Ecriture-Lecture




AVATAR




AVATAR

CHAPITRE 1



Les bruits des voitures passant sur la route située à 300 mètres de là arrivaient ouatés. Durant la nuit, une couche de 40 centimètres de neige était tombée. Paul dans sa grange dont le portail était ouvert à deux battants, aiguisait des couteaux sur la meule qu?il actionnait au pied.
Ses couteaux n?avaient pas tellement besoin d?être aiguisés, mais il était impossible de travailler dehors, et Paul ne pouvait pas rester sans rien faire. Il ne savait pas. On ne lui avait appris que le travail, et s?il savait lire, c?était surtout pour pouvoir se tenir au courant des nouvelles locales en lisant le quotidien de la région. A vrai dire, il avait même poussé ses études jusqu?au bac, mais n?avait pas eu l?occasion d?évoluer. Il était agriculteur, sa condition lui donnait satisfaction, et il ne demandait pas autre chose à la vie.
Par exemple, il ne lui serait pas venu à l?esprit de lire un livre, car pour lui, ce serait ne rien faire, et il aurait honte de lui-même s?il perdait son temps à lire.
Paul ne se plaignait pas de son sort. A 28 ans, il était « son patron » comme il le disait fièrement . Depuis que ses parents étaient morts il y a 3 ans, il s?occupait seul de son exploitation agricole.
Certes, quand les gendarmes étaient venus lui dire un petit matin, que ses parents, la veille au soir, s?étaient tués en sortant de la route avec la voiture qui était venue s?encastrer autour d?un chêne, il avait été malheureux et désemparé.. Mais très vite, il s?était rendu compte qu?il était désormais le patron, que c?est lui et lui seul qui déciderait de faire telle culture dans ce champ, telle autre dans cet autre champ.
Paul se considérait donc comme un favorisé. Pourtant, sa vie était bien monotone. Chaque année, un cycle de travaux, toujours les mêmes se succédaient,et chaque année ne se différenciait de la précédente que par le fait que les récoltes avaient été meilleures ou moins bonnes.
C?était un assez bel homme de plus de un mètre 80 au visage aux traits fins, à la physionomie un peu sévère, et dont la voix grave aurait pu être, avec un peu plus de distinction chaude et prenante.
Des voisins, quelquefois lui disaient : « Alors, Paulot, c?est pour quand la noce » ? Mais lui, haussait les épaules. Se marier ? Pour quoi faire ? Il se débrouillait bien tout seul pour tenir sa ferme, et lorsqu?il lui arrivait de passer devant les fermes de ses beaux conseilleurs, il entendait souvent des cris et des engueulades qui prouvaient que la vie de couple ne devait pas être très drôle.
Cependant, Paul était un homme normal, et comme tous les hommes normaux, il avait besoin de temps en temps « d?aller voir les filles » Il avait ses habitudes. Depuis ses 15 ans, il allait à la ville ou il avait le choix( là encore, il était le patron) entre trois ou quatre filles qui moyennant un peu d?argent ( elles travaillaient, Paul trouvait normal de les payer) lui remettait son compteur libido à zéro.
Dans tous les domaines, il était le chef.
Il venait de terminer l?aiguisage du grand couteau exclusivement réservé à la découpe du jambon, lorsqu?il entendit une voiture qui avait du s?engager sur son chemin et venait donc chez lui.
Paul n?avait pas souvent de visite, sauf le facteur qui apportait le journal et de temps en temps une lettre administrative. Mais il était trop tôt pour que ce soit le facteur.
Qui donc pouvait venir, surtout le seul jour de l?année sans doute ou une grosse chute de neige avait eu lieu .
Il n?eut pas trop à attendre une réponse à sa question. Une voiture s?arrêtait dans la cour de la ferme et un homme « de la ville » en descendit aussitôt et s ?avança vers lui.
- Vous êtes Paul Carré ?
- Oui. C?est à quel sujet ?
- Ce sera un peu long à vous expliquer, et avec ce sale temps?.Pourrions nous entrer ?
Sans répondre, Paul se dirigea vers la porte d?entrée, suivi par l?inconnu.
- Asseyez vous. Je vais me laver les mains, je reviens tout de suite.
Lorsque Paul revint dans la cuisine- salle de séjour, l?homme s?était assis dans un fauteuil devant un magnifique feu dans la cheminée. Il se frottait les mains
- Pas chaud aujourd?hui, il est rare dans notre pays d?avoir autant de neige. Votre cheminée est bien agréable.
- C?est exact. Mais je suppose que vous n?avez pas bravé le mauvais temps pour me parler météo.
- Vous avez raison. Je ne me suis même pas présenté.
Lui tendant sa carte, il ajouta
-Pierre Bernier. Je suis détective privé.
-Détective privé ? Je me demande pourquoi vous vous intéressez à moi ?
- Je viens vous parler de votre père
- Mon père ? Il est mort. Depuis trois ans
- Je sais, je sais. Il s?est marié très jeune, vous le savez ?
- Oui et alors ?
- Bon. Je vais vous raconter toute l?histoire.
Votre père a été incorporé au 11 ème B.C.A à Barcelonnette. A sa première permission, il s?est marié avec votre mère..
Cependant, il avait fait la connaissance d?une jeune fille à Barcelonnette, Hélène, avec laquelle il a eu une liaison. Après la libération de votre père la jeune fille s?est rendue compte qu?elle était enceinte.
Elle a écrit à votre père pour lui dire qu?elle attendait un enfant, mais il s?est contenté de lui répondre qu?elle pouvait compter sur lui pour qu?il l?aide matériellement si nécessaire.
Comprenant qu?il ne voulait pas vraiment assumer sa paternité, elle ne lui a plus écrit, et a pris la décision d?élever seule son enfant. Ce fut une file : Jeanne.
Une femme remarquable, la mère, n?est ce pas ? Lorsque la petite a eu 18 ans, sa mère lui raconta toute l?histoire, mais exigea, qu?elle vivante, sa fille s?engage à ne pas rechercher son père.

La mère, Hélène, est morte il y a un mois. La jeune fille, Jeanne, déliée de son serment, décida de rechercher sa famille naturelle. Elle me confia cette mission, et j?ai pu lui annoncer le décès de son père et votre existence.
Pour arriver à ces résultats,je n?ai pas eu beaucoup de difficultés. Jeanne avait trouvé dans les papiers de sa mère, deux ou trois lettres de votre père qui demandait des nouvelles de son enfant, lettres auxquelles Hélène n?avait jamais répondu. Certes, il n?y avait pas d?adresse, mais avec le nom, et les archives du bataillon de chasseurs Alpins, je suis parvenu à vous retrouver.
Aujourd?hui, Jeanne sait donc que son père qui était aussi le votre, est mort. Mais comme elle sait qu?elle a un demi frère, elle veut faire sa connaissance. Voilà.
( A suivre)



CHAPITRE 2



Paul était effondré.
- Ce n?est pas possible ! Mon père n?a pas pu faire « ça « à maman, je ne vous crois pas ! Votre cliente raconte des histoires. Pourquoi ? je n?en sais rien, mais c?est faux.
Après un moment de silence, Paul reprit :
-Je vois ce que c?est. Cette personne essaye de passer pour ma s?ur pour avoir la moitié de mon exploitation.
- Vous êtes dans l?erreur, Monsieur Carré. Nous avons les lettres de votre père, dans lesquelles il demande des nouvelles de son enfant. Par ailleurs, je ne doute pas que votre exploitation ait une certaine valeur, mais Jeanne, par ses grand parents a reçu une fortune très correcte, qui lui permettrait certainement d?acheter plusieurs exploitations de la valeur de la votre. Non. Ne cherchez pas midi à quatorze heures. Elle désire connaître son demi frère et c?est tout.
Ce que je sais de ma cliente, me fait penser que ce n?est pas une personne intéressée par les biens matériels.
Je comprends que le fait d?apprendre tout ce que je viens de vous dire, ne peut que vous secouer. C?est tout à fait normal. Je vais vous laisser et je reviendrai demain à la même heure. Réfléchissez : Jeanne ne demande qu?une chose : Vous connaître , et c?est tout. Non seulement vous n?avez rien à perdre, mais si mes renseignements sont bons, vous êtes seul dans la vie et il sera agréable pour vous de connaître une personne de votre famille. Non ?
Le vieux fond de méfiance paysanne ne pouvait accepter aussi facilement une explication aussi simple. Il devait y avoir autre chose. Mais quoi ?
Le lendemain, lorsque le détective est revenu, Paul n?avait pas avancé dans ses réflexions. Et il eut la franchise de le dire immédiatement
- Ecoutez, Monsieur Carré, vous n?avez pas trouvé d?autres raisons, pour lesquelles votre demie s?ur voudrait vous voir, pour une raison très simple : Il n?y en a pas. Je vous l?ai dit : Elle aimerait vous voir, et c?est tout.
Cela me gêne de vous dire cela, mais les faits sont les faits. Votre père n?a pas voulu assumer ses responsabilités. Hélène n?a pas connu de père, et désire seulement au moins connaître son demi frère. J?espère que vous ne lui refuserai pas cette demande tout à fait normale.
D?ailleurs vous ne risquez absolument rien à la recevoir. Je lui ai téléphoné hier soir. Soucieuse de ne pas vous gêner dans votre travail, elle propose de se déplacer elle-même et de venir vous voir Dimanche prochain. Vous constatez qu?elle est pleine de délicatesse.
- Elle est peut être délicate, mais je ne me vois pas faire la cuisine pour elle et moi. Je casse la croûte la plupart du temps sans me mettre à table. D?après ce que vous m?avez dit, c?est une femme habituée à la grande vie. Nous ne sommes pas du même milieu.
- Je vais vous rassurer et vous confirmer en même temps qu?elle est pleine de délicatesse. Elle m?a dit textuellement
« Il n?est évidemment pas question qu?il se mette à faire de la cuisine. S?il est d?accord, j?arriverai chez lui vers 16 heures, je l?inviterai au restaurant, et je repartirai dans la soirée. »
- Je ne vais pas me laisser inviter par une femme !!!J?ai les moyens de lui offrir le restaurant.
- Hé bien, je vous donne immédiatement son accord, c?est vous qui l?inviterez ! Vous n?avez plus d?objection à sa venue Dimanche ?
En bougonnant, Paul finit par accepter, en demandant cependant que Jeanne amène les lettres de son père pour qu?il puisse juger sur pièces.
Durant toute la semaine, Paul n?arrêta pas de se seriner : J?en ai rien à faire d?une s?ur, qu?elle me foute la paix. Je lui offre un repas au restaurant, et bonjour !!!!! Elle n?aura pas un morceau de mes terres !
Le dimanche matin, cependant, Paul fit sans doute la plus grande toilette de sa vie. Il avait même acheté une lotion après rasage, et dût reconnaître que ce parfum n?était pas désagréable du tout.
Il avait également acheté une chemise blanche, que le vendeur lui avait dit être du dernier chic.
Lorsqu?il se regarda dans la glace de la porte de l?armoire, il dût reconnaître qu?il faisait très « Monsieur de la ville », et cela lui donna un bon moral pour recevoir cette jeune femme qui continuait à être dans son esprit, sans doute une aventurière.
Paul entra dans la chambre de ses parents ou il ne pénétrait normalement que pour faire un peu de ménage. Sur la table de nuit, il y avait une photo agrandie de ses parents photo prise deux ou trois ans avant leur accident ;
S?asseyant sur le lit, Paul saisit la photo et concentra son regard sur son père. Etait il possible que cette homme, tout nouvellement marié avec une femme pour laquelle il avait toujours manifesté une grande estime et sans doute plus ( mais à la campagne, il n?est pas de bon ton d?exposer ses sentiments), comment cet homme aurait il pu tromper sa femme ? Surtout quelques mois après ses noces. C?était impossible. Absolument impossible ! Il pouvait dire tout ce qu?il voulait ce détective, mais Paul ne pouvait pas avoir de demie s?ur. Cela ne se discutait pas. Il en était sûr.
Pourquoi, mais pourquoi voulait elle le voir ? Il y avait autre chose, et Paul se jura de trouver la vraie raison.
Muni de ces deux certitudes : Ce n?était pas sa demie s?ur, et il trouverait le pourquoi de toutes ces man?uvres, Paul se sentit plus fort pour aborder l?inconnue.
C?est à seize heures, qu?il entendit une voiture s?engager sur son chemin.
Paul se donna rapidement un coup de peigne, une légère vaporisation d?after shave, et vint sur le pas de la porte.
La voiture , une C4 Citroën vint s?arrêter prêt de la maison, sous un pommier. Il vit que la conductrice arrangeait machinalement ses cheveux devant le miroir de courtoisie, et elle descendit, alerte, de son véhicule.
C?était une jeune femme blonde et mince vêtue d?un tailleur de bonne coupe, souriante et qui vint tout de suite vers Paul.
- Contente de te connaître mon frère. Nous nous embrassons ? Et sans attendre de réponse, elle embrassa Paul sur les deux joues.
Oh que tu sens bon ! Tu choisis bien ton after shave ! Quel effet, de voir une demie s?ur débarquer dans ta vie.
- Hé bien?vous savez?.excusez moi, je ne tutoie pas facilement, tout cela est tellement inattendu.
- Excuse moi .Je t?ai, pardon, je vous ai un peu bousculé, mais j?étais tellement impatiente de connaître ce frère dont je connais l?existence depuis plusieurs jours !!
- Oui, mais moi, je viens de l?appendre. Et je n?arrive pas à croire que vous êtes réellement ma soeur . ce n?est pas possible !!
- Pas possible ? Mais c?est une certitude. !! Vous êtes le fils de Louis Carré ? Oui ? Bon.
Votre père a bien fait son service militaire à Barcelonnette dans les chasseurs alpins, il y a 27- 28 ans ? Oui ? Bon.
Et moi j?ai des lettres d?un Monsieur Louis Carré, qui reconnaît être mon père. Que voulez vous de plus ?
- Je ne sais pas. Je ne sais pas. Mais c?est impossible !
Après un moment, Jeanne repris
- On est têtu, hein mon frère ? Mais il fait frisquet, nous pourrions rentrer ?
- Oui, bien sûr, excusez moi. D?ailleurs, regardez moi, et regardez vous ! Nous ne pouvons être frère et s?ur !
- Parce que je suis blonde et toi brun ? Zut, je te tutoie, puisque je suis certaine que tu es mon frère !
- Non. Ce n?est pas parce que nous avons des couleurs de chevelure différentes. C?est parce que je suis un paysan. Cela se voit. Un paysan endimanché, mais un paysan, alors que vous êtes une citadine?.et beaucoup trop jolie pour être ma s?ur
- Dis donc, le paysan sait drôlement bien faire des compliments. Tu veux que je te dise : si je ne suis pas trop mal, tu es toi , très séduisant, alors tu vois que ton argument se retourne contre toi. Nous sommes bien tout les deux !!
( A suivre)



Paul avait rosi, d?abord d?avoir dit que Jeanne était trop jolie, puis lorsqu?elle lui avait répondu qu?il était très séduisant. Il perdait un peu pied. Il est certain qu?elle avait une assurance qu?il ne possédait pas. Il se sentait en position d?infériorité, et cela le rendit agressif.
- Pouvez vous me dire ce que vous cherchez exactement. Il est impossible que je soies votre frère, alors que voulez vous ?
Cette fois, c?était Jeanne qui était décontenancée
- Mais?.Je ne veux pas autre chose que de connaître mon frère. Il n?y a rien d?extraordinaire après 28 ans !
- Justement. Pendant 28 ans nous ne nous sommes pas connus, et nous avons pu vivre normalement , alors pourquoi faut il changer les choses maintenant ?
- Cela ne pouvait pas se faire avant. C?était le v?u de ma mère. Reconnais que je n?ai pas perdu de temps, et dès que ma mère n?a plus été là, je me suis mise à ta recherche.
- Ca , c?est vrai. Mais pourquoi ?
Jeanne regarda longuement Paul puis dit à voix basse
- Je me faisais une telle joie de voir enfin mon frère. Mon rêve est cassé, c?est bien je pars et ne vous importunerai plus.
Des larmes coulaient sur les joues de Jeanne qui se dirigeait vers la porte.
Elle était déjà sortie lorsque Paul lui courut après et la prit par le bras.
Non, attendez, attendez, excusez moi, ne partez pas tout de suite. Je ne sais pas ou j?en suis, mais il ne faut pas que vous partiez maintenant. Il faut que nous parlions encore.
- Si c?est pour insinuer que je suis une aventurière et que je ne suis pas votre s?ur, c?est inutile.
- Je vous renouvelle mes excuses, mais attendez, ne partez pas je vous en supplie.
Après un moment d?hésitation elle rentra dans la maison, et sans un mot, ils s?installèrent dans les fauteuils devant la cheminée.
C?est Paul qui le premier reprit la parole.
- Posons le problème. Vous êtes sûre d?être ma s?ur et moi, je ne le crois pas. Je ne le crois pas, parce que mon père s?est marié lors de sa première permission, alors qu?il était à Barcelonnette. Il aimait beaucoup?..beaucoup ma mère, et je ne peux croire, que, jeune marié, il ait pu avoir une liaison avec une autre femme. Ce n?est pas possible.
- A mon tour de m?excuser Paul. Je comprends maintenant pourquoi tu ne me voulais pas pour s?ur. Tu as une confiance absolue en ton père, et ce sentiment est noble. Je suis fière que tu soies mon frère. Mais Paul, il y a les faits. Les faits que je t?ai exposés tout à l?heure . Tu ne peux les nier !
- Ecoutez ! Vous m?aviez dit que vous aviez des lettres de mon père, puis je les voir ?
- Bien sur ! Elles sont dans la boite à gants de ma voiture, je vais les chercher.
Jeanne revint avec 3 lettres bleues à la main, et elle les tendit à Paul.
Il se mit à lire attentivement les 3 lettres, puis, lorsqu?il eut fini, il les examina longuement.
- Vous n?avez pas les enveloppes ?
- Non. Pourquoi ?
- Nous aurions pu savoir où elles ont été postées.
- Peu importe. Tu vois bien que ces lettres sont écrites par Louis Carré à Hélène Bouix, ma mère. D?ailleurs tu dois reconnaître l?écriture de ton père, et elles sont toutes signées Louis. C?était bien le prénom de to, père
- C?était bien le prénom de mon père ; mais en ce qui concerne l?écriture?. je n?ai pas souvent vu l?écriture de mon père. Même à vrai dire, jamais. Ce n?était pas son truc. Et d?ailleurs, je ne vois pas mon père écrire aussi bien.
- Ecoute, Paul, tu es de mauvaise foi. Tu ne veux absolument pas que nous ayons le même père, et tous les arguments sont bons. Je ne comprends d?ailleurs pas pourquoi, mais tu n?es pas objectif.
Tu as lu ces lettres. Louis Carré a écrit à Hélène Bouix. Il a reconnu qu?ils avaient eu un enfant ensemble et dans de ces lettres, il parle de «leur enfant ». Or, l?enfant d?Hélène, c?est moi. Que veux tu de plus ?
- La Raison est pour vous. Mais il y a quelque chose qui m?empêche de vous considérer comme ma s?ur. J?avoue que je ne sais pas quoi.
Je ne peux pas croire que mon père ait trompé ma mère alors qu?il était jeune marié. Je ne peux pas croire qu?il ait pu écrire?.d?aussi belles lettres.
Il faut absolument que je trouve un papier écrit par mon père?..Mais j?y pense : J?ai une photo de mon père. Votre mère avait elle une photo de?.son ami ?
- Je ne sais pas, en tous cas, moi, je n?en ai pas vu.. En revanche j?aimerais bien voir la photo que tu as.
- Cela ne servira à rien, mais je veux bien vous la faire voir.
Paul monta dans la chambre chercher la photo et la confia à Jeanne qui l?étudia longuement.
- Je comprends Maman.
Et elle ajouta en souriant
- Il était presque aussi beau que toi !
Cette fois, Paul entra dans le jeu.
- Mon père était beau, je suis beau, vous êtes belle. Cela ne suffit pas pour démontrer que nous soyons de la même famille !
- Je t?adore déjà, mon frère. Bon ! Je commence à avoir la dent. Nous allons déjeuner ?
- Allons !
Les deux jeunes gens partirent dans la voiture de Paul, et allèrent dîner dans un restaurant de Valréas. L?atmosphère tendue qui avait présidé à leur premier contact avait disparue. Durant tout le repas, il ne fut plus question de liens familiaux. Jeanne continuait à tutoyer Paul qui, lui, ne pouvait abandonner le vouvoiement, mais à aucun moment, elle ne l?appela » mon frère » et ils se contentèrent de parler de ce que fut leur vie jusqu?à ce jour.
Jeanne était née à Barcelonnette. Les parents d?Hélène avaient assez mal accepté la maternité sans père de leur fille. Certes, ils n?avait pas mis à la porte Hélène et la petite Jeanne, mais ils vendirent le commerce qu?ils possédaient et partirent s?installer à Valence, tous les quatre. Un magasin de vêtements fut acheté dans lequel le père et Hélène travaillèrent, alors que la grand-mère gardait la petite Jeanne.
Assez rapidement, l?affaire s?est développée, et un, puis deux employés furent embauchés.
Il y a dix ans, Hélène perdit son père, et elle continua à gérer le magasin, jusqu?à sa mort le mois dernier. Pour l?instant, depuis la mort d?Hélène, sa mère ; Jeanne n?avait pas pris de décision définitive. Le magasin était provisoirement géré par la plus ancienne employée, mais elle allait prochainement prendre sa retraite, et il est évident qu?une solution devait être trouvée assez rapidement.
Jeanne avait fait des études de droit, et plutôt que de travailler dans le magasin familial, elle avait préféré entrer dans un cabinet d?assurances ou elle s?occupait de toute la partie « sinistres. »
C?est le patron du restaurant qui vers onze heure et demie du soir, vint discrètement faire remarquer à ses deux derniers clients, qu?il allait devoir fermer, et les deux jeunes gens sortirent très surpris de l?heure aussi tardive. Ils n?avaient pas vu le temps passer.
- Vous n?allez pas rentrer à Valence en pleine nuit, Jeanne ?
- Bien sur que si ! J?en ai pour moins d?une heure, ce n?est pas un problème. Et si tu finis par admettre que tu es bien mon frère, nous n?aurons pas beaucoup de route à faire pour aller l?un chez l?autre. Je prends l?autoroute à Montélimar et bzing !!! en rien de temps je suis à Valence. Alors quand nous revoyons nous ?
- J?ai bien l?intention de faire des recherches, et dés que j?aurais quelque chose, que ce soit dans un sens ou dans l?autre, je vous le promets, je vous téléphone
- Ah, bon ? Nous ne prenons pas un rendez vous fixe. ?
- Comprenez moi, Jeanne. J?aimerais, avant, tout savoir sur nos éventuels liens de famille. C?est très important, vous ne croyez pas ?
- Ecoute petit frère, tu doutes encore, c?est ton droit. Mais moi je suis certaine d?être ta s?ur. Alors voilà, comme j?ai grande confiance en toi, je te laisse les lettres de ton père. Il est impossible que tu ne retrouves pas un spécimen de son écriture. Et alors, toi non plus, tu ne douteras plus.
Les deux jeunes gens revinrent à la ferme, Jeanne reprit sa voiture et partit pour Valence .
( A suivre)



CHAPITRE 3




Comme beaucoup de personnes vivant seules, il arrivait à Paul de parler tout seul. Et en regardant les feux rouges de la voiture qui partait, il murmura.
« Elle ne peut pas être ta s?ur, mon vieux. Elle est trop bien »

Le lendemain matin, pour un fois, avant même de prendre son sacro saint casse croûte du matin, Paul fouilla dans les tiroirs du buffet de la cuisine. Il fallait absolument qu?il trouve quelques phrases écrites par son père pour arriver à une certitude.
Il finit par trouver dans une grande enveloppe, un contrat de prêt, au bas duquel, son père avait simplement écrit « Lu et approuvé » et signé. C?était maigre comme spécimen, mais il essaya aussitôt de comparer les écritures de ces trois mots et celle des lettres.
Il avait la quasi certitude que ce n?était pas la même. Mais pas une certitude absolue. Il décida de faire son travail habituel, et de revoir ce problème le soir, avec le maximum d?objectivité.
Le soir, il reprit les lettres du père de Jeanne et le « Lu et approuvé » de son père. Il examina tous les « p » et les « v »des lettres, et arriva à la conclusion que ce n?était pas le même scripteur. Il décida de téléphoner à Jeanne.
Il lui parla du petit spécimen de l?écriture de son père qu?il avait trouvé, et de son absolue certitude que ce n?était pas lui qui avait écrit les lettres à Hélène Bouix.
Jeanne demanda de quand datait le contrat d?emprunt. Il remontait à 6 ans. Elle lui fit remarquer, qu?entre la rédaction des lettres et le spécimen découvert par Paul, il s?était écoulé environ 20 ans, et que durant une telle période ; l?écriture pouvait changer.
En fait, l?un et l?autre manquait d?objectivité. Jeanne voulait avoir un frère, et ne retenait que les arguments favorables à son désir, Paul ne voulait pas de changement dans sa vie et ne retenait que les éléments allant dans le sens qui avait sa préférence.
Il décidèrent cependant que Jeanne viendrait le Dimanche suivant, et qu?ils pourraient ainsi, ensemble, comparer les deux écritures.
C?est le samedi, que Paul eut soudain une idée. Quand il était jeune, il aimait aller dans le grenier ou il trouvait des choses absolument passionnantes comme un vieux immense parapluie dont il s?était servi comme d?un parachute en sautant des branches de plus en plus hautes du saule près de la mare.
Il avait trouvé un très vieux képi qui devait dater de son arrière grand père, une vieille bicyclette à pignon fixe, et une cantine, qui appartenait à son père et qui, beaucoup plus récente ne présentait donc pas pour Paul l?intérêt des vieilles choses.
Paul se dit que dans la cantine de son père, peut être trouverait il maintenant des indices qui lui permettraient de lever le voile de mystère qui le perturbait tant.
Il y a bien longtemps qu?il n?était pas monté dans son grenier. Les araignées avaient squatté cet espace, et Paul dut se frayer un passage à travers les toiles d?araignées avec un vieux balai.
La cantine s?ouvrit aisément. Il y avait dedans un béret de chasseur alpin, avec son corps de chasse , une grande cape bleue marine, des chaussures de montagne en piètre état, et une boite en carton, entourée d?une ficelle.
Paul sentit que s?il y avait quelque chose à trouver, c?est dans cette boite qu?il la trouverait. Aussi avait il le c?ur battant quand il tira sur le bout de ficelle qui défit le n?ud.
La première chose qu?il vit, furent des lettres sur papier bleu, identique aux lettres que lui avait confié Jeanne. Il faisait trop sombre pour distinguer l?écriture, aussi, après avoir pris la boite et rapidement refermé la cantine, Paul redescendit dans la cuisine.
Il étala les deux lots de lettres devant lui, et constata que sans erreur possible elles avaient toutes été écrites pas la même personne.
Il se mit à lire la première lettre du grenier, et ne comprit rien du tout au début. Il était tellement persuadé que cette lettre ne pouvait avoir été écrite que par son père ( ce qui était irrationnel, mais dans ses moments là?.) qu?il ne comprit pas le sens de cette première lettre.
Et puis, sautant à la fin, il se rendit compte qu?elle était signée Bob
Il reprit sa lecture, et sentit en lui, un immense soulagement. Jeanne n?était pas sa s?ur.
Le dénommé Bob,écrivait à son camarade Louis Carré, que leur petite farce tournait assez mal.
Louis et Bob avaient fait la connaissance d?une jeune fille très sympathique qui habitait à Barcelonnette ou ils étaient eux-mêmes en garnison. Ils avaient décidé, pour s?amuser de se présenter l?un pour l?autre.. La jeune fille, Hélène Bouix entama un flirt avec celui qu?elle croyait être Louis Carré, alors qu?il s?agissait de Bob. Ils eurent une liaison qui dura deux mois, jusqu?à « la quille » des deux camarades.
En partant de Barcelonnette, Bob ne jugea pas utile de dévoiler la supercherie, puisque très rapidement la correspondance entre eux s?arrêterait . Il demanda donc à Hélène de lui écrire au nom de Louis Carré « dans mon patelin » disait Bob,dans sa lettre à Louis,sans autre précision.
Il disait qu?en prévenant le facteur, que les lettres adressées à Louis Carré étaient en fait pour lui, ces lettres lui seraient remises. C?est ce qui se passa et les jeunes amoureux correspondirent trois ou quatre fois sans problème.
Un jour vint ou Hélène lui annonça qu?elle était enceinte. Bob n?envisageait pas du tout le mariage, et il décida assurer le service minimum : Assez lâchement il lui répondit qu?il venait de se fiancer au pays, mais qu?il serait toujours là pour l?aider financièrement à élever le bébé.
Bob, dans la dernière lettre à son copain, disait que depuis 3 mois, il n?avait plus de nouvelles d?Hélène . Il pensait que sans doute blessée dans son amour propre, elle n?avait pas jugé utile de répondre à celui qui l?avait laissée tomber après l?avoir mise enceinte. Et il en était bien soulagé.

Après la lecture de ces lettres, pour Paul, désormais, les choses étaient très claires. Jeanne n?était pas sa demie s?ur, et elle avait pour père, le dénommé Bob.
Jeanne devant venir le lendemain, il ne jugea pas utile de lui téléphoner.
Il tenta toute la soirée d?analyser ses propres réactions. Dés le début, il n?avait pas voulu que Hélène soit sa s?ur, et maintenant, il était heureux qu?elle ne le soit pas.
Mais les motivations n?étaient peut être pas tout à fait les mêmes.
En apprenant l?existence d?une s?ur, il avait surtout craint qu?elle ne vienne faire reconnaître un droit sur les biens laissés par Louis Carré.
En la connaissant un peu mieux, il avait acquis la certitude que Jeanne n?était pas une personne intéressée, et sur ce plan, ses craintes s?étaient évanouies.
Cependant il avait continué à espérer ne pas être le frère d?Hélène, et maintenant qu?il en était pratiquement sur , il en était très heureux . Il avait des difficultés à en admettre la raison. Peut être parce que Jeanne et lui ne se connaissaient que depuis trop peu de temps pour qu?un autre sentiment ait pu naître ? Mais de cette raison, il doutait un peu de la validité.
Le lendemain, il faisait une journée magnifique quoique encore très fraîche.
Des traces de neige restaient dans les creux orientés vers le nord, mais il s?agissait certainement de la dernière neige de l?année, et le printemps n?allait pas trop tarder à faire son entrée.
Paul se sentait heureux. Bien sur, le temps merveilleux y était pour quelque chose. Mais il était content d?avoir une visite. Il n?osait pas aller plus loin dans l?introspection.
Ce n?était pas qu?il doutait de l?attirance qu?il subissait vers Jeanne. Non. Cela, il était assez sincère pour le reconnaître. Mais s?il voulait y penser le moins possible, c?est tout simplement parce qu?il avait une conscience nette des obstacles qui se dressaient entre eux.
Jeanne était issue d?un milieu supérieur au sien. Elle avait fait des études supérieures aux siennes, et il avait l?impression d?être un lourdaud mal dégrossi à côté d?une jeune femme, vive, intelligente, à l?aise dans les relations humaines.
Mais il est difficile de renoncer à espérer, et voilà pourquoi, malgré tous ses raisonnements, Paul était heureux.
Dès qu?il entendit la voiture s?engager sur son chemin, Paul se dirigea vers le pommier sous lequel il savait qu?elle allait arrêter son véhicule.
En ouvrant la portière, elle remarqua que Paul semblait heureux et le lui dit
- On dirait que c?est la grande forme ce matin. Y aurait il des nouvelles
Avec un grand sourire, Paul lui répondit, en appuyant sur le deuxième mot
- Oui, Madame !
- Oh, Oh !!!je ne suis même plus Jeanne ? Que se passe t?il ?
- Si, vous êtes toujours Jeanne, mais je voulais vous faire comprendre que nous ne sommes pas frère et s?ur.
- C?est votre « Lu et approuvé, qui te, ou vous, donne cette certitude ? Nous allons voir ça de prés .
- Non. Il y a autre chose que le « Lu et approuvé »
- Ha ? J?écoute.
- Peut être pouvons nous entrer auparavant. C?est vrai qu?il fait un temps magnifique, mais le fond de l?air est frais. Venez, nous allons nous installer devant la cheminée. J?ai fait un bon feu.
Une fois assis dans les fauteuils, visiblement, Jeanne attendait que Paul parle, mais il prenait un malin plaisir à attendre d?être questionné. Et c?est ce qui arriva.
- Bon. Alors ? Il faut que je me mette à genou ?
- Non, non. Ce ne sera pas utile. Nous ne sommes pas frère et s?ur !
Paul expliqua longuement, ses recherches dans le grenier, les lettres trouvées, et ce qui était désormais une certitude : Jeanne n?était pas la fille de Louis Carré, mais de l?un de ses camarades, un dénommé Bob.
Il communiqua les lettres trouvées à Jeanne, laquelle les étudia minutieusement.
- Il n?y avait pas les enveloppes ?
- Hélas, non. Sinon, bien entendu, nous saurions par le cachet de la poste, d?où elles avaient été expédiées, et par conséquent ou habite votre père. Les recherches ne vont pas être faciles, mais je tiens à vous dire que vous pouvez compter entièrement sur moi pour vous aider.
( A suivre)



J?y ai déjà réfléchi et je pense qu?il n?y a qu?une direction pour cette recherche. Le 11 ème BCA.
Très certainement, mon père et ce Bob étaient dans la même section. Si nous obtenons la liste de tous les Chasseurs de la section à laquelle appartenait mon père, nous arriverons sans doute à retrouver ce Bob, dont le prénom doit être Robert.
Paul pensait que la possibilité de retrouver son père devrait rendre Jeanne heureuse. Or elle ne l?était pas, ce qui peina Paul. Il se disait qu?elle était très déçue de ne pas l?avoir pour demi frère, alors qu?il aurait aimé qu?elle soit heureuse de n?avoir aucun lien familial avec lui.
Il essaya néanmoins de la consoler.
- Ne soyez pas triste, Jeanne. Vous espériez trouver un frère et vous êtes déçue. Mais songez que vous pouvez espérer beaucoup plus. Vous allez sans doute trouver ( je vous y aiderai) un père et peut être plusieurs demis frères ou demies s?urs. Vous qui cherchez une famille, avouez que vous ne perdriez pas au change.
Jeanne hésita un moment avant de s?expliquer.
- Je vais vous parler franchement, Paul. J?étais heureuse de faire la connaissance de mon demi frère, vous, parce que ?..votre père, que je croyais être aussi le mien, n?est plus là.
Je serais heureuse de retrouver des membres de ma famille, sauf mon père auquel je ne peux pardonner sa lâcheté. Il n?a pas assumé ses responsabilités. Ma mère a du m?élever seule, et moi, je n?ai jamais eu de père.
Si pour connaître des demis frères ou s?urs, je dois voir mon père, j?avoue que cela ne me tente pas beaucoup.
Alors, je ne sais pas encore ce que je vais faire. J?ai besoin de réfléchir.
Si je me décide à poursuivre mes recherches, je suivrais votre conseil. Ce n?est que par l?armée que je pourrais avoir des éléments valables, et puisqu?il s?est déjà occupé de cette affaire, je demanderais à Pierre Bernier, le détective de voir la question. Maintenant, ne parlons plus de tout cela. Nous allons déjeuner ?
Comme la semaine précédente les deux jeunes gens allèrent au restaurant et Jeanne repartit à Valence en fin d?après midi, après avoir promis à Paul, un coup de fil au cours de la semaine
































CHAPITRE 4


JEANNE

Je vais entrer sur l?autoroute à Montélimar sud, et je m?arrêterai sur le premier parking pour marcher. C?est en marchant que je réfléchis le mieux. Je ne sais plus que faire.
Là ! il est chouette ce parking. Je ne vais pas mettre la voiture près des pompes à essence et du magasin. Je vais au contraire me mettre à l?écart. Il n?y a pas grand monde. Je vais aller me balader un peu. Je ferme la voiture et en avant.
Le temps est magnifique, il n?y a pas de mistral, j?aime marcher.
Non. Je ne sais pas ce que je vais faire. J?étais tellement sure que mon père était mort et que Paul était mon frère.
Quand pour mes 18 ans, Maman m?avait raconté toute cette histoire qui a entouré ma naissance, je n?avais pas compris qu?elle n?ait pas essayé de prendre contact avec mon père. Il était anormal qu?il ne s?occupe pas de moi et elle aurait du l?obliger à faire son devoir.. Et aujourd?hui, je la comprends. Je sais aussi que si j?ai voulu voir mon demi frère, c?est parce que j?ai appris en même temps que celui que je croyais être mon père était mort.
S?il avait été vivant, je ne serais pas venu voir Paul. Le fils n?est pas responsable de ce que le père a fait. Mais je n?aurais pas voulu voir celui qui lâchement nous a laissé maman et moi. Je sais bien que Maman n?a pas répondu à ses dernières lettres, mais sa réaction d?amour propre était tout à fait normale, très digne. En revanche, lui, aurait du venir nous voir à Barcelonnette. Un vrai Judas. Ca l?a bien arrangé que Maman ne réponde pas à ses lettres. Il se lavait les mains de toute cette affaire. Il est même certainement persuadé qu?il a fait tout ce qu?il devait en écrivant et que c?est elle qui n?avait pas voulue de lui. D?une mauvaise foi !!!!!
Enfin, je brode peut être un peu, mais je ne dois pas être loin de la réalité.
Non Je crois que je ne pourrais pas rechercher ce Bob. Je vais encore réfléchir, mais je ne crois pas.
Il est dommage que Paul ne soit pas mon frère. J?ai beaucoup d?estime pour lui.
C?est curieux il est plein de complexes, ce garçon, et pourtant, il ne manque pas d?atouts. D?abord, physiquement il n?est pas mal du tout. Même mieux que pas mal. Et puis il est intelligent. Sans être poussé par ses parents, ça j?en suis certaine, il a tout de même passé son bac. C?est vrai qu?il ne doit pas être très cultivé. Oui, ça, c?est vrai. Mais je suis persuadée que c?est un homme droit, et intelligent. C?est curieux, j?ai la certitude que s?il avait été à la place de ce Bob, il ne nous aurait pas laissées tomber maman et moi. Le fait de ne pouvoir admettre que son père ait pu tromper sa mère quelques mois après son mariage est aussi à mettre à son crédit .
C?est un garçon bien. Au fond de moi, je continue à le considérer presque comme mon frère. Presque, mais il n?est pas mon frère En tous cas je peux lui parler de tout, et j?ai confiance en lui.
Il me semble que lui aussi m?aime bien. Même s?il ne voulait pas que je sois sa s?ur. Il avait peur que je vienne déranger sa petite vie bien réglée. Il y a de ça, c?est certain, mais peut être aussi, préférait il qu?il n?y ait pas de lien familial entre nous. Il a sans doute un petit penchant pour moi. Oui, c?est très possible. Mais moi, je me suis habituée à le considérer comme mon frère. Je ne vais pas coucher avec lui, ni, bien sur me marier avec mon frère, quand même !!!!! il faudra que je lui parle franchement. Il ne faudrait pas qu?il tombe amoureux de moi. Ce serait affreux !!
( A SUIVRE)


CHAPITRE 5


PAUL

Je viens de naître. C?est exactement ça ! Je viens de naître. Après une gestation de 28 ans, je viens de naître. C?est curieux ce que je ressens. Alors toutes ces 28 dernières années ne servaient qu?à me préparer à vivre. Car, c?est vrai, je n?ai pas vécu. Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, je ne vois rien de marquant. Absolument rien. Il est vrai que la mort de mes parents m?a secoué. Mais cela n?a pas duré. Tout de suite j?ai repris ma vie plate, monotone. Je n?ai jamais aimé, jamais eu de coup de c?ur, jamais eu de sentiments un peu violents. Rien. J?étais en gestation.
Et maintenant, je sens le besoin de changer tout cela, de ressentir, de souffrir s?il le faut, mais de vivre enfin.
J?ai des copains qui se fichaient de moi parce que je n?avais pas d?ordinateur. On ne peut plus s?en passer de nos jours, me disaient ils.
Et je leur répondais
La preuve que l?on peut s?en passer, c?est que les hommes vivent depuis des millénaire, et moi-même, depuis 28 ans, sans avoir d?ordinateur.
Aujourd?hui je ne me pose plus la question. Les preuves, les contre preuves, je m?en fous. Ce que je sais, c?est que j?en ai marre d?être inculte. J?ai envie d?apprendre, de connaître, et je vais dés demain m?acheter un ordinateur, et entrer enfin dans mon siècle.
Je sais très bien quelle est la cause de cette petite révolution en moi. Ce n?est pas sorcier, cette cause a un nom : Jeanne.
Jeanne que je ne voulais pas comme s?ur, et qui heureusement ne l?est pas. Pourquoi heureusement ? Je ne me fais pas d?illusion : Je me fais des illusions !!! Elle, elle continue à me considérer comme un frère, et pour elle, je ne serai jamais autre chose. Je le sais. J?en souffre et c?est cette souffrance qui donne une épaisseur à ma vie.
Elle est complètement déboussolée la pauvre ! Elle aussi avait arrangé sa vie selon ses désirs. Elle ne voulait pas voir son père qui n?avait pas voulu d?elle. Mais elle avait un besoin de trouver quelques racines. Un frère faisait bien l?affaire. Et il faut bien reconnaître qu?avec les éléments qu?elle possédait, j?étais ce frère sans discussion possible.
Et maintenant elle est malheureuse. Il faut que je fasse quelque chose pour elle. Il faut que je me mette à la recherche de son père et de ses éventuels demis frères et s?urs. Et puis, je verrai bien. Je verrai d?une part, si ce sont des gens bien ou non, et d?autre part, je vais suivre son évolution à elle, pour savoir si elle veut ou non connaître sa famille génétique.
Il va falloir que je me mette rapidement à cette recherche. Bien sur, je n?ai pas beaucoup de temps, surtout que les gros travaux vont commencer. Mais de toutes façons, ces recherches, au moins au départ, ne peuvent être faites que par un professionnel.
Ce détective qui est venu me voir est compétent, puisqu?il m?a trouvé. Il m?avait donné sa carte, je vais lui téléphoner pour qu?il se renseigne et obtienne les noms et prénoms de ceux qui f6190aisaient partie de la section de papa, à Barcelonnette .
Je sens en moi un besoin d?action. Je ne me reconnais plus. D?ailleurs, c?est idiot. Je n?ai pas à me reconnaître, puisque je viens de naître. Voilà que je me mets à jouer sur les mots. C?est bien. Je préfère le Paul nouveau. Je peux bien me le dire sans être immodeste, puisque je ne le dis qu?à moi même .
Planning. Voilà maintenant que j?utilise des mots étrangers. Mon planning, donc.
D?abord, téléphoner au détective Pierre Bernier dès ce soir.
Demain matin je vais faire la visite de printemps de mes 8 ruches.
Demain après midi je continue mes semis de tournesol, jusqu?à 17 heures.
Après une douche rapide, j?irai à Valréas m?acheter un ordinateur. Je demanderai que quelqu?un vienne me mettre en route, et au courant. Je consacrerai 3 matinées pour ça.
Ensuite, je reprendrai mes travaux des champs, et j?aviserai en fonction des évènements.
Voilà un beau programme. En Avant mon petit Paul, D?abord le détective.















CHAPITRE 6


Paul eut de la chance. Il eut tout de suite Pierre Bernier au bout du fil. Il lui demanda s?il pouvait travailler pour lui cette fois ci. Cela ne posait pas de problème puisque sa mission pour Jeanne Bouix était terminée.
Il allait immédiatement prendre les contacts nécessaires, et se faisait fort de fournir sous huitaine les noms et prénoms de tout l?effectif de la section à laquelle appartenait Louis Carré.
Le lendemain matin, Paul se rendit au rucher.
Les ruches étaient situées à 200 mètres de la ferme, dans un verger. En ce début de mois de mars, la température était clémente et l?activité aux trous de vol intense. Au moins pour 6 d?entre elles.
Paul, après avoir allumé son enfumoir s?occupa immédiatement des deux autres qui manifestement avaient un problème.
La première était orpheline. La reine avait du mourir durant l?hiver et n?avait pas été remplacée. Dans une tentative désespérée pour essayer de sauver la ruche, certaines abeilles s?étaient mises à pondre dans les cadres, ça et là, sans homogénéité, mais comme les abeilles n?étaient pas fécondées, elles ne donnaient naissance qu?à des mâles. En langage clair, cela signifiait que la ruche était perdue, puisque les mâles sont non seulement incapables d?aller butiner et de constituer des réserves, mais il faut de plus que des abeilles ouvrières les nourrissent.
Pour la deuxième ruche à problème, sur le plan des résultats, la situation était la même. Elle était perdue. Certes, après la mort de la reine durant l?hiver, les abeilles avaient pu élever une autre reine, mais la température extérieure était trop basse pour qu?elle sorte et se fasse féconder. Les reines en effet se font féconder par les mâles, à l?extérieur, lors de vols nuptiaux.
La reine non fécondée ne pouvait pondre que des ?ufs donnant naissance à des mâles. La seule différence entre les deux ruches perdues était que le couvain de mâles pondu par la reine,même non fécondée, était en plaques homogènes, alors que les ouvrières pondeuses donnaient un couvain disséminé.
Fort heureusement les six autres ruches était en excellente forme.
Il y avait déjà entre 5 et 7 cadres de couvain dans ses ruches Langstroth. Au trou de vol, Paul resta plusieurs minutes à regarder les abeilles munies de « culottes de pollen » multicolores rentrer à la ruche. C?est un spectacle dont on ne se lasse jamais.
Pour conserver un cheptel de 8 ruches, Paul décida de diviser les deux plus fortes dans une quinzaine de jours, après leur avoir fourni quotidiennement un nourrissement stimulant pour accroître encore la ponte.

Dans l?après midi, respectant son planning Paul se livra à l?occupation qu?il connaissait depuis longtemps : le semis de tournesol. Pourtant il lui semblait que les autres années, il ne pensait pas à grand-chose en travaillant, alors que cette fois ci, il faisait des plans pour accroître son exploitation. Il se projetait dans l?avenir, ne se contentait plus de gérer ce qu?il avait, il devenait ambitieux.
A 17 heures trente, il était à Valréas pour acheter son ordinateur. Il connaissait bien le vendeur qui habitait à Grillon, ce qui le rassurait sur la valeur des conseils qu?il recevait. Ce vendeur se proposa pour venir chez Paul afin d?effectuer les branchements, lui faire souscrire un contrat d?abonnement et lui donner les premiers rudiments de connaissances en informatique.
Bien entendu, Jeanne avait un ordinateur, et le premier message que Paul rédigea fut à son adresse .Ce nouveau jouet stupéfia Paul qui se fixa comme premier but de remplir son carnet d?adresses. Ce qui lui permis d?entrer en contact avec des personnes avec lesquelles il n?avait que peu ou pas de rapports auparavant .
Le détective tint parole, et avant que la semaine ne se soit écoulée, il téléphona pour dire qu?il possédait l?adresse de tout l?effectif de la section à laquelle avait appartenu Louis Carré. Paul fut heureux et fier de pouvoir donner son adresse mail, et quelques minutes plus tard, il était en possession de cette liste. Quelle merveille cet ordinateur !!
Il parcourut aussitôt la liste de 41 noms et fut soulagé de constater qu?elle ne contenait que 3 Robert. Il pensa que les recherches ne seraient pas très longues.
En prévision des recherches qu?il aurait à faire, il s?était fait expliquer comment retrouver une personne sur un ordinateur.
Le premier sur la liste était un Robert Langelin. Il obtint rapidement son numéro de téléphone.
Une voix d?homme répondit à l?appel de Paul.
- Bonjour, Monsieur,excusez moi de vous déranger. Avez-vous fait votre service militaire au 11 ème BCA à Barcelonnette ?
- Oui, Pourquoi ?
- Je cherche quelqu?un qui était dans votre section et qui était très ami avec Louis Carré. C?était mon père. Vous souvenez vous de lui ?
- Louis Carré, oui, je me souviens. Un très brun qui était marié. Que devient il ?
- Mon père est mort il y a trois ans dans un accident d?automobile. Ce que je voulais savoir c?est si vous étiez très copain avec lui et si vous avez correspondu après votre démobilisation.
- Je suis désolé, c?était un chic type. Mais je n?étais pas vraiment son ami. Son grand pote, c?était Bob.
- Précisément, il s?appelait bien Bob. Savez vous son nom de famille et ou il habite ?
- Ma foi, c?est pas d?hier le service militaire !!!!. Attendez ! son nom, je sais plus bien, mais je sais qu?il nous cassait les pieds avec son patelin dans le Gers. C?était un truc comme Lorette ou quelque chose comme ça. Oui je crois Lorette ça doit être ça !.
- Vous ne vous souvenez plus de son nom ?
- Ma foi non. Ca ne me revient pas.
- Tant pis, merci, vous m?avez bien aidé.
Après avoir tapé durant près de deux heures sur son ordinateur, Paul finit par avoir la liste des communes du département du Gers. Il n?y trouva pas de Lorette. En revanche il y avait un Lauraët,dont la consonance pouvait laisser penser que c?était le lieu de résidence de Bob.
Le lendemain, Jeanne devait venir déjeuner avec lui, mais Paul se garda bien de lui parler de ses recherches.
Depuis leurs deux ou trois dernières rencontres, il ne reconnaissait plus Jeanne. Elle , qu?il avait connue vive, gaie, était devenue presque apathique et triste. La dernière fois, déjà, il lui avait demandé si elle avait des problèmes particuliers, et elle lui avait répondu, que la vraie Jeanne était celle qu?il connaissait maintenant. Lors de leur première rencontre, elle était, depuis quelques jours immensément heureuse de trouver un frère, elle était tellement certaine d?avoir à nouveau des racines, qu?elle était dans un état euphorique, qui n?avait plus lieu d?être maintenant.
- Mais il était tellement important pour vous d?avoir un frère ?
- A un point que vous n?imaginez pas. Depuis la mort de maman, je me sens seule, à la dérive, et comme auparavant je n?étais pas d?une nature très gaie.
- Je ne suis pas votre frère, c?est vrai. Mais ne pouvez vous pas me considérer comme un frère ? je suis vraiment un étranger pour vous ?
- Oh, non, non, pas un étranger. Je vous aime beaucoup Paul, j?ai énormément d?estime pour vous. Si vous aviez été mon frère, j?aurais été follement heureuse, mais voilà : Vous ne l?êtes pas !!
Paul avait beaucoup de mal à comprendre Jeanne. A vrai dire, il ne la comprenait pas du tout. Car enfin, le fait d?être demi frère et s?ur ne les aurait pas changés. Ils sont comme ils sont, et les liens entre eux étaient aussi puissants que s?ils étaient apparentés.
- Puisque vous avez besoin de liens familiaux, pourquoi ne pas rechercher votre père ?
- Vous ne me comprenez pas Paul. En effet j?ai besoin d?avoir des liens familiaux, sauf avec mon père que je ne veux pas connaître. Mais laissons cela. J?ai bien réfléchi et ma décision est irrévocable, je ne rechercherai pas mon père.
Respectant le désir de Jeanne, Paul abandonna ce sujet, et il dut répondre à de nombreuses questions de Jeanne sur son exploitation. Visiblement elle préférait faire parler le jeune homme plutôt que te s?étendre sur ses propres problèmes qui semblaient se présenter d?une façon très floue. Elle n?avait toujours pas pris de décision en ce qui concerne le commerce de sa mère. Allait elle reprendre elle-même la direction de cette affaire ? Ou allait elle continuer à travailler dans ce cabinet d?assurances, et vendre le commerce de vêtements ?. Elle semblait ne pas être en état de prendre des décisions importantes.
Avant de se quitter, ils décidèrent de se revoir le Dimanche suivant. Paul devait procéder à la création de deux ruches nouvelles par séparation et elle avait demandé à assister à l?opération.
(a suivre)



CHAPITRE 7

Plus que jamais, Paul était décidé à retrouver le père de Jeanne, et il décida d?aller dans le Gers dès mardi. Il se félicita de ne pas avoir de bêtes, à soigner dans sa ferme, ce qui lui permettait de s?absenter sans problème. Les seules bêtes qu?il possédait étaient les abeilles qui se débrouillaient toutes seules pour se nourrir.
Après 600 kilomètres de route, il arriva dans le Gers au milieu de l?après midi. Il prit une chambre d?hôtel à Condom, et repartit aussitôt pour Lauraët qu?il avait repéré sur sa carte, à 5 kilomètres de Montréal du Gers.
C?était une toute petite commune, et il se rendit en premier lieu à la mairie. Il eut la chance de tomber sur Monsieur le Maire lui-même, un monsieur d?un certain âge, et qui devait, Paul en tous cas le présumait, être depuis longtemps dans la région et connaître tout le monde.
Après s?être présenté comme étant le fils de Louis Carré, il lui dit rechercher un certain Bob qui avait fait son service militaire dans les Chasseurs alpins, et qui avait été très lié avec son père.
- Bien sur que je le connais, Bob.. Bob Quentin habite à Lauraët mais travaille au Crédit Agricole à Condom. Vous voulez le voir ?
- Oui, bien sur, j?aimerais beaucoup le rencontrer.
Le maire expliqua ou se trouvait la maison de Quentin, en lui précisant qu?il était certainement chez lui, à cette heure, et ajouta en souriant : Vous savez, dans les bureaux, ils ne travaillent pas trop tard, ils sont chez eux à 18 heures ! Ils ont bien de la veine ! Vous pouvez y aller maintenant.
La maison de Bob Quentin était une ancienne ferme, qui avait gardé de sa destination première une dizaine de poules qui picoraient dans la cour. La lumière dans la pièce qui devait être la cuisine- salle à manger- séjour était allumée. L?occupant devait être là.
L?homme qui vint ouvrir devait avoir dans les cinquante ans. Paul se présenta aussitôt
- Je suis le fils de Louis Carré, si vous êtes bien Robert Quentin, vous devait vous souvenir de lui
- Bien sur que je m?en souviens ! Comment va-t-il ?
- Malheureusement il est mort il y a trois ans
A cette annonce, Quentin sembla très touché
- Ah, merde !!!!C?était mon pote ! Bien sur nous nous étions perdus de vue depuis longtemps, mais je pense souvent à lui. Alors, vous êtes son fils ?
- Oui. Il est mort dans un accident de voiture avec ma mère. Tout à fait par hasard, j?ai trouvé des lettres de vous dans ses papiers, et j?ai voulu faire votre connaissance
Bob, pâlit immédiatement
- Elle disait quoi, mes lettres ?
- Oh, je n?ai pas tout compris. Je crois que vous aviez fait une blague ensemble.
- Des blagues, ça oui, on en a fait avec Louis. Mais, pas que des blagues. Une connerie aussi.
- Vous voulez parler de votre échange d?identité ?
- Je vois que vous êtes au courant. L?échange d?identité, c?était encore une blague, mais c?est après que c?est devenu une connerie. Mais entrez, je vais vous parler de tout ça.
Ils entrèrent dans une grande pièce qui était vraiment « la pièce à vivre » du propriétaire. Avec la chambre, il ne devait pas y avoir d?autres pièces occupées.
- Vous regardez le désordre ? C?est vrai que depuis 5 ans, je vis seul. Ma femme est partie, et mes deux enfants, ma fille Anne et mon fils Patrick sont avec elle en Provence.
Ma femme est avec un autre homme, ça, c?est la vie ! mais mes enfants ne viennent jamais me voir, et ça, c?est pas normal. J?en souffre beaucoup
Après un moment de silence, il ajouta
- Et si vous me disiez la vraie raison de votre visite ?
- Comment ça, la vraie raison ?
- Si vous avez lu des lettres de moi, je devais parler de??.de ce qui est arrivé avec une jeune fille de Barcelonnette.
- Celle avec qui vous avez eu un enfant ?
- Je savais bien que vous veniez me voir pour une raison précise. C?est une fille ou un garçon ?
- . L?enfant est une jeune fille ; très belle très sympathique.
- Et vous venez me voir de sa part ?
- Non. Elle n?est pas au courant. Et pour être franc, elle ne veut pas entendre parler de vous.
- C?est bien fait pour moi. Je n?ai fait que des conneries. Hélène était une fille merveilleuse, lorsqu?elle m?a dit attendre un enfant, je l?ai laissée tomber. Plus tard, je me suis marié avec une femme qui est une garce, et j?ai deux enfants , un fils de 22 ans une fille de 18 qui sont partis avec leur mère parce qu?on leur a dit et fait croire des choses infâmes et fausses sur moi. C?est vrai, j?ai fait des conneries, mais je paye cher, trop cher. Et même pour des choses que je n?ai pas faites.
L?homme faisait pitié à Paul . Il parlait de ses problèmes avec une franchise, un naturel, qui attiraient la sympathie et son regard triste lui rappelait étrangement celui de Jeanne ces derniers temps.
Dans sa confession, Bob, n?apprit pas grand-chose à Paul. Quand il avait su que Hélène était enceinte, il avait eu peur de se marier si jeune « avant d?avoir vécu » dit il, et lorsqu?elle avait cessé de lui écrire, il avait été lâchement soulagé . Lorsqu?il apprit que Hélène était elle aussi décédée, il ne put retenir des larmes en ne cessant de répéter : « J?ai été con, j?ai été con !!! »
- Ecoutez Monsieur Quentin, il ne faut pas s?attarder sur le passé. Nous ne pouvons plus agir sur lui. Actuellement, je dis bien, actuellement, votre fille, Jeanne souffre de ne plus avoir de parent, mais elle ne veut pas vous voir. Elle ne vous pardonne pas de ne pas avoir assumé vos responsabilités, et plus tard, de ne pas avoir tenté de prendre contact avec elles. Je vous parle avec sincérité. Mais peut être que dans l?avenir?.Je ne veux pas vous donner de faux espoirs, mais plus tard, arriverais je, ce n?est pas impossible, à lui faire changer d?avis.
- Vous savez,les reproches qu?elle me fait, je me les fais moi-même. J?ose à peine vous le demander mais?.avez vous une photo de ma fille ?
- Je n?en ai pas, mais si vous avez internet, je prendrai des photos et vous les enverrai.
- Bien sur je vais vous donner mes coordonnées. J?ai un téléphone portable ( pas de fixe, puisqu?il n?y a la plupart du temps personne à la maison) et un ordinateur. Je vous note mes numéros et adresses.
- Puisque vous en êtes à écrire, ayez la gentillesse d?ajouter les coordonnées de vos enfants.
Après avoir lui-même donné ses numéro de téléphone et adresse mail, Paul prit congé, en promettant à Bob qu?il resterait en contact avec lui.
Le lendemain, sur le chemin du retour, il se dit qu?il venait de faire un grand pas. Il avait retrouvé le père de Jeanne et savait qu?elle avait un demi frère et une demie s?ur. Mais fallait il en parler à Jeanne quand elle viendrait Dimanche pour la division des ruches ? Il décida que non. Il fallait tout d?abord qu?il rencontre Anne et Patrick, et se fasse une opinion sur eux. Avec ces éléments en mains, il saura que faire.
Le lendemain de son retour à Grillon, il téléphona au détective Pierre Bernier pour lui dire que sa mission était terminée et qu?il lui fasse parvenir sa note d?honoraires. Après quoi, il reprit ses travaux et sema 4 hectares de maïs.
( à suivre)


CHAPITRE 8


Le Dimanche arriva, et Jeanne gara comme d?habitude sa voiture sous le pommier. Dès qu?elle descendit du véhicule Paul sut que son moral était au plus bas, et il fut sur le point de lui parler de son père pour au moins qu?elle s?anime un peu. Mais brusquer les choses risquait de faire plus de mal que de bien, et il s?en tint à sa résolution de ne rien lui dire pour le moment.
Paul avait préparé pour Jeanne, le blouson avec voile incorporé de son père. Il suffirait qu?elle mette une paire de gants, pour pouvoir assister à l?opération au milieu des abeilles.
Paul avait repéré les deux ruches les plus fortes, auxquelles il avait donné un nourrissement léger pour stimuler la ponte de la reine. Il expliqua à Jeanne, qu?il avait mis au point une méthode simple pour augmenter son cheptel sans gros travaux, et sans porter préjudice aux récoltes tardives de l?année en cours ( tournesol par exemple).
Muni d?une brouette spéciale dont les manches s?écartaient pour venir ensuite coincer la ruche, il déplaça une première grosse ruche d?une dizaine de mètres et la posa sur un nouvel emplacement.
A l?ancien emplacement il mit une ruche vide avec ses 10 cadres sans miel, mais bâtis en cire.
Après avoir allumé son enfumoir, il ouvrit la ruche déplacée, préleva 4 cadres avec du couvain de tous ages, il débarrassa ces cadres des abeilles qui s?y trouvaient, en les secouant, et les mit dans la ruche vide à l?ancien emplacement . Il compléta les 2 ruches avec des cadres montés en cire, ferma les ruches. L?opération était terminée.
Qu?allait il se passer ? La ruche déplacée possédant la reine, continuait à pondre, et reconstituait en deux mois, les pertes de couvain et de butineuses.
Sur l?ancien emplacement, la nouvelle ruche, n?avaient au départ que 4 cadres de couvain sans abeille . mais toutes les butineuses de la ruche déplacées et qui avaient l?habitude de revenir à l?ancien emplacement y revenaient. Elles déposaient leurs provisions ( miel pollen ou propolis, puis s?occupaient du couvain et mettaient en élevage royale des larves venant de naître
Moins d?un mois plus tard la nouvelle reine ayant effectué ses vols nuptiaux commençait sa ponte. Une autre ruche était née . un nouveau cycle débutait
Cette démonstration enchanta Jeanne, qui durant l?opération au moins, n?avait plus eu à penser à ses problèmes personnels. Elle se promit de revenir au rucher pour suivre l?évolution des nouvelles ruches.
La semaine suivante, Paul n?eut pas une minute à lui. Entre le traitement du colza et la poursuite des semis de maïs et de tournesol, son exploitation lui mangea tout son temps.
D?après les indications portées sur le papier donné par Bob, Patrick Quentin venait d?être nommé professeur des Ecoles ( anciennement instituteur) à Orange. Quand à Anne, elle était encore chez sa mère à Avignon, ou elle poursuivait ses études.
Bien entendu le plus simple était de contacter en premier lieu Patrick, qui d?ailleurs ne se trouvait pas très loin du domicile de Paul. Il lui téléphona un mardi soir, et ils prirent rendez vous dans un café le lendemain à 9 heures 30. Paul n?avait pas donné de précision, sinon que leurs pères respectifs avaient fait leur service militaire dans la même unité de Chasseurs alpins.
Visiblement, ( si l?on peut dire, au téléphone), Patrick ne voyait pas la nécessité de se voir pour le seul motif que leurs pères avaient fait ensemble leur service militaire. Mais il n?insista pas et accepta le rendez vous.
Dès qu?ils furent attablés dans la grande salle du café, à un table un peu éloignée des autres, sans tergiverser, Paul posa le problème.
- Durant leur service militaire nos deux pères par jeu avait échangé leur identité. Votre père, Patrick, avait eu une liaison et après sa libération, il avait su que la jeune fille attendait un bébé. Il ne voulut pas reconnaître l?enfant, qui est aujourd?hui une jeune femme de 25 ans.
Vous-même, Patrick et votre s?ur Anne, vous avez donc une demie s?ur qui s?appelle Jeanne Bouix. Si j?ai été amené à connaître de cette affaire, c?est que du fait du changement d?identité, Jeanne croyait que j?étais son demi frère.
Ceci dit, Jeanne est actuellement très perturbée. Elle ne veut pas voir votre père, chez lequel je suis allé moi-même la semaine dernière. Je vous signale au passage qu?il est très malheureux de ne pas avoir de vos nouvelles. Il a trois enfants et se retrouve seul. Je reconnais qu?il m?a fait un peu pitié.
Patrick était complètement abasourdi par ce que Paul venait de lui apprendre. L?arrivée subite d?une s?ur dans sa vie le traumatisait d?une façon que Paul trouvait un peu excessive, aussi ajouta- t ? il.
- Je comprends que vous soyez surpris, mais il n?y a rien de dramatique dans le fait que vous ayez une demie s?ur encore inconnue.
- Si !! c?est dramatique. Ou du moins ce serait dramatique si c?était vrai. Car bien entendu, il faudra prouver tout cela. Vous n?espérez pas que je vais accepter pour argent comptant tout ce que vous venez de dire.
- Mais, Patrick, je ne vous comprends pas. Nous avons des lettres que votre père écrivait au mien. Il reconnaissait déjà les faits, et lorsque j?ai rencontré votre père, il a parfaitement accepté sa paternité.
- Oh !!!Mon père !!!!!
- Quoi votre père ?
- Allez voir ma mère, elle vous dira ce qu?elle en pense de mon père !
- A moi il a paru sincère et malheureux
- Il joue bien son jeu. Mon père est un salaud, et s?il a fait de surcroît des enfants avec d?autres femmes que ma mère, je ne veux pas le savoir. Ce n?est pas mon problème. Maintenant, Monsieur, je crois que nous n?avons plus rien à nous dire.
Patrick se leva, jeta un billet en criant au garçon : « Pour les consommations » et il partit sans même dire au revoir à Paul complètement sidéré par cette scène.
Sur le chemin du retour, alors qu?il était préoccupé par l?attitude de Patrick, il se mit soudain a éclater de rire.
« Quand je pense que je menais une vie bien calme, uniquement intéressé par mes propres petits problèmes, voilà que maintenant je m?intéresse aux autres et je prends un rôle d?acteur dans leurs très graves ennuis »
Mais cet accès d?hilarité ne dura pas, car très vite il pensa à Jeanne. La jeune femme désirait tellement avoir un frère, et celui qui l?était réellement semblait?.au moins bizarre, et assez peu sympathique.
Le soir, et une partie de la nuit- Il ne put s?endormir qu?à 2 heures du matin-il réfléchit à ce qu?il devait faire. L?ancien Paul, se serait désintéressé de ces problèmes qui ne le concernaient pas, mais s?il avait une certitude maintenant, c?est qu?il se devait au contraire de trouver une solution pour retrouver un sourire sur les lèvres de Jeanne
Il semblait en premier lieu qu?il convenait de savoir quel est le problème qui opposait Bob à son fils.
Bob avait dit qu?il avait été injustement accusé de quelque chose. Son fils Patrick semblait persuadé que ces accusations étaient fondées. Paul nota au passage, que le jeune homme très sceptique quand on lui parlait d?une demie s?ur, avait bien accepté ce qu?on lui avait dit sur son père.
Tout tournait autour de Bob. C?est à lui qu?il fallait s?adresser, et avant se s?endormir, Paul décida d?envoyer un mail dès le lendemain, ou du moins, dès son réveil puisqu?il était 2 heures.
( à suivre)



CHAPITRE 9




Après avoir fait sa toilette, Paul s?installa devant son ordinateur, pour taper un mail à l?adresse de Bob.
Bonjour
J?ai rencontré hier votre fils. Il semble très monté contre vous. J?aimerais pouvoir vous aider, et surtout aider votre fille Jeanne. Je ne peux le faire que si je suis au courant de votre contentieux avec vos enfants.
Vous êtes libre bien sur de m?en parler ou non. Cette décision vous appartient.
Bonne journée Paul Carré
Lorsqu?il revint vers midi, l réponse était déjà là.
Bonjour, Paul
Merci de vous intéresser à nos problèmes familiaux. Je vais vous exposer les faits avec le maximum d?objectivité.
Il y a 6 ans, un commerçant de Montréal ( à 5 kilomètres de Lauraet) a été cambriolé. Le lendemain, son magasin était incendié.
J?avais eu un litige avec ce commerçant, qui d?ailleurs ne portait que sur une somme dérisoire ( 150 euros).
Lors de l?enquête, comme j?avais proféré des menaces en public contre ce commerçant, la gendarmerie est venue m?interroger. J?avais la conscience tranquille. Mais au cours de l?enquête, deux témoins se manifestèrent. L?un Jacques, prétendit que la veille du cambriolage, je lui aurais dit : « Tu vas voir, demain, le Maurice ( le commerçant) va avoir une sacrée surprise, et après demain aussi. Ce témoignage est un faux.
Par ailleurs, ma femme déclara à la gendarmerie, que les deux nuits de suite, je m?étais levé en prétextant que j?avais mal à la tête et j?avais besoin de prendre l?air, ce que je ne faisais jamais. Or, je ne me suis pas levé ces nuits là.
Enfin, un transistor qui appartenait au magasin volé a été retrouvé chez moi. Bien entendu, je n?avais jamais vu ce transistor, et l?on peut s?étonner que seule cette pièce se soit trouvée chez moi si j?avais dévalisé tout un magasin.. Elle y avait été mise évidemment pour étayer ma culpabilité.
J?ai été poursuivi et condamné à 6 mois de prison dont 2 fermes.
Ma femme pendant mon incarcération partit avec les enfants. Elle ne pouvait disait elle continuer à vivre avec un voleur et un incendiaire.
Pour en terminer, je vous précise que ma femme vit avec Jacques qui avait témoigné à mon encontre. Cela, je ne l?ai su que dernièrement ainsi que ma femme et lui étaient maîtresse et amant bien avant les vols et incendie que l?on me mettait sur le dos
Voilà les faits. Ma femme bien entendu a eu toute possibilité, en s?appuyant sur une décision de justice de me faire passer aux yeux de mes enfants, comme un salaud.
A la lecture de ce mail, Paul pensa qu?il serait bon d?avoir une copie du jugement rendu contre Bob, et le plus simple, était de la lui demander, ce qu?il fit.
48 heures plus tard, il recevait par la poste la copie demandée. Tout s?était bien passé comme Bob le prétendait.
Paul prit son téléphone et appela Patrick Quentin.
- Bonjour, Patrick. Soyez sans crainte, je ne serai pas long. Je vous pose une seule question : Avez-vous lu le jugement condamnant votre père ?
- Pourquoi faire ? La justice s?est prononcée, et il a été en prison. C?est suffisant, non ?
- Je tiens ce jugement à votre disposition. Vous constaterez que votre père a été condamné essentiellement sur les déclarations de votre mère, et de Jacques Barini?.qui vivent ensemble actuellement et étaient amant et maîtresse avant cette affaire. Cela ne vous donne pas envie de voir les choses de plus près ?
Un très long silence au bout du fil, puis Patrick d?une voix beaucoup moins agressive reprit :
- Voulez vous insinuer que mon père a été l?objet d?un coup monté.
- Avouez que la question peut se poser, non ?
- Pouvez vous me communiquer une copie du jugement.
- Bien sur. Le mieux serait que nous nous rencontrions. Choisissez le jour et l?heure .
- Demain à 18 heures, dans le même café ?
- OK A demain !
Paul était parvenu à ébranler la conviction de Patrick. Ceci dit, l?affaire n?était pas tirée au clair pour autant. Qui disait vrai ?

Le lendemain la rencontre eut lieu dans une ambiance beaucoup moins tendue que la première fois. Patrick lut attentivement le jugement qui avait été rendu contre son père.
- J?ai beaucoup de mal à penser que ma mère ait pu tremper dans cette mise en scène. En revanche, de la part de Jacques Barini, cela ne m?étonne pas du tout. Et cette histoire de transistor est curieuse. Si mon père a volé de nombreuses pièces, pourquoi s?était il débarrassé de toutes, sauf une ?
Je ne sais plus que penser. Si mon père est innocent, c?est effroyable ce que nous lui avons fait vivre.
- Vous êtes de bonne foi, Patrick, mais j?ai l?intime conviction qu?en effet, votre père est innocent.
- Vous avez l?intime conviction, moi, j?ai encore des doutes, mais il y a un jugement, et nous n?avons pas de preuves contraires.
- C?est exact. Savez vous si le couple de votre maman et de Jacques Barini, s?entend bien ?
- Il y a des hauts et des bas.
- Et bien, je vais vous donner un conseil. Profitez d?un moment de bas dans le ménage, pour faire part de vos doutes à votre mère. Peut être lâchera t elle le morceau ? Votre s?ur, je crois, vit avec eux ?
- Ma s?ur poursuit ses études. Elle est en effet chez maman. Je vais la mettre au courant. Je sais qu?elle n?aime pas beaucoup Jacques?qui lui a fait des avances. Je vous suis très reconnaissant de m?avoir alerté. En ce qui concerne ma demie s?ur Jeanne vous comprendrez que pour l?instant, ce problème passe au second plan.
Les deux jeunes gens se quittèrent après une chaleureuse poignée de mains, en se promettant de rester en contact.
Le lendemain, Patrick téléphonait à Paul pour lui demander s?il voulait venir à Orange, pour d?une part faire connaissance de sa s?ur Anne, et d?autre part, qu?ils discutent à trois pour mettre au point une conduite à tenir tant vis-à-vis de Robert Quentin que de Jeanne Bouix.
Rendez vous fut pris pour la fin de matinée du lendemain toujours dans le même café.
Anne était une jeune fille beaucoup plus extravertie que son frère. En toutes choses, elle estimait que la solution la meilleure, était toujours la plus directe. Un problème grave se posait avec leur père ? Il fallait qu?ils aillent le voir et parler franchement des faits qui s?étaient réellement déroulés, pour rétablir la vérité.
Il y avait une possibilité que Patrick et elle ait une demie s?ur ? Il fallait objectivement voir le problème et en particulier poser la question à leur père.
Si Patrick était d?accord pour aller voir leur père et faire la lumière sur les faits qui ont amené sa condamnation devant un tribunal, il n?était pas d?accord pour le faire tout de suite. Ils devaient auparavant rassembler des éléments pour discuter utilement. Par ailleurs il estimait qu?il était trop tôt également pour soulever le problème de la demie s?ur.
- Nous allons y réfléchir, frérot et nous en reparlerons répondit Anne qui semblait être, pensa Paul, une petite demoiselle très ouverte, directe, et pas bornée.

Le dimanche suivant, Jeanne vint voir Paul, qui bien évidemment ne lui parla pas de ses dernières rencontres. Elle était toujours triste, et n?avait pris aucune décision au sujet du magasin ;
Dans l?après midi, ils allèrent au rucher, et Paul fit voir dans les deux nouvelles ruches de magnifiques cellules royales qui prouvaient que l?opération avait parfaitement réussie. Dans quelques jours, la première reine qui naîtra ira tuer les autres reines en gestation, car il ne peut y avoir qu?une reine par ruche, puis elle effectuera ses vols nuptiaux et commencera sa ponte dans 3 ou 4 semaines.
C?est le seul moment de la journée ou Jeanne, passionnée par ce qu?elle voyait, redevint vive et gaie.
Le lundi à midi, Paul envoya un mail copieux à Bob, pour lui faire part de l?entrevue qu?il avait eu avec Patrick et Anne, et lui dire qu?à son avis, ils n?étaient plus aussi convaincus de la culpabilité de leur père.
Le soir, il recevait en retour un long mail dans lequel Bob remerciait Paul pour tout ce qu?il faisait.
Quinze jours s?écoulèrent sans qu?il ne se passe rien de notable.
Puis un soir, Paul reçut un coup de fil de Patrick. Il était extrêmement triste, et bourrelé de remords Sa mère avait avoué que Bob était entièrement innocent, aussi bien du vol que de l?incendie.
( A suivre)



Jacques, et elle même, avaient montés cette affaire pour pouvoir mettre le mari sur la touche, et filer ensemble un amour parfait..
Mise au courant par son frère, Anne lui avait aussitôt demandé si elle pouvait provisoirement venir vivre chez lui. Cela posait des problèmes pour la poursuite de ses études, mais elle ne pouvait vraiment plus supporter la vue de sa mère, qui avait contribué à faire condamner son mari innocent. Ce qu?elle avait fait était monstrueux, et par sa faute, elle et son frère avaient été injuste avec leur père.
Paul ouvrit sa boite postale un peu plus tard, et y trouva un mail de Bob qui venait de recevoir un très long coup de fil de ses enfants. Il était fou de joie, car ils avaient annoncé leur venue pour le week end suivant.
Le Dimanche, pendant que Patrick et Anne allaient chez leur père, pour se faire pardonner et repartir sur des bases normales, Jeanne vint passer la journée chez Paul qui jugea qu?il était trot tôt pour lui parler de son père et ses demis frère et s?ur. Il eut beaucoup de mal à se taire, car Jeanne était bien triste.
Elle n?avait plus d?allant et il était urgent qu?un électrochoc comme la découverte de son père, d?une demie s?ur et d?un demi frère, vienne lui insuffler une énergie nouvelle.
A la demande de Jeanne, ils allèrent de nouveau au rucher, et constatèrent que les nouvelles reines n?étaient pas encore nées. Les cellules royales étaient intactes.
En revanche dans les ruches mères, qui avaient été déplacées, la reine avait notablement accéléré sa ponte, et du couvain ouvert ou fermé, couvrait 7 cadres, ce qui signifiant que dans 5 à 6 semaines, lors de la miellée de tournesol, il y aurait des bataillons importants de butineuses.
Jeanne se montrait avide d?apprendre sur ce monde nouveau pour elle, et elle dit à Paul
- Je ne sais pas encore ce que sera ma vie future, mais il y a une chose dont je suis certaine, c?est qu?à partir de l?année prochaine, je veux avoir, comme vous de 8 à 10 ruches. Je compte sur vous pour m?aider de vos conseils.
- C?est évident, vous pouvez compter sur moi. Le meilleur moment pour acheter des ruches peuplées est le printemps, lorsque les mortalités hivernales ne sont plus à craindre. Je vous piloterai avec plaisir.
Jeanne commença immédiatement son instruction en posant de multiples questions pertinentes, qui prouvaient que ce n?était pas une lubie, et qu?elle avait déjà réfléchi au problème.
. Jeanne avait été tellement triste et détachée de tout, ces dernier temps, que Paul était tout heureux de la voir s?intéresser et même se passionner aussi vivement pour quelque chose
Lorsqu?ils se séparèrent en fin d?après midi, soucieux de lui remonter le moral, Paul lui dit
- Vous allez voir, Jeanne, que dans très peu de temps, vous recevrez de très bonnes nouvelles, et moi, je serai heureux de retrouver la Jeanne gaie et primesautière qui était celle que j?ai connue au début.
- Ah, bon !! Vous vous servez de tarot ou de boule de cristal ? A moins que vous n?appliquiez la méthode Coué ?
- Moquez vous de moi ! vous me rendrez justice repartit Paul en riant. En attendant passez une bonne semaine. Reviendrez vous dimanche prochain ?
- Impossible. Je dois faire les comptes avec mon employée principale, et c?est je l?espère, le résultat de ce travail qui me permettra de prendre une décision sur la vente ou non de mon magasin.
- Bon, alors sans faute pour dans 15 jours ?
- Je vous le promets. D?ici là, si dans les nouvelles ruches les reines sont en ponte, vous me préviendrez ?
- A mon tour, je vous le promets.


Le dimanche suivant, Anne et Patrick vinrent à Grillon.
Ils firent à Paul un compte rendu de leur voyage à Lauraët ou ils trouvèrent un père heureux de constater les sentiments affectueux de ses enfants..
Durant le trajet qui les menait à Lauraët, ils avaient pris la décision de ne pas parler de Jeanne. Ils estimaient qu?ils avaient eux-mêmes une telle responsabilité vis-à-vis de leur père, qu?ils n?avaient pas le droit de parler d?une faute qu?il avait de son côté commise lorsqu?il était très jeune.
Mais c?est Bob qui leur en avait parlé le premier.
- Je sais que vous culpabilisez pour avoir écouté ce que disait votre mère à mon sujet. Et c?est vrai que votre abandon pas fait mal, très mal. Mais moi aussi j?ai commis des erreurs.
Je crois que Paul vous en a parlé, j?ai eu une liaison avec une jeune femme lorsque je faisais mon service militaire, et après ma démobilisation, j?ai appris qu?elle attendait un bébé de moi. J?ai proposé de participer financièrement à l?entretien de l?enfant, mais je n?ai pas voulu m?engager au-delà.
La jeune fille qui s?appelait Hélène, sans doute très blessée, par amour propre n?a rien voulu venant de moi. Lâchement, j?ai été soulagé de ne plus avoir de ses nouvelles. Je ne savais même pas si j?avais une fille ou un garçon. Maintenant je sais que c?est une fille, et je sais aussi qu?elle ne veut pas me voir,ce que je comprends parfaitement. Après 25 ans, ce serait trop facile de revenir vers elle. Oui, je la comprends.
Je tenais à vous en parler pour que vous sachiez que si vous vous faites des reproches, j?ai moi aussi à m?en faire. Aimons nous mes enfants, sans arrière pensées, très simplement, et non pas parce que nous avons des éventuelle dettes à régler, les uns envers les autres
Malheureusement nous avons des résidences éloignées J?espère pourtant que nous pourrons nous voir tous les 15 jours. Une fois, c?est vous qui viendriez et la fois suivante, c?est moi qui irais à Orange.
Les enfants donnèrent leur accord, et en repartant dans le Vaucluse, ils étaient heureux d?avoir trouver un père selon leur c?ur.
(à suivre)



Paul de son côté mûrissait un plan. Jeanne devait descendre à Grillon dans 15 jours. Il décida d?inviter Anne et Patrick, à déjeuner chez lui. A eux, il dirait que Jeanne, l?autre invitée, était leur demie s?ur. Mais pour Jeanne, Anne et Patrick ne seraient que des amis de Paul.
Jeanne aurait tout loisir de se faire une opinion objective sur eux.
Anne et Patrick donnèrent immédiatement leur accord pour venir à Grillon et n?être présentés qu?à titre d?amis. Anne était même heureuse et impatiente de faire la connaissance de sa demie s?ur.
Cette jeune fille semblait d?ailleurs dotée d?un caractère heureux. Certes elle avait souffert des écarts de conduite que l?on avait prêtés à son père, mais certainement moins et surtout moins longtemps que son frère, au caractère un peu « écorché vif »
Pour ce déjeuner à quatre, il n?était pas question bien sur qu?il soit préparé par Paul qui ne se mettait même pas à table la plupart du temps.
Il y avait à Grillon, une dame d?une soixantaine d?années réputée à 50 kilomètres à ronde pour ses talents de cordon bleu. On faisait appel à ses services pour les mariages, les baptêmes, les communions et toutes les circonstances un peu exceptionnelles ou l?on voulait un repas soigné et copieux.
Par chance elle était libre, et fut heureuse de n?avoir à prévoir que quatre couverts
- Ce sera des vacances pour moi, mais ne vous inquiétez pas vos invités seront contents
- Je vous donne carte blanche, et vous fais entièrement confiance. Cependant Je vous signale que vous n?aurez pas des ogres à table. Alors inutile de faire un repas trop copieux. Il suffira que vous fassiez deux ou trois de ces plats succulents que vous savez si bien préparer.

Paul téléphonait ou envoyait des mails à Jeanne, presque tous les jours.
Pour lui laisser le temps de réfléchir, c?est par mail qu?il lui dit que le Dimanche de sa venue, il y aurait deux autres invités, un jeune homme et une jeune fille, des amis de longue date.
Elle lui répondit qu?elle devenait de plus en plus sauvage, et qu?elle aurait préféré qu?ils soient seuls tout les deux pour discuter tranquillement, mais qu?elle ferait un effort pour ne pas être trop désagréable.
A la lecture de ce mail, Paul mesura pleinement que Jeanne était à deux doigts de la dépression nerveuse. Il avait du mal à réaliser que c?était la même jeune femme qu?il avait accueillie chez lui la première fois.
C?était incompréhensible. Ce changement simplement parce que la première fois, elle était persuadée avoir trouvé un frère, et qu?il s?était avéré plus tard que Paul ne l?était pas. Non. Il ne comprenait pas.
La cuisinière, Madame Marthe Reyron vint le vendredi pour mettre au point le menu du Dimanche.
- La seule chose que nous allons mettre au point, Marthe est simple. Quelle somme globale vous faut il pour acheter ce qui est nécessaire pour faire le repas, et pour votre travail ?
Je vous ferai un chèque et je vous fais entièrement confiance. La seule chose que je vous demande c?est d?acheter comme vin, du Château neuf du Pape. C?est mon préféré, et je veux le faire apprécier par mes hôtes.
Vous faites votre calcul ?
- Avec 350 euros, je vous fais un bon repas, je vous sers, je fais la vaisselle et remets tout en ordre. C?est pas trop cher ?
- Non, Marthe, ce n?est pas trop cher. Disons 380 euros, je vous fais un chèque tout de suite
Pendant que Marthe se confondait en remerciements, Paul fit le chèque et le lui remis. Puis il lui fit voir ou se trouvait le linge de table, nappes et serviettes qui n?étaient plus sorties de l?armoire depuis bien longtemps.
Dans sa propriété, Paul avait 4 hectares de vigne. Il faisait un vin de table correct sans plus.
Comme il y avait eu des chutes d?eau assez abondantes, 48 heures plus tôt, Paul pensa qu?il serait opportun de faire un traitement de ses vignes au sulfate de cuivre.
Dans beaucoup de vignes de la région, les viticulteurs plantent un rosier au bout de chaque rangée de vigne. C?est agréable à voir, mais cette pratique ne répond pas à des préoccupations esthétiques. Les rosiers sont plus sensibles que les vignes, à diverses maladies comme le mildiou. Lorsqu?une attaque se déclanche, les rosiers sont en premier atteints, et le viticulteur sait qu?il faut traiter
Certes les rosiers de Paul ne marquaient pas de trace de maladie pour l?instant, mais il savait qu?avec l?humidité et la chaleur, le traitement s?imposerait rapidement. Mieux valait le faire à titre préventif.
Il passa le Samedi à préparer le sulfate de cuivre et à le pulvériser sur ses 4 hectares.

CHAPITRE 11




A 8 heures, Marthe arriva, avec au bras l?anse d?un grand panier recouvert d?un torchon blanc immaculé. Elle amenait toutes les provisions nécessaires à la confection de son repas, et se mit aussitôt au travail, pendant que Paul après avoir fait un tour au rucher, fit une grande toilette et revêtit un complet qu?il avait acheté tout dernièrement.
Il venait de terminer de s?habiller, lorsque la question vint sur ses lèvres : « Pourquoi ? »
Oui, pourquoi tout ce tralala ? Pourquoi solenniser cette rencontre entre les trois enfants du même père ? N?est ce pas une erreur de sa part ? Pourquoi n?avoir pas fait les choses plus simplement en les emmenant au restaurant ?
A cette question, il ne trouva qu?une réponse qui, d?ailleurs, ne lui donnait pas entièrement satisfaction. Ce jour devait marquer dans la vie de Jeanne, une sorte de guérison, car elle avait un besoin, disons le mot, maladif ,d?avoir des racines parentales, et il était persuadé qu?après avoir rencontré Anne et Patrick, elle ne pourrait que les apprécier dans un premier temps, puis, plus tard, elle les accepterait comme frère et s?ur.
Sans vouloir mener plus avant cet exercice de réflexion, Paul taraudé par un besoin d?activité, se fit un devoir de préparer des apéritifs sur une petite table basse. Cela amena un petit accrochage avec Marthe, quand il voulut utiliser le four pour faire réchauffer certains amuse gueule.
- Si je vous ai toujours dans les pattes, je ne pourrai rien faire de bon !
- Bon, bon, ne vous fâchez pas, Marthe. D?ailleurs c?est vrai, il est beaucoup trot tôt. Si je les fais réchauffer maintenant, ils auront tout le temps de refroidir. Je ne le ferai qu?au dernier moment, et d?ici là, je ne vous embêterai plus , Marthe, c?est juré !!!!
C?est Jeanne qui arriva la première. Lorsqu?elle vit la table décorée et une cuisinière qui s?affairait autour du fourneau, elle demanda
- Que se passe t il, Paul ? En quel honneur ce festin ? Vous ne m?aviez pas dit que nous fêtions quelque chose aujourd?hui.
Un peu pris de court par cette interrogation, il finit par trouver une réponse à peu près plausible
-Aujourd?hui, je réunis pour la première fois, les trois personnes que j?aime le plus au monde.
- C?est curieux, Paul, que vous ne m?ayez jamais parlé de ces amis, jusqu?à ces tout derniers jours.
- Ah, bon ? C?est que cela ne s?est pas présenté, sans doute
La réponse était assez piteuse, mais il n?en trouva pas d?autre.
Lorsque l?on veut cacher quelque chose, on est amené de mensonges en mensonges à se trouver dans une situation difficile, et une seule petite contradiction par la suite, peut faire découvrir la supercherie?.et couvrir de honte son auteur.
Fort heureusement, Paul fut tiré d?embarras par l?arrivée de Patrick et Anne.
Les présentations faites, ils s?installèrent tout les quatre autour de la table basse, et après les observations obligatoires sur le temps merveilleux, et le début d?été exceptionnel qu?ils vivaient, la conversation prit un tour plus sérieux.
Toujours surprise que Paul ne lui ait pas parlé de ces deux jeunes gens qui étaient parmi les trois personnes « qu?il aimait le plus au monde », Jeanne posait de nombreuses questions au frère et à la s?ur, un peu étonnés par cet interrogatoire.
Anne répondait gentiment à toutes les questions, mais au bout d?un moment, Patrick, moins patient demanda à son tour
- Et si vous nous parliez un peu de vous ? Nous ne vous connaissons pratiquement pas non plus.
- Oh moi, vous savez !!! Si je m?intéresse aux autres, c?est que dans ma propre vie il n?y a rien de bien extraordinaire. Depuis le décès de ma mère, je vis seule, je n?ai pas de parent, et mon travail n?a rien d?exaltant : je m?occupe de toute la partie sinistres dans un cabinet d?assurances.
Désireux de ne pas courir le risque de voir la discussion s?envenimer, car Patrick n?avait rien d?un diplomate, Paul décida de mettre la conversation sur Bob.
Je crois que votre père, Anne et Patrick, vient de traverser une période pénible. Je crois que vous l?avez vu dernièrement . Comment va-t-il ?
C?est Anne qui répondit.
- C?est vrai que Papa a été extrêmement malheureux durant plusieurs années, et le plus terrible, c?est que mon frère et moi, en sommes en partie responsable.
- C?est vrai, Anne, intervint son frère, mais nous, du moins, nous étions de bonne foi. Notre faute est d?avoir cru ce que disait notre mère.
- Je ne voudrais pas me montrer indiscrète, mais si je comprends bien, vous avez été pris entre votre père et votre mère. Pour vous aussi cela dut être dur à vivre !
- Oui, Jeanne, très dur. Nous avons mon frère et moi détesté mon père alors qu?il était victime d?une honteuse machination. Pour que vous ayez une relation objective de cette affaire, Paul, si vous le désirez, peut vous la raconter.
Paul relata tous les évènements qui avaient amené Robert Quentin devant un tribunal, et la sentence qui fut rendue à son encontre.
Jeanne était outrée
- Comment votre mère a-t-elle pu faire une chose pareille à ses enfants ? faire passer leur père pour un être immoral, un voleur et un incendiaire?Elle ne se rendait pas compte du mal qu?elle vous faisait ?
- Vous savez, Jeanne, je ne veux pas défendre la mère d?Anne et de Patrick, mais je crois que l?amour dans certain cas, est si puissant, que les autres sentiments ne pèsent pas lourds
- Je ne suis pas d?accord, Paul. Il ne peut y avoir de sentiment plus fort que l?amour des parents pour les enfants.
- Théoriquement, vous avez raison. Mais il y a parfois des circonstances ou l?amour de l?un des parents n?a pu se manifester.
Jeanne comprit immédiatement que Paul faisait allusion à son propre cas, et c?est tristement qu?elle l?admit
- C?est vrai, il peut y avoir des cas exceptionnels. Mais j?espère qu?après avoir tant souffert, votre père trouvera maintenant chez ses enfants un amour décuplé.
- Soyez certaine, que mon frère et moi, nous ferons tout pour que notre papa, reçoive notre amour?. avec les intérêts de retard.
Paul décida d?intervenir dans le débat :
J?ai eu l?occasion de rencontrer Monsieur Quentin. C?est un homme remarquable, et je lui souhaite tout le bonheur possible. Il le mérite.
- L?avez-vous rencontré quand il était malheureux ou quand il avait déjà récupéré l?amour de ses enfants.
- Hé bien, j?ai rencontré Bob?.je veux dire Monsieur Quentin, quand il avait comme vous dites « récupéré l?amour de ses enfants ».
Paul se rendit compte immédiatement de l?erreur qu?il venait de commettre, et sa gêne était visible.
- Tiens, il s?appelle Bob, monsieur Quentin ?
- C'est-à-dire qu?on l?appelait Bob quand il était jeune ; Son prénom est Robert..
- Ah bon ? Alors si je comprends bien, Paul, vous avez connu Monsieur Quentin quand il était très jeune ?
- Non. Je ne l?ai pas connu quand il était très jeune dit Paul un peu désemparé..
Après un long silence, il se résigna à dire la vérité..
- Bon. Ne tournons plus autour du pot.
Robert Quentin est votre père, Anne et Patrick sont vos demi s?ur et frère. Voilà. Il est certain, que très jeune il a commis une lourde erreur, lourde en conséquences pour vous et votre mère. Mais je maintiens que c?est un homme bien. La souffrance qu?il a subie l?a changé. Il sait que vous existez. Il sait que vous ne voulez pas le voir, et il le comprend parfaitement, ce qui confirme que c?est un homme objectif et conscient de sa mauvaise conduite de jadis.
Jeanne était affreusement pâle, immobile, comme statufiée durant de nombreuses secondes. Puis elle se leva.
- Je pars. Il faut que je me retrouve seule.
Et sans un autre mot, sans un geste d?adieu, elle sortit, et l?on entendit sa voiture qui était remise en marche
( A suivre)



Les trois jeunes gens restèrent silencieux un bon moment puis Paul ne put se retenir
- Crétin !!Je suis un crétin ! J?ai voulu man?uvrer pour l?amener peu à peu à accepter sa nouvelle famille. Je me croyais assez fort, et en prononçant un mot de trop, j?ai tout fichu en l?air, et j?ai sans doute perdu sa confiance.
- Non, Paul, vous ne devez pas vous en vouloir. Vos intentions étaient bonnes, et mon frère et moi avions approuvé votre plan. Nous partageons donc la responsabilité s?il n?a pas abouti.
D?ailleurs, Jeanne avait besoin d?être seule. Elle va réfléchir, et nous ne savons pas ce qui résultera de ses réflexions. Rien n?est donc perdu. Pour ma part, je la trouve très sympathique, et je suis prête à l?accueillir comme une s?ur.
- Pour moi, ajouta Patrick, je ne sais pas encore beaucoup de choses à son sujet. Mais c?est une jeune fille intelligente et qui souffre, ce qui me la rend sympathique. Comme l?a dit Anne, son besoin de réfléchir est tout à fait normal, et nous ne savons pas ce qu?il en résultera. Attendons donc, et gardons nous de culpabiliser?.nous avons déjà donné.
Les trois jeunes gens passèrent à table, mais le repas pourtant succulent ne se déroula pas dans l?ambiance agréable à laquelle Paul avait rêvé.

CHAPITRE 12

JEANNE

Mais qu?est ce qui me tombe sur la tête ?
Voilà que Paul a retrouvé la trace de mon père et de ses deux autres enfants.
De quoi se mêle t il ? je lui avais dit que je ne voulais pas voir mon père. Alors, il se fiche éperdument de ce que je dis ? Mais il n?est rien ce type pour moi. J?avais cru qu?il était mon frère, il ne l?est pas , bon. Je ne lui ai pas demandé de me trouver un frère de remplacement. J?en ai marre, marre, marre.
J?arrive sur l?autoroute, je vais m?arrêter à la première aire de repos, comme l?autre fois, et je vais marcher un peu.
C?est insensé ces gens qui s?arrogent le droit de faire des choses pour vous, qui croient que vous êtes incapable de savoir par vous-même ce que vous voulez. Bien sur, Paul a cru qu?il agissait pour mon bien, mais il ferait mieux de s?occuper de ses propres problèmes. D?abord, que fait il tout seul dans sa ferme ? Qu?attend il pour se marier ? Ah zut !!! Je ne vais pas faire comme lui et me mêler de ses affaires.
Si je suis comme lui, je ne peux pas trop lui en vouloir. Il a cru bien faire.
Lui qui m?a-t-il dit, ne vivait que pour lui, a du faire de gros efforts pour s?occuper de moi. D?ailleurs, cela n?a pas du être facile de retrouver ce fameux Bob. Et puis si j?ai bien compris il est allé le voir. Si ça se trouve, ce n?était pas la porte à coté.
Ha ! Voilà l?aire de repos. J?entre et je vais aller comme la dernière fois, tout au fond. Là. La voiture sera à l?ombre ; il n?y a pratiquement personne, et je vais pouvoir marcher un peu.
Je pensais à quoi ? Ha oui ! je me disais que Paul avait du se donner du mal pour retrouver mon père, aller le voir, puis, aller voir également Anne et Patrick.
Pour être franche, je ne les ai pas trouvé antipathiques ces jeunes gens. Surtout Anne. Patrick me semble un peu soupe au lait.
Mais ce n?est pas parce qu?ils sont sympathiques que je vais les accepter comme frère et s?ur. Certainement pas !!
Tiens ? un banc. Je vais m?asseoir un peu. Avec toutes ces émotions, j?ai les jambes en coton. Ca a du lui coûter cher cette petite réception à Paul. Il avait pris une cuisinière. Et je n?ai même pas goûté le commencement du début d?un plat. Le pauvre ! Et quelle tête il faisait après avoir prononcé le nom de Bob !!!!
Je suis partie comme une voleuse, sans même dire au revoir. C?est pourquoi je sens en moi comme un malaise. Je n?ai pas été bien. Mais c?est de leur faute aussi !ils sont allés chercher des tas de complications. Paul n?avait qu?à me dire : « voilà, j?ai pu retrouver la trace de votre père. Je l?ai rencontré. C?est un type bien. Il lui est arrivé de gros pépins alors qu?il était entièrement innocent. Par ailleurs, vous avez un demi frère et une demie s?ur. »
Voilà ce qu?il aurait du me dire.
Remarque, s?il m?avait dit ça, je ne sais pas quelle aurait été ma réaction. La même sans doute. Je serais partie en lui disant de se mêler de ses propres affaires et de me foutre la paix.
Alors de toutes les façons, je l?aurais mal pris. Je ne suis pas normale. Je dois être aussi un peu méchante. C?est vrai, ça !! Il y a des gens qui se décarcassent pour que je sois moins malheureuse, et qu?est ce que je fais ? Je pars en faisant la gueule. C?est moche. Il faudra que je m?excuse. Pas par téléphone, cela me serait trop dur. Non. Je vais envoyer un mail à Paul. Je lui demanderai de bien vouloir m?excuser. Mais je lui dirai aussi, qu?il s?arrête de s?occuper de moi. Non, mais c?est vrai ! Je suis adulte tout de même !!!!
Bon. Je vais reprendre la route. Je ne veux plus penser à tout ça. D?ailleurs quand j?y pense, cela ne fait pas avancer les choses . Je tourne en rond.
Tiens ? Si Paul veut absolument s?occuper de moi, qu?il s?occupe plutôt de mon magasin. Qu?est ce que je vais en faire ? Prendre la suite de ma mère, et le garder ? Ou le vendre ?
Si je le vends, je ne vais pas garder l?argent. Que vais-je acheter ?
Je pensais tout à l?heure que j?étais adulte. C?est vrai que civilement je le suis. Mais je suis incapable de savoir ce que je veux. C?est de l?infantilisme, ma fille. C?est ça ! Tu n?es qu?une enfant ! Et quand une grande personne veut t?aider, tu lui en veux, tu te drapes dans ta dignité. Pourtant, si tu es incapable, tu n?as pas le droit de te payer le luxe d?avoir de l?amour propre. J?en ai marre, marre?.
Ca suffit. Stop ! Je vais arrêter de cogiter. Tiens, je vais chanter. Ca me donnera peut être le moral
( A suivre)



CHAPITRE 13


Trois jours s?écoulèrent. Paul attendait un signe de Jeanne. Rien. Pas un coup de fil, pas un mail. Il était tellement impatient de savoir comment elle allait, qu?il avait de plus en plus de mal pour se retenir de téléphoner lui-même.
Mais en partant, elle n?avait dit qu?une chose : Il fallait qu?elle reste seule pour pouvoir réfléchir. Il devait respecter son désir, Elle reprendrait contact quand elle le jugerait bon.
Le mercredi soir enfin, il vit qu?il avait un message de Jeanne. Son pouls s?accéléra, et il respira profondément avant de l?ouvrir.
Il était d?une brièveté remarquable :
« Les reines sont elles nées ? Jeanne »
Curieuse reprise de contact. Elle marquait son désir de revoir Paul, mais demandait implicitement qu?il ne lui parle pas des problèmes familiaux. Il décida de répondre d?une façon aussi brève
« Les reines sont nées. Je pense que Dimanche, elles auront commencé leur ponte . Paul «
Quelques minutes plus tard un autre message arrivait
« Je viendrai voir le début de ponte, Dimanche matin. Jeanne «
Cette façon de renouer en prenant un prétexte mineur, rappelait la méthode de politique étrangère qui avait présidé à la reprise de contact entre les USA et la Chine . Une occupation secondaire : le ping pong.
Elle venait voir les ruches, mais par la force des choses, il faudra bien que le problème de son père soit abordé. En tous cas, c?était à elle d?en prendre l?initiative.
Chaque soir, Anne passait un coup de fil à Paul, pour savoir s?il avait des nouvelles de Jeanne.
Comme le mercredi elle téléphona après les échanges de message, elle fut tout de suite au courant de la venue de Jeanne, le dimanche suivant. Pourtant, les jeudi vendredi et samedi, elle continua à téléphoner « pour prendre des nouvelles », ce que Paul ne comprit pas très bien.
Le dimanche matin, Jeanne arriva assez tôt, vers 9 heures 30, ce qui était inhabituel. Elle avait le visage fermé, et des cernes sous les yeux indiquaient qu?elle avait du passer quelques nuits sans bien dormir. Elle manifesta son désir d?aller très vite au rucher, et Paul qui avait le temps de réfléchir durant les longs moments de silence entre eux, pensa qu?il y avait trois explications possibles, a son impatience.
Ou bien elle voulait rentrer sur Valence en fin de matinée, pour qu?ils ne prennent pas leur repas ensemble.
Ou bien elle ne savait pas comment aborder les vrais problèmes, et gagnait du temps en demandant d?aller tout de suite au rucher.
Ou alors, et c?était l?hypothèse la plus plausible, Jeanne, voulait signifier que désormais les relations avec lui ne pourraient se poursuivre qu?à condition que les problèmes familiaux ne soient plus jamais abordés.
Assez curieusement, lorsque la première ruche fut ouverte, Jeanne qui depuis son arrivée n?avait pas prononcé 20 mots, se mit à poser des questions avec volubilité.
Pourquoi cette cellule royale a-t-elle été ouverte en un cercle parfait ? C?est parce que la reine est sortie de cette cellule, en découpant un chapeau avec ses mandibules, en pivotant sur elle-même, les autres cellules sont déchirées latéralement parce que c?est la jeune reine qui était venue tuer ses s?urs, afin de rester seule reine de la colonie.
Pourquoi des cellules de couvain sont bombées et d?autres plates ? Parce que les bombées abritent des mâles et les plates des ouvrières etc, etc?
Non, l?intérêt de Jeanne pour les abeilles, n?était pas feint. Alors, n?était ce réellement que pour voir les ruches que Jeanne était venue ? Pas facile de comprendre les femmes !!
Et pour la première fois, Paul fit une comparaison entre les deux jeunes femmes. Certainement, Anne était bien moins compliquée que Jeanne.
Lorsqu?il quittèrent le rucher, Jeanne continua à poser des questions, puis elles se tarirent et elle en revient à un mutisme presque complet.
Paul ne savait que faire. Comme les silences devenaient gênants et qu?il ne voulait pas aborder les questions que visiblement Jeanne voulait fuir, il se mit lui-même à parler des abeilles.
Il parla de la transhumance que les Egyptiens effectuaient déjà en mettant des ruches sur des barques sur le Nil. Ils déplaçaient les
barques, en fonction de l?échelonnement des floraisons, et deux lignes de flottaison étaient tracées sur la barque, indiquant si les ruches étaient pratiquement vides ou pleines de miel.
Du droit romain qui prévoyait le droit de suite pour les apiculteurs de l?époque qui poursuivaient les essaims issus de leurs ruches.
Il raconta comment, à la campagne, ou croyait de nos jours encore, que pour faire poser un essaim, il fallait frapper entre eux deux objets métalliques( poêles, casseroles, pelles etc.) Cette croyance perdurait depuis 2000 ans. Alors qu?il s?agissait simplement pour les apiculteurs d?utiliser leur droit de suite tout en prévenant qu?ils venaient sur des terres voisines sans intentions malveillantes.
Manifestement elle prêtait une oreille attentive à ses explications, et il ne savait que penser de son attitude.
Revenus à la ferme il posa la question qui le taraudait :
- Nous déjeunons à Valréas ?
- Oui, bien sur. Je dois vous demander de m?excuser de ne pas avoir pu apprécier l?autre jour le repas que vous aviez préparé.
- C?est un détail répondit Paul
Et la conversation sur ce sujet fut close.
Elle fit des efforts méritoires pour poser des questions sur les cultures et la façon dont se présentaient les récoltes cette année. Tout cela sonnait faux et les deux jeunes gens en avaient parfaitement conscience.
Paul décida qu?il valait mieux lancer le sujet gênant plutôt que de rester dans cette situation fausse.
-Vous n?avez pas vu très longtemps Anne et Patrick, néanmoins quelle impression avez-vous à leur sujet ?
- Ainsi que vous l?indiquez, nous n?avons pas eu un contact très prolongé, mais il semble que Patrick soit un garçon droit, mais peut être au caractère assez difficile
- C?est peut être de famille, coupa Paul en souriant
Jeanne ne tint pas compte de l?interruption
-?.quand à Anne, elle me parait très sympathique, très vive et ?c?est tout ce que je pourrais dire.
Décidemment, Jeanne ne facilitait pas les choses. Il lui avait tendu la perche pour qu?elle étende la conversation jusqu?à Robert Quentin, mais Jeanne ne voulait pas la saisir. Il venait de décider d?en rester là, quand Jeanne reprit
- En ce qui concerne mon père, je n?ai pas encore pris de décision. En revanche, ma décision est prise au sujet de mon commerce. Je vais vendre.
J?ai également pris une autre décisions qui va peut être vous surprendre,. Si je parviens à trouver un job dans la région, je vais également vendre mon appartement de Valence et acheter une maison par ici.
Paul était surpris et surtout heureux d?apprendre cette décision. Cela se vit aussitôt car il se précipita dans les bras de Jeanne pour l?embrasser
- Si vous saviez ce que votre décision me fait plaisir. !!! Nous allons vite nous mettre à rechercher un travail et une maison. Vous voulez rester dans la partie assurances ?
- Pas obligatoirement. Un secrétariat quelconque pourrait me satisfaire. Je serai moins exigeante pour la situation que pour la maison. Je veux absolument un peu de terrain pour avoir un rucher. Vous m?avez inoculé le virus, et je veux pratiquer l?apiculture. A titre amateur bien sur !!
- Le lot de bonnes nouvelles est suffisant pour que je vous propose d?ouvrir une bouteille de champagne.
Et sans attendre de réponse, il se précipita à la cave.
( A suivre)



La joie, tellement évidente de Paul, sembla donner un bien meilleur moral à Jeanne, qui, à l?arrivée de la bouteille de champagne dit :
Votre plaisir, mon cher Paul, me fait un bien fou. Nous allons chasser mes larmes, durablement je l?espère, avec des bulles de champagne.
Et c?est dans une ambiance subitement joyeuse que les jeunes gens trinquèrent.


CHAPITRE 14


Juché sur son tracteur, Paul préparait un terrain dans le quartier des Combes, ou il voulait semer du colza pour l?année suivante
Ses pensées étaient tournées vers la petite exploitation de 22 hectares qui allait se trouver en vente, du fait que les propriétaires, sans descendants, partaient à la retraite, pour, selon l?expression du pays,« se retirer bourgeois » après avoir acheté une maison dans le bourg.
Cette exploitation intéressait d?autant plus Paul que de nombreuses terres étaient mitoyennes avec sa propre exploitation.
Bien sur, un problème de financement se posait, et c?est à cela que Paul pensait.
La corne nord est du champ sur lequel il travaillait présentait une pente importante, qu?en général il contournait pour se mettre face à la pente.
Le terre était sèche, le sol dur, aussi Paul pensa ne courir aucun risque en prenant la pente de biais. Ce fut une imprudence, et lentement, comme un film au ralenti, il sentit que le tracteur se renversait et il eut la présence d?esprit de sauter afin de ne pas être écrasé par le tracteur.
Malheureusement son pied droit se trouvant en porte à faux, à cause d?une motte de terre, il sentit une violente douleur et roula trois ou quatre fois sur lui-même, avant de s?arrêter en bordure de champ.
Il essaya, mais en vain de se relever . Le coin était désert, et il aurait pu rester des heures sur place s?il n?avait eu son portable dans sa poche. Fort heureusement il n?avait pas été endommagé par sa chute. La meilleure solution était d?appeler directement son médecin, ce qu?il fit immédiatement.
L?heure qui s?écoula jusqu?à l?arrivée du médecin, fut longue. Il avait réussi en rampant d?aller jusqu?à un noyer, contre lequel il s?adossa. Il n?était pas trop mal installé mais souffrait énormément. En attendant le toubib, il téléphona à un voisin pour qu?il vienne récupérer le tracteur.
Aidé par le médecin, il parvint jusqu?à l?automobile , puis, ils partirent directement à l?hôpital de Valréas pour que des radios soient faites.
Il rentra chez lui le lendemain, la jambe droite dans le plâtre, en s?aidant d?une paire de béquilles.
Cet accident posait de gros problèmes à Paul. Il ne pouvait conduire pour aller faire des courses, et ses semis de colza ne pourraient s?effectuer. Ce dernier problème pouvait être réglé assez facilement en transformant ses plans de culture de colza en tournesol ou de maïs qui ne se semaient qu?au mois de Mars. En revanche, pour la vie courante, il se disposait à appeler la cuisinière Marthe Reyron, lorsque son téléphone sonna. C?était Anne
- Enfin !!!J?étais très inquiète. J?ai téléphoné plusieurs fois hier et ce matin de bonne heure. Il n?y a rien de spécial ?
- J?ai eu un accident de tracteur hier après midi. J?ai été conduit à l?hôpital. J?ai la jambe droite plâtrée et je viens de rentrer chez moi.
- Vous êtes seul ? Quelqu?un s?occupe de vous ?
- Non. Mais quand vous avez téléphoné, je m?apprêtais à appeler Marthe, vous savez, la cuisinière que j?avais prise l?autre jour ? J?espère qu?elle sera libre.
- Ne lui téléphonez pas ! C?est inutile. J?arrive tout de suite !
- Mais?.
Anne avait déjà raccroché. En vérité, Paul était heureux que quelqu?un vienne lui donner un coup de main durant ces moments difficiles .
Une heure plus tard, Anne était là.
Il fallut évidemment lui raconter en détail les circonstances de l?accident, après quoi, elle repartit en voiture pour faire des courses.
Au cours du déjeuner, Paul indiqua à Anne qu?il n?avait pas eu de nouvelles de Jeanne depuis quatre jours. En avait elle ?
- Non, pas moi. Mais hier matin, je sais qu?elle et Patrick ont eu une communication téléphonique.
- Tiens ? C?est elle qui avait appelé ?
- Non. C?est certainement lui, car je n?ai pas entendu la sonnerie du téléphone, alors que j?étais dans la pièce à côté.
- Si votre frère lui téléphone, c?est plutôt bon signe. J?aimerais tant qu?ils s?entendent bien. Elle a tellement besoin d?une famille !
- Tout le monde a besoin d?une famille ! Je vois mon père tout les quinze jours et j?en suis très heureuse, même s?il m?inquiète un peu.
- Pourquoi ? Des problèmes de santé ?
- Oh, non ! Il est en pleine forme. Mais il souffre beaucoup d?être loin de nous. Il aimerait vendre sa maison, en acheter une ici et trouver un travail bien sur !
- Mettez le en garde sur les prix de l?immobilier. Il ne trouvera pas ici une maison analogue à celle qu?il a, pour le même prix.
- Oh ! ce n?est pas ça qui le retient. D?ailleurs je crois qu?il a aussi un peu d?argent de côté. Non. Je crois qu? il est prêt à être beaucoup moins bien logé. Son problème principal, c?est de trouver un job, ici.
- Il a actuellement un travail de bureau ?
- Oui. Mais ce n?est pas un choix de sa part. il préférerait un travail plus actif physiquement. Mais après ses ennuis judiciaires, il ne pouvait être difficile et a été très heureux d?être embauché au crédit agricole.
- Il est dommage que je ne possède pas les moyens de l?embaucher, Surtout avec mon accident, cela m?aurait bien arrangé. Maintenant, il faudrait lui conseiller de passer des petites annonces dans les journaux de notre coin
- J?en parlerai à mon frère ? Nous devions aller dans le Gers Dimanche, mais cette fois ci, Patrick ira seul. Je ne veux pas vous abandonner
- Vous êtes super gentille, mais je peux rester seul un week end . Allez donc voir votre papa.
- Inutile d?insister. Il n?en est pas question !
Le lundi matin, Paul qui profitait de son repas forcé pour lire, reçut un coup de fil de Patrick, qui lui dit être allé chez son père en compagnie de Jeanne.
Cette première entrevue entre le père et la fille, après un moment de gène bien normal, s?était ensuite déroulée dans une ambiance de plus en plus détendue et agréable.
Cette nouvelle emplit Paul de bonheur. Il savait que maintenant, Jeanne ayant une famille, tout allait s?arranger pour elle.
( A suivre)



Le samedi suivant, Jeanne, vint à Grillon pour prendre des nouvelles de Paul. Elle confirma que l?entrevue avec son père s?était déroulée dans de bonnes conditions, et que certes, connaître son père après 25 ans nécessitait un peu de temps pour que de véritables relations père fille s? établissent, mais qu?elle avait bon espoir que tout se passe bien. Par ailleurs, ce voyage effectué avec son demi frère lui avait permis de mieux connaître et d?apprécier Patrick.
Il était évident, que c?était une jeune femme beaucoup plus détendue, plus gaie que recevait Paul.
Assez curieusement, Jeanne qui n?était pas particulièrement capricieuse, voulut boire une bière brune, alors qu?il n?y en avait pas au réfrigérateur. Elle insista tellement que Anne finit par dire qu?elle allait en acheter et partit en voiture.
Aussitôt, Jeanne s?excusa pour son exigence, mais elle voulait parler hors la présence de Anne. Elle expliqua :
Au cours de la semaine, une dame était venue sonner chez elle. C?était une femme assez élégante mais dont les yeux clairs, le regard dur et méchant, provoquait une sorte de malaise.
Après s?être assurée qu?elle parlait bien à Jeanne Bouix, qui était née à Barcelonnette, elle me dit :
-Vous ne savez pas qui est votre père. Moi je peux vous le révéler. J?ai une lettre écrite par un certain Louis Carré à votre père, qui ne laisse aucun doute à ce sujet.
Il s?appelle Robert Quentin. Je suis désolée de vous apprendre que c?est un repris de justice. Non seulement il a laissé tomber votre mère quand elle a été enceinte, mais par la suite il a été condamné à de la prison ferme pour vol et incendie volontaire.
- Pourquoi madame, venir me raconter tout ça ? Puisque je ne le connais pas, que voulez vous que cela me fasse ?
- Maintenant, vous savez qui il est. Et c?est votre père. Vous ne pourrez plus faire comme si vous ne le connaissiez pas.
- Encore une fois, pourquoi venir me raconter tout ça ? Quel est votre intérêt dans cette affaire ?
- Mon intérêt, c?est mon affaire. Je vous précise que votre père habite un petit village dans le Gers, qui s?appelle Lauraët. Je vous ai mis sur ce papier son adresse et son numéro de téléphone. Je sais que vous ne résisterez pas à l?envie de prendre contact avec lui pour lui dire tout votre mépris. Pour vous prouver que mes renseignements sont fiables, je vous laisse la lettre écrite par Louis Carré à son copain Robert Quentin.*
- C?est donc la seule méchanceté qui motive votre démarche ? Qui êtes vous ?
- Méchanceté ? Certainement pas. L?esprit de justice simplement. Figurez vous, que moi aussi il m?a fait souffrir. J?étais sa femme. S?il n?a pas voulu vous reconnaître comme étant sa fille, il vous a abandonné, en revanche, à moi, il a enlevé mes enfants. Faites le souffrir. Il le mérite. Vous êtes sa fille. Faites valoir vos droits.
Après quoi elle a pris congé. Je ne pense pas qu?il y ait beaucoup de gens aussi méchants. Je me suis bien gardée de lui dire que j?avais vu mon père, et que je savais ce qu?elle, sa femme, avait osé lui faire.
Vous comprenez maintenant pourquoi je ne pouvais pas parler de cette visite devant Anne, sa fille, qui a suffisamment souffert de l?attitude de sa mère.
Paul ne comprenait pas non plus la raison de cette démarche. La méchanceté seule, le désir de nuire à Bob, ne pouvait être la seule explication. Il devait y avoir autre chose, mais quoi ?
Jeanne qui avait beaucoup réfléchi à ce problème, avouait qu?elle n?avait pas trouvé autre chose que de la méchanceté. Tout au plus( mais c?était encore de la méchanceté pure) voulait elle faire d?une pierre deux coups. En lui conseillant de faire valoir ses droits, elle voulait également se venger de ses propres enfants, qui au lieu d?hériter à deux seraient trois. Mais c?était tellement mesquin, tellement dérisoire .
- Si vous voulez mon avis dit Paul, ce serait lui donner satisfaction que de s?appesantir sur son cas. N?en parlons plus. D?ailleurs, elle n?a aucune possibilité de nuisance.
De fait, Anne Jeanne et Paul passèrent une agréable journée ensemble, ce qui aurait provoqué une crise de nerf chez l?ancienne femme de Bob, si elle avait eu la possibilité d?y assister.



















CHAPITRE 15




En apprenant l?accident de Paul, une idée s?était présentée à l?esprit de Bob. Mais il n?en parla pas à Patrick , du fait de la présence de Jeanne. C?était le premier contact avec elle, et il voulait se consacrer à sa joie d?avoir un troisième enfant. Ce n?est qu?après leur départ, qu?il revint sur l?idée qui lui avait traversé l?esprit. Il y réfléchit d?une façon plus approfondie.
Il lui était certainement possible d?obtenir rapidement de son employeur, une année sabbatique. Si Paul était d?accord pour lui fournir le gîte et le couvert pendant quelques mois, il pourrait venir travailler dans l?exploitation de Paul, sous ses directives. Ce dernier serait certainement heureux de pouvoir être aidé pendant cette période difficile.
Par ailleurs, Bob, pourrait en même temps voir ses possibilités de trouver un travail dans la région et obtenir des renseignements sur les prix de vente des maisons.
C?est ce que nos hommes politiques appellent un accord gagnant- gagnant pensa Bob. Aussi dès le lendemain, envoya t il un mail à Paul pour lui faire cette proposition.
Paul qui depuis son accident se faisait un mauvais sang d?encre pour le travail qu?il ne pouvait faire dans son exploitation, fut très heureux de lire cette proposition. Il était profondément soulagé de savoir qu?il allait pouvoir être aidé. C?est en grande partie Anne qui bénéficia du changement d?humeur de Paul lequel, débarrassé de ce soucis majeur, non seulement devint plus gai,plus allant, mais surtout prit conscience de l?aide que lui apportait Anne.
Il se rendit compte qu?elle accomplissait un gros travail sans donner l?impression d?être débordée. La maison était merveilleusement tenue, la cuisine excellente, et il voulut en faire la remarque?assez maladroitement, d?ailleurs
- Comment avez-vous pu apprendre à faire tout cela, alors que vous êtes si jeune ?
- Si je comprends bien, pour vous, je ne suis qu?une gamine ?
- C'est-à-dire, que, non, pas une gamine, mais vous êtes très jeune..
- Beaucoup trop jeune pour m?occuper d?une maison et d?un homme ? dit elle en sortant en pleurant.
C?est à ce moment là qu?il comprit qu?en effet, Anne n?était pas une gamine, mais une jeune fille, et une jeune fille amoureuse de lui. C?est vrai qu?il n?avait jamais considéré que Anne pouvait être une femme. Non. Ce n?était pas une jolie gamine. C?était une très belle femme pétrie de qualités. Et cette révélation gêna considérablement Paul.
( A suivre)



Qu?une gamine vienne lui donner un coup de main à la suite de son accident était une chose qui n?avait rien d?anormale et ne prêtait lieu à aucune ambiguïté . Mais puisqu?il s?agissait d?une très jolie femme, les choses devenaient plus compliquées qu?il ne l?avait pensé.
Cependant le plus urgent était d?avoir une conversation avec Anne, pour s?excuser d?abord et pour ??.et pour quoi, au fait ? Qu?allait il lui dire ? Qu?il n?était pas normal qu?une jeune fille vive sous le même toit qu?un homme jeune et célibataire ? Il allait lui demander de partir ? Ce serait un peu vieux jeu ! et de plus, il n?avait pas du tout envie qu?elle parte .
Et pourquoi ne voulait il pas qu?elle parte ? Parce qu?elle lui rendait service ? Oui, un peu, mais c?était un peu court. Il y avait autre chose. Est-ce qu?à son insu un autre sentiment se serait développé en lui ? Il tenta d?examiner cette possibilité avec le maximum d?objectivité, mais ne put arriver à une conclusion formelle.
Cela faisait trop peu de temps que la question se posait. Certes, il se rendait compte que cette question n?était pas ridicule à priori, mais c?est tout ce qu?il pouvait dire.
En fait, ses idées concernant les femmes, avaient été faussées dès qu?il avait vu Jeanne, car il en était tombé amoureux. Elle avait été en fait la première vraie femme qu?il avait connu. C?est en grande partie pour cela qu?il ne voulait pas accepter l?idée qu?elle soit sa s?ur. Mais il sentait parfaitement que pour Jeanne, en revanche, il avait d?abord été son frère, et sans discussion possible, depuis qu?elle avait appris son existence. Puis, la démonstration étant faite qu?il ne l?était pas, il était devenu un ami. Simplement un ami.
Jeanne, qui l?avait fait sortir de sa chrysalide avait apportée beaucoup de complications dans la vie de Paul. Des complications, mais aussi une densité de vie, une palette de sentiments que sans elle il n?aurait jamais pu connaître.
Et si aujourd?hui, entre Jeanne et Anne, il ne parvenait pas à savoir quelle était celle qu?il aimait vraiment, avec son bons sens paysan, il se disait que le trop plein était bien préférable au vide.

Bob arriva chez Paul pour le 15 août. Son arrivée avait été attendue avec impatience, parce que cette année, les vendanges devaient commencer au début de la première semaine de Septembre, et il était grand temps de préparer tout le matériel.
Il fallait récurer les cuves, laver, et mettre en eau les tonneaux pour supprimer les fuites entre les douves. Il fallait également les soufrer. Pour cela, on attachait une lame de souffre après un fil de fer. On allumait le soufre, puis le faisait descendre à peu près au milieu du tonneau par la bonde, et on refermait avec le bouchon de la bonde. La plupart ces opérations nécessitaient des efforts physiques auxquels pour l?instant, Paul ne pouvait pas se livrer aisément.
Il avait abandonné ses béquilles pour une simple canne, mais il ne pouvait s?appuyer trop fortement sur sa jambe droite.
Les récoltes et l?extraction de miel avaient eu lieu juste avant l?arrivée de Bob, mais avec le concours de Jeanne, de plus en plus intéressée par l?apiculture, de Anne et de Patrick, tout se passa sans problème particulier..
Bob expliqua comment après un enfumage judicieux, suffisant mais pas trop abondant, les abeilles, devenues non agressives se laissaient brossées hors des cadres, et en pratique, c?est Jeanne qui brossa tous les cadres.
Dans la miellerie, en s?asseyant sur un haut tabouret, Paul avait pu effectuer toute la désoperculation des cadres, pendant que Patrick tournait la manivelle de l?extracteur, chargé et vidé par les deux jeunes femmes. Au sortir de l?extracteur, le miel en sceaux, était tamisé au dessus d?un maturateur. L?ambiance était gaie, agréable et chacun s?extasiait sur la qualité du miel qui avait été élaboré par les abeilles en grande partie, avec du nectar de lavande.
Paul avait dit que cette année marquait sa naissance. Il en avait une nouvelle preuve. Les autres années, les récoltes de miel qu?il effectuait tout seul, était un travail comme un autre, qui ne lui procurait que la satisfaction de faire quelque chose d?utile. Cette année, les sentiments d?amitié, d?affection, l?enthousiasme de Jeanne, de Anne et de Patrick faisaient que cette activité était créatrice de bonheur et de bonne humeur.



CHAPITRE 16


La veille du début des vendanges, après le dîner, Bob et Paul étaient installés sous un grand platane allongés sur des chaises longues. La température était idéale, il n?y avait pas un souffle d?air et tout la haut les hirondelles et les martinets, se livraient à un carrousel. Ils goûtaient la douceur du moment, après une journée assez rude passée à régler les derniers problèmes pour que les travaux du lendemain puissent débuter dans les meilleures conditions possibles. Les paniers en osier, lavés, les sécateurs huilés, les « banastes ( caisses en bois dans lesquelles on versait les paniers de raisin) étaient rangées sur la remorque du tracteur.
Sortant sa pipe de la bouche, Bob dit soudain
- Elles sont formidables mes filles. Dans ma vie, j?en ai bavé, mais là, je dois dire que je suis gâté. Elles sont formidables !!! C?est votre avis Paul ?
- Tout à fait ! Je n?en connais pas une troisième aussi bien.
- Moi, je suis leur père, cela ne me pose pas de problème, mais je pense qu?un jeune homme qui les connaîtrait toutes les deux, serait sacrément embêté s?il devait en choisir une.
Cet échange terminé, Bob remis sa pipe en bouche et un long silence régna de nouveau. Et c?est Paul qui reprit :
-Il est certain que je suis très embêté.
Bob ne répondit pas, mais les deux hommes se comprenaient parfaitement. Par son silence, Bob lui signifiait qu?il le comprenait, qu?il ne pouvait lui donner de conseil et que lui, Bob, avait la certitude que dans tous les cas, Paul serait son gendre et qu? il en était heureux.
Ils ne revinrent plus sur ce sujet. Jeanne, Anne et Patrick, avaient réservé des vacances pour venir faire les vendanges, et là encore c?est la bonne humeur qui régna durant chaque jour de cette période.
Vis-à-vis de Paul, Jeanne, redevenue gaie avait l?attitude d?une grande amie qui ne souffrait d?aucun problème. En revanche Anne était un peu tristounette quand elle regardait Paul, mais faisait des efforts méritoires pour rester au diapason de la gaîté des autres.
Chaque Dimanche, Jeanne descendait de Valence et passait le week end à Grillon.
Au début du mois de Novembre, un vendredi, Jeanne téléphona pour dire qu?elle ne pouvait descendre à Grillon.
La semaine suivante, même coup de fil pour s?excuser, sans donner vraiment d?explication sur ses nouvelles obligations des week end.
C?est la troisième semaine, qu?elle fut un peu plus claire
- Je ne pourrais venir le prochain week end, parce que j?au un gros travail à faire. J?ai donné ma démission à l?agence d?assurances ou je travaillais. Je suis revenue sur ma décision de vendre mon magasin. Je vais le prendre en mains moi-même. Mon employée principale a accepté de rester une année de plus pour me mettre au courant . Désormais, au moins au début, je ne pourrais descendre à Grillon qu?une fois par mois.
C?est Paul qui avait décroché et se trouvait donc au bout du fil. Il lui demanda
- Mais autrement, comment allez vous ? Pas de problème particulier ?
- Non, non, ne vous inquiétez pas, aucun problème, je suis très heureuse.
- Alors, c?est parfait. Mais restons en contact par fil et par mail
- Bien entendu ! Embrassez mon père ainsi que Anne et Patrick, quand vous les verrez
- Je n?y manquerait pas.
Cette conversation sembla curieuse, aussi bien à Bob, qu?à Paul.
( A suivre)



- Je pense qu?elle dit vrai quand elle se dit très heureuse, et c?est bien là, le plus important. Mais il me semble qu?il doit y avoir quelque chose qui a du la faire changer d?avis. Elle voulait vendre son magasin et venir s?installer dans notre région. On ne peut changer des plans aussi importants sans de vraies bonnes raisons
Philosophe, Bob, lui répondit
- Bah !!nous le saurons bien un jour. L? important c?est qu?elle soit heureuse !.
Anne qui s?était inscrite à la Faculté de droit d?Aix en Provence, et suivait des cours par correspondance, s?organisait pour venir voir son père et Paul, au moins deux fois par semaine.
Il semblait à Paul qu?elle était plus réservée, et un peu tristounette, moins primesautière depuis la crise de larmes qu?elle avait eu devant lui, et il croyait bien en connaître la raison, sans pouvoir faire quelque chose, au moins pour l?instant.
Bob et Paul s?entendaient à merveille. Ils avaient la même conception de travail , et se comprenaient souvent sans être obligé de s?exprimer.
Paul continuait à mûrir son projet de rachat, mais depuis l?arrivée de Bob, il l?avait un peu modifié. Ce dernier faisait désormais partie intégrante du projet.
Les propriétaires de l?exploitation devait quitter Grillon en Mars pour s?installer dans leur maison citadine.
De longues conversations avaient déjà eu lieu entre eux, et Paul dans un premier temps, Paul et Bob depuis quelques mois.
Les propriétaires garderaient leur ferme qu?ils allaient louer à Bob.
Sur les 22 hectares de terre, il y avait 5 hectares de vignes. C?est Paul qui les achetait, et Bob avec les autres 17 hectares ferait des céréales, du tournesol et du colza.
Sans encore en arriver à faire une G.A.E.C, ils allaient mettre leur gros matériel en commun. Ils projetaient de vendre les deux tracteurs, puisque chaque exploitation en avait un, et ils en rachèteraient un neuf et plus puissant.
Les accords définitifs devaient être signés juste avant la Noël.


CHAPITRE 17




Au début du mois de décembre, Jeanne envoya un mail, en précisant qu?elle descendrait à Grillon, et que l?on ait la gentillesse de prévoir deux couverts
Paul fit part de ce mail à Bob, qui lui dit
- Je crois que très bientôt nous allons connaître la raison qui a amenée Jeanne, à rester sur Valence et à garder son commerce.
En riant Paul ajouta
- Et chacun sait qu?un être humain peut constituer une raison !
Bob qui commençait à bien connaître Paul, remarqua que le rire était un peu jaune, et comprit que si effectivement Jeanne venait avec un jeune homme, son ami allait être bien malheureux. Mais il ne répondit pas.
Le jeudi Paul prit contact avec Marthe Reyron pour lui demander de venir faire un repas pour 6 personnes cette fois ci.
La cuisinière était libre ce week end, mais elle posa une condition en bougonnant
- Je veux bien y aller, à condition que vous ne fassiez pas tous la gueule comme la dernière fois. Personne ne s?est rendu compte que je leur servais des plats de grande classe. Et pas un remerciement ! Alors, si ça doit recommencer, non merci !!
- Non, ce ne sera pas comme la dernière fois, Marthe. C?est vrai que la dernière fois c?était un peu spécial. Mais cela ne se renouvellera pas, et je vous promets que nous saurons apprécier vos talents .
Ils se mirent vite d?accord sur les conditions, et dès Dimanche matin à 7 heures trente, Marthe arriva avec son panier en osier recouvert d?un torchon blanc.
Anne et Patrick arrivèrent ensemble et les premiers. Il savaient que Jeanne allait venir accompagnée, et l?on sentait que Anne en particulier était très impatiente de voir la personne amenée par Jeanne.
Ils arrivèrent vers 11 heures 30. Elle était resplendissante de beauté et de bonheur. Lui, était un homme d?une trentaine d?années, d?allure sportive, au visage ouvert et souriant.
Jeanne fit les présentations
- Alain Chapuis. Mon associé dans notre magasin d?habillement. Nous avons de grands projets d?extension
- Je te présente Robert, mon père, Anne ma s?ur, Patrick mon frère et Paul, un très grand ami.
- Voilà un groupe de famille et ami extrêmement sympathique dit gentiment Alain. Il est vrai que Jeanne ne peut avoir que des proches à son image.
Il en fait un peu trop pensa Paul certainement jaloux de voir un homme aussi séduisant et à l?aise, aux côtés de Jeanne. Mais il sut cacher ses sentiments et le repas se déroula dans un climat relativement sympathique , quoique la conversation ait été prise en otage par Alain, qui semblait avoir des connaissances dans tous les domaines, et des avis sur toutes choses.
Certes, il n?était pas inintéressant, mais cette façon de monopoliser la parole alors qu?il était » l?étranger » dans cette réunion, ne le rendit pas très sympathique aux Vauclusiens. Jeanne, elle, buvait ses paroles, et Paul en était irrité.
Les deux jeunes gens repartirent assez tôt dans l?après midi, et lorsqu?ils se retrouvèrent seuls, Bob, Paul, Anne et Patrick restèrent un moment silencieux.
C?est Bob qui le premier prit la parole
- Hé ben !!! Jeanne va pouvoir revendre son ordinateur. Il sait tout ce gars là
Paul ne pouvait s?empêcher de faire des réserves.
- C?est vrai que du bagout il en a. Mais il dit beaucoup de bêtises. Il a eut tort de vouloir étaler ses connaissances sur les abeilles. Il était mal tombé, et même Jeanne aurait du s?apercevoir qu?il disait des contre vérités. Elle en sait plus que lui.
Anne en revanche était beaucoup plus complaisante vis-à-vis d?Alain.
- Moi, je trouve qu?il est très joli garçon, qu?il sait quand même beaucoup de choses, et surtout, surtout, je n?avais jamais vue Jeanne aussi resplendissante. Si c?est à lui qu?on le doit, je lui en serais éternellement reconnaissante.
Bob regarda sa fille en souriant, puis, se tournant vers Paul, il vit qu?il souriait aussi, et comprirent qu?ils étaient sur la même longueur d?onde. Anne était surtout heureuse de voir disparaître une concurrente.
Le soir, confortablement installés dans des fauteuils devant la cheminée, Bob avec son éternelle pipe, les deux hommes goûtaient ces moments de calme et de sérénité. C?est Bob, qui rompit ce silence.
- Je me demande qui gagnera la course.
- Quelle course ?
- La course au mariage, pardi !!
- Comprends pas !
- Allons, allons !!! Nous savons, vous et moi, que Jeanne va se marier avec son perroquet, et que vous allez vous marier avec Anne. Mais qui va se marier le premier ? That is the question !!
- Premièrement, Jeanne ne nous a pas dit qu?elle allait se marier. Deuxièmement, ou avez vous vu que j?allais me marier avec Anne ? Peut être prenez vous vos désirs pour des réalités ?
- Que je le désire, c?est certain. Mais que je me trompe, certainement pas. Anne est folle amoureuse de vous depuis longtemps, et vous, vous hésitiez entre mes deux filles. Maintenant vous n?avez plus à hésiter, puisqu?il n?y en a plus qu?une de libre.
- Vous ne tenez pas compte d?un élément important, Bob. C?est que si j?hésitais, c?était parce que je n?étais pas sur de mes sentiments.
- Bien avant la visite de Jeanne je savais que c?était Anne qui vous était destinée. Il est possible que vous ne le sachiez pas encore.Décidemment je vais miser sur Jeanne. C?est elle qui se mariera la première, ils sont plus avancés que vous. Eux ils savent déjà qu?ils s?aiment.
- N?êtes vous pas en train de me forcer un peu la main ?
- Oh, je n?ai rien à forcer du tout. Je prédis , simplement.


EPILOGUE



Bob perdit son pari. Les deux mariages eurent lieu le même jour trois mois plus tard, à Grillon.
Les évènements que nous venons de relater se sont déroulés en moins d?un an.
En moins d?un an, un jeune homme sans ambition, qui se jugeait bien installé dans sa vie routinière et solitaire, avait subi une extraordinaire métamorphose sous l?influence d?une femme?.qui ne fut pas la sienne.
A l?usage, si l?on peut dire, Alain se révéla être un charmant garçon, très amoureux de sa femme. A un mois d?intervalle, Jeanne et Anne eurent un Bébé. Ces deux garçons, pour l?instant vivaient séparément dans leurs berceaux, mais les parents savaient déjà, que dans quelques années, les deux lascars s?entendraient comme larron en foire, pour réaliser des bêtises en commun.
Pour rester sur une impression de happy end, nous devons interrompre ce récit, avant que les vicissitudes de la vie ne viennent ternir cette belle image de gens heureux .
FIN
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