Ecriture-Lecture




LES TROIS J


LES TROIS J




3 frères
JOSEPH ARNAUD 44 ans le plus effacé. colosse
JACQUES 42 ans la tête pensante. Autoritaire
JEAN 40 ans Le plumitif, comptable.
LA MERE
GERMAINE Servante



Ils possédaient une très belle propriété de 180 hectares. Ils faisaient de la polyculture, avec en particulier, 35 hectares de vigne, qui constituaient l?élément principal de leur exploitation.
Ils étaient trois frères
L?aîné, Joseph, âgé de 44 ans, était un colosse de 1mètre 90 pour 110 kilos, tout en muscles. Intellectuellement il était le moins doué, et conscient de son infériorité, il vouait à ses frères une admiration affectueuse.
Le second, Jacques, 42 ans, était la tête pensante du groupe ; C?est lui qui prenait toutes les décisions. C?est lui qui décidait des cultures de chaque année. C?est lui qui s?occupait des ventes des produits. Son autorité était d?autant moins discutée que ses deux frères lui reconnaissaient une incontestable supériorité.
Le troisième, Jean, avait une belle écriture, et à l?école primaire, il était toujours le premier en arithmétique. Tout naturellement donc, il était le plumitif et le comptable du groupe. Lorsqu?il y avait une lettre à écrire, Jacques indiquait les grandes lignes, et c?est Jean qui rédigeait. Quand à la comptabilité, elle était son domaine réservé.
Une quatrième personne vivait sur la propriété. La Mère. C?était une petite femme frêle, dont on se demandait toujours comment elle avait pu donner naissance à ces trois robustes garçons. Mais sous ses dehors fragiles, c?était une femme de 63 ans, constamment en mouvement, qui travaillait du matin au soir sans arrêt, et tenait la maison dans une propreté méticuleuse.
Ce quatuor constituait donc un ensemble harmonieux, et s?il en avait eu le temps, chacun se serait déclaré parfaitement heureux.
Pour ces célibataires endurcis, il n?était donc pas question de faire entrer à la maison une femme qui n?aurait pu, ils en étaient persuadés qu?amener troubles, désordres, et en premier lieu un conflit avec la Mère
Il ne venait pas à l?esprit des trois frères, que si résistante soit elle, la mère ne serait pas éternelle. Tout était, et devait demeurer figé.
Cette année avait été bonne. La météo avait été favorable, les vendanges venaient de se terminer, les cuves étaient pleines, et le vin allait titrer plus de 12°. Tout était pour le mieux.
Un matin, alors que servis par la mère, les trois frères prenaient leur petit déjeuner ( particulièrement mal nommé, car il s?agissait d?un véritable repas roboratif) Jacques expliquait à ses frères que l?année prochaine, il faudrait faire moins de tournesol et essayer le soja dont il avait entendu dire beaucoup de bien.
Une voiture arriva dans la cour. Ce n?était pas un fait exceptionnel même à cette heure matinale. Il arrivait souvent que des voisins viennent discuter avec les trois frères et surtout, demander conseil à Jacques qui dans toute la région était considéré comme un sage.
Mais par la fenêtre, les frères pensèrent que cette fois, c?était autre chose. La voiture était bien trop luxueuse pour appartenir à quelqu?un de la région.
En effet, c?était un « monsieur de la ville » qui descendait du véhicule. Complet sombre, cravate, il n?y avait pas à s?y tromper. Qui était-il ? Et que venait il faire à cette heure, normale pour des paysans, mais pas pour des citadins qu?une fois pour toute, on avait jugé incapables de se lever tôt pour travailler, si l?on pouvait appeler » travail », le fait de s?asseoir toute la journée derrière un bureau ??.
Lorsque l?inconnu frappa à la porte, c?est évidemment la Mère qui alla ouvrir, restant bien au milieu de la porte pour signifier à l?intrus que n?importe qui ne pouvait pas entrer dans sa maison.
- Pourrais je parler à monsieur Joseph Arnaud ?
- C?est pour quoi ?
- C?est une affaire particulière pour laquelle je dois m?entretenir avec monsieur Joseph Arnaud. Je suis venu tôt pour être certain de le trouver, avant qu?il ne parte au travail ..
- Il mange !!
- C?est une chose indispensable, mais qui peu être un peu retardée. Pouvez vous lui dire que c?est très important?.et urgent.
- Attendez là, dit la Mère qui ne voulait décidemment pas que n?importe qui pénètre chez elle.
L?inconnu avait demandé à parler à Joseph, mais tout naturellement, c?est à Jacques que la Mère s?adressa.
-Il y a un monsieur de la ville qui veut parler à Joseph. Il dit que c?est important et pressé
Jacques s?essuya la bouche d?un revers de main, referma son couteau de poche « à tout faire », se leva pesamment, et dit à sa mère.
- Fais le entrer dans le salon, et dis lui que j?arrive.
Les deux autres frères surpris, levèrent la tête. Pourquoi donc Jacques allait- il recevoir ce monsieur inconnu dans le salon, où l?on ne pénétrait que deux ou trois fois pas an, les jours de Noël et de Pâques en particulier ?

Jacques devait juger ce monsieur très important , et du coup, ils s?arrêtèrent de manger pour mieux suivre le déroulement des opérations.
- Vous êtes Joseph Arnaud
- Non. Je suis Jacques, mais c?est moi qui m?occupe de tout.
- Je veux bien vous croire, mais c?est à Monsieur Joseph Arnaud en personne que je veux parler.
- Joseph ne fera rien sans moi. Alors je vous écoute. D?abord qui êtes vous ?
- Je suis Maître Blanc, Notaire. Monsieur Arnaud est mort il y a 5 ans
- Oui. Et alors ?
- Il avait fait un testament qui devait être ouvert 5 ans après sa mort. L?échéance est venue. Et il a bien spécifié que je devais ouvrir ce testament en la seule présence de son fils Joseph..
- C?est vous qui dites ça !! En tous cas, mon frère ne fait rien sans mon accord. Alors vous pouvez l?ouvrir votre testament.
- Ce n?est pas mon testament, mais celui de monsieur Arnaud, et il faut que Joseph vienne à mon étude et qu?il y vienne seul. C?est compris ? Vous n?avez pas à vous mettre entre lui et moi. Quand je lui aurai lu le testament, après, il fera ce qu?il voudra, et s?il veut vous en parler il le fera, ce ne sera plus mon affaire.
- Vous, à la ville, vous aimez bien compliquer les chose !!!! Enfin?..Je vous l?envoie.
Deux minutes plus tard Joseph arriva devant le notaire. Ce dernier était de constitution assez frêle, et c?était un spectacle assez cocasse que de voir ce colosse tout intimidé devant le petit notaire maigrelet.
- Monsieur Joseph Arnaud, j?aurais pu ouvrir le testament ici devant vous, mais comme il est nécessaire que vous soyez seul, je préfère que vous veniez à mon étude demain à 9 heures.
- Ah ? Bon. On peut pas plus tôt ? Parce que nous avons du travail.
- L?étude n?ouvre qu?à neuf heures. Je vous y attendrai. A demain.
Questionné par la suite par Jacques, Joseph ne put que lui répondre
- Il m?a seulement demandé d?aller le voir demain à neuf heures. Tu te rends compte ? Il me fiche ma matinée en l?air.
- Il ne t?a rien dit d?autre ?
- Non. Ah si ! Il m?a dit qu?il ne commençait à travailler qu?à 9 heures !! Je me demande comment il peut se payer ses beaux costumes !
Le lendemain, à l?heure dite, au volant de la voiture familiale, Joseph arriva à l?étude. Il n?était pas très tranquille. Quand ces gens vous demandent d?aller les voir, ce n?est jamais bon.
Pourtant le notaire l?accueillit très gentiment, dans un grand bureau très clair et plein de livres, et il dut s?asseoir, du bout des fesses, sur un magnifique fauteuil.
- Monsieur Joseph Arnaud, je vais ouvrir devant vous le testament de Georges Arnaud..
- Puisque c?était mon père, pourquoi vous voulez pas que mes frères soient là. C?est Jacques qui est le chef et c?est Jean qui s?occupe de papiers. Moi, je n?y comprends rien.
- Monsieur Georges Arnaud a spécifié que ce testament devait être lu devant son neveu, seul, Joseph Arnaud.
- Monsieur Georges Arnaud n?était pas mon oncle. C?était mon père. Mon oncle s?appelait Gaston Arnaud.
- Ecoutez, je lis ce qui est écrit Peut être allez vous comprendre quand même. Voilà, j?ouvre l?enveloppe, et je lis :
- Moi, Georges Arnaud, sain de corps et d?esprit je déclare, qu?avec ma femme, nous avons raconté des histoires au petit Joseph..
Joseph n?est pas mon fils. C?est le fils de mon frère Gaston. Quand Gaston et sa femme sont morts dans un accident de train, nous sommes venus dans l?exploitation de mon frère Gaston, et y avons travaillé comme si elle était à nous. Le notaire de l?époque était d?accord, à condition de recevoir une rente annuelle indexée sur le prix du blé.
Nous avons dit au petit que nous étions ses parents, et quand nous avons eu deux enfants, nous leur avons donné des prénoms qui commençaient par J, pour que ça fasse plus frères.
J?ai des remords, mais je ne voulais pas que tout soit dit juste après ma mort, déjà qu?ils doivent être bien tristes que je ne suis plus là. J?ai pensé, qu? après 5 ans, ce serait mieux pour tout le monde. Alors voilà, le petit Joseph est le seul propriétaire de l?exploitation. Je jure que je dis vrai.
Le notaire était abasourdi par cette révélation qui mettait en cause son prédécesseur, quand à Joseph, il ne réalisait pas très bien.
- Alors, il dit qu?il n?est pas mon père, et que mon père c?est mon oncle ?
Je notaire avait retiré ses lunettes, s?était rejeté en arrière sur son fauteuil, et se frottait les yeux.
- Bon sang, moi qui avais souhaité une retraite paisible à mon prédécesseur, il va falloir que je lui apporte des embêtements.
- Je me fous du notaire d?avant. Qu?est ce que je vais faire moi ?
- Hé bien vous, cher monsieur, vous allez être le seul propriétaire de l?exploitation. Ceux que vous appelez vos frères ne sont que vos cousins, et n?ont droit à rien. Quand à celle que vous prenez pour votre mère, c?est votre tante, qui était d?accord pour que votre exploitation appartienne également à ses propres enfants.
- Alors, c?est moi, le chef ?
- Oui. C?est vous le Chef.
- Mais je ne sais pas faire le chef. Le chef, c?est Jacques.
- Vous pouvez le nommer chef d?exploitation si vous voulez, mais vous êtes seul propriétaire.
Après un moment de réflexion, Joseph ajouta.
Mes frères?enfin mes cousins, m?ont toujours dit que je n?étais pas capable d?être le chef, bien que je sois l?aîné. Et la Mère?.enfin ma tante, ma toujours dit que j?avais trop de muscles pour avoir de la cervelle.
- Il est possible que ces gens vous aient fait un lavage de cerveau, (vous aient raconté des histoires, si vous préférez) pour mieux vous tenir.
- Je ne crois pas. Parce que ce ne serait pas beau. Vous qui êtes instruit, dites moi ce que je dois faire ?
- Je n?ai pas qualité pour vous dire ce que vous devez faire . Ce que je peux faire c?est bien vous expliquer la situation.
L?exploitation appartenait à vos parents. Après leur décès, l?exploitation vous appartenait à vous seul. Votre oncle et votre tante, avec hélas, l?accord de mon prédécesseur, ont décidé de vous faire croire qu?ils étaient propriétaire, et qu?à la mort des vos parents vous n?auriez eu que le tiers de l?héritage. Et puis votre père a eu un remord et a voulu qu?après un délai de 5 ans, la vérité soit connue.
Vous êtes donc propriétaire de tout, et en droit strict, vous pouvez demander à vos faux frères et mère de déguerpir.
- Ce n?est pas possible?..mais d?un autre côté, c?est dégueulasse ce qu?ils ont voulu faire. La mère le savait, mais croyez vous que mes frères?enfin Jacques et Jean étaient au courant ?
- Cela, je n?en sais rien. Mais vous avez parfaitement raison, pour que vous puissiez prendre une décision, il faudrait savoir s?ils sont de bonne foi.
Joseph était profondément abattu, tassé dans son fauteuil, il semblait réfléchir profondément.
- Quand je pense que Jacques m?a dit plusieurs fois :
- « Tu es trop bête ! il y a des moments ou j?ai envie de te foutre dehors »
En pensant à ces moments là, Joseph fut pris d?une violente colère :
« Il voulait me foutre à la porte, alors que tout seul j?étais chez moi, Je vais aller lui dire deux mots.
Ecoutez, Monsieur Arnaud, vous ne devriez pas vous précipiter. Cette situation fausse dure depuis des années, elle peut durer quelques jours de plus. Je crois que ce qui est important, vous l?avez dit vous-même, c?est de savoir si vos « deux frères » entre guillemets, étaient au courant de votre spoliation..
- C?est quoi une spoliation ?
- C?est lorsque l?on vous prend votre héritage . C?est exactement ce qui s?est passé. Si vous le voulez, rentrez chez vous, dites que vous n?avez rien compris à ce que je vous ai dit, et je viendrai demain. J?arriverai bien à savoir si vos cousins étaient au courant de ce que l?on vous faisait. Pouvez vous ne rien dire jusqu?à demain, et ne rien laisser voir de ce que vous pensez ?
- Oui, je pourrai, parce que vous êtes plus malin que moi. Je serai comme d?habitude, sauf que je vais réfléchir.
- C?est bien, alors, à demain .
En rentrant chez lui, Joseph conduisait doucement. Il avait dit qu?il pourrait être comme d?habitude devant Jacques, Jean et la Mère, mais il n?en était pas tellement certain. Comme beaucoup d?âmes pures, et pacifiques, il pouvait se montrer méchant s?il se rendait compte que l?on s?était moqué de lui, et là, c?était encore plus grave : On l?avait volé.
Pour la mère, c?était certain, Pour ceux qu?il continuait en lui-même, d?appeler ses frères, ils n?étaient pas à l?origine de cette mauvaise action, mais s?ils avaient été mis courant, ils étaient aussi responsables de ne pas en avoir parlé à Joseph.
Quand il arriva à la ferme, Jacques et Jean étaient partis travailler, et seule la mère était là. Normalement elle parlait peu, mais ce matin là, elle vint vers Joseph et demanda.
- Alors ? Il voulait quoi ce notaire ? il faut toujours se méfier de ces gens là. C?est souvent à cause d?eux que les gens se battent. Ils compliquent toujours tout.
- Oh, il m?a dit plein de choses, mais je n?ai rien compris. Je lui ai d?ailleurs dit que le chef, ici, c?est Jacques, et il viendra demain.
- Tu as bien fait de lui dire que c?est Jacques le chef ici. C?est lui qui sait toujours ce qu?il faut faire, et ce notaire est un idiot de ne pas avoir voulu lui parler hier. Enfin, il lui parlera demain, ne te fais pas de mauvais sang, ton frère saura te protéger.
En l?entendant dire cette monstruosité, ah oui !! il était prêt à le défendre le Jacques !!!, il eut du mal à se taire. Il regarda la mère dans les yeux, et pour la première fois, il remarqua qu?elle avait un regard dur et méchant. Non, cette femme ne pouvait être sa mère, et elle avait voulu le voler à son profit et au profit de ses deux vrais fils.
Lorsque Jacques et Jean rentrèrent des champs, Jacques questionna Joseph.
- Alors ? Il voulait quoi ce notaire ? Et pourquoi ne voulait il pas parler devant moi, hein ? Réponds moi au lieu de me regarder avec des yeux ronds.
- Mes yeux sont comme d?habitude, et tu ne m?avais jamais dit qu?ils étaient ronds. Ce que le notaire m?a dit, je ne l?ai pas compris, alors il m?a dit comme ça, qu?il viendrait demain pour expliquer.
- Décidemment, tu es vraiment trop bête mon pauvre Joseph. Enfin demain, le notaire m?expliquera.
Les mains dans les poches de son pantalon, Joseph serrait les poings, et eut encore toutes les peines du monde pour ne pas se mettre en colère et lui dire qu?il était un voleur. Mais il savait que le notaire serait plus habile que lui pour faire avouer Jacques.
Le lendemain, lorsque le notaire arriva, il fut accueilli « gentiment » par Jacques
- Décidemment, vous voulez nous empêcher de travailler !!!! Vous croyez que ça pousse tout seul ? Que la nature fait tout, et qu?on n?a qu?à récolter ? C?est pas comme vos papiers pleins de poussière. Notre exploitation, c?est sérieux !!!
- Votre exploitation ? Justement c?est de l?exploitation que je viens vous parler.
- Vous n?y connaissez rien !
- A la culture, je ne connais pas grand-chose, c?est vrai. Mais en droit, si !! Et moi, je sais que cette exploitation n?est pas à vous. Et vous, vous le saviez ?
La pâleur subite de Jacques était plus convaincante qu?un aveu exprimé.
- Bon. Je vois que vous étiez au courant. Joseph n?est pas votre frère. Il est le fils de Gaston Arnaud, qui était propriétaire de cette exploitation. Vous avez tenté de capter son héritage, c?est grave, très grave. Votre mère, votre frère Jean et vous-même, n?êtes rien ici. Vous êtes chez Joseph, qui est seul propriétaire. Personnellement je suis tenu de prévenir le Conseil de l?ordre, puisque malheureusement mon prédécesseur a accepté de fermer les yeux, moyennant finances. Vous continuez à le payer, n?est ce pas ?
- Bien sûr, je le paye assez cher !! Moi, je n?ai rien à voir dans cette histoire, je le paye pour qu?il fasse son boulot. Allez le voir !!
- Merci pour votre conseil. Bien sûr j?irai le voir. Mais il n?en demeure pas moins que vous avez voulu déposséder votre cousin de son héritage. Et de cela, que vous le vouliez ou non, vous en êtes bien responsable.
- Joseph est incapable de mener une exploitation. C?était pour lui rendre service.
- Gardez vos arguments à deux sous pour vous. Appelez votre mère, votre frère Jean et votre cousin Joseph. Allez !!
Jacques alla chercher le reste de la famille, et lorsque tous furent réunis, le notaire remarqua avec amusement que la Mère, Jacques et Jean s?étaient mis face à lui, alors que Joseph était venu à ses côtés.
- Vous voyez qu?instinctivement chacun s?est mis à sa place. Vous trois, qui avez essayé de capter l?héritage de Joseph, d?un côté, et le bon droit, en face.
Vous êtes tous au courant de la situation, n?est ce pas ? Vous savez que Joseph est le seul propriétaire ici. C?est lui qui décidera comment il va s?organiser. Mais je vous préviens que des poursuites vont être engagées contre vous. La situation est donc très claire, et maintenant, je vais vous laisser.
A ce moment, Joseph prit la parole.
- Attendez un peu avant de partir s?il vous plait. Je ne veux pas que mes??cousins et la Mère, aillent en prison
Maintenant, c?est moi qui suis le chef, mais je veux bien qu?ils restent tous ici, ils seront mes ouvriers agricoles, et habiteront tous dans la maison de la Mère. S?ils sont d?accord, il faudra Monsieur que vous fassiez les papiers.
- Bon. Vous avez entendu la proposition de Monsieur Joseph Arnaud. Que décidez vous ?
- Qu?il aille se faire foutre !!! Il est incapable de mener l?exploitation, et quand il se sera cassé la gueule, on la lui rachètera pour une bouchée de pain.
- Puisque c?est comme ça, je vais demander qu?ils aillent en prison. Il faut que je fasse quoi, monsieur ?
- Vous déposerez une plainte, et ils iront en correctionnelle.
- Je suis d?accord. Puisque vous ne voulez pas rester, vous autres, il faut qu?avant ce soir vous soyez partis. Je suis le chef, j?ai le droit de vous le demander, n?est ce pas monsieur ?
- Laissez moi vous donner un conseil à tous. Vous êtes tous énervés et c?est bien normal. Il faut que chacun réfléchisse. Il me semble que la proposition de Joseph de vous garder comme ouvriers agricoles peut être bonne pour tous. Ne prenez pas de décision à chaud. Je reviendrai demain matin. Il sera dit que je passerai tous mes débuts de matinée chez vous. Ne vous disputez pas, réfléchissez seulement.
Le notaire partit et Joseph prit la voiture pour aller faire un tour. Il avait remarqué qu?en conduisant, il réfléchissait plus facilement. Pendant ce temps, un long conciliabule commença entre les trois autres.
Fait rarissime dans les annales de l?exploitation, ce jour là, personne ne travailla.
Quand Joseph revint de sa promenade en automobile, il constata que les portes des chambres de Jacques et Jean étaient ouvertes. Les armoires étaient vides, ils étaient sans doute partis dans la maison de la mère, de l?autre côté de la cour.
A midi, Joseph se rendit compte que la Mère n?étant pas là, le repas n?avait pas été préparé, et pour la première fois de sa vie, Joseph se prépara un repas, qui, à vrai dire ressemblait plus à un casse croûte qu?à un repas . Jambon cru, pain, vin, fromage et fruits.
C?est précisément à ce moment là que Joseph se rendit compte de la difficulté qu?il allait avoir, pour tout à la fois s?occuper de son exploitation et de l?entretien de la maison, si les trois autres décidaient de partir. Mais comme beaucoup d?âmes simples, il était têtu, et cela n?ébranla pas sa décision de ne pas pardonner ce qu?on avait voulu lui faire. La terre, c?était quelque chose de sacré . Voler de la terre, c?était un sacrilège . Il n?y avait pas de pardon possible.
Dans l?après midi, Joseph reprit sa voiture, et roula durant des heures en réfléchissant.
Il pensa qu?au fond, il avait eu de la chance que cette histoire éclate à cette époque. La saison des récoltes était pratiquement terminée. Il pouvait, si c?était nécessaire, se débrouiller tout seul. Il fallait cependant que la situation s?éclaircisse rapidement, car si les cousins et la mère partaient ; il faudrait prendre des dispositions sur deux plans. Trouver au moins un ouvrier agricole pour l?exploitation, et une servante pour tenir la maison.
Pour l?ouvrier, cela pouvait attendre un peu, en revanche , pour tenir le ménage, c?était urgent.
Joseph, le colosse timide, considéré presque comme faible d?esprit, sentait que depuis qu?il se savait être le Chef, il était un autre homme. Ce sont les autres qui disaient qu?il était un peu bébête, mais ils allaient voir?
Pour commencer, il allait les mettre en demeure de prendre une décision. Ou ils restaient tous comme domestiques, ou ils quittaient complètement l?exploitation, et libéraient la maison de la Mère dont il aurait besoin pour loger d?autres domestiques.
Joseph se dirigea vers la petite maison, frappa et entra.
Jacques, encadré par Jean et la mère, l?interpella.
- On n?a pas dit « Entrez »
- C?était pas la peine, je suis chez moi. Alors maintenant, il faut que vous disiez ce que vous voulez faire. Ou vous restez ici comme ouvriers agricoles ou vous partez vite, j?aurai besoin de cette maison.
- Mais enfin, Joseph tu es fou !! Tu as pris la grosse tête parce que ce notaire t?a dit que tu étais le Chef, mais tu sais très bien que tu es incapable de mener une exploitation. Moi, je sais décider de ce qu?il faut faire, Jean sait s?occuper des papiers, et la mère sait s?occuper de la maison. Tu ne crois tout de même pas que tout seul tu pourrais tout faire.
- C?est mon problème, t?inquiète pas pour moi. Vous avez essayé de me voler mon bien, et ça, je ne peux pas vous le pardonner. Alors, dis moi seulement ce que vous avez décidé. Vous restez ou vous partez ?
- Il faut être raisonnable mon Joseph, On s?entendait bien tout les quatre. Tu ne vas pas tout foutre en l?air. Bon, si tu veux, nous reconnaissons que l?exploitation est à toi, sur les papiers, et on continue comme avant. C?est notre intérêt à tous, et surtout à toi, parce que seul, tu ne peux pas t?en tirer.
- Je t?ai dit de ne pas t?occuper de moi. Quand tu t?en es occupé, c?était pour me voler. Je vous donne jusqu?à demain midi. Ou on signe des contrats de domestiques chez le notaire, ou vous foutez le camp demain soir au plus tard. C?est simple. C?est pas la peine de discuter.
Joseph sortit, et se sentit très fier de lui, d?avoir parlé en Chef.
Le lendemain, Joseph était en train de casser la croûte à midi, car on ne pouvait parler de repas, ce qui commençait à le gêner un peu, lorsque l?on frappa à la porte. Il cria « entrez », et vit Jacques en tête, suivi de Jean et de la mère, entrer dans la cuisine.
- On vient te donner la réponse. Puisque tu as une tête de mule, c?est d?accord, nous partirons. Mais nous te demandons de nous laisser huit jours pour savoir où aller . Pendant ces huit jours, la Mère s?occupera de tes repas, du ménage, et de ton linge. Bien sûr, nous, on continuera à habiter chez la mère pour pas te gêner. Je crois que toi aussi, tu as besoin d?un peu de temps pour trouver quelqu?un pour la maison. Tout le monde y gagne.
Joseph fit semblant de réfléchir. Il ne pouvait pas donner une réponse trop rapide, cela aurait donné fait
comprendre qu?il était bien embêté. Il attendit donc une bonne minute avant de répondre.
- Vous m?avez volé, mais moi, je ne suis pas un salaud. Je veux bien vous laisser 8 jours sur ma propriété, chez la mère, et elle s?occupera de la maison. Mais après, vous déguerpissez.
Sans prononcer un mot, Jacques et Jean sortirent pendant que la Mère, reprenant immédiatement ses fonctions, montait dans la chambre de Joseph pour la faire, pendant qu?il finissait son casse croûte.
Pendant huit jours, Joseph ne vit pas ses cousins. Il eut à nouveau des repas chauds et normaux, mais pas une parole n?était échangée entre la Tante et le neveu .
Le huitième jour, on ne parla de rien, et l?arrangement, prit pour une durée fixe, se poursuivit au delà .
Bien sûr, dans le village les problèmes de la ferme Arnaud étaient connus. Lorsque Georges était venu avec sa famille s?installer chez Gaston, ils avaient pensé qu?il y avait eu un arrangement de famille. Maintenant qu?ils savaient que c?était une tentative pour prendre les terres de Joseph, l?unanimité s?était faite pour prendre son parti. Voler de la terre, était un crime infiniment plus grave que de tuer quelqu?un.
Il y avait quinze jours que la mère s?occupait de Joseph, lorsque, une vieille femme, dont on ne connaissait pas le nom de famille, mais que l?on appelait la Clarisse , vint à la ferme alors que Joseph avalait son casse croûte du matin. Comme la Mère était en train de le servir, Joseph, toujours sans prononcer un mot, lui fit signe qu?elle devait s?en aller. Ce qu?elle fit aussitôt.
- Alors, Clarisse, quoi de neuf ?
- Si je te disais « mes rhumatismes » tu me dirais que ce n?est pas une nouvelle !!!
- Et surtout, vous ne prendriez pas la peine de venir jusqu?ici pour me le dire. Asseyez vous, et dîtes moi.
- Tu sais, tout le monde trouve que ce qu?ils ont voulu te faire, ce n?est pas joli , joli.
- Ils ont raison. On peut même dire que c?est dégueulasse.
- C?est bien vrai !! Mais te voilà tout seul dans cette grande maison, avec tout à faire.
- Cette fois c?est moi qui te le dis : « C?est bien vrai » Et alors ? Tu veux qu?on se marie dit Joseph en riant grassement ?
- Non. Je suis venue pour du sérieux. Je pourrais être ta grand-mère.
- Et si tu t?arrêtais de tourner autour ? Et si tu me disais pourquoi tu es venue me voir ?
- Te voilà bien pressé, bien nerveux Joseph. Enfin, puisque tu veux que ça aille vite, voilà. Tu sais que ma fille s?est mariée à Avignon avec un épicier
- Bien sûr que je le sais puisque nous lui vendons des Jambons et des saucissons tous les ans.
- Bon. Tu sais peut être aussi que ma fille a une fille, Germaine ?
- Non. Je ne le savais pas. C?est Jacques qui allait livrer.
- Cette Germaine, elle a 36 ans, très vaillante, mais elle s?entend pas avec son père, et elle voudrait venir habiter chez moi. Mais elle ne veut pas rester sans rien faire. D?abord, elle ne sait pas. Alors, j?ai pensé comme ça, puisque le Joseph va se retrouver seul, peut être la Germaine pourrait s?occuper de sa maison. Tu as rien contre ?
- J?ai rien contre, et j?ai rien pour. Il faut que je réfléchisse.
En fait c?était tout réfléchi. Il allait accepter bien sûr. Contrairement à ce qu?il avait dit, il avait déjà vu Germaine, qui semblait en effet être une femme vaillante, sérieuse, et pas un de ces petits bouts de femme comme on en voit en ville : Une femme robuste et saine à qui on peut confier une maison sans risque.
- Ecoutez, Clarisse, il faudrait que je puisse la voir votre Germaine. Comme je vous l?ai dit, je ne la connais pas, et avant de lui confier ma maison, je voudrais bien savoir si elle est bien sérieuse.
- C?est bien normal, mais pour le sérieux, elle risque rien. Elle a qu?une chose qu?il faut que je te dise, puisque tu le verras vite : Elle est un peu timide, mais si elle a peur des gens, le travail au contraire lui fait pas peur.
- On verra, on verra. Dis lui de venir tout à l?heure, je sors pas ce matin.

Une heure plus tard, Germaine arriva seule à la ferme. Sur sa robe, elle avait gardé un tablier, pour bien faire voir que c?était pour du travail qu?elle était là, et qu?elle n?était pas comme ces filles provocantes de la ville.
Elle accepta sans façon le verre de vin rouge que Joseph lui offrit avant même de lui demander de s?asseoir.
- Alors, comme ça, vous cherchez à vous placer ?
Afin qu?il n?y ait aucune équivoque, elle répondit :
- Je cherche du travail.
- Ici, ça manque pas. La maison est grande.
- Ca ne me fait pas peur. Et aux champs aussi je pourrais vous aider.
- Vous y connaissez quelque chose ?
- Bien sûr. Je sais tailler la vigne, m?occuper des cochons, conduire un tracteur.
Joseph était ébloui par tant de capacités. Et afin de ne pas risquer de laisser passer cette merveille tombée du ciel, il lui dit.
- C?est d?accord. Mais il serait plus pratique que vous habitiez ici. Ma tante et mes cousins qui m?ont fait des misères, vous le savez, vont partir, et vous pourrez vous installer dans la maison de la Mère. En attendant pour ce soir, vous pourrez coucher dans l?une des chambres de mes cousins, vous choisirez. Vous pouvez commencer tout de suite ?
- Oui, bien sûr. Mais j?ai des affaires à apporter. Vous pourriez pas me prêter votre voiture, des fois ?
- Vous savez conduire ?
- Evidemment je sais conduire. Vous voulez bien ?
- Je veux bien vous prêter ma voiture, mais on aura plus vite fait si on travaille à deux. Nous irons chez votre grand-mère tout à l?heure. Attendez moi là. Il faut que j?aille dire deux mots à ma tante et mes cousins.
Joseph sortit, se dirigea vers la maison de la Mère, frappa à la porte et entra aussitôt comme il l?avait fait la première fois.
Jacques et la mère étaient là.
- On avait prit un accord pour huit jours. J?ai eu la gentillesse de vous laisser plus de temps, mais, maintenant il faut que vous déguerpissiez. Demain à midi au plus tard.
- Ne me fais pas rigoler ! Ta gentillesse ? Parlons en !!! Tu fous ta famille à la porte, parce que maintenant tu as trouvé une femme pour remplacer la mère?..on vient de la voir arriver?..et pour en plus, pouvoir faire des cochonneries avec elle.
- Ecoute moi bien Jacques. J?embauche la Germaine pour le travail, et c?est tout. Maintenant, je te demande de ne plus m?adresser la parole, parce que je ne sais pas si je pourrai résister longtemps au plaisir de te casser la gueule. Vous avez toujours voulu me faire passer pour un idiot, ça vous arrangeait mais tu sais très bien que je suis plus costaud que toi, alors, ne me tente pas. Je te répète, demain midi.
Et Joseph sortit, encore très fier de son attitude de chef.
Lorsqu?il rentra à la ferme, Germaine balayait la cuisine, et comme pour s?excuser lui dit :
- Je n?aime pas rien faire, et comme votre carrelage n?était pas très propre?
- Ne vous excusez pas. Je vous engueulerai jamais de trop travailler dit il en riant. Bon. On va chercher vos affaires ?

Le déménagement, si on peut appeler déménagement le transport de quelques vêtements et d?une bicyclette, fut rapide et, revenus à la ferme, Joseph déposa Germaine pour repartir à Valréas, car on était Mercredi, c'est-à-dire la jour du marché, où il avait quelques achats à faire. Il en profita pour acheter un grand châle bleu qu?il jugeait du dernier chic, et qu?il comptait offrir à Germaine en cadeau de bienvenue.
Le lendemain un camion entra dans la cour, et comme Joseph avait dit qu?il ne voulait plus entendre parler Jacques, c?est la Mère qui vint dire à Joseph.
- Quand on est venus ici, nous avions apporté des meubles. Ils sont à nous, on les prend.
- Attendez avant de les charger. Je vais téléphoner au notaire.
- Tu peux lui téléphoner. Ces meubles sont à nous, on les prend et c?est tout.
Joseph téléphona au notaire pour lui exposer la situation.
- En droit, Ces meubles sont chez vous, donc sauf preuves contraires, ils sont à vous. C?est l?article 2279 du code civil. S?ils n?ont pas de preuves par exemple des factures à leur nom, vous pouvez leur interdire de prendre ces meubles.
- Attendez, Monsieur le notaire, vous allez lui dire à Jacques.
- Jacques, viens donc ! la notaire va te dire que ces meubles, tu peux pas les prendre.
Jacques et le notaire discutèrent un bon moment, Jacques se contentant de dire : Mais c?est du vol !! Ces meubles, ils sont à nous?..Des preuves, des preuves? la preuve, la meilleure, c?est ce que je vous dis, moi. Ils sont à nous?.et c?est tout.
Le notaire finit par interrompre la communication, et Jacques, certain de son bon droit ne cessait de fulminer. Joseph arriva à dire.
- Ecoute, Jacques, pour ne plus t?entendre gueuler, je vais être gentil. Tu emportes un lit pour chacun, et trois armoires, et c?est tout. Et si tu n?es pas d?accord, tu ne prendras rien, puisque le notaire a dit que j?avais raison. Alors décide toi .
Trois lits et trois armoires furent chargés sur le camion dans lequel montèrent la Mère, Jacques et Jean qui en partant hurlèrent des insanités à l?adresse de Joseph jusqu?à ce qu?ils ne soient plus audibles : « Voleur, sale voleur, on se vengera, voleur, voleur? »
Joseph qui était resté dans la cour avec Germaine à ses côtés, lui dit
- Ouf !!! Ils sont partis, je suis bien content. On arrangera les chambres plus tard. Aujourd?hui, occupez vous de votre installation dans la maison de la mère.
- Si ça ne vous fait rien, je m?installerai demain. Ce soir je peux coucher dans ma chambre de la ferme parce qu?il faut maintenant, que je prépare le dîner.
- Faites comme vous voulez, Germaine. Moi je vais m?occuper des cochons.


Des mois s?écoulèrent durant lesquels Joseph et Germaine se répartirent les travaux et tout marchait pour le mieux.


On était en plein été, le travail ne manquait pas, mais ni Joseph ni Germaine, ne s?en plaignaient.
Une nuit, alors que Joseph dormait de son solide sommeil habituel, il fut cependant réveillé par des cris perçants : Au secours, au secours, au feu !!!
Il bondit hors du lit, enfila son pantalon à la hâte, tout en regardant l?heure : il était minuit vingt, et sortit dans la cour, en même temps que Germaine sortait de « la maison de « la Mère « . Elle était affolée, tremblait de tous ses membres. Entièrement nue, elle portait sur les bras ses vêtements qu?elle avait tout de même eu la présence d?esprit de prendre avant de sortir de sa chambre.
Une épaisse fumée sortait des fenêtres ouvertes et des flammes commençaient à être visibles de l?extérieur.
Joseph se précipita vers Germaine et pour la calmer, la prit dans ses bras. Au contact de cette chair douce et ferme, il sentit monter en lui quelque chose de tout à fait nouveau, qui lui fit perdre quelques instants le sens des réalités. Puis, se reprenant, il se précipita, en tenant Germaine pas la main, vers son téléphone pour appeler les pompiers.
En attendant que ces derniers arrivent, ils revinrent dans la cour, Germaine rose de honte, avait enfilé une robe, et la main dans la main, ils regardaient l?incendie prospérer. Des flammes sortaient par le toit, et la chaleur était intense.
Les pompiers arrivèrent assez rapidement. Ce n?est que vers quatre heures du matin que l?incendie fut circonscrit.
Germaine n?avait plus de chambre, mais il est juste de dire que ce n?est pas cette constatation qui pouvait affliger Joseph et Germaine. Et c?est tout naturellement que la main dans la main, ils se dirigèrent dans la chambre du maître des lieux.

Ils se levèrent beaucoup plus tard que d?habitude, et lorsque vers 10 heures, ils vinrent voir dans la cour, toujours la main dans la main, les résultats de l?incendie de la nuit, ils ne purent que constater les dégâts irréversibles. Ce qui n?avait pas été détruit par le feu, l?avait été par l?eau.
- Mon Dieu, s?exclama Germaine, la maison est perdue.
Très calme, Joseph lui répondit : Ce n?est pas grave. J?ai perdu une maison, mais j?ai gagné une femme. Et puis, cette maison, elle ne servirait plus à rien, puisque la Mère est partie, et que toi, tu vas rester dans ma chambre.
C?était la façon un peu bourrue que Joseph employa pour dire à Germaine, tout à la fois qu?il l?aimait et qu?il la demandait en mariage.
Pour la deuxième fois en quelques heures, Germaine se mit à rosir.
- Mais quand même, c?est bête, je n?ai plus de vêtement, et même pas une paire de chaussure.
- C?est beaucoup mieux comme ça, répondit Joseph, décidemment en veine de galanterie, ma femme ne peut s?habiller avec des vêtements de servante. Ne t?en fais pas, on te rachètera tout.
Ne voulant pas être en reste de gentillesse, Germaine lui répondit :
- Quelquefois, le malheur, c?est bien agréable.
Et ils s?embrassèrent fougueusement au milieu de la cour.
Les gendarmes vinrent faire une enquête. Elle ne fut ni longue ni difficile. Il s?agissait bien d?un acte de malveillance, les incendiaires avaient laissé sur place 4 jerricans d?essence vides.
Joseph pensa tout de suite à ses cousins. Il savait que Jacques était entré comme régisseur dans une exploitation viticole appartenant à une société. Son frère Jean était domestique, ainsi que la mère, dans la même exploitation.
Les empreintes digitales relevées sur les Jerricans étaient celles de Jacques et de Jean, qui furent aussitôt arrêtés.
Neuf mois jour pour jour, après la célébration du mariage, dans l?exploitation de Joseph Arnaud naissait Jérôme. Le prénom avait été choisi par le père :
- Il faut un quatrième J. pour racheter les deux autres.
La descendance était assurée.

FIN









































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