pris l?habitude que l?on décide pour moi. Par exemple, durant des années, je n?ai jamais ouvert une porte.. Arrivé devant une issue, je m?arrêtais, attendant que le gardien ouvre la porte. C?est une véritable rééducation à laquelle je vais devoir me livrer.
Pour en revenir à Yves, j?aimerais bien qu?il fiche le camp et que nous restions seuls, Arabelle et moi. Mais bien sûr, il y a cette question d?argent qui est embêtante.. Mais je ne me casse pas trop la tête : Elle trouvera une solution, je lui fais confiance.

Voilà. C?est le 5ème jour de ma libération. Nous venons Arabelle et moi de passer une nuit aussi merveilleuse que les précédentes. J?avais des trésors de volupté inemployés durant des années. Je peux dire que depuis ma libération, je dépense sans compter.
C?est vers 16 heures qu?Yves doit arriver. Arabelle ne m?a encore rien dit concernant ses projets. Pourtant, j?en suis certain, elle a prévu quelque chose, et elle m?en parlera quand elle le jugera nécessaire.
Ce soir, quand je reprendrai mon cahier pour raconter ma journée, je saurai quel sort m?est réservé.
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CHAPITRE 5





Me revoilà dans mon petit « boudoir ». Depuis ma sortie de prison, je suis revenu écrire dans ma petite pièce, comme avant, et mon écriture terminée je remets mon cahier sous la latte amovible du plancher.
Peut-être est-ce pour cela que je n?ai pas beaucoup écrit en prison. Il me faut mon cadre. Là, je me sens bien, et il me semble que mes idées sont plus claires. J?ai abandonné l?idée de me faire éditer un jour, pourtant, je continue à écrire, et si l?on m?en demandait la raison, je ne saurais quoi répondre.
Je vais donc faire le récit de cette journée importante.
C?est vers 15 heures, juste après notre sieste voluptueuse, qu?Arabelle, me demanda d?enlever mes affaires de la chambre et de la salle de bain, pour aller les porter dans la chambre d?amis.
Là, tout de même, je ne pus que réagir. Savoir qu?elle allait coucher avec Yves ce soir me rendait littéralement malade. Elle me rassura en me disant que l?important dans un premier temps, était qu?Yves accepte que je reste dans la même maison que lui. Par ailleurs, elle m?assura qu?elle ne ferait pas l?amour avec lui. Elle lui dirait qu?elle n?était pas en état ces jours-ci de se donner à lui, et par ailleurs, me dit Arabelle, Yves, dans ce domaine n?avait pas beaucoup d?exigence. Il était loin d?être un affamé du sexe comme moi.
Quand même, les savoir couchés côte à côte dans le même lit, ne me plaisait pas du tout. Et puis, il faut bien le dire, je n?étais pas du tout certain qu?elle se refuserait à lui. Enfin, je ne pouvais rien proposer comme solution de remplacement, alors, il n?y a qu?à obéir et je me suis installé dans la chambre d?amis, située à l?autre bout du couloir.
Arabelle me dit qu?elle irait seule attendre Yves à l?aérodrome, pour, durant le trajet de retour, le convaincre d?accepter ma présence sous son toit.
Sous son toit est d?ailleurs une expression impropre, et qui me fait mal, car c?est moi qui suis propriétaire de la maison, mais, il est vrai, c?est lui qui a l?argent et règle tous les frais.
Après le départ d?Arabelle, et en attendant leur retour, j?étais extrêmement nerveux. Pendant des années, j?étais resté passif, et là, il allait falloir que je lutte sans doute contre un homme dont j?avais tué le frère, ce qui ne me mettait pas dans une situation forte.
Lorsqu?ils arrivèrent, Arabelle était souriante, en revanche, Yves faisait la gueule. Tout d?abord, si Arabelle et moi n?avons pas vieilli durant ces dernières années, il n?en était pas de même pour Yves. Je ne sais s?il a des ennuis professionnels, ou si c?est ma chère Arabelle qui lui fait des misères. Cette dernière hypothèse ne me surprendrait pas, et surtout me ferait un énorme plaisir.
Je vins vers eux mais m?abstint de lui tendre la main. Je savais qu?il n?accepterait pas de serrer celle de l?assassin de son frère. D?un ton rogue, il me dit :
- Votre incarcération a été bien courte. Vous voilà déjà libre, alors que mon frère est toujours mort.
Arabelle intervint.
- Je crois qu?il serait plus sage de ne plus évoquer le passé, sinon, nous n?en sortirons plus.
Puis, s?adressant à moi, elle me dit :
- J?ai parlé à Yves. Il a la grandeur d?âme d?accepter que tu restes provisoirement ici, jusqu?à ce que tu trouves une situation te permettant de voler de tes propres ailes.
- Doucement, doucement, coupa Yves. Il n?est pas question de vous installer ici ad vitam aeternam, et de vous laisser entretenir. Si sur la prière d?Arabelle, j?accepte que vous restiez provisoirement, une limite dans le temps doit être fixée. Disons que dans??.un mois, il faudra déguerpir.
Arabelle qui s?était instituée mon avocat intervint de nouveau
- Réfléchis, Yves. Il faut qu?il trouve un travail, cela demandera du temps, et une fois le travail trouvé, il ne pourra percevoir son salaire qu?un mois plus tard. Je conçois que tu veuilles fixer un délai, et tu as parfaitement raison, mais il faut qu?il soit raisonnable. Je pense qu?on pourrait le fixer à 3 mois.
- Tu me sembles bien trop gentille avec celui qui a tué celui qui était ton amant. Je serais en droit de trouver cela bien curieux.
- Qu?est-ce que tu veux dire par là ? J?ai simplement des sentiments humains, c?est tout, et je t?en prie, ne va pas chercher midi à quatorze heures. Je suis charitable, c?est tout.
- Puisque tu insistes c?est d?accord. Mais je ne veux pas que cet individu m?adresse la parole.
Je n?ai pu m?empêcher de lui faire remarquer.
- Cette dernière exigence de votre part, je la prends comme un geste agréable à mon égard.
Il haussa les épaules, et monta les escaliers pour déposer sa valise dans sa chambre. Je suis persuadé qu?il voulait aussi s?assurer qu?il n?y avait aucune trace de mon passage dans SA chambre. Pour cela, je faisais entièrement confiance à Arabelle. Elle avait du y veiller.
C?est tout de même une sacrée femme. En quelques minutes, elle est parvenue à imposer à Yves ma présence sous le même toit que lui.
Maintenant j?ai trois mois devant moi. Trois mois, c?est long, et nous trouverons une solution plus pérenne.
Pour prouver ma bonne volonté, je suis sorti pour acheter un journal contenant des petites annonces et en particulier des offres d?emploi.
Je me sui installé dans le salon, pour ostensiblement consulter ces annonces devant Yves, qui, la pipe au bec discutait avec Arabelle. Ils parlaient de son affaire au Cameroun, et je pus constater qu?elle était très au courant des activités d?Yves, ce que je trouvais très désagréable.

Une période curieuse commença. Nous vivions trois sous le même toit, mais si Arabelle parlait normalement, sans aucune gêne, avec l?un ou l?autre, Yves et moi, nous n?échangions pas un mot. Ce qui était assez cocasse, surtout durant les repas.
Lorsqu?Yves avait besoin d?un morceau de pain, et que la corbeille était à côté de moi, Yves demandait :
- Je voudrais un morceau de pain, puis Arabelle me demandait
- - Peux-tu me passer la corbeille de pain ? Ce que je faisais, puis elle donnait la corbeille à Yves.
Cela faisait plus de trois semaines que nous vivions dans cette étrange communauté. J?avais répondu à diverses annonces, j?avais eu deux entretiens, mais je sentais que mon passé pesait lourdement dans le plateau négatif, et, finalement, je n?avais pas « le profil » recherché.
Arabelle et moi n?avions eu que peu d?occasion de nous retrouver seuls, et donc de parler de nos problèmes. Il est vrai qu?Yves veillait jalousement à ne pas nous laisser en tête à tête. Mais nous savions qu?il allait bientôt partir faire son voyage au Cameroun, et nous attendions patiemment.
Nous avions mal préjugé de la jalousie maladive d?Yves. Trois jours avant son départ, au cours d?un diner, il dit à Arabelle :
- Je te demande de prendre tes dispositions pour venir avec moi au Cameroun. Je me demande pourquoi, jusqu?à ce jour, je ne t?avais pas offert ce voyage, je veux réparer cet oubli. Tu verras que le Cameroun est un pays merveilleux et diversifié. Nous visiterons Douala, où se trouve mon siège social, puis nous irons voir mes succursales, à Nkongsamba et à Bafoussam, et si nous en avons le temps, nous irons dans le nord Cameroun, où tu verras une faune abondante. Je suis certain que tu seras enchantée de connaitre cette région magnifique.
Boum !!! Je n?avais pas prévu qu?il emmènerait Arabelle, ce qui je le confesse, était idiot, car il est évident qu?il n?allait pas nous laisser seuls, elle et moi.

Arabelle non plus ne semblait pas avoir prévu ce voyage, car elle resta un long moment sans répondre, interdite, ce qui prouve qu?elle n?avait pas préparé de réponse.
Puis, non sans humour elle lui répondit :
- Je conçois mon chéri, que tu ne veuilles pas me laisser ici avec ??mon mari. Je te comprends parfaitement. Mais je n?ai pas envie d?aller dans ce pays chaud. Tu sais que je ne supporte pas la chaleur. Néanmoins, comme je te l?ai dit, je te comprends parfaitement, aussi, durant ton voyage, je vais en profiter pour aller passer une semaine chez mes parents à Nice. Pierre restera ici et se débrouillera tout seul.
- - Mais, Arabelle, tu sais qu?en Afrique, il y a des chambres climatisées. Tu ne souffriras pas de la chaleur.
- Mon chéri si je vais au Cameroun pour rester enfermée 24 heures par jour dans une chambre climatisée, je ne vois pas l?intérêt de ce voyage.
Coincé, Yves réfléchit un moment, puis reprit :
- Bien. Va chez tes parents, et je te téléphonerai chaque jour.
- Merci pour la confiance que tu as en moi !! Habituellement tu ne me téléphones jamais durant tes voyages, mais si tu le désires, téléphone-moi chez mes parents.
Cet arrangement ne m?arrangeait pas. Jusqu?à ce qu?Arabelle me fasse discrètement un clin d??il, et je sus alors qu?elle avait trouvé une solution.
Malheureusement, si Yves ne me parlait pas, il ne me quittait pas des yeux, et je n?ai pu parler, ne serait-ce que quelques secondes avec Arabelle. Heureusement comme toujours, c?est elle qui avait trouvé la solution.
Le soir, en allant me coucher, je vis sur mon oreiller une feuille de papier sur lequel elle avait écrit :
« Je vais prévenir mes parents, et tu viendras avec moi chez eux. Yves pourra me téléphoner. Brûle ce papier et jette les cendres dans les WC. Ta femme. »
Et voilà. Quand je pense, que durant des années j?ai pensé qu?elle était idiote !
Je connaissais déjà les parents d?Arabelle, bien sûr, et après ma condamnation, ils n?avaient plus voulu entendre parler de moi. Je ne sais pas comment ma merveille s?y est prise, toujours est-il que j?ai été fort bien reçu, et nous avons, Arabelle et moi, passé une semaine idyllique, sur une plage dans la journée, dans le même lit le soir.
Chaque jour, Yves téléphonait, et Arabelle lui répondait. Il devait donc être tranquille. Il avait été entendu que je rentrerai à la maison la veille du retour d?Yves, pour qu?il voie bien que j?étais resté seul, et Arabelle ne viendrait que le lendemain.
Nous pensions ainsi avoir tout prévu.
Lorsqu?Yves revint à la maison, rompant avec sa décision de ne jamais me parler, il m?apostropha :
- Vous vous croyez très finaud, mais vous l?êtes moins que moi. Je sais qu?Arabelle était chez ses parents, mais je sais également que vous n?étiez pas ici, car j?ai téléphoné plusieurs fois par jour, et il n?y avait personne. Donc vous étiez avec elle.
Désarçonné un moment, je me repris et lui répondis
- Que vous n?ayez pas confiance en moi, cela ne me gêne en rien. Mais que vous suspectiez Arabelle, bravo !! Je vous laisse le soin d?avoir honte. Quand à moi, bien que je n?aie pas de compte à vous rendre, je veux bien vous donner une information. J?ai profité de vos absences pour aller à Valence, chez un ancien camarade du Lycée.
- Prouvez-le !
- Je n?ai rien à prouver. Que vous me croyez ou pas, je m?en fous éperdument, vous pouvez le comprendre ? Je vous ai dit la vérité c?est tout !
Je vis qu?Yves ne savait plus que penser, et j?ai joui intérieurement d?être parvenu à instiller le doute en lui.
Tout aurait pu se passer sans trop de casse, si Arabelle, je ne sais pourquoi, dès qu?elle s?est vue agressée par Yves, a lâché le morceau :
- Hé bien oui, j?étais chez mes parents avec Pierre, là !! Je ne peux plus te supporter, je ne t?aime pas. Cette maison appartient à Pierre, alors je te conseille de déguerpir le plus tôt possible.
Si j?étais une personne normale, j?aurais eu pitié d?Yves. Il était pâle, décomposé, en quelques secondes il vieillit de 10 ans. Mais je ne suis pas accessible à la pitié pour celui qui m?avait volé ma femme.
Sans répondre à Arabelle, Yves monta dans la chambre, et nous l?entendîmes faire claquer des portes, ouvrir et fermer des tiroirs. Il faisait ses bagages.
Arabelle et moi écoutions ces préparatifs de départ, puis je lui dis :
- C?est bien beau, tout ça, mais comment allons nous vivre ? Je n?ai pratiquement pas d?argent, et toi non plus.
- Je sais, je sais. Mais nous allons trouver une solution. Il te reste un peu d?argent, moi j?en ai mis un peu de côté, et nous avons certainement de quoi tenir 3 ou 4 mois, c?est largement suffisant pour transformer notre pauvreté en aisance.
- Oui, mais comment ? As-tu une petite idée ?
- Pas encore très précise. Mais la base de notre raisonnement est très simple. Yves a de l?argent.
En l?entendant énoncer froidement cette évidence, je me demandais ce que l?esprit fécond d?Arabelle allait inventer, et cela me faisait (Et me fait encore) froid dans le dos. Envisagez-t-elle simplement de le supprimer ? Et dans l?affirmative, comment cela pourrait nous procurer l?argent d?Yves ?
Comme toujours, depuis mon long séjour en prison, je vais laisser à d?autres, en l?occurrence à Arabelle, le soin de prendre des décisions.
Lorsqu?Yves descendit de la chambre. Il avait une valise dans chaque main. Sans dire un mot, sans nous jeter un regard, il posa les deux valises près de la

table du salon, sortit une enveloppe de sa poche, la posa sur la table, reprit ses valises et sortit.
Arabelle et moi nous nous sommes regardés un instant, puis elle est allée prendre l?enveloppe, pour la décacheter et la lire à haute voix.


Arabelle,
J?avais des doutes. C?est maintenant pour moi une certitude. Tu es un monstre. Ta duplicité est inhumaine. Tu n?as jamais cessé d?aimer ton salaud de mari. On a raison de dire ; « qui se ressemblent s?assemblent ». Tu t?es bien fichue de moi, et lui aussi par la même occasion.
Si je suis long à comprendre, Lorsque je finis par comprendre, je sais toujours ce que je dois faire. Nous n?en avons pas terminé, ne te réjouis pas trop tôt. Si je peux me permettre de te mettre en garde, c?est que je suis sûr de moi.
Je sais que tu as du tirer un peu d?argent sur mon compte, mais je sais aussi que cela ne vous permettra pas d?aller très loin. Il va de soi que je te retire la signature
.
YVES

Sa lecture terminée, j?ai demandé à Arabelle quelle était son début d?idée pour remédier à notre situation financière délicate, mais elle ne voulut rien me dire, car elle devait faire une vérification auparavant.
Je savais qu?il était inutile d?insister ; Elle ne me parlerait que lorsqu?elle l?aurait décidé.
Après cette pénible journée, je vais ranger mon cahier sous le parquet, et rejoindre Arabelle dans notre chambre.












































CHAPITRE 6





Cela fait cinq jours qu?Yves est parti, et nous avons repris notre vie à deux qui me donne entière satisfaction. On pourrait penser qu?après les débordements voluptueux de ma sortie de prison, notre fringale sensuelle serait étanchée, mais il n?en est rien, et chaque matin je me dis que la nuit dernière fut plus extraordinaire que les précédentes.
Arabelle ne me dévoilait toujours pas son projet. Elle passait beaucoup de temps dans le bureau et m?avait simplement demandé de la laisser travailler.
Ce n?est qu?aujourd?hui, en fin d?après midi, qu?elle me dit être au point, et m?exposa son plan.
Il y a deux ans, alors que j?étais en prison, Yves avait dit à Arabelle, qu?il avait le devoir de songer à l?avenir. Il voyageait beaucoup, et s?il venait à disparaitre, il voulait mettre sa maitresse à l?abri du besoin. Pour cela, il avait fait un testament, par lequel, les deux tiers des actions de son affaire d?Afrique revenaient à Arabelle, le dernier tiers allait à ses parents, qui eux-mêmes avaient une situation aisée.
J?avais été surpris, à ma sortie de prison, de constater qu?Arabelle soit très au courant des affaires d?Yves. C?est que ce dernier avait tenu à ce qu?elle soit au fait du développement de la société, pour le cas où elle serait appelée à s?en occuper.
Il est bien évident qu?à la suite des évènements qui avaient amenés l?expulsion d?Yves de ma maison, sa première démarche avait dû être, d?annuler ce testament.
Arrivée à ce stade de son récit, Arabelle me présenta deux lettres. Il s?agissait de deux lettres professionnelles, écrites à la main, absolument identiques, écrites par Yves.
- Vois-tu une différence entre ces deux lettres me demanda Arabelle.
Après avoir examiné attentivement les deux documents, d?abord à l??il nu, puis avec une loupe, je dus reconnaitre que les deux lettres avaient été écrites de la même main.
Arabelle me dit que très jeune déjà elle s?amusait à contrefaire les écritures de ses copines, et surtout de ses professeurs ce qui lui avait permis de présenter à ses parents des bulletins très corrects, sans être trop élogieux. Car lorsque l?on veut apporter une preuve, il faut toujours savoir garder une certaine mesure pour rester crédible. Cela elle avait été très précoce pour le comprendre.
Son plan était donc simple. Elle allait attendre deux mois, ou un peu plus, pour faire un testament au nom d?Yves, qu?elle enverrait au notaire d?Yves dont elle avait l?adresse. Ce testament annulerait celui qu?il venait certainement de faire, pour annuler le premier.
Elle avait prévu de laisser s?écouler deux bons mois entre les deux testaments pour le rendre plus crédible. D?autre part, toujours avec le souci de crédibilité, celui fabriqué par Arabelle lui serait moins favorable que le premier, et elle ne recevrait que 60% des actions au lieu des ¾.
Comme elle arrêtait là ses explications, je lui fis remarquer que devenir potentiellement l?héritière d?Yves Garat était une bonne chose, mais ne ferait pas bouillir la marmite pour cela.
Avec son merveilleux sourire, Arabelle me répondit, qu?elle faisait la partie la plus délicate, la plus artistique me dit-elle-même, et qu?il m?appartenait de transformer une héritière putative en héritière réelle. Puis elle ajouta : Le domaine que je te laisse est celui dans lequel tu as déjà fait tes preuves, mon chéri, et je te fais entièrement confiance.
Depuis qu?elle m?a dévoilé son plan, il y a environ deux heures, je ne cache pas que je suis très perturbé. J?ai accompli assez facilement mon premier crime, et j?avoue que je me sens moins d?entrain pour ce second en projet. Evidemment j?ai vieilli. Mais je crois surtout que la première fois, la rage, l?orgueil blessé était un moteur puissant qui me propulsait sans effort. Là, il s?agissait d?un simple crime crapuleux, sans aucune passion, et je me demandais si cela valait vraiment le coup de risquer un retour en prison.
Si à la veille de ma sortie, je songeais à y retourner, mon optique est toute différente aujourd?hui, et je tiens maintenant la liberté comme un bien inestimable.
Je vais rejoindre Arabelle dans notre chambre, et quelque chose me dit que la nuit prochaine sera moins embrasée que les précédentes. Cette femme est formidable, j?ai une immense admiration pour elle, mais elle est parfaitement amorale, et sacrément dangereuse.



J?avais vu juste. La dernière nuit a été beaucoup plus sage que les précédentes. Nous l?avons passée en grande partie à discuter sur les modalités de réalisation du plan d?Arabelle.
Car très vite, elle était parvenue à me convaincre que la solution qu?elle préconisait était vraiment la seule que nous puissions envisager, et qu?à condition de bien préparer notre affaire, les risques étaient pratiquement nuls.
Je trouvais qu?elle me faisait beaucoup trop confiance pour mettre au point un « assassinat propre ». Ce n?est pas parce que j?avais réussi à tuer son premier amant, d?une façon assez astucieuse, et que, normalement j?aurais du m?en tirer, (C?est en écrivant ces mots que je réalise vraiment qu?en fait c?est mon adorable Arabelle qui m?a envoyé en prison, mais décidemment, non, je ne puis lui en vouloir, je ne sais vraiment pas pourquoi)
A l?occasion de cette dernière réflexion, une bien vilaine pensée me traverse l?esprit. J?espère qu?elle va le traverser, sans s?y arrêter.
Car enfin, si l?on est très rationnel (Je préfère ne pas l?être trop en la circonstance) nous montons toute cette affaire, et si elle réussit, ce qui est plus que probable, Arabelle héritera un joli petit paquet. Et moi ? Et moi, théoriquement rien. Théoriquement, mais Arabelle m?aime, et me fera partager sa fortune comme nous aurons partagé les risques.
Je préfère ne pas trop m?attarder sur ce problème. Quoiqu?il en soit, je n?ai pas d?autres solutions pour m?assurer une vie normale. Alors allons-y.
Puisqu?il faut qu?Yves trépasse, il faut qu?il le fasse en un lieu où nous pourrons prouver que nous n?étions pas. J?avais tenté le coup la première fois en prévoyant d?avancer la montre de Claude, puis d?aller dans un bar au moment théorique du meurtre, mais sur cela non plus je ne veux pas revenir.
L?idéal serait qu?il décède en Afrique. Mais je ne vois pas comment, je pourrais le tuer la bas et revenir ici incognito. Je suis arrivé à la conclusion, que la chose doit se produire quand il arrivera en France, après sa descente d?avion à Marignane. Là, cela devient possible, je peux revenir à la maison sans être vu. Pour cela, il faut que j?aille à Marignane dans une autre voiture que la mienne, que je le tue la bas, que je me déguise pour revenir aussitôt en voiture, et avec nos téléphones portables, avec des mots codes, qu?Arabelle me dise si la voie est libre pour rentrer. Après, il faudra détruire mon déguisement, et nous n?aurons plus qu?à attendre gentiment le déroulement des évènements dans lesquels, nous ne serons partie prenante que pour toucher l?héritage..

Voilà. Cela fait trois mois et 10 jours qu?Yves a été mis à la porte de la maison. Cela fait deux semaines qu?Arabelle a envoyé le nouveau testament olographe au notaire. C?est demain soir que l?avion d?Yves en provenance de Douala atterrira à Marignane.
Nous avons tout réglé avec Arabelle.
Nous avons tout prévu au plus simple. Yves sera tué de deux ou trois balles de pistolet. Comme il fera nuit, lorsque son avion arrivera, les choses seront simplifiées.
J?arriverai ici assez tard, aussi n?est-ce qu?après demain que je viendrai raconter comment j?aurais réussi ma mission de survie (Pour moi, car le pauvre Yves?.)
La prochaine fois que je viendrai écrire sur ce cahier, je serai soulagé et heureux, avec mon Arabelle.















Lettre de Monsieur Blanc à Monsieur Aristée

Cher Monsieur Aristée

J?ai eu l?occasion de lire certains de vos livres, et il m?a semblé que le cahier que je vous joins pourrait vous servir pour écrire l?une de vos prochaines ?uvres.
Comment ce document est-il tombé entre mes mains ?
Il faut d?abord que je fasse appel à votre mémoire. Vous vous souvenez sans doute d?une affaire qui a défrayé la chronique durant une bonne quinzaine de jours, ce qui est considérable dans notre période où un fait divers chasse l?autre. Cela se passait il y a trois ou quatre ans.
Il s?agissait d?un couple démoniaque qui après avoir envoyé à un notaire, un faux testament léguant à la femme la majorité des actions d?une société en Afrique, avait tenté de tuer le testateur présumé.
Leur coup a raté, car l?homme laissé pour mort, ne l?était pas. Ce couple a été arrêté. L?homme, un récidiviste a été condamné à la perpétuité, la femme à 15 ans de réclusion.
La maison de l?homme, un certain Pierre Barège, ayant été mise en vente, je l?ai achetée il y a deux ans. Près du portail de cette maison ce trouve une vieille construction que je veux rénover. En démolissant le plancher d?une pièce, les maçons viennent de trouver le cahier que je vous joins. Vous trouverez dans ce témoignage de première main, tous les faits qui se sont déroulés, minutieusement rapportés par l?auteur d?un crime et d?un attentat, et j?espère que vous pourrez en tirer partie.
Veuillez croire, Cher monsieur, en mes sentiments les meilleurs.

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Réponse de monsieur Aristée à monsieur Blanc

Merci cher Monsieur d?avoir pensé à moi, et de m?avoir fait parvenir le cahier tenu par Pierre Barège. Je l?ai lu avec intérêt. Vous m?aviez suggéré d?en tirer partie pour écrire un autre livre. Je ne m?en suis pas reconnu le droit.
Sous l?un de mes deux pseudonymes d?auteur, je vais le faire publier tel quel.
Je ne garderai pas les droits d?auteur, et je ne veux pas non plus que l?auteur de ces crimes abominables en bénéficie. Je demanderai donc à Pierre Barège, que j?irai voir en prison, de me désigner une ?uvre caritative à laquelle seront versés tous les droits d?auteur.
Avec mes remerciements, croyez cher monsieur en mes sentiments très amicaux.



FIN
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