Ecriture-Lecture




CAS DE CONSCIENCE



CHAPITRE 1






Le mistral qui, la veille, soufflait comme un fou, était devenu plus raisonnable. Il n?était même pas désagréable car le thermomètre sous l?érable indiquait 30°. Or il n?était que 10 heures du matin, 8 heures au soleil. La sieste, serait la bienvenue.
Deux ou trois cigales commençaient leur concert monotone.
Dans un transat, sur le tablier noir tendu entre ses cuisses, la tante Rose écossait des petits pois. Le chien, au nom original de Mirza (Dans la maison, les
chiens successifs s?appelaient toujours Mirza), dormait, chassant de temps en temps, d?un claquement de mâchoires une mouche importune.
En haut du perron, un jeune homme parut. Athlétique, le visage ouvert. Les poings sur les hanches, il huma un instant les senteurs en provenance d?un massif de lavande, puis dévala les escaliers, pour venir déposer deux bisous sonores sur les joues flétries de la tante Rose.
- Tu sais ma tante, il y a une question qui me tarabuste depuis longtemps, et aujourd?hui, je vais te la poser : Sais-tu qu?il y a des gens qui peuvent rester jusqu?à 10 minutes par jour sans rien faire ? En connais-tu ?
La tante répondit en bougonnant :
- Oui. Ce sont des paresseux, et je crois bien que tu pourrais bien en faire partie, mon pauvre Pierre !!!!!
Mais le sourire qu?elle adressa à son neveu, aussitôt après, ôtait toute trace de critique dans ses propos.
- Oh que tu me juges mal ! Je vais te prouver que tu te trompes sur mon compte.
Il approcha un fauteuil de celui de sa tante et l?aida à écosser les petits pois.
Un long silence régna, qui fut interrompu pas la tante.
- Dis, mon petit, je sens bien qu?il y a quelque chose qui ne va pas. Tu ne veux pas m?en parler ?
- Merci ma tante de me proposer ton aide, et bravo, pour si bien me connaitre. Oui, j?ai un problème, mais il n?est pas important, enfin, je le crois, et malheureusement tu ne pourrais rien pour moi.
- Ce n?est pas la curiosité qui me fait te questionner, mais je n?aime pas te voir préoccupé.
Je sais que pour toi, je suis une vieille femme, mais si je ne me suis jamais mariée et je n?ai pas eu d?enfant, j?ai été jeune, et pas trop niaise. Par ailleurs, grâce à toi, j?ai été un peu mère. Alors, comme tu sais pouvoir compter sur ma discrétion, te confier à moi ne peut avoir aucun inconvénient, et pourrait peut-être t?aider.
- A la façon dont tu viens de me parler, ma chère tante, j?ai l?impression que tu penses à un problème sentimental. Il n?en est rien. Malheureusement, personne ne peut me conseiller. Moi seul, peut et doit prendre une décision, et je la prendrai très rapidement, avant demain soir, c?est le délai que je me suis imposé. Alors, je t?en parlerai. Mais ce que je peux te dire, dès maintenant, c?est que tu n?as pas à te mettre martel en tête. Et ce que je peux ajouter?.. c?est que tu es une adorable tante.
Il se leva de son siège et vint embrasser de nouveau et affectueusement sa tante qui en ronronnait presque de plaisir.
Pierre Lorgnac, qui venait de reprendre son aide ménagère à sa tante, avait 22 ans. Depuis une quinzaine de jours, il avait terminé ses études commerciales, et il s?était accordé encore un mois de congé, avant de se lancer dans la vie active.
Il était persuadé, que malgré les difficultés actuelles et la crise mondiale, il parviendrait facilement à trouver un job, car les commerciaux étaient très demandés, et, surtout, Pierre, avait la chance d?être doté d?un caractère optimiste?..
Puisqu?il affirmait que le problème qui le préoccupait n?était ni d?ordre professionnel, ni d?ordre sentimental, de quoi s?agissait-il ?
D?un secret, dont il avait eu connaissance par hasard, et qui lui posait un cas de conscience, depuis la veille, beaucoup plus grave qu?il ne l?avait laissé entendre à sa tante.
Pierre, il y a plusieurs années, avait perdu son père, Marc, le frère de la tante Rose, au cours d?un accident du travail.
On lui avait expliqué que son père était Directeur d?une société qu?il avait créée.
Un jour qu?il passait à proximité de l?une de ses bennes, chargée de sable, le mécanisme de déchargement avait été malencontreusement actionné. Enfoui rapidement sous le sable, il avait été rapidement dégagé, mais il fut impossible de le réanimer.
Pierre avait alors 7 ans, et s?il avait quelques souvenirs de son père, ils étaient assez flous. Il se souvenait seulement d?un homme très grand, très costaud, qui le lançait en l?air puis le rattrapait, à sa grande joie, et aux cris stridents de sa mère qui craignait toujours de voir son fils blessé, à cause de la bêtise de son père.
Deux ans après l?accident de son mari, la veuve convolait en justes noces (Au sens étymologique: se remarier) avec un bel homme brun, Yves Dumas, qui avait cinq ans de moins qu?elle.
Yves avait été un collaborateur d?André, mais Pierre avec son raisonnement d?enfant, avait trouvé anormal et injuste que cet Yves, se soit emparé de tout ce qui appartenait à son père.
Il avait épousé la jeune veuve, mais de plus, il devint le Directeur de la société qui appartenait à son père.
Pierre avait toujours eu l?impression que cet Yves, adoré par sa mère, était un intrus dans la maison. D?ailleurs pour arranger les choses, il était très désagréable avec son beau fils.
Pourtant, en essayant de raisonner, Pierre devait reconnaitre qu?il n?y avait rien d?extraordinaire, à ce que cet homme se marie avec sa mère et prenne la place de P.D.G dans la société, puisque les deux hommes se connaissaient bien, et qu?ils travaillaient dans la même entreprise, depuis plusieurs années.
Il n?y avait rien d?extraordinaire, mais le fait était là. Dans son c?ur d?enfant puis d?adolescent, il n?avait jamais pu admettre sa présence.
Parce que sa mère, toujours très amoureuse d?Yves, était aux petits soins pour lui, alors qu?avec son fils, elle n?avait jamais été très affectueuse, il y avait sans doute une certaine jalousie dans ce sentiment de rejet.
Il y avait pensé à plusieurs reprises, mais lui-même s?était persuadé que ce n?était pas une question de jalousie de sa part. Mais alors, quoi ? Que reprocher à Yves ou à sa mère ?
Certes, sa mère remplissait ses devoirs de mère, mais c?était exactement cela : Ses devoirs. Elle ne manifestait auprès de Pierre d?aucune véritable affection, et de cela, il en avait souffert durant des années.
Heureusement, doté d?un caractère heureux, nous l?avons dit, Pierre avait fini pas accepter cette situation. Les choses étaient comme elles étaient, et c?est tout. Il n?y avait rien à faire. Et puis, il faut le dire, en compensation, il pouvait compter sur sa tante, qui elle, débordait d?affection pour son neveu.
La tante Rose, la s?ur de son père, ne s?était jamais mariée, et avait toujours vécu chez son frère, puis auprès de son neveu, qui était pour elle comme un fils.
Les choses auraient pu rester en état, si?..
Tout en continuant à écosser les petits pois, Pierre se remémora l?après midi extrêmement pénible, de la veille.

Il se trouvait dans le salon, assis en travers d?un fauteuil, c'est-à-dire le dos appuyé sur un accoudoir, et les jambes passées au dessus de l?autre, il lisait un vieux livre trouvé dans la bibliothèque, « Mon curé chez les riches »
La chaleur était accablante, les volets fermés pour conserver un minimum de fraicheur, et dans l?obscurité, Pierre lisait d?une façon originale avec une lampe frontale dirigée sur son livre. Le style de ce roman avait passablement vieilli, et sa lecture était plus machinale qu?intéressée.
Peu concentré sur sa lecture, son attention avait été attirée par une conversation qui se déroulait dans la salle à manger, contigüe au salon.
- Quand même, disait sa mère, cette société avait été créée par son père, et il serait normal que tu en réserves une partie à Pierre.
Yves avait répondu d?un ton sec :
- Je ne veux plus que tu reviennes sur cette question. Depuis des années, c?est moi qui fais tourner la baraque, et la développe d?une façon exponentielle tu me rendras cette justice. Tu reconnaitras également, que ton fils n?y est pour rien.
- C?est vrai mon chéri, tu gères très bien la société, mais tu dois reconnaitre, de ton côté, que c?est le père de Pierre qui l?avait créée et bien commencé à la développer.
- Ca suffit !! Pour la dernière fois, n?insiste pas. Je ne changerai pas d?avis ! Et puis, réfléchis un peu au lieu de me faire des demandes ridicules. Dois-je te rafraichir la mémoire ? Tu sais que je pourrais te faire avoir de graves ennuis si je le voulais, alors, dans ton intérêt, ne m?oblige pas à être méchant !!
- Mais, mon amour, je ne te comprends pas. Tu ne pourrais pas m?occasionner des ennuis, comme tu le dis, sans en avoir toi-même d?encore plus graves. Alors, pourquoi me menaces-tu ?
- Ma pauvre femme ! C?est là que tu te trompes, car tu oublies un tout petit détail : Contre moi, il n?y a pas de preuve. Aucune. Contre toi, si. Alors, ne sois pas idiote ! Reste tranquille !
Pierre, sidéré par ce qu?il venait d?entendre, avait lâché son livre, s?était levé et approché de la porte de communication avec la salle à manger. Un silence régnait maintenant dans la pièce à côté, puis il entendit Yves reprendre :
- Surtout, ne l?oublie pas : Ce sont les Assises que tu risques, alors que je suis complètement en dehors du coup.
Pierre, n?aura rien, car l?héritage de son père m?a été vendu avec ton accord et celui du tuteur qui est mort maintenant. Réfléchis intelligemment. Je n?ai même plus besoin de toi.
- Oh, Yves, tu ne feras pas ça !!
- Alors fiche-moi la paix, et ne dis plus des bêtises. Je vais au bureau.
Pierre entendit les pas d?Yves qui sortait, pendant que sa mère gémissait doucement.
Il revint s?asseoir sur le fauteuil, complètement anéanti par ce qu?il venait d?entendre. La vacuité de son esprit fut totale durant plusieurs minutes, puis il réagit, en pensant que la première chose à faire, était de s?éclipser rapidement pour que sa mère ne puisse pas le trouver là. Il sentait qu?avant tout, il fallait que sa mère ignore qu?il avait entendu sa conversation.
Il se dirigea vers la fenêtre du salon qui était au premier étage, l?ouvrit, et, enjambant le rebord, il se suspendit par les bras au rebord de la fenêtre, avant de se laisser tomber dans la cour.
Il s?éloigna sans bruit vers le garage pour prendre sa bicyclette, l?enfourcha, et partit rouler et réfléchir.
Il avait toujours aimé rouler à bicyclette pour réfléchir.
Quel était ce mystère qui liait sa mère à Yves ? Une idée lui était venue immédiatement à l?esprit, qu?il chassa aussitôt tant elle était monstrueuse.
Son père était mort accidentellement, le fait avait été établi, croyait savoir Pierre, sans contestation possible. Il est vrai, que ce qu?il savait, ne provenait que de ce que sa mère avait bien voulu lui dire, plusieurs années plus tard.
Il ne pouvait, il ne voulait pas envisager la possibilité d?une mort différente de son père. Comment accepter l?hypothèse que sa mère lui avait menti et que la mort de son père, n?était pas un accident, mais un attentat. Pourtant, Yves avait parlé de Cour d?assises. Cette juridiction ne connaissait que des crimes. C?est donc que le problème était d?une gravité extrême. Yves avait-il voulu dire que c?est sa mère qui avait tué son mari ? Cette idée était ridicule, et pourtant?
Bien sûr, la tante Rose pourrait sans doute lui fournir quelques précisions
Au sujet du décès de son frère, mais, Pierre ne pouvait pas se résoudre à lui poser des questions qui auraient laissé penser qu?il suspectait sa mère. C?était trop monstrueux
En même temps, il n?avait pas le droit de complètement occulter ce qu?il venait d?entendre, et de s?exonérer lâchement, du devoir envers son père. Si un assassinat avait eu lieu, la vérité, aussi pénible soit-elle, devait être connue.
Comme il ne pouvait parler de ce problème à personne, il estima, qu?en premier lieu, il faudrait savoir comment les journaux, à l?époque, avaient présenté les choses.
Pour cela, il eut l?idée de se rendre au siège du journal le plus lu dans la région, le Dauphiné Libéré, qui évidemment conservait en archives tous ses numéros.
Ayant pris cette décision, Pierre continuait machinalement à écosser les petits pois.

La tante regardait son neveu avec inquiétude. Ils étaient restés silencieux un très long moment. Elle était certaine qu?un problème empoisonnait l?existence de son neveu chéri, mais savait que s?il avait décidé de ne rien dire, il s?en tiendrait à sa décision. C?est qu?il avait une sacrée caboche le gamin !!
Lorsqu?ils eurent fini d?écosser les petits pois, Pierre dit à sa tante :
- Comme je ne veux pas concurrencer ceux qui tentent de ne rester que 10 minutes par jour sans rien faire, je vais continuer à travailler en faisant un tour en voiture, si maman veut bien me la préter.
- Se promener n?est pas travailler. Mais, bon !!profites-en en mon chéri. Quand tu entreras dans la vie active, tu n?auras plus beaucoup de loisirs.

Pierre sauta dans la petite voiture de sa mère, après qu?elle lui eut donné l?autorisation de l?emprunter, et il se dirigea vers Grenoble, à Veurey-Voroise, où se trouve le siège du Dauphiné Libéré.
Il y parvint assez rapidement, et n?eut aucune difficulté pour rencontrer un chef de service, Monsieur Moreau, car Pierre avait effectué un stage dans la maison, il y avait moins d?un an. Il l?avait connu à cette occasion, et avaient sympathisé.
Bien sûr, il ne parla pas des soupçons qu?il nourrissait, et se contenta de lui dire qu?il aimerait bien lire les articles qui avaient été écrits à l?époque, sur l?accident de son père.
Très gentiment, Monsieur Moreau fit venir les journaux qui étaient sortis, durant la semaine qui avait suivi l?accident.
Pierre constata, et ce fut pour lui une révélation, que son père, Marc Lorgnac, avait été une personnalité de la région. Président du Rotary club au moment de son décès, secrétaire du syndicat des PME, son décès avait fait l?objet de plusieurs longs articles, sur lui, et les circonstances de son accident.
Selon les articles qui traitaient de l?accident lui-même, il semblait que la victime, n?aurait pas du se trouver aussi proche du camion qui devait décharger du sable en un lieu précis.. Le conducteur Maurice Lelong, ne pouvait pas prévoir que quelqu?un se trouvait derrière sa benne, et il avait déclenché le déchargement, sans avoir commis de faute professionnelle.
Il s?agissait donc d?un accident bête, comme le sont tous les accidents.
Pierre s?apprêtait à rendre les journaux à monsieur Moreau, lorsque ce dernier vint avec un autre journal à la main.
- Tenez, mon cher Pierre, je viens de trouver un journal qui est sorti à peu près un an après l?accident de votre père, et dans lequel, il y a un article à ce sujet. Je ne l?ai pas lu, voyez s?il peut vous apporter quelque chose de nouveau.
Ce nouvel article avait été écrit par un jeune journaliste, Charles Monge, (C?est ce que lui indiqua plus tard, monsieur Moreau) qui lui-même trouva la mort quelques mois plus tard dans un accident de voiture.
Cet article relatait l?accident comme l?avaient fait ses confrères, mais une petite précision alerta Pierre.
Selon ce journaliste, qui avait consciencieusement enquêté, peu avant l?accident, une petite fille avait vu un monsieur grand, gros et roux, parler avec Monsieur Lorgnac. Aussitôt, après cette conversation, monsieur Lorgnac, accompagné par le grand roux, s?étaient dirigés rapidement vers le camion. Le grand roux était monté à la place du conducteur, et monsieur Lorgnac était allé vers l?arrière, et s?était penché pour « regarder dessous »
Le journaliste donnait le nom de la petite fille : Isabelle Duchateau, quand à l?homme grand, gros et roux, il s?agissait du chauffeur du camion.
Le journaliste était allé voir ce chauffeur qui lui dit, que la gamine, sans doute pour se rendre intéressante, avait dit n?importe quoi, puisque lorsque cette conversation aurait eu lieu, il était, lui, au volant de son camion. Il n?aurait pas pu rejoindre son volant, puisqu?il était déjà. De plus, selon la gamine elle-même, Monsieur Moreau s?était dirigé vers l?arrière du camion, ce que lui, ne pouvait voir de sa place de conducteur.
En revenant chez lui, Pierre pensa que sa petite expédition vers Grenoble, n?avait pas été totalement inutile, et il se promit de retrouver cette Isabelle Duchateau. Elle avait peut être changé de nom en se mariant, mais il espérait la retrouver par la famille.
En arrivant chez lui, juste avant le dîner, il se rendit dans sa chambre et appela sa tante, qui arriva presque aussitôt.
- Dis-donc Tata, connaitrais-tu une famille, dans la région, qui s?appelle Duchateau ?
La tante ne répondit pas tout de suite. Elle semblait très embêtée, puis elle finit par lui répondre.
- Toi, mon chéri, je sens que tu vas faire une imprudence, une grosse bêtise. Tu veux essayer de savoir les circonstances réelles de la mort de ton père, mon frère. Ton intention est louable, mais je t?en conjure, abandonne cette idée, elle est dangereuse. Tu doutes de la version officielle, et tu as sans doute raison, tu le vois, je te parle franchement, mais il n?y a trop d?intérêts en jeu, pour que l?on te laisse enquêter.
Je t?en supplie, ne cherche pas à savoir ! Tu ne pourras pas ressusciter ton père, et en dehors de lui, deux autres hommes sont déjà morts, en tous cas, je le crains. Si tu insistes, d?autres pourraient mourir, toi en premier lieu, et une jeune fille également. Promets-moi de ne rien faire.
- La jeune fille en question, n?est-ce pas Isabelle Duchateau ?
- Quand tu m?as parlé de cette famille, j?ai su que c?était elle que tu voulais aller voir. Je ne comprends d?ailleurs pas qu?elle soit encore en vie, et si tu vas la voir, tu la condamneras à mort, comme toi-même. Fais-moi la promesse que je t?avais demandée !
- Te rends-tu compte de ce que tu me demandes, ma tante ? Il existe un doute sur la mort de papa, il semblerait que mon beau père ne soit pas étranger à cette mort, et tu me demandes de ne rien faire ?
Après un instant de silence, estimant qu?en effet cette affaire ne mettait pas en jeu que lui-même, il finit par promettre à sa tante de bien réfléchir avant de prendre une initiative quelconque, et que dans l?hypothèse, où il déciderait d?ouvrir une enquête, il ne manquerait pas de lui en parler auparavant. Il lui demanda l?adresse des Duchateau, et lui réitéra la promesse d?être très prudent
- Tu vois ? Tu me dis que tu as besoin de réfléchir, pourtant, maintenant, tu me dis que tu vas âtre prudent. Je sens que tu veux absolument aller voir les Duchateau, donc tu refuses de t?arrêter. Tu es jeune, tu ne te rends pas compte de la capacité de nuisance de celui auquel tu veux t?attaquer. Il est sans pitié, et tu ne pèserais pas lourd devant lui.
- Tu veux parler de mon beau père, n?est-ce pas ?
- Je ne te dirai plus rien, sinon qu?il faut que tu restes tranquille. Si tu t?approches de la vérité, tu seras exécuté. Ce n?est pas un risque, c?est une certitude !! Je n?essaie pas de te faire peur. C?est une réalité. Il faut absolument que tu me croies !!! Encore une fois, je t?en supplie !! Songe que c?est mon frère qui a été ass?.je veux dire tué, et que, s?il était possible de le venger..
- Tu le vois, ma tante, tu as failli dire assassiné. Toi aussi tu es convaincu que papa n?est pas mort accidentellement. Tu devrais me comprendre. J?ai besoin de savoir.
Je ne voulais pas t?en parler, mais au point où nous en sommes, je préfère tout te dire.
Voilà. J?en entendu une conversation entre Yves et Maman. Elle voulait qu?il me laisse une part de la société, il s?y opposait et lui dit que si elle insistait, elle pourrait avoir de gros ennuis. Il a même parlé de Cour d?assises. Or la Cour d?assises, ne s?occupe que des crimes, alors, j?ai peur.
La seule pensée que maman pourrait être pour quelque chose dans la mort de papa, me fait frémir d?horreur, et je ne peux rester dans le doute. Je veux savoir, même si la vérité est horrible, je préfère savoir car le doute est insoutenable. A mon tour, je te supplie : Si tu sais quelque chose, dis-le-moi !!!
Portant ses mains au visage, la tante se mit en pleurer, et Pierre vint l?entourer de ses bras, et l?embrassa sur le front.
Quand elle fut un peu calmée, elle finit par dire :
- Moi non plus, je n?ai aucune certitude, mais il vaut mieux crois-moi rester dans cet état. Pourtant, il s?agit de mon frère pour lequel j?avais une très profonde affection. Sur l?accident lui-même, je n?en sais pas plus que toi. La seule chose que je puis te dire, c?est que le ménage n?allait pas fort, et que ton père m?en avait parlé. Il avait des doutes mais aucune certitude sur la fidélité de sa femme, et bien sûr, il savait encore moins qui aurait pu être son amant.
- Il me semble que les choses sont pourtant claires. Yves était un employé de papa. Pour devenir le patron de la société, il fallait qu?il fasse de maman sa maitresse, puis, qu?il se débarrasse de mon père. Mais si les choses me semblent claires, le gros problème est de parvenir à prouver que c?est Yves le seul vrai responsable, et que maman n?a été qu?un outil dont il s?est servi.
Coincer Yves, sans éclabousser maman, voilà ce que je voudrais réaliser.
- Je te le répète, Pierre, tu ne fais pas le poids contre Yves. Il a de nombreuses relations, et s?il se voyait perdu il n?hésiterait pas une seconde à tuer, ou à entrainer ta mère dans sa chute.
- Je te promets, ma tante, de ne rien faire sans t?en parler auparavant. Mais j?aimerais entrer en contact avec cette famille Duchateau et je me débrouillerai pour rencontrer la fille par hasard.
- Ne prends pas ton beau père pour un crétin.
Après une longue réflexion, la tante finit par dire :
- Les Duchateau habitent à 300 mètres de la société, sur la route de Romans. Ne fais pas d?imprudence.











































CHAPITRE 2





Pierre sauta sur sa bicyclette pour aller repérer la maison des Duchateau. Il n?eut pas de grandes difficultés à trouver la belle propriété ancienne, séparée de la route, d?une cinquantaine de mètres, par un jardin bien entretenu.
Il passa devant la maison, trois ou quatre fois, avec l?espoir de voir l?un des habitants, mais en vain.
La maison se trouvant à l?orée d?un village, il y avait un petit bois, de l?autre côté de la route, et Pierre décida de venir se mettre « en planque » afin d?appliquer le vieux principe militaire, « Voir, sans être vu »
Il vint donc 4 matins de suite, et c?est le cinquième jour, que la chance finit par lui sourire.
Une jeune fille sortit à bicyclette, et Pierre n?hésita pas. Il enfourcha son propre vélo, et sans difficulté arriva à hauteur de la jeune fille.
- Pardonnez- moi de vous aborder de la sorte, mademoiselle, vous êtes bien Isabelle Duchateau ?
La jeune fille sursauta, surprise désagréablement par cet inconnu.
- Je ne vois pas pourquoi je vous répondrais. Je ne vous connais pas.
- Votre réaction est tout à fait normale. Je vais être très direct. Je m?appelle Pierre Lorgnac. Mon père est décédé au cours de ce que l?on croit être un accident. Je sais que lorsque vous étiez très jeune, vous avez été pratiquement témoin de cet accident. Pourriez- vous me dire ce que vous avez vu exactement ?
- Non, Monsieur !
Pierre fut tellement surpris par cette réponse sèche et nette, qu?il pédala à côté de la jeune fille pendant une centaine de mètres sans prononcer un mot. Il finit par reprendre :
- Permettez- moi d?insister, car c?est pour moi d?une extrême importance. Pour ne rien vous cacher, je pense que mon père n?a pas été victime d?un accident.
- Alors, vous devriez savoir qu?il serait dangereux d?en savoir d?avantage. En tous cas, je vous demande de me laisser immédiatement, ou je retourne chez moi.
Sa phrase terminée, elle se mit en danseuse pour accélérer et se séparer de Pierre qui eut le temps de lui dire.
- Je comprends que vous ayez peur. Réfléchissez mademoiselle, et songez à ce que vous feriez si vous étiez à ma place. Je passerai ici demain à la même heure.
Elle ne répondit pas, et Pierre ne fut même pas certain d?avoir été entendu. Il ne pouvait cependant s?accrocher à elle, insister serait maladroit, et ne ferait que la confirmer dans l??idée de ne pas discuter avec lui. A son tour, il se mit en danseuse, la dépassa rapidement, et rentra chez lui.
L?attitude de la jeune fille prouvait qu?elle avait peur, et cela confirmait les craintes de la tante. Le beau père de Pierre faisait régner la terreur, pour que personne ne parle de l?accident de son père.
Le lendemain, Pierre revint à proximité de la maison de la jeune fille. Il n?était pas très optimiste car sa réaction de la veille avait été sèche et nette.
Il fut donc heureusement surpris lorsqu?il la vit venir vers lui à bicyclette.
- Je suis venue par politesse, puisque vous avez pris la peine de venir jusqu?ici, mais je ne peux pas m?attarder. Je vous rappelle que lors de l?accident de votre père j?étais très jeune, c?était il y a longtemps, et mes souvenirs sont flous.
Celui que j?ai su, plus tard, être votre père, a été abordé par un homme qui m?a semblé être un colosse. Il était grand, gros et surtout rouquin. Ils ont discuté un moment, puis, ils sont allés tous les deux vers un camion qui ne se trouvait pas très loin. Le rouquin est monté dans la cabine, pendant que votre père en faisait le tour, s?approchait et regardait sous le camion.
Ensuite, la benne a basculé, le sable est tombé sur votre père, et comme j?étais affolée, je suis partie en courant. Je crois que j?ai crié, mais je ne me souviens pas d?autre chose. C?est tout ce que je peux vous dire, excusez-moi, je dois rentrer.
Tournant sa bicyclette, Isabelle revint vers sa maison, et Pierre n?eut même pas le temps de la remercier.
Pourtant, ce qu?elle venait de lui dire était important. Si son père s?est approché du camion pour regarder dessous, c?est que le rouquin lui avait sans doute dit qu?il y avait un problème sur le véhicule, et ce serait donc volontairement qu?il aurait déchargé le sable, sur son père.
En revenant chez lui, il réfléchissait sur ce qu?il devait faire, maintenant qu?il avait la quasi certitude que son père avait été victime d?un attentat. Il prit la décision d?en parler à sa tante, comme il le lui avait promis.
Arrivé chez lui, il n?eut pas le temps d?aller la voir. Son beau père, dans le couloir, semblait l?attendre.
- Viens dans mon bureau, j?ai à te parler.
- Désolé, je n?ai pas le temps.
- Je te le dis dans ton intérêt. Viens immédiatement dans mon bureau. Sinon, tu pourrais le regretter.
- Je doute que vous vous souciez de mon intérêt. C?est sans doute du votre que vous voulez me parler.
- Ne dis pas de bêtise !! Moi, je ne risque rien. Allons, viens !
Pierre le suivit, et la vérité oblige à dire qu?il n?en menait pas large. Il était persuadé que son beau père était un assassin, et se retrouver enfermé dans un bureau avec un meurtrier n?était pas très rassurant.
- Pierre, je ne vais pas tourner autour du pot. Je t?interdis d?aller voir les Duchateau, et en particulier la jeune Isabelle. C?est compris ?
- Je ne vois pas à quel titre vous pourriez m?interdire quoique ce soit, et en particulier de voir qui je veux. Je suis majeur, et vous n?êtes rien pour moi.
- Mon pauvre enfant, je n?ai besoin d?aucun titre pour te mettre en garde. Je te dis simplement que si tu vas voir cette jeune fille, cela pourrait avoir de graves conséquences pour toi?..et d?autres.. Maintenant, si tu aimes courir et faire courir de grands risques, c?est à toi de voir. Comme tu l?as dit, tu es majeur.
- Si je comprends bien, vous me menacez de faire subir, à moi et à d?autres, le même sort qu?à mon père ?
- Qu?est-ce que tu racontes ? Ne dis pas de bêtise ! Ton père est mort d?un accident. Le fait est établi, une fois pour toutes.
- Si l?accident est certain, pourquoi m?interdisez-vous de voir Isabelle Duchateau ?
- Je n?ai pas à de donner les motifs de mes décisions. Je t?ai prévenu des énormes risques qu?il y aurait pour toi à me désobéir. J?ai été très gentil de le faire. Réfléchis bien avant de faire une bêtise. C?est tout. Tu peux partir.
Sans un mot, Pierre sortit du bureau, à la fois soulagé de ne plus être en tête à tête avec son beau père, et terrorisé par les menaces qu?il venait de recevoir.
Il ne pouvait évidemment se confier à sa mère qui consciemment ou non, avait été mêlée à cette affaire, et c?est tout naturellement sa tante qu?il chercha, et trouva dans le salon.
Il lui raconta tout. Sa brève entrevue ave Isabelle, ce qu?elle lui avait dit, puis la convocation dans son bureau de son beau-père, et les menaces qu?il avait proférées.
La tante avait les traits décomposés. Elle dit à son neveu, qu?il était encore temps de tout arrêter, mais qu?il fallait le faire immédiatement. La preuve était apportée qu?Yves Dumas avait des informateurs partout. Il n?avait pas tardé à savoir que Pierre avait rencontré Isabelle Duchateau. Prenant les mains de Pierre, et le regardant dans les yeux, elle le supplia de ne plus rien faire pour essayer de savoir ce qui s?était réellement passé lors de l?accident de son père.
- Ecoute, ma tante, lui répondit Pierre, il faut que je réfléchisse, mais d?ores et déjà, j?ai l?absolue conviction que mon père a été tué. Alors, il faut arrêter de parler d?accident.
La seule chose que je puisse te dire, c?est que je ne prendrai pas une décision à la légère. Je sais les risques que je prendrais, en continuant mon enquête, mais je sais surtout, que je ne serais pas seul à courir des risques, d?autres que moi risqueraient de graves ennuis, si mon enquête était connue d?Yves. Je sais tout cela. Tranquillise-toi, je te promets que la décision que je prendrai sera mûrement réfléchie.
Pierre prit sa bicyclette et malgré la chaleur écrasante, il fit un grand tour, tout en réfléchissant à la conduite qu?il devait tenir.
Il s?arrêta sous un chêne, au bord de la route, à proximité d?un champ de lavande dont le parfum était si puissant, qu?il en était entêtant.
Un brin d?herbe entre les dents, il s?allongea pour poursuive ses réflexions, et arriva à la conclusion qu?il fallait essayer d?obtenir l?adresse du journaliste qui s?était livré à une enquête sur la mort de son père, et qui était mort peu de temps après. D?une part, il voulait savoir de quoi était mort ce journaliste : N?avait-il pas, lui aussi, victime d?un assassinat ? D?autre part, peut être avait-il fait des confidences à ses proches, et enfin, son domicile étant assez éloigné de celui d?Yves, il était peu probable que ce dernier puisse apprendre qu?il poursuivait l?enquête.
Pour obtenir l?adresse de ce journaliste, le mieux était de retourner voir monsieur Moreau, au Dauphiné libéré. Satisfait d?avoir pris une décision, il remonta sur sa bicyclette pour rentrer chez lui, et s?offrir une bonne douche.
Le lendemain, sans demander à sa mère de lui prêter la voiture pour ne pas attirer l?attention, il enfourcha sa bicyclette et retourna au siège du journal. En le voyant revenir, Monsieur Moreau sourit en lui disant :
- J?étais certain que vous reviendriez me revoir. Que voulez-vous, cette fois-ci ?
- Vous êtes un bon journaliste, parce que très perspicace. Je voudrais connaitre l?adresse de la famille du journaliste qui avait enquêté sur la mort de mon père.
- Vous voulez sans doute savoir de quoi et dans quelles circonstances il est mort ?
- Exactement. Et puis, peut être a-t-il fait quelques confidences à un membre de sa famille, sur l?enquête qu?il avait menée ?
Monsieur Moreau donna à Pierre l?adresse de la femme de Charles Monge. Elle habitait à une vingtaine de kilomètres de Grenoble, et Pierre s?y rendit aussitôt.
Madame Monge habitait à l?entrée d?un petit village, dans une maison indépendante en pierres apparentes, avec un petit jardin de poche sur le devant.
La plaque, au dessous de la sonnette portait toujours le nom de Charles Monge.
Pierre sonna et quelques secondes plus tard, il vit sortir une femme assez jeune et fraiche, qui traversa le petit jardin pour venir ouvrir, et demander à Pierre ce qu?il désirait.
Il se présenta comme étant le fils de Marc Lorgnac, sur le décès duquel, monsieur Charles Monge avait enquêté.
Pierre sentit une longue hésitation de la part de la jeune femme, qui après l?avoir examiné longuement, répondit.
- Charles était mon mari. Je ne veux pas que l?on me reparle de cette affaire. C?est trop effroyable pour moi. Je suis désolée, je ne peux rien vous dire.
- Vous ne pouvez, ou vous ne voulez rien me dire parce que vous avez des craintes ? Je ne voudrais pas vous importuner madame, mais vous semblez penser qu?il y aurait un lien de cause à effet entre l?enquête que menait votre mari et son décès. Pouvez- vous m?indiquer les circonstances de sa mort ?
- Vous ne voulez pas m?importuner, mais vous ne tenez aucun compte de ce que je vous ai dit : je ne veux plus entendre parler de cette affaire.
- Voyez-vous, madame, nous sommes dans la même situation. Mon père comme votre mari, son décédés dans des circonstances différentes. Je voudrais savoir ce qui s?est passé. Ne partagez-vous pas ce besoin de savoir ?
- Non. Je ne peux rien vous dire, sans prendre de gros risques. Je suis désolée, monsieur, Il faut maintenant que je vous laisse.
Avant que la jeune femme ne s?éloigne, Pierre lui dit.
- Prenez ma carte, s?il vous plait. Si par hasard, après réflexion, vous désirez me voir, téléphonez-moi sur mon portable.
Elle prit la carte, tout en lui disant : ne vous faites pas trop d?illusion » Et elle rentra dans sa maison.
Le silence de madame Monge, était venu confirmer que la mort de Charles était aussi troublante que cette de Marc Lorgnac.
C?était un pas important. Pierre avait désormais l?intime conviction que son beau père était un assassin dangereux, qui n?hésitait pas à menacer de mort, et même d?exécuter, les éventuels témoins de ses crimes, et ceux qui s?intéressent de trop près à la mort de son père.
Pierre ne savait toujours pas quelle attitude adopter :
Fallait-il prendre le risque de représailles d?Yves, en poursuivant l?enquête pour que des preuves irréfutables viennent étayer son intime conviction ?
Ou était-il préférable de tout laisser tomber, ce qui semblait plus prudent, mais permettait à un criminel de vivre impunément, et aux victimes de ne pas obtenir une vengeance posthume.
Ce qui rendait difficile la réponse à cette question, c?est qu?en s?engageant personnellement dans une enquête, il entrainait des risques pour d?autres personnes que lui, lesquelles n?avaient pas un intérêt personnel à les prendre.
Ce cas de conscience, était d?autant plus difficile à régler pour Pierre qu?il n?avait que 22 ans. De plus, il venait juste de terminer ses études, et il n?avait pas de vraie expérience des problèmes de la vie.
Un garçon de 22 ans qui a fait des études, a acquis des connaissances livresques, mais il a incontestablement moins d?expérience de la vie qu?un garçon du même âge qui travaille depuis 4 ou 5 ans. Il manque de maturité.
Il avait un autre handicap : Il était seul. Il ne pouvait se confier à personne. Pas question qu?il parle de son problème à sa tante qui l?avait déjà supplié de ne rien faire, il ne pouvait en parler à sa mère, elle-même engagée personnellement selon ce que Pierre avait entendu.
Il avait beau faire de longues balades à bicyclette, habituellement propices à la réflexion, aucune solution ne se présentait à ses yeux.
Ses tergiversations l?amenaient, en fait, à prendre une décision. Pendant qu?il ruminait, il ne faisait rien d?autre, il s?en rendit compte et se trouva tout près de la résignation. Finalement, peut être valait-il mieux ne rien savoir du passé, et ne pas susciter de nouveaux problèmes.
Il y avait 6 jours que Pierre était allé voir madame Monge, et il était pratiquement décidé à ne plus bouger.
Il venait de rentrer d?une balade d?une trentaine de kilomètres à bicyclette, et il s?apprêtait à aller prendre sa douche, lorsque la tante Rose lui dit qu?elle avait reçu un coup de fil d?une dame qui demandait que Pierre la rappelle.
La tante Rose ne manqua pas de faire une réflexion, en plaisantant, sur le charme fou de son neveu, qui faisait que des femmes mariées, venaient le relancer. Mais en voyant le nom de la dame qu?il devait rappeler, Pierre sut tout de suite qu?il ne s?agissait pas de bagatelles, mais d?un coup de fil important, qui allait peut être l?obliger à prendre une position définitive.
( A suivre)



CHAPITRE 3






Il appela aussitôt le n°, et madame Monge lui dit :
- Après votre passage, j?ai eu la curiosité d?aller fouiller dans les papiers professionnels de mon mari, ce que je n?avais jamais fait depuis son décès.
J?ai trouvé un dossier au nom de Marc Lorgnac. Je l?ai parcouru. Il y avait bien sûr, tous les articles écrits juste après le décès de votre père dans divers journaux, ainsi qu?une note écrite par mon mari, dans laquelle il faisait le point de son enquête. Il avait reçu des menaces de mort, et je suis persuadée maintenant, sans pouvoir le prouver, que le pseudo accident dont il a été victime, était bien un assassinat
C?est pourquoi, je suis disposée à vous remettre ce dossier qui est à votre disposition, si vous voulez venir le chercher.
La décision que Pierre n?avait pas pu prendre lui-même, venait de s?imposer à lui par un signe du destin, et, dans l?après midi, il se rendit chez madame Monge.
C?est une femme, pâle, les yeux cernés, les mains tremblantes qui vint lui ouvrir.
Comme Pierre s?inquiétait de sa santé, elle lui répondit, que ce qu?elle n?avait pas voulu dire au téléphone, c?est que la veille, elle avait reçu un coup de fil d?une personne qui avait refusé de révéler son identité. C?était une voix d?homme, qui ne prononça que quelques mots avant de raccrocher.
« Vous êtes veuve, mais vous allez rapidement rejoindre votre mari, si vous vous mêlez de vieilles affaires dont votre mari s?était imprudemment occupé »
La pauvre femme avait passé une nuit blanche à se demander ce qu?elle devait faire.
Il était évident que la première visite de Pierre avait était connue, et qu?en conséquence, si elle lui demandait de revenir, le mystérieux correspondant le saurait de nouveau. La prudence, lui commandait donc d?obtempérer à l?ordre qui lui était donné. Mais en ayant la quasi certitude que son mari n?avait pas eu un accident d?automobile, et qu?il s?agissait vraisemblablement d?un assassinat, son véhicule ayant été probablement saboté, elle se faisait un devoir de tout faire, pour que sa mémoire soit vengée.
- Ma vie et la votre sont en danger, dit-elle, en lui remettant le dossier. Maintenant, partez vite, peut être que votre visite n?a-t-elle pas encore été repérée.
Sans prendre le temps de réfléchir, après avoir serré la main de madame Monge, Pierre sortit, en examinant si quelqu?un, à proximité était susceptible de l?avoir vu.
La rue était parfaitement déserte, mais il vit qu?à la fenêtre d?un pavillon situé en face, un rideau bougeait encore. Quelqu?un sans doute, avait épié sa sortie.
En s?efforçant de marcher normalement bien qu?une ridicule envie le prenait de partir en courant, Pierre réfléchit sur ce qu?il devait faire.
En passant devant le petit portail d?entrée du jardin devant le pavillon, il lut l?adresse de la propriétaire : Jeanne Dumas. La similitude de nom l?amena à une quasi certitude : Il avait été repéré par une parente de son beau père.
Que devait-il faire ? Son indécision ne dura que quelques secondes. Cette Jeanne Dumas allait certainement prévenir Yves Dumas de la visite que venait de recevoir madame Monge. Mais, peut-être était-il encore temps de la prendre de vitesse. ? Il revint précipitemment devant le portail, et sonna, tout en se cachant derrière un pilier pour ne pas être reconnu. Une dame, sortit presqu?aussitôt, ce qui fit penser à Pierre qu?elle n?avait sans doute pas encore eu le temps de téléphoner.
Lorsqu?elle ouvrit le portail et vit son visiteur, son mouvement de recul la trahit immédiatement.
Pierre entra d?autorité dans le jardin.
- Je n?avais pas madame l?honneur de vous connaitre, en revanche, je constate que vous me connaissez bien. Qui êtes vous par rapport à mon beau père Yves Dumas ?
Un moment interdite, elle tenta de se reprendre en lui disant qu?elle ne connaissait pas cet homonyme, pas plus qu?elle ne le connaissait, lui, et elle lui demanda de sortir de chez elle.
Pierre la regardait, sans rien dire, un sourire aux lèvres.
- Arrêtons cette comédie et entrons chez vous, nous serons mieux pour discuter.
Il se rendit d?autorité vers la porte du pavillon, l?ouvrit et rentra suivi par madame Dumas, trop déstabilisée pour réagir.
Etrangement, malgré la situation grave dans laquelle il se trouvait, Pierre était très calme, et se sentait maitre de la situation. C?était sans doute dû au fait que
Jeanne Dumas, ne semblait pas particulièrement solide, et qu?il était persuadé qu?il aurait la possibilité de tirer d?elle les renseignements qu?il recherchait.
Jeanne était une jolie femme élégante, très féminine. Elle avait le regard doux des myopes, et dès l?abord, Pierre pensa qu?elle ne devait pas être au courant des méfaits commis pas Yves Dumas.
Résolument, après avoir pénétré dans le pavillon, Pierre s?était dirigé vers le salon, et s?approchant de la fenêtre de cette pièce, il constata immédiatement que de ce poste d?observation, on voyait parfaitement la porte d?entrée du pavillon de madame Monge ;
En se retournant vers madame Dumas, et tendant le bras vers la fenêtre, il lui dit :
- Très bien placé votre poste d?observation, pour voir les visites reçues par madame Monge. Vous n?avez pas répondu à ma question. Qui êtes-vous par rapport à Yves Dumas ?
- Je suis sa soeur.
- Et il vous a chargé de surveiller les visiteurs qui venaient chez madame Monge, et en particulier, vous avez je pense, pour mission, de lui signaler mon éventuelle visite chez madame Monge. Est-ce exact madame ?
- Ecoutez, monsieur, je ne comprends pas votre intrusion. Il s?agit d?une affaire banale. Mon frère m?a demandé un petit service, je le lui rends, c?est tout.
- Avez-vous eu le temps de lui signaler la visite que je viens de rendre à votre voisine ?
- Pas encore. Mais encore une fois, je ne comprends pas l?importance de votre brutale intervention.
- Vous pensez réellement qu?il s?agit une affaire anodine ?
- Mon frère m?a parlé en effet d?un petit problème de documents détenus pas madame Monge, et que vous tenteriez de reprendre, ce qui pourrait nuire à la bonne marche de sa société.
Voyant un dossier sous le bras de Pierre elle ajouta
- Je constate qu?il n?a pas menti et que vous détenez ces documents.
- Pas menti ? Votre frère ? Sachez qu?il est la cause de la mort de mon père, sans doute de monsieur Monge également, et qu?il a la pris la direction de l?usine qui devait me revenir.
- Je ne crois pas un mot de tout ce que vous venez de me dire. Je ne vous permets pas de jeter le discrédit sur mon frère qui est un homme irréprochable, même si ses résultats professionnels exceptionnels, suscitent des jalousies
- Je crois malheureusement que vous allez devoir changer d?opinion au sujet de votre frère. Nous allons étudier sereinement la question, voulez-vous ? Vous allez vous asseoir en face de moi. Je ne veux pas que vous communiquiez avec l?extérieur. Si le téléphone sonne, ne répondez pas. Je vais étudier ce dossier, et je vous prouverai certainement que ce que je vous ai dit est la pure réalité.
Ils s?assirent l?un et l?autre sur un siège, Pierre se mis à étudier le dossier, pendant que madame Dumas, pour se donner une contenance, avait pris un cahier de mots croisés, sans lire une seule définition ; On la sentait très perturbée, car ce jeune homme, lui avait paru sûr de lui lorsqu?il avait lancé ses accusations.
Un silence désagréable plana et dura de longues minutes. Désagréable pour elle surtout, car Pierre entièrement immergé dans le dossier, n?avait pas le temps de s?interroger sur ses états d?âme.
Après un quart d?heure, qui parut durer des siècles à mademoiselle DUMAS, Pierre lui tendit un document en lui disant que la seule lecture de ce document devrait l?éclairer sur la véritable ampleur de l?affaire.
Elle lut ce document. Il était écrit par Monsieur Monge peu avant son décès.

Je me félicite d?avoir voulu pousser mon enquête sur la mort de Marc Lorgnac.
Le témoignage de la petite Isabelle du Château constituait déjà une présomption sérieuse d?existence d?un crime et non d?un accident. Je suis parvenu à trouver un second témoin, qui n?avait pas voulu se faire connaitre au moment des faits, car il avait tout de suite compris que monsieur Lorgnac avait été assassiné, et que, le révéler mettrait sa vie en péril.
Lorsque j?ai retrouvé ce témoin Louis Delmont il était à l?hôpital. Il souffrait d?un cancer en phase terminale, et accepta de parler.
J?ai enregistré sa déposition sur un magnétophone que j?ai déposé dans la malle jaune de mon grenier. Voici ce qu?il m?a dit :
« La veille de la mort de monsieur Lorgnac, je faisais la sieste derrière la haie qui sépare les champs de Dubois et de Mercier.
J?ai été réveillé par un bruit de voix, de l?autre côté de la haie. J?ai su par la suite qu?il s?agissait d?une conversation entre monsieur Dumas, et l?un de ses employés Jacques Dubrun, l?un de ses chauffeurs.
Dumas disait : demain, tu chargeras à bloc, ton camion de sable fin. Tu iras voir Lorgnac pour lui dire que le mécanisme de bascule ne fonctionne pas et tu lui demanderas de venir y jeter un coup d??il. Tu lui diras que le blocage se situe sous le véhicule vers l?arrière. Tu monteras sur ton siège, pendant qu?il ira à l?arrière du camion. Lorsqu?il se sera engagé sous ton véhicule, tu actionneras la bascule, et tu ne pourras pas manquer ton coup. Aujourd?hui, je te donne 20.000 francs, et après demain, si tu as bien réalisé ton travail, je te convoquerai dans mon bureau pour une raison de service, et je te donnerai le solde, soit 30.000 francs. Nous sommes d?accord ? Comme Dubrun lui dit qu?il était d?accord, Dumas précisa qu?il ne devait parler à personne de leur petite affaire, même pas à sa femme, et Dubrun le tranquillisa sur ce point.
Le lendemain, par curiosité, je me suis débrouillé pour ne jamais être très loin de Dubrun, et quand je l?ai vu discuter avec Monsieur Lorgnac, j?ai su que la chose allait se faire. Je me suis caché derrière un platane, et j?ai vu que tout se déroulait selon les plans de monsieur Dumas. Je n?ai pas osé en parler, mais maintenant??

Mademoiselle Dumas, en terminant sa lecture, sanglotait et pleurait à chaudes larmes, en répétant : Ce n?est pas possible, ce n?est pas possible?..
Pierre lui laissa le temps de se remettre quelque peu, puis lui dit qu?il croyait en sa bonne foi, mais qu?elle devait écrire une témoignage précisant que son frère lui avait demandé d?épier la porte de madame Monge, pour noter tous ses visiteurs et en particulier Pierre Lorgnac dont des photographies lui avaient été données.
La pauvre femme faisait pitié à Pierre, mais il ne pouvait se payer le luxe de laisser ses sentiments prendre le pas sur la raison. Cependant, il ne la bouscula pas, et lui laissa le temps de réfléchir.
Elle finit par lui dire qu?elle s?engageait à ne pas prendre contact avec son frère, et bien entendu ne lui ferait pas connaitre, même indirectement, que Pierre était venu chez madame Monge. En revanche, elle ne pouvait donner un témoignage écrit, qui condamnerait son frère, sans avoir mûrement réfléchi.
Avant de repartir, Pierre lui accorda 2 jours et précisa qu?il reviendrait le surlendemain à 15 heures pour recueillir sa décision.
- Je vais vous laisser réfléchir, madame, car je crois à votre bonne foi, mais vous devez tenir compte, dans vos réflexions, que votre frère est à l?origine de la mort de plusieurs hommes, car en plus de mon père, je suis persuadé que le décès de monsieur Monge pourra lui être imputé, ainsi que celui de son complice, le chauffeur du camion benne, qui est mort, curieusement, peu après.








CHAPITRE 4





La chaleur était torride. Il n?était pourtant que 11 heures du matin. Il n?y avait pas un souffle d?air, et Pierre, allongé sur un transat sous l?érable, un verre de coca glacé à la main, ne parvenait pas à réfléchir sérieusement au problème qui le préoccupait.
Son beau père était un criminel. Il en avait l?intime conviction, et il pourrait assez facilement en apporter les preuves. Mais sa mère était mêlée à cette affaire. Il ne savait dans quelle mesure, mais il avait entendu Yves Dumas dire qu?il y avait des preuves contre elle. Comment faire accuser son beau père sans que sa mère ne soit atteinte. En tout état de cause, elle serait atteinte sur le plan sentimental, puisqu?il était évident qu?elle l?aimait. Mais, sur le plan juridique, qu?avait-elle fait ? Que risquait-elle.
Paradoxalement, c?est au moment où, complètement découragé, il avait décidé de ne plus penser à cette affaire pour l?instant, qu?il se leva, poussé par une force qu?il ne contrôlait pas, et il se rendit compte qu?il avait pris la décision d?aller attaquer le problème de front en allant voir sa mère.
Pour que la chaleur épargne un peu l?intérieur de la maison, tous les volets avaient été fermés, et madame Dumas se trouvait dans un fauteuil, occupée à lire un roman.
L?entrée de son fils lui fit lever la tête, et elle ne put ignorer qu?il était préoccupé.
- Que se passe-t-il mon fils ? Tu as les traits tirés, il me semble que tu as maigri, comment te sens-tu ?
- Je ne suis pas malade, mais il y a un gros, un énorme problème. J?ai la conviction que ton mari a tué mon père. Je peux le faire tomber. Mais avant de le faire, je veux savoir quel rôle tu as joué dans la disparition de papa. J?ai entendu une conversation que tu as eue avec Yves?
Pierre lui raconta alors toute la conversation surprise, entre Yves et sa mère.
Livide, sa mère laissa tomber le livre qu?elle avait en main, et elle se tassa au fond de son fauteuil. Elle fut prise d?un tremblement nerveux, et des larmes coulaient sur son visage décomposé.
- J?étais certaine que ce jour arriverait, où mon fils me demanderait des comptes.
- Ta crainte s?est réalisée. Tu n?as plus qu?à m?expliquer ce qui s?est passé. S?il te plait, maman, dis moi la vérité, car je te préviens, je sais déjà beaucoup de choses,.
- Ce que tu viens de me dire, signifie que si je mens, tu le sauras ? Sois sans crainte, je vais tout te dire. Je suis malheureuse car tu vas mal me juger, mais je suis soulagée de ne plus rien te cacher.
Après un moment de silence durant lequel elle rassemblait ses idées pour exposer les faits dans un ordre logique, elle reprit :
- Ton père et moi avons fait un véritable mariage d?amour. Tu ne l?as pas beaucoup connu, mais c?était un homme séduisant, intelligent, travailleur, et entreprenant. Nous avons vécu durant 9 ans un bonheur absolu.
Puis, ses affaires se développant rapidement, il a embauché Yves Dumas comme chef comptable. Tu venais d?avoir 5 ans ; lorsqu?un jour, c?était un samedi, ton père était, comme chaque semaine, sur le terrain de golf, Yves est venu à la maison, et nous avons discuté durant deux bonnes heures. Par la suite, il a pris l?habitude de venir tous les samedis après midi en l?absence de ton père. Nous nous appréciions mutuellement, mais je n?ai jamais trompé ton père, je te le jure.
Un samedi, Yves est venu avec deux documents. L?un était la photo d?une magnifique propriété, dont la valeur était de 4,5 millions de nouveaux francs. L?autre, était une lettre d?un notaire, adressée à Yves Dumas, dans laquelle il était dit que la liquidation de la succession de son oncle était liquidée, et qu?il allait recevoir sous quinzaine un chèque de 4,5 millions.
Yves me dit :
« C?est curieux cette concordance entre le prix de la maison de mes rêves, et le montant de l?héritage que je vais recevoir. C?est un signe du destin. Je vais acheter cette maison, mais j?ai un problème, et je vais vous en parler car vous êtes ma plus proche amie. Nous sommes deux candidats à l?achat de cette maison, et mercredi prochain, il faudrait que je puisse apporter les fonds, pour emporter le morceau »
Bref, Yves me demandait de lui fournir cet argent pour une très courte période, puisqu?il allait recevoir son héritage.
Yves savait, car je lui en avais parlé, que depuis le début de notre mariage, j?avais la signature sur tous les comptes, même ceux de la société. Ton père tenait absolument à ce que tous nos biens soient communs. Je n?avais jamais fait un chèque sur un compte de la société, mais théoriquement je pouvais faire le chèque demandé. Cependant, très gêné, je lui dis qu?il vaudrait mieux qu?il en parle à ton père.
C?est là que j?ai été ridiculement imprudente. Yves m?a dit qu?il préférait ne pas en parler à son patron, qui, le sachant possesseur d?une splendide maison pourrait se montrer un peu jaloux, et cela se ressentirait dans leurs rapports professionnels. Quand on raisonne froidement, cet argument parait être ce qu?il est effectivement, c'est-à-dire ridicule, mais j?étais déjà sous le charme de cette homme qui multipliait ses compliments à mon égard. Je suis d?ailleurs, je l?avoue, toujours attaché à lui.
Lorsque je lui ai donné mon accord, il m?a dit : Il s?agit d?une somme importante, il faut donc, dans votre intérêt qu?il y ait une trace. Par ailleurs, faites le chèque sans préciser le nom, je le mettrai au nom du vendeur directement.
Vous me transmettrez le chèque avec ce mot que vous taperez en double exemplaire pour que vous en gardiez un.
« Monsieur
Je vous transmets un chèque de 4 millions 500.000 francs, pour la réalisation de l?affaire. Bonne chance. »
J?ai fait ce qu?il me demandait.
Deux jours plus tard, ton père décédait dans son accident.
Après un moment de silence, c?est Pierre qui tira les conclusions.
- Donc, papa a été tué par le chauffeur de la benne. Il a été exécuté sur les ordres d?Yves, et c?est l?argent de papa, donné par ma mère, qui a servi à l?assassinat. De plus, l?argent n?a pas transité sur le compte d?Yves qui ne pourrait donc pas être poursuivi de ce chef.
En revanche, il détient un papier fort bien libellé, qui laisse penser que c?est toi qui est l?instigatrice de l?assassinat. Je veux bien croire que tu n?étais pas au courant de l?utilisation des fonds que tu avais donné à Yves, mais en fait, c?est toi qui a tué mon père, puis tu as épousé ton complice. Cela dépasse la notion de légèreté, maman. Je veux faire payer Yves, et je ne vois pas comment je pourrais éviter ta mise en cause.
Depuis le début de leur explication, Marthe Lorgnac était une femme accablée, défaite, pitoyable. Lorsque son fils fit le résumé de la situation, elle sembla reprendre ses facultés, et c?est d?une voix plus ferme qu?elle répondit.
- Je t?ai dit, Pierre, que j?aimais toujours Yves. C?est exact. Cependant, tu ne dois pas tenir compte de cet élément. A aucun moment, je n?ai voulu la mort de ton père. Les apparences sont contre moi, mais tu as tort de m?accuser, quoiqu? il soit vrai que sans moi, ton père serait sans doute encore en vie.
Oui, ton père doit être vengé. Je te comprends. Oui, Yves doit être puni pour le crime qu?il a commis. Dépose une plainte, mon fils. Je t?approuve entièrement. Ne cherche pas à me protéger. La légèreté dont j?ai été coupable est criminelle. J?accepte dès maintenant les conséquences de mon aveuglement sur la moralité d?Yves .Je souhaite qu?il soit puni, que tu prennes la direction de l?affaire créée par ton père, voilà les deux seuls points désormais importants pour moi.
Cela va te paraitre énorme, incroyable, mais c?est pourtant la vérité. C?est maintenant seulement, grâce à ton résumé, que je me rends parfaitement compte de la gravité de mes agissements. Aveuglée par mon attachement pour Yves, je ne voulais pas voir qu?il était un criminel, qu?il ne m?a jamais aimé, et que son seul but, était de prendre la direction de la société. Je n?ai été qu?un pion, idéalement malléable pour lui permettre de réaliser son désir.
En me faisant écrire un papier, il se croyait à l?abri. Redonne-moi une parcelle d?honneur, en te servant de ce papier pour l?abattre, même s?il me fait tomber aussi, ce sera juste.
Je n?ai pas été une bonne mère, mais si l?avenir m?en donne la possibilité, je me rachèterai en partie, je te le jure.
Pierre lui fit remarquer qu?avant de parler de l?avenir, il faudrait régler les problèmes présents. En premier lieu, il demanda à sa mère de prendre une position nette. Il croyait à son repentir actuel, mais comme elle aimait toujours Yves, il fallait qu?elle réfléchisse et prenne une position nette et définitive. La neutralité était impossible. Elle devait, après une sérieuse réflexion, car les conséquences pour elle seront importantes qu?elle se place, soit du côté de son mari, soit contre lui.
Elle confirma que sa réflexion était déjà faite, n?en changerait pas, et qu?elle condamnait Yves, évidemment, puisqu?il était avéré qu?il avait tué Marc Lorgnac. Du fait du papier qu?il lui avait fait écrire, son sort était lié au sien, mais elle assumait sa responsabilité.
Après avoir réfléchi, Pierre lui dit que son sort n?était pas forcément lié à celui d?Yves. Il suffisait de récupérer ce sacré papier, pour que la situation soit plus claire. Il suffisait, mais c?était nécessaire.
La mère et le fils décidèrent de réfléchir chacun de son côté et de reprendre le lendemain leur conversation.
Pierre alla voir la tante Rose, et lui raconta tout ce qu?il venait d?apprendre, ainsi que ce qu?il avait déjà entrepris.
La confession de sa mère, sa visite chez madame Monge ainsi que celle qu?il avait rendue à la s?ur d?Yves.
La tante Rose convint que maintenant, les choses étaient trop avancées pour pouvoir tout abandonner, et qu?il allait falloir agir le plus rapidement possible.
C?est dans la même soirée, que Pierre reçut un coup de téléphone d?Isabelle Duchateau.
Elle avait, elle-même, reçu un coup de fil d?Yves Dumas. Il s?était présenté et lui avait dit : « Ecoutez-moi bien, jeune fille. Si vous avez un contact quelconque avec mon beau fils Pierre, je le saurai, et vous aurez de graves, de très graves ennuis. Je parle très sérieusement. C?est mon premier et dernier avertissement ».
Outrée par cette injonction, et malgré les dangers que cela présentait pour elle, elle avait décidé de le prévenir, et se disait disposée, si c?était nécessaire, à témoigner sur ce qu?elle avait vu lors de l?assassinat de son père.
Les choses se précipitaient. C?était désormais une course contre la montre à laquelle se livraient Yves et Pierre. Il fallait que très rapidement, Yves soit mis hors d?état de nuire.
Pierre qui jusqu?alors avait eu plutôt tendance à hésiter, à tergiverser, trouva les ressources nécessaires pour prendre une décision immédiate, et alla rejoindre sa mère qui était dans la cuisine.
- Maman, lui dit-il, nous n?avons plus le droit d?attendre. Yves a téléphoné à Isabelle Duchateau, pour la menacer des pires ennuis, et l?on sait ce que cela veut dire dans sa bouche, si elle tentait de prendre en contact avec moi. Avec un remarquable courage, Isabelle m?a téléphoné pour me dire qu?elle était prête à témoigner contre lui si c?était nécessaire.
Elle est donc en danger, car je ne sais comment, Yves, est, ou va être au courant de ce coup de téléphone. Nous devons agir vite. Sais-tu où ton mari a pu cacher le papier, que tu avais signé en lui donnant l?argent ?
- C?est un monstre. Je te confirme que je n?ai pas besoin de réfléchir davantage pour être de ton côté.
Je puis te donner un renseignement. Il porte en permanence une chaine autour du cou, qui retient une petite clé. Je suis à peu près certaine que c?est elle qui ouvre un petit coffret dans lequel il doit conserver ses papiers les plus importants. Jamais, jamais, il ne se sépare de cette chaine et de cette clé. Maintenant, je ne vois pas comment nous pourrions entrer en possession de cette clé.
Pierre réfléchit un long moment, pendant que sa mère le regardait avec anxiété, puis il dit :
- Parfait. Voilà ce que nous allons faire. Il faut donc que durant le repas de ce soir, car le temps presse, tu fasses absorber par Yves un soporifique le plus puissant possible. Lorsqu?il sera profondément endormi, nous commencerons par l?attacher, nous prendrons cette petite clé et nous chercherons dans son bureau ce sacré coffret. Es-tu d?accord ?
A vrai dire, la mère de Pierre hésita longuement. Utiliser la méthode préconisée par son fils lui paraissait trop sévère. L?endormir à la rigueur, mais l?attacher?.C?était trop.
Pierre finit par la convaincre en lui disant qu?ils ignoraient combien de temps il leur faudrait pour trouver le coffret, et que si Yves se réveillait trop tôt, leurs vies, à tous, serait en jeu. Elle finit par se laisser convaincre, et partit voir dans sa pharmacie ce qu?elle pourrait trouver comme soporifique susceptible de se dissoudre dans du vin, puisqu?Yves était le seul à en boire durant les repas.

Dès 11 heures du soir, Yves dormait profondément, et Pierre, qui s?était procuré une longue corde solide, put le saucissonner dans son lit, sans qu?il s?éveille une seule seconde.
Pierre avait dans la main, la fameuse clé qui devait ouvrir le coffret où était sans doute rangé le mot écrit par sa mère, il y avait 14 ans. Encore fallait-il trouver ce coffret.
La mère et le fils allèrent dans le bureau d?Yves, et se mirent à fouiller les tiroirs du bureau, la bibliothèque, ainsi que tous les endroits où aurait pu se trouver un coffret. Ils ne trouvèrent rien, et Marthe commençait à s?affoler. Elle se demandait ce qui allait se passer quand Yves se réveillerait. Elle communiqua ses craintes à Pierre qui sentait la situation lui échapper.
Leurs recherches avaient fait suffisamment de bruit pour réveiller la tante Rose dont le sommeil était très léger. Etonnée de voir de la lumière dans le bureau d?Yves à une heure si tardive, elle entra et fut surprise de trouver sa belle s?ur et son neveu effondrés sur des fauteuils.
Elle se fit expliquer tout ce qui s?était passé, et son sang froid redonna le moral à la mère et au fils. Elle les félicita d?avoir eu la précaution de ligoter Yves.
« Il est en notre pouvoir, dit-elle. Nous n?avons qu?à attendre qu?il se réveille, et il faudra bien qu?il nous dise où se trouve ce fameux coffret. Je vois qu?il y a un coffre fort dans le mur, je suis certaine qu?il l?a mis dedans. Une double sécurité, cela ressemble tout à fait à ce fichu bonhomme. Ne vous inquiétez pas, il parlera. N?oubliez pas que c?est mon frère qu?il a tué, et s?il y a une possibilité de prouver la responsabilité de cet individu, je ne la laisserai pas échapper.
L?attitude déterminée, volontaire de sa tante Rose, fut une révélation pour Pierre, qui avait toujours pensé que sa chère tante était une personne d?une extrême gentillesse, mais une peu pusillanime, et sans grande personnalité. En tout état de cause, il était heureux de trouver cette alliée de poids, et ils allèrent se coucher, Marthe, à côté de son mari ligoté.
C?est en fin de matinée vers onze heures qu?Yves se réveilla. Ses cris attirèrent Marthe, la tante Rose et Pierre qui se reprocha tout haut de ne pas l?avoir bâillonné.
- Il n?est pas trop tard pour le faire, si nous le désirons dit la tante Rose qui prit la direction de l?interrogatoire.
Allons, Yves, nous arrivons à l?heure de vérité. Arrêtez de brailler ou nous allons vous mettre un bâillon. Vous allez nous dire immédiatement où se trouve le papier que vous avez fait écrire par votre femme en vous transmettant l?argent destiné, à l?achat d?une maison. C?est en tous cas, ce que vous lui avez laissé croire
Il faut dire, que tout réduit à l?impuissance qu?il était, Yves n?en était pas moins effrayant. Une rage folle l?habitait, il roulait des yeux comme un forcené et bavait en tirant de toutes sa puissance sur les liens qui le retenaient. L?impression de force qu?il dégageait faisait que Pierre à tout instant pensait que la corde allait céder. Là encore, c?est la tante Rose qui sauva la situation. Elle alla chercher deux verres d?eau dans la salle de bains contiguë, et les lui jeta à la figure. L?effet fut d?autant plus instantané qu?ayant la bouche ouverte, Yves s?étrangla avec l?eau projetée.
- Bien. Vous voilà plus calme. Dites-vous bien que vous ne pouvez attendre le secours de personne. Nous sommes tous ligués contre vous, et bien décidés à obtenir ce que nous voulons. Je suppose que le coffret, dont nous avons la clé, doit être dans votre coffre mural. Donnez- nous le code.
- Jamais !! Répondit Yves, après avoir repris son souffle. Vous faites une grave erreur en me séquestrant. J?ai de puissants amis, et vous n?avez qu?une faible idée de ce qui va vous arriver.
- Raison de plus pour que nous ne vous relâchions pas, avant d?avoir obtenu ce que nous désirons. Remarquez, les puissants amis, c?est parfait quand tout va bien, mais lorsqu?il s?agit de défendre un criminel, ne vous faites pas trop d?illusion, plus personne ne vous connaitra.
Alors prenez conscience de votre situation. Vous êtes en notre pouvoir. Nous vous laisserons en l?état, sans manger, sans boire, aussi longtemps que vous ne répondrez pas à nos questions.
- Il faut que j?aille aux toilettes !
- Pas question que vous bougiez d?ici. Faites sous vous, si vous ne pouvez pas faire autrement, c?est vous qui serez gêné, pas nous. Cela coutera un matelas ? La belle affaire !
Après un moment d?abattement, Yves s?en pris violemment à sa femme.
- Espèce de salope !! Tu m?as trahi !
C?est Rose qui lui répondit :
- Vous avez fait beaucoup mieux, vous avez tué son mari, mon frère, et sans doute d?autres, quand à ma belle-s?ur, pourquoi ne lui avez-vous jamais fait visiter la merveilleuse maison que vous avez acheté avec l?argent qu?elle vous avait prêté ? Vous savez, Yves, vous pouvez tourner les choses dans tous les sens, c?est toujours vous qui aurez le mauvais rôle. Le menteur, c?est vous, le criminel, c?est vous, alors inutile d?essayer de vous en prendre aux autres. Je vous pose une nouvelle fois la question : Quel est le numéro de votre coffre mural?
A la surprise des trois personnes présentes, Yves lâcha : 31416
La tante Rose éclata de rire.
- Vous avez choisi ce code, 3,1416 parce que vous faisiez des ?uvres pies sans doute? Ou est-ce que vous aimez les calculs ? Bon. Ne plaisantons plus. Pierre !! Va voir s?il ne s?est pas fichu de nous !
Dix minutes plus tard, Pierre revenait avec un petit coffret métallique, qu?il avait trouvé dans le coffre mural Il n?avait pas ouvert le petit coffret pour pouvoir le faire, devant sa mère et sa tante, avec la petite clé, sous les yeux furieux, injectés de sang d?Yves.
Il y avait une enveloppe sans indication, et divers papiers, au milieu desquels, Pierre trouva rapidement le mot écrit par sa mère. Il lui restitua ce papier en lui disant.
- Voilà maman. La preuve de ta complicité n?existe plus. Yves sera seul responsable de tout ce que nous savons déjà et de ce que nous allons découvrir.
A ce moment là, Pierre se sentit rempli d?une immense joie, et aussi, il faut bien le dire, d?un orgueil démesuré. Lui, encore un gamin, venait de faire mettre un genou à terre à un homme malfaisant, certes, mais puissant, et qui avait jusqu?alors gagné tous ses combats. La tante Rose avec son intelligence pénétrante, se rendit compte de ce que ressentait son neveu, et lui dit.
- C?est bien Pierre, mais ce n?est qu?une petite étape. Bien que ridiculement ligoté dans son lit, cet individu n?a pas encore été condamné légalement par les tribunaux. Attends la fin pour te réjouir pleinement.
Pierre se reprit, remercia sa tante d?un sourire, et se mit à trier les papiers se trouvant dans le coffret.
































CHAPITRE 5





La plupart des papiers étaient des reconnaissances de dettes, au bénéfice d?Yves. Il s?agissait de personnes connues, occupant toutes des postes importants. C?était là, certainement, sa façon de « tenir » un tas de gens qui ne pouvaient rien lui refuser. Pierre avait l?explication des pouvoirs que possédait son beau père. Sa force était dans le chantage. Mais où trouvait-il cet argent pour prêter des sommes aussi considérables ?
Pierre eut à peine le temps de se poser la question, qu?il avait la réponse.
Cette réponse se trouvait dans l?enveloppe au milieu des papiers : Yves, se livrait au commerce de la drogue. Pierre trouva dans cette enveloppe, des fiches de deux couleurs, des roses et des bleues. Les roses concernaient les quantités et le prix global des achats de produits désignés par la seule initiale : H. Les fiches bleues, concernaient les prix de vente, des mêmes quantités du même produit H, qui, sur l?une des fiches était écrit en toutes lettres : Héroïne.
Les noms des clients, la plupart étant des notables connus, se trouvaient sur les fiches.
Il est évident que ce commerce d?héroïne était particulièrement fructueux pour Yves. Pierre constata que lorsqu? Yves achetait 100, il revendait 1200. Les premiers achats dataient de 7 ans, et la dernière fiche rose remontait à 1 mois. Il n?y avait pas encore la fiche bleue correspondante. Malheureusement, il n?y avait aucun nom, en ce qui concerne le ou les fournisseurs de la drogue. Là encore, il allait falloir tirer les renseignements d?Yves lui-même, qui sans doute, torturé par une envie d?aller aux toilettes, s?agitait sur son lit.
Pierre revint vers lui, pour obtenir des précisions, mais Yves, qui se tordait de douleur, implorait qu?on le laisse aller aux toilettes, après il répondrait aux questions.
Pierre s?y opposa estimant qu?une fois soulagé, il ne dirait plus rien. Là encore, ce fut la tante Rose qui intervint, marquant une fois encore son ascendant sur le petit groupe.
- Laissons-le aller, Pierre, à condition de prendre toutes nos précautions. Il faudra bien qu?il parle à un moment ou à un autre, car il ne pourra pas se soulager pour 3 ou 4 jours d?avance??
Cette menace que son calvaire pourrait durer encore très longtemps sapa visiblement le moral d?Yves.
La tante demanda à Pierre d?aller chercher un morceau de corde identique à celle qui avait servie à ligoter Yves, puis lui demanda de faire un n?ud coulant.
- Passe le n?ud coulant autour de son cou, et donne-moi l?autre bout de la corde. S?il veut tenter quelque chose, sois sans crainte, je tirerais, et je l?étranglerais sans hésitation. Maintenant dégage lui uniquement la main droite, et ligote à nouveau son bras gauche contre lui. Maintenant, tiens-le en laisse et emmène le aux toilettes.
Il est dommage que la situation soit aussi sérieuse, car les participants auraient pu éclater de rire en voyant cet étrange attelage d?un homme qui, les jambes entravées, avançait à petits pas, le plus rapidement possible, et était tenu en laisse par un collier passé autour du cou. Les deux femmes suivaient jusqu?à la porte des W.C, où Yves entra avec Pierre, pendant que les femmes s?écartaient. Le jeune homme prévint son beau père, qu?au moindre mouvement suspect, il l?étranglerait.
L?opération terminée, Yves venait de se relever, lorsqu?il se rua sur Pierre, pour, à la fois, rendre la corde plus lâche et se dégager du noeud coulant, tout en faisant tomber.
Sous le choc Pierre tomba en arrière, la porte s?ouvrit et comme il avait conservé solidement en main le bout de corde, le n?ud coulant se resserra. Un craquement sinistre indiqua la rupture de vertèbres et Yves tomba de tout son poids sur Pierre qui aidé par sa tante eut bien du mal à se dégager.
Yves était mort. Pierre pâle, les yeux agrandis par l?horreur était tétanisé, et Marthe pleurait en gémissant. Seule, la tante Rose garda son sang froid.
- Trainons le jusqu?à la chambre, mettons-le sur le lit et appelons la gendarmerie.
Lorsque les gendarmes arrivèrent, la tante Rose raconta scrupuleusement comment les choses s?étaient déroulées, et elle leur remit la cassette avec les papiers qu?elle contenait.
La seule petite entorse à la vérité que commit, par omission, la tante Rose fut qu?elle ne parla pas du mot écrit par Marthe, et elle expliqua qu?ils voulaient trouver dans un coffret, la preuve qu?Yves avait tué Marc Lorgnac, entre autres victimes sans doute.
Comme la culpabilité d?Yves n?était pas prouvée, et qu? il y avait mort d?homme, les gendarmes ne purent faire autrement que d?emmener Pierre pour le mettre en garde à vue.
C?est le seul moment où la tante Rose, qui s?était révélée une femme de fer, craqua et se mit à pleurer, tout en disant à son neveu qu?il ne devait pas trop s?inquiéter, car enfin, c?était Yves qui avait provoqué sa propre mort. En cette occasion, c?est Pierre qui se révéla le plus ferme, car sa mère, depuis le début du drame, n?avait cessé de gémir et de pleurer.
Dès que la garde à vue de Pierre fut connue dans le village, Isabelle Duchateau vint spontanément à la gendarmerie pour faire une déposition. Elle raconta ce qu?elle avait vu le jour du décès de Marc Lorgnac.
De son côté, la tante Rose ne resta pas inactive.
Elle se rendit d?abord chez la s?ur d?Yves qui sans trop de difficulté, témoigna par écrit que son frère lui avait demandé de surveiller les visites que recevait sa voisine madame Monge. Elle avait pour instruction de particulièrement vérifier si Pierre Lorgnac, dont plusieurs photos lui avaient été remises, était de ces visiteurs.
Après avoir recueilli ce témoignage, la tante Rose se rendit chez madame Monge. Elle l?informa de la mise en garde à vue de Pierre, et lui demanda de chercher dans une malle au grenier, l?enregistrement effectué par son mari, d?un témoin qui, en fin de vie, avait bien voulu témoigner, et rapporter les conversations qu?il avait entendues entre Yves Dumas et Maurice Lelong, le chauffeur.
Les deux femmes n?eurent aucune difficulté à trouver la cassette dans la malle désignée par monsieur Monge, cassette qu?elles écoutèrent et qui apportait la preuve irréfragable de l?assassinat de Marc Lorgnac par ces deux hommes, Yves ayant été l?instigateur.
La tante Rose apporta ces documents à la gendarmerie, non pas dans le but de faire condamner Yves Dumas, puisque, du fait de son décès il ne pouvait plus être poursuivi, l?action étant éteinte, mais pour prouver que dans toute cette malheureuse affaire, son neveu Pierre n?avait rien fait d?autre que de rechercher la vérité sur la mort de son père.
D?ailleurs, à l?expiration de sa garde à vue, Pierre fut remis en liberté. Bien sûr des poursuites allaient être engagées à son encontre, mais il était probable qu?il ne serait pas renvoyé devant la Cour d?Assises mais devant le tribunal correctionnel, avec comme chef d?accusation la séquestration d?Yves Dumas.
En définitive, si la responsabilité de Dumas dans l?assassinat de Marc Lorgnac ne faisait plus aucun doute, on ne sut et l?on ne saura sans doute jamais si Dumas a été la cause des décès de Monge et de Lelong.
Si les enquêteurs ne purent aller plus loin dans la recherche des éventuels assassinats, du fait, nous l?avons dit, du décès du présumé coupable, ils s?intéressèrent de très près au contraire à l?affaire de drogue.
Heureusement, ils possédaient les noms des clients et surtout les reconnaissances de dette de certains d?entre eux. Le mécanisme fut entièrement découvert.
Yves Dumas faisait partie de l?une des filières Colombiennes de la drogue.
Son territoire était tout le grand sud- est, c'est-à-dire qu?il fournissait en exclusivité la drogue, sur un territoire s?étendant de Lyon au Nord, de la rive gauche du Rhône à l?ouest, et jusqu?à la Côte d?azur incluse.
Pour pouvoir exercer un chantage sur certaines personnes influentes, dont il pourrait utiliser les services, il avait mis au point une méthode très simple.
Lorsqu?il remettait la marchandise à un chef de zone, il lui faisait signer une reconnaissance de dette.
Généralement, avant de procéder à la redistribution, les chefs de zone entreposaient la drogue en un lieu qui ne pouvait permettre de remonter jusqu?à eux. Yves, connaissait certains de ses cachettes. Il en avisait le service des narcotiques, la drogue était saisie, et le chef de zone ne pouvant vendre sa marchandises était dans l?impossibilité de rembourser Yves.
On apprit que le service régional connaissait un certain monsieur Z dont ils n?avaient pas la véritable identité, mais qui leur permettait de faire de fructueuses saisies. Ce monsieur Z n?était autre
qu? Yves Dumas.
Yves gagnait donc beaucoup d?argent. Mais c?était de l?argent sale, dont il pouvait difficilement prouver la provenance. Il fallait blanchir cet argent. Là encore, l?imagination fertile de notre escroc trouva un moyen très simple.
Puisqu?il dirigeait une société, Il créa des clients fictifs qui faisaient des commandes et c?est Yves qui payait ces commandes avec de l?argent sale. Comme par magie, en entrant dans la société, l?argent sale devenait propre. Yves Gagnait sur tous les tableaux. Il blanchissait l?argent sale, et d?autre part, il bénéficiait de la réputation d?un homme d?affaires avisé, puisque sa société, grâce à ces ventes fictives, mais aux rentrées d?argent bien réelles, augmentait chaque année son chiffre d?affaires dans des conditions extraordinaires.
Ces découvertes ont été faites par Pierre, qui, dès qu?il fut libéré de sa mise en garde à vue, vint dans la société pour se mettre au courant et faire le point de la situation. Le chef comptable qui était au courant des agissements du patron et en bénéficiait largement fut arrêté assez rapidement et passa aux aveux..
Heureusement, il y avait dans la société, un chef de service parfaitement intègre, qui, depuis plusieurs années travaillait dans la maison, et put aider Pierre à se mettre au courant.
Toute cette affaire que nous venons de relater, s?est déroulée dans une atmosphère glauque, assez déprimante, et nous ne voudrions pas terminer ce récit sans apporter la seule petite pointe rose de cette bien triste histoire.
Pierre fut donc traduit devant le tribunal correctionnel. Il ne pouvait espérer un acquittement, bien sûr, puisqu?il avait agi en marge de la loi en retenant Yves prisonnier, mais il put bénéficier de larges circonstances atténuantes, et fut condamné à 6 mois de prison avec sursis.
Il venait de sortir du tribunal, après avoir entendu la sentence, lorsqu?une jeune fille se précipita sur lui. C?était Isabelle du Château, et les témoins de la scène furent unanimes pour estimer que le long baiser échangé par les deux jeunes gens, n?avait rien à voir avec les baisers qu?échangent deux copains fille et garçon qui se rencontrent dans la rue

FIN
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