Ecriture-Lecture




LE CARNET PERDU



LE PAQUET















CHAPITRE 1


LE PAQUET PERDU





Lorsqu?il commença à fouiller ses poches, Hervé ne se faisait pas trop de mauvais sang. Il ne pouvait pas l?avoir égaré. Mais lorsque pour la deuxième fois, et d?une façon méthodique, une à une, il explora ses poches, sortit ce qu?elles contenaient, et ne le trouvait pas, il se sentit pâlir et la peau sur son front se mit à picoter de transpiration.
Une troisième fouille n?eût pas plus de résultat, et cette fois, Hervé était complètement catastrophé.
Le matin même, Monsieur Blancher, le directeur de son père, lui avait remis un petit paquet, en lui disant.
- Hervé, c?est une mission d?extrême confiance que je te confie. Ce paquet représente un intérêt dont tu ne peux pas mesurer l?importance. Je ne te dirais rien de plus, car je ne suis pas maitre de ce secret, mais il faut absolument qu?il soit remis en mains propres, j?insiste là-dessus, en main propre, au président de l?A.C.M., Monsieur le président Loriol. Pour être reçu par lui personnellement, tu devras aller au siège de l?A.C.M. à 18 heures précises, et dire à la secrétaire, au 2ème étage, que tu as rendez vous et que tu viens de la part de Monsieur Merlin. Tu as bien compris ? Répète ce que je viens de te dire.
Hervé avait répété toutes les instructions données par Monsieur Blancher???..Et maintenant, il n?avait plus le paquet. Son c?ur battait à tout rompre, la sueur coulait sur son front, et il se mit à trembler. Il savait parfaitement que Monsieur Blancher n?était pas un plaisantin, et que s?il lui avait dit que ce paquet avait une importance énorme, ce n?était certainement pas exagéré.
Que faire ? Il essaya de reprendre un peu de calme, pour raisonner.
Le paquet lui avait été remis le matin à 9 heures 30. Il était maintenant 15 heures 10. Qu?avait il fait pendant ce laps de temps ?
Après avoir reçu le paquet, qu?il avait mis dans la poche droite de son pantalon, il en était sûr, il était rentré chez lui. Il était aussitôt monté dans sa chambre pour réviser des maths et de la chimie. Son bac n?était plus qu?à un peu plus d?un mois, et durant l?année scolaire, il n?avait pas suivi les cours très assidument. Il avait donc du travail sur la planche.
Hervé pensa cependant, que son examen était une minuscule épreuve, à côté de celle qu?il vivait en ce moment à la suite de la perte de ce satané paquet.
Vers midi, sa mère l?avait appelé pour déjeuner. Il se souvenait parfaitement qu?en descendant les escaliers, il avait tâté sa poche pour s?assurer que le paquet était toujours là. Il y était.
Donc à midi, il ne l?avait pas perdu.
Le repas terminé, il était remonté dans sa chambre, s?était allongé sur son lit et avait bouquiné un Astérix pour se détendre. Puis il avait repris ses révisions, qu?il avait interrompues pour aller s?acheter des cigarettes..
Donc, les seuls endroits où le paquet avait pu tomber étaient, chez lui, dans la salle à manger ou sa chambre et dehors, dans la rue quand il était allé chercher des cigarettes, qu?il n?avait d?ailleurs pas eu le temps d?acheter..
Il revint donc chez lui, lentement, en examinant minutieusement le trottoir où le paquet aurait pu tomber. Rien.
Chez lui, dans la salle à manger, il n?y avait rien sur sa chaise, ni par terre. Il demanda à sa mère si elle n?avait pas trouvé un petit paquet. Sa réponse fut négative.
Hervé monta dans sa chambre, et entreprit une fouille minutieuse. Rien sur le lit, rien dessous, ni sur son bureau?le paquet n?était pas dans sa chambre, c?était une certitude. Mais où était-il passé ?
C?était à devenir fou. Une nouvelle exploration de ses poches ne donna rien.
Qu?allait-il faire ? Il y avait deux solutions.
Soit il allait au rendez- vous avec le Président Loriol, pour lui dire qu?il n?avait plus le paquet, soit il allait voir monsieur Blancher pour faire le même aveu ;
Hervé opta pour la seconde solution. Certes il lui en coûtait beaucoup d?aller voir celui qui dirigeait l?entreprise où son père travaillait, et qui lui avait confié cette mission, mais il fallait bien faire quelque chose.
Il était 17 heures 30 quand Hervé entra dans le bureau de monsieur Blancher
Dès qu?il vit le jeune homme, il consulta sa montre et lui dit d?un ton désagréable.
- Qu?est ce que tu fiches là ? Je t?ai demandé de porter le paquet au Président Loriol à 18 heures précises.
- Je suis désolé, mais je ne pourrai pas y aller. J?ai égaré le paquet.
- Quoi ? Hurla Blancher, en se levant brusquement de son fauteuil, tu te fiches de moi ?
- Je ne comprends pas ce qui s?est passé mais je ne l?ai plus. Je l?avais mis dans ma poche, il y était encore à midi, il n?y était plus à trois heures. J?ai cherché partout où je suis allé durant ces trois heures. Rien.
D?un air soupçonneux, Blancher demanda :
- Tu es certain de l?avoir vraiment perdu ?
- Bien sûr que j?en suis certain. Que voulez-vous insinuer ?
- Peux-tu me donner ta parole d?honneur que tu ne sais pas où est ce paquet ?
- Je vous donne ma parole d?honneur.
- Espèce de petit crétin !! Je t?avais dit que c?était très important. Si tu ne retrouves pas très vite ce paquet, je te préviens, je flanquerai ton père à la porte.
Hervé sentit la colère monter en lui.
- Mais enfin monsieur, vous m?avez demandé de vous rendre un service. J?aurais pu vous le refuser, car je ne vous dois rien. C?est vrai que j?ai perdu ce paquet et j?en suis navré, mais de là à renvoyer mon père qui n?y est pour rien du tout, c?est injuste. Vous n?allez pas faire ça ?
Blancher tenta de se calmer un peu.
- Sors d?ici, mais reste à proximité. Je vais téléphoner au Président Loriol pour tenter de repousser le rendez vous. Reviens dans un quart d?heure. Va !!!
Hervé sortit, toujours furieux, avec une grande envie de ne pas revenir. Mais la situation de son père étant en jeu, il décida qu?il ne pouvait fuir, et qu?il lui appartenait de le défendre.
Certes les rapports d?Hervé avec son père n?avaient jamais été bons. La naissance d?Hervé n?avait pas été désirée, on peut même dire que le père était furieux de la venue d?un bébé qui ne pouvait apporter que des ennuis et des charges supplémentaires. Malheureusement l?attitude de son père vis-à-vis de lui, n?avait jamais été empreinte de la moindre affection. Hervé ne se souvenait pas avoir été embrassé par son père, et c?est toujours avec un air excédé qu?il s?adressait à lui. Mais pour Hervé, c?était tout de même son père, et surtout, il aurait été injuste qu?il subisse les conséquences lourdes d?une faute de son fils ;
Un quart d?heure plus tard, donc, il revint frapper à la porte de monsieur Blancher qui le reçut un peu plus calmement.
- J?ai obtenu que le rendez-vous soit remis à demain, à la même heure. Il faut absolument que demain, à 18 heures, tu ailles remettre ce paquet au Président ? Débrouille-toi. Cela te donne 24 heures pour que tu le retrouves.
Je te conseille de le rechercher activement, sinon, ton père n?aura plus qu?à s?inscrire au chômage. Et ce ne sont pas des paroles en l?air, tu ferais bien de me croire.
- Mais enfin, Monsieur Blancher, ce serait injuste. Il ne peut être responsable de mon erreur. D?ailleurs vous ne pourrez pas le renvoyer pour ce motif !
- Enfant !!! Bien sûr je n?invoquerai pas ce motif. Mais j?ai, sur chacun de mes collaborateurs, un dossier de griefs, et comme tout le monde, en 17 ans d?activité, ton père a commis trois ou quatre erreurs qui seront suffisantes pour que je le mette à la porte.
Ne perds pas de temps. Va chercher ce paquet !!
Hervé se retint et attendit d?être hors du bureau pour laisser couler ses larmes.
C?était une catastrophe. Il ne voyait pas comment il pourrait retrouver ce fichu paquet, même avec 24 heures de plus. Il avait déjà cherché partout.
Hervé avait tout à craindre des réactions de son père, car il était certain que Blancher mettrait sa menace à exécution.
Il rentra chez lui, chercha de nouveau dans la salle à manger, dans sa chambre, dans ses vêtements, puis il refit deux ou trois fois le chemin qu?il avait suivi lorsqu?il avait voulu aller acheter des cigarettes, mais le paquet restait introuvable.
Le lendemain, Hervé ne consacra que quelques minutes à la recherche du paquet, car il avait la certitude de ne pouvoir le trouver. Il en était arrivé à la seule conclusion possible. Il avait du perdre ce paquet dans la rue, ailleurs, ce n?était pas possible. Quelqu?un avait du le ramasser, et cette personne avait du l?ouvrir et constater que le contenu avait une grande valeur, puisque c?est ce qu?affirmait monsieur Blancher, et l?avait gardé.
D?ailleurs, il n?y avait aucune adresse sur le paquet, de cela il en était certain. Dans ses conditions, qu?aurait il fait lui, Hervé, si c?était lui qui avait trouvé ce paquet ?
Il pensa alors aux objets perdus. Oui, c?est certainement aux objets perdus qu?il aurait porté le paquet. Dans l?après midi, il se rendit à ce service. Hélas, aucun petit paquet n?avait été apporté. Hervé ne se sentait pas le courage d?aller revoir Blancher. Il lui téléphona donc pour lui dire simplement.
- Je suis désolé, je n?ai pas retrouvé le paquet. Nous n?avons plus qu?un petit espoir, c?est que quelqu?un l?ai ramassé dans la rue, et le rapporte aux objets perdus. Je reviens de ce service, le paquet n?a pas encore été rapporté.
- Pas encore !!! Mais il ne le sera jamais ! Si à 18 heures, tu n?as pas rempli ton engagement de livrer ce colis, crois moi, je vais en ce qui me concerne, ficher ton père à la porte comme je m?y étais engagé, et?.
Hervé n?entendit pas la suite. Il avait coupé la communication.
Puis il alla voir sa mère pour lui raconter tout ce qui était arrivé, et la menace de Blancher de mettre son père à la porte.
La mère d?Hervé était une femme très effacée, dominée par un mari autoritaire, qui la rudoyait constamment. Elle n?était pas en position pour défendre son fils devant lui, mais cela, Hervé le savait, et il avait simplement tenu à ce que sa mère soit au courant, quand la fureur de son mari allait se déclencher.
Le lendemain, l?attitude de son père fut pire que ce qu?il avait craint. Il avait été mis à la porte avec un préavis de 3 mois, et c?est un homme furieux, écumant de rage qui rentra chez lui, se précipita sur son fils et lui asséna une claque magistrale.
- Petit salaud, bon à rien ! A cause de toi j?ai perdu mon poste, et à mon âge je ne trouverai plus rien. Je ne veux plus te voir ; Tu entends ? Je ne veux plus te voir ! Depuis ta naissance, tu ne m?as apporté que des ennuis. Mais c?est fini ! je te donne huit jours pour prendre tes dispositions, mais dans une semaine, je ne veux plus te voir. Jamais !!!Tu te débrouilleras tout seul. Tu es majeur depuis deux mois. Même durant les repas, je ne veux pas te voir. Ne te trouve plus sur mon chemin !
Hervé monta dans sa chambre, où sa mère ne vint pas, car elle avait du être menacée par son mari d?être mise à la porte avec lui si elle allait le voir.
Le jeune homme prenait conscience du fait qu?il était à un tournant de sa vie. Il n?avait jamais pensé qu?il aurait si tôt à subvenir à ses besoins, et il n?avait que huit jours pour trouver un toit, et une activité rémunératrice. C?était court. Affreusement court, et il ne voyait pas à qui il pourrait s?adresser pour bénéficier d?une aide.





CHAPITRE 2


Le paquet retrouvé






Trois jours s?écoulèrent. La mère d?Hervé mettait chaque jour un petit repas dans le réfrigérateur pour son fils, et il n?avait qu?à le mettre au microonde, quand son père était absent, puis, remonter dans sa chambre pour l?avaler rapidement. Hervé n?avait pas revu son père, et n?avait toujours pas trouvé, ni même vraiment cherché à résoudre les problèmes auxquels il fallait pourtant trouver une solution rapidement.
La nuit il dormait mal, s?agitait, et des idées plus ou moins décousues tournaient dans sa tête.
La quatrième nuit, il devait être deux heures du matin, lorsqu?Hervé eut une sorte d?illumination.
Il se souvint soudain que le triste jour où il avait perdu son petit colis, et peu avant qu?il s?en aperçoive, juste après la sieste, il était allé aux toilettes.
Hervé se propulsa hors du lit, se précipita pieds nus aux WC et regarda minutieusement le sol de la petite surface.
Derrière la cuvette des WC, invisible normalement, le petit paquet était là.
Les mains tremblantes, il s?en saisit et revint en courant dans sa chambre. Que devait-il faire ?
Il commença par examiner minutieusement le fameux petit paquet. Il avait été fait avec une minutie extrême, recouvert pourtant du simple papier Kraft. Sa dimension était modeste, de la taille d?un jeu de 52 cartes à jouer. Il n?y avait aucune marque, aucun signe sur l?emballage. En le pressant entre le pouce et l?index, Hervé se rendit compte qu?il y avait sans doute une petite boite, ou un petit écrin en bois, c?est en tous cas ce que pensa le jeune homme en écoutant le bruit fait par des coups portés de son index replié.
Oui, qu?allait-il faire ? Le porter directement chez le Président Loriol, ou chez Blancher ? Certainement pas! Ce dernier, en particulier avait mis le père d?Hervé à la porte, lequel en rétorsion avait intimé à son fils, l?ordre de déguerpir.
Hervé avait payé chèrement son étourderie, et de cette pensée, qu?il avait payé par avance, il en induit très vite, que dans ces conditions, il avait gagné le droit d?au moins prendre connaissance du contenu du petit paquet.
Il resta plus d?une heure, bien réveillé cette fois, avant de prendre une décision. Puis, sans le désir de s?approprier ce qu?il contenait, il décida d?ouvrir le paquet.
Il le fit, méticuleusement, comme si la valeur supposée du contenu exigeait que l?on respecte son emballage.
Le papier enlevé, parut une petite boite en bois ciré, fermée très simplement par un petit crochet plat.
Hervé hésita un bon moment avant d?ouvrir la boite. Qu?allait-il apparaitre ?
Il fut énormément déçu de constater qu?il y avait en haut une carte de visite, en dessous de laquelle un papier bleu était plusieurs fois plié sur lui-même.
A quoi s?attendait-il ? A vrai dire, il n?en savait rien, mais ce petit morceau de papier lui semblait dérisoire à côté de « la grande valeur » indiquée par monsieur Blancher
La carte était celle de Blancher, sur laquelle il avait simplement indiqué.
« Ai reçu avis de virement des 300.000 euros. Je tiens ma promesse. A vous maintenant».
Hervé sortit ensuite et déplia ce qui s?avéra être une lettre. Elle était adressée à une Marjolaine, et avait été rédigée par un Robert.
La lettre était une brulante déclaration d?amour, avec des passages consacrés à des détails intimes.
Que tout cela était banal ! Ce trésor d?une énorme importance n?était donc qu?une simple lettre d?amour. Il est vrai que la somme de 300.000 euros, indiquée sur la carte de Blancher, valorisait singulièrement cette simple feuille de papier.
Hervé tenta de comprendre ce que tout cela signifiait.
Il semblait donc que monsieur Blancher avait reçu une somme de 300.000 euros, et qu?il restituait une lettre selon sa promesse. Mais que signifiait le « A vous maintenant ? L?affaire ne semblait donc pas terminée ?
Le jeune homme pensa qu?il avait le droit de bien comprendre la situation pour éventuellement en tirer parti, non pas pour gagner de l?argent, mais pour faire pression afin de faire réintégrer son père?.et éviter d?avoir lui-même à partir de la maison. Cette banale lettre d?amour avait eu des conséquences terribles pour deux personnes qui n?avaient rien à voir avec cette correspondance.
Deux questions se posaient. Qui étaient Marjolaine et Robert ? Des amants bien sûr. Il est probable que le scripteur était le Président Loriol, puisque c?est à lui que le colis était adressé. Pour s?en assurer, il fallait savoir quel était son prénom, ce qui ne devrait pas être difficile à obtenir..
Quelques heures plus tard, Hervé arrivait au siège social de l?A.C.M, et les choses les plus simples étant souvent les plus efficaces, il se dirigea vers la jeune femme de la réception, et demanda.
- Je dois demander un rendez vous avec monsieur le président Loriol. Robert Loriol, c?est bien cela ?
- Oui, Robert Loriol, mais vous allez devoir remplir une fiche avec vos nom et qualités, ainsi que le motif de votre demande d?entretien.
- Parfait. Donnez-moi la fiche, je la remplirai chez moi.
Il ajouta en souriant
- Vous comprenez, il va falloir que je m?applique pour que ma demande soit bien tournée. Ce que l?hôtesse d?accueil comprit parfaitement, et c?est avec un grand sourire, qu?elle lui dit :
- Vous avez parfaitement raison. Soignez votre demande, et ne faites pas de fautes d?orthographe. Il a horreur de ça !
Il prit congé, heureux d?avoir élucidé ce premier point. Le président avait horreur des fautes d?orthographe, mais il semblait qu?il en commettait, d?autres natures, aux conséquences bien dangereuses pour lui.
La carte de Blancher, dans le petit paquet, était une carte personnelle, avec le téléphone de son domicile.
Hervé avisa une cabine téléphonique, et forma le numéro porté sur la carte.
C?est une voix féminine qui se fit entendre.
- Allo ?
- Bonjour madame. Vous êtes bien madame Marjolaine Blancher ?
- Oui. C?est à quel sujet ?
- Je voulais madame, vous souhaiter une bonne journée. A bientôt peut être. Au revoir.
Et il raccrocha.
Il se reprocha d?avoir sorti une plaisanterie, mais l?important était que maintenant, les choses étaient à peu près claires. Le prénom de madame Blancher était Marjolaine.
Il pensait établi, que le président Loriol avait était l?amant de madame Blancher, et le mari de cette dernière avait vendu 300.000 euros une lettre écrite par l?amant à sa maitresse. Ce n?était ni plus ni moins que du chantage. Blancher avait sans doute menacé de communiquer cette lettre à madame Loriol.
Mais, quel rôle avait joué Marjolaine Blancher dans tout cela ? Etait-elle au courant de la transaction effectuée par son mari ? Autrement dit, était elle complice de ce chantage ? Hervé décida que maintenant, il devait aller jusqu?au bout, et tirer ce point au clair.
Qui pourrait lui apporter des précisions à ce sujet ? Certainement pas le Président Loriol, et encore moins monsieur Blancher. Il ne restait donc que madame Blancher, et Hervé regretta de nouveau de s?être laisser aller à lui répondre d?une façon fantaisiste au téléphone. Mais après tout, lui avoir téléphoné pour en fin de compte, se contenter de lui souhaiter une bonne journée, n?était qu?une plaisanterie pas très méchante, et il décida de lui téléphoner, mais cette fois, sérieusement.
Madame Blancher ne devait pas sortir souvent car cette fois encore, il put l?avoir immédiatement au bout du fil.
- Madame Blancher, je me présente : Hervé Duval. Vous ne me connaissez pas. Si je me permets de vous téléphoner c?est que tout à fait par hasard- je vous donne ma parole que c?est tout à fait par hasard, et je vous l?expliquerai plus tard de vive voix si vous le désirez comment- je me suis trouvé en possession d?une lettre que monsieur le président Loriol vous a écrite. Je tiens à vous le dire immédiatement ; il ne s?agit pas d?un chantage de ma part, mais simplement d?y voir clair.
Je vous le demande donc, acceptez vous que nous nous rencontrions pour en parler ?
- Ecoutez, monsieur, je ne comprends rien à tout ce que vous me dites. Je suppose que vous faites une erreur. Tout d?abord, je ne connais pas le président dont vous avez parlé, et bien entendu, je n?ai pas reçu de lettre de sa part.
- Ce que vous me dites est troublant. J?ai pourtant une lettre écrite par Robert Loriol à Marjolaine. C?est bien votre prénom ?
- Comme le dit le dicton, il n?y a pas qu?un âne qui s?appelle Martin. Je ne suis pas la seule Marjolaine.
- Ce n?est pas un prénom très courant, et surtout, c?est votre mari qui m?avait demandé?.Mais je ne veux pas en parler au téléphone. Je vous en prie madame, acceptez que nous nous rencontrions, je vous montrerai un document, et vous parlerai des éléments dont je dispose.
- Après un moment de réflexion, elle répondit :
- Soit. Mon mari semble mêlé à cette histoire?. Vous piquez ma curiosité. Rencontrons- nous dans une heure ? Où ?
- Je crois que le café Le Glacier est proche de chez vous. J?ai 18 ans, et j?aurai un journal dans la main droite.
- Mon Dieu ! Mais vous êtes un enfant. Enfin, d?accord, dans une heure au glacier. J?aurai un tailleur vert clair.
- A tout à l?heure madame, et merci.









CHAPITRE 3

UNE ALLIEE




Hervé était arrivé le premier, et il vit peu après, une jeune femme en tailleur vert qui entrait dans l?établissement. Ce ne pouvait qu?être madame Blancher, pourtant elle semblait bien jeune.
Il leva la main droite qui tenait un journal, et elle se dirigea vers lui.
Se levant pour la saluer, Hervé lui dit :
- Vous m?aviez dit que j?étais bien jeune, madame, mais je pourrais vous faire la même remarque.
- En effet, nous avons 22 ans d?écart avec mon mari, mais malgré cela, je ne suis pas de votre génération. Ceci dit, nous ne nous rencontrons pas pour faire un décompte de nos années.
- En effet madame. Je vous avais parlé d?un document. Le voici, ou plus exactement, voici sa photocopie. Je vous la laisse lire.
Il remit la photocopie, qu?il avait pris la précaution de faire, de la lettre écrite par Robert (monsieur Loriol) à Marjolaine (sans doute madame Blancher)
Elle lut attentivement la lettre, puis la rendit à Hervé.
- Curieux, très curieux. Je puis vous certifier que je ne suis pas en cause. Je ne connais pas ce monsieur Robert, et si mon prénom est bien Marjolaine, je n?ai jamais reçu cette lettre. Comme je vous l?ai dit, je ne suis pas la seule à porter ce prénom, et j?aimerais savoir pourquoi vous vous adressez à moi.
- Vous allez en connaitre la raison. C?est votre mari, monsieur Blancher qui m?avait confié un petit paquet pour que je le remette au président Loriol. Il m?avait spécifié qu?il était d?une extrême importance. Je devais le remettre en mains propres au président le jour même à 18 heures.
J?avais accepté de rendre ce service.
Malheureusement, vers 15 heures, je me suis aperçu avec horreur que je n?avais plus ce paquet. Je l?ai cherché en vain, partout où je me souvenais être allé.
Je suis donc revenu voir votre mari pour le tenir au courant de la catastrophe. Il est entré en fureur, et m?a dit que si je ne retrouvais pas ce paquet avant le lendemain à 18 heures, il mettrait mon père (qui travaillait dans sa société) à la porte.
Le lendemain, je n?avais pas retrouvé le paquet, et mon père a été effectivement renvoyé.
Mon père, furieux à son tour, m?a donné huit jours pour quitter la maison, ce que je devrai faire dans trois jours.
- Mon mari a fait cela ?
- Oui, madame. Il l?a fait ! La nuit dernière, subitement, je me suis souvenu que j?étais allé aux toilettes le jour où j?avais perdu le paquet. Je me suis précipité et j?ai trouvé le paquet derrière la cuvette des WC.
J?ai longuement hésité, puis j?ai estimé que je payais assez chèrement mon étourderie pour avoir le droit de savoir quel était le contenu de ce précieux paquet.
Je l?ai donc ouvert. Il y avait cette lettre, ainsi que la carte de votre mari, que vous pouvez lire.
Hervé tendit la carte à madame Blancher qui depuis quelques instants avait pâli, et secoua la tête après avoir lu la carte.
- Non ! Ce n?est pas possible ! Il n?a pas pu faire ça !! C?est affreux !! Cela ressemble tout à fait à du chantage ! Il aurait encaissé 300.000 euros pour cette lettre, qui, je vous le répète, ne me concerne en rien. Et de plus il a licencié votre père ! Je ne peux le croire.
- Madame, je vous ai fourni tous les éléments que je possédais. J?avais pensé, que trouvant cette lettre écrite par le président Loriol à vous-même, votre mari avait du exiger 300.000 euros pour ne pas la transmettre à madame Loriol. Vous me dites que vous n?êtes pas la Marjolaine en cause, je vous crois, mais je ne comprends plus rien.
Madame Blancher resta silencieuse un bon moment, et Hervé respecta sa réflexion. Elle finit par dire.
- Je reconnais que je n?avais pas une confiance à 100 pour cent sur la moralité de mon mari, qui entretien un rapport très spécial avec l?argent. ?..Mais de là, à pratiquer le chantage?.
Désormais, tout comme vous, je veux tirer cette histoire au clair, et avant d?exiger une explication de mon mari, il faudrait que nous ayons d?autres éléments en mains.
Tout d?abord, il faudrait savoir si ce Monsieur Loriol est marié, car s?il ne l?est pas, votre hypothèse du chantage ne tiendrait plus.
Ensuite, il faudrait se procurer un spécimen de l?écriture de ce Loriol, pour être certain que c?est bien lui qui a écrit cette lettre.
- En tous cas, son prénom est bien Robert, je l?ai vérifié.
- Soit. Mais mon prénom est bien Marjolaine, pourtant je ne suis pas en cause, alors soyons prudents. Si vous le voulez, nous allons mener cette affaire ensemble. Bien entendu, je ne vais pas dire à mon mari les graves soupçons qui pèsent sur lui. Mais je tiens à vous le préciser, si j?avais été séduite par le charmeur qu?il était?et qu?il est toujours pour d?autres que moi, les masques sont tombés depuis longtemps, et il laisse désormais sa nature s?exprimer librement : C?est un être brutal, foncièrement méchant, et j?envisageais déjà sérieusement un divorce. Alors avec ces éléments nouveaux pour moi, je suis confortée dans cette intention??.
C?est sans aucun scrupule que je vais essayer d?avoir les deux renseignements dont nous avons parlé : Loriol est-il marié, et mon mari a-t-il un spécimen de son écriture ? Revoyons- nous ; si vous le voulez bien, demain à la même heure, ici. Je vous dirai si j?ai pu obtenir des éclaircissements.
Hervé et madame Blancher échangèrent leurs numéros de portable et se quittèrent.













CHAPITRE 4


LE PRESIDENT LORIOL






Le lendemain, ils se retrouvèrent au Glacier. Madame Blancher avait un grand sourire.
- J?ai les deux éléments. Oui, monsieur Loriol est marié. Par ailleurs, j?ai profité d?une absence momentanée de mon mari pour aller dans son bureau. Dans un grand classeur, il a un tas de dossiers suspendus. Il y en avait un au nom de Robert Loriol, dans lequel j?ai trouvé une lettre manuscrite de ce dernier. J?en ai fait une photocopie, nous allons pouvoir comparer les écritures.
L?examen ne fut pas long. Il était évident que Robert Loriol était bien le scripteur de la lettre d?amour adressé à Marjolaine.
La situation n?était pas plus claire pour cela.
Qui était cette Marjolaine qui sans aucun doute avait été la maitresse de Robert Loriol ? Comment Blancher s?était il procuré cette fameuse lettre, et accessoirement, comment expliquer que Loriol ait versé 300.000 AVANT d?avoir récupéré la lettre ? Et y avait il une suite à prévoir ?
Ni Hervé ni madame Blancher ne voyait comment obtenir les réponses à ces questions, sans interroger les deux protagonistes principaux de cette affaire..
Sans qu?il y ait de certitude, il semblait que c?était le président Loriol qui était la victime d?un chantage, puisqu?il avait versé 300.000 euros. C?est donc vers lui, qu?il faudrait aller.
D?après ce qu?Hervé avait pu constater, il ne devait pas être facile d?obtenir un rendez- vous avec cette personnalité, et c?est encore madame Blancher qui proposa une solution :
- Ce Loriol connait mon mari. Je vais donc lui téléphoner en me présentant comme Marjolaine Blancher (mon prénom à lui seul pourrait l?amener à être plus attentif). Je lui dirais que je voudrais le voir pour une affaire personnelle. Je serais surprise qu?il me refuse une entrevue. Et nous irions le voir ensemble. D?accord ?
- Entièrement d?accord, madame. C?est en effet par lui que nous pourrons résoudre ce problème.

Hervé était certes passionné par l?histoire du petit paquet, mais il ne perdait pas de vue qu?un autre problème, beaucoup plus important, parce qu?il le concernait directement, allait se poser dans 48 heures. Il devait quitter la maison familiale, et il n?avait pas trouvé le commencement d?une solution pour les deux problèmes immédiats. Trouver un job pour gagner très vite de l?argent, et trouver une solution pour son hébergement.
C?est ce dernier problème qui était le plus urgent, puisque sa maman, en cachette du père d?Hervé bien sûr, avait pu lui remettre 600 euros, c'est-à-dire toutes les économies, que cette femme soumise, et qui vivait dans la crainte permanente de son mari, avait pu faire sur plusieurs années, à l?insu de ce dernier.
Madame Blancher avait elle le don de deviner les pensées de son interlocuteur ? Toujours est-il qu?elle aborda le problème qui tourmentait Hervé :
- Vous m?aviez dit que votre père avait été licencié par mon mari, et que furieux, il vous avait intimé l?ordre de partir de chez vous.
- C?est exact.
- Comme c?est mon mari qui est la cause première de vos ennuis, je me sens un peu responsable. Je possède en bien propre, un appartement qui vient de mes parents. Je n?ai jamais voulu le vendre, ni même le louer, car il m?a très vite semblé que mon couple n?avait pas une solidité à toute épreuve, et je gardais cet appartement pour pouvoir m?y retirer le cas échéant.
Je veux bien vous le prêter provisoirement, je dis bien provisoirement, car je crois bien que cette nouvelle péripétie va sonner le glas de mon couple, et que j?aurai à quitter mon appartement actuel. Alors, voilà, il est à votre disposition à condition que vous puissiez le libérer rapidement si j?en ai besoin.
- Je ne sais comment vous remercier, madame. Vous me tirez une belle épine du pied, et je m?engage à libérer les lieux dès que vous me le demanderez. Je vais d?ailleurs, dès maintenant chercher un logement d?une part et un job d?autre part.
Madame Blancher promit de tenir Hervé au courant si elle obtenait un rendez-vous de Loriol et lorsqu? ils se quittèrent, elle lui promit de lui donner le lendemain la clé de son appartement.
En rentrant chez lui, Hervé, prit plusieurs journaux gratuits d?annonces, et s?enferma dans sa chambre pour les parcourir.
Il ne s?était jamais préoccupé des prix et des conditions de location, et il fut catastrophé en constatant qu?outre le loyer qui devait être payé avant l?entrée dans les lieux, il fallait régler un cautionnement et souvent des frais d?agence. La conclusion qu?Hervé en tirait, c?est qu?il fallait au moins 1000 euros pour pouvoir entrer dans un nouveau logement, même modeste. Il se rendit mieux compte de la chance qu?il avait de pouvoir au moins pendant quelques jours, bénéficier d?un appartement gratuit.
Il fallait, vite, très vite, qu?il trouve un job.
Il éplucha les offres d?emploi et là encore la conclusion ne fut pas très optimiste. Les propositions concernaient des emplois très subalternes, et il cocha deux annonces.
La première consistait à distribuer des tracts publicitaires. Il téléphona et apprit immédiatement que même cette petite activité lui était interdite. Il fallait avoir un véhicule. Or, non seulement Hervé n?en avait pas, mais il n?avait pas encore son permis de conduire.
La seconde concernait des travaux ménagers. Une société engageait des femmes ou des hommes pour faire des ménages chez des particuliers. Ce n?était pas emballant, cependant Hervé téléphona et obtint un rendez vous pour le lendemain à 10 heures.
Le soir, en se couchant, il était assez désespéré, et s?efforça de penser, non à sa situation, mais au problème qu?il essayait de résoudre avec madame Blancher.
Le lendemain Hervé alla à son rendez vous d?embauche, persuadé que pour cette activité subalterne, ce serait tout de suite oui, ou non. Il fut donc très surpris de s?entendre dire que les candidats étant très nombreux, il recevrait sous dix jours une lettre lui indiquant soit que sa candidature n?était pas retenue, soit qu?il devrait revenir pour un examen complémentaire plus approfondi. Décidemment la vie réelle était beaucoup plus complexe qu?il ne le pensait lorsqu?il était un lycéen insouciant.
Il venait juste de rentrer, à l?appartement qui était encore le sien, lorsque son portable sonna. C?était madame Blancher, qui avait obtenu un rendez-vous du Président Loriol à 15 heures, le jour même. Elle demandait à Hervé de se trouver devant le siège de la Société 5 minutes avant.
Ils se retrouvèrent sans problème, et avant d?entrer dans la société, elle remit à Hervé une clé avec une étiquette.
J?ai noté l?adresse de mon appartement sur l?étiquette. Vous pourrez l?occuper quand vous le désirerez. Sur la table de la salle à manger, j?ai écrit sur une feuille les renseignements qui vous seront nécessaires, sur l?emplacement des compteurs, le numéro de téléphone fixe etc. Maintenant, allons voir ce Loriol, et surtout, ne vous laissez pas démonter. Si vous hésitez sur une réponse à faire, laissez- moi parler à votre place.
Quelques minutes plus tard, la secrétaire les introduisait dans le bureau présidentiel.
Le Président Loriol était un homme dans la force de l?âge, d?allure sportive, qui se leva, contourna son vaste bureau et vint vers madame Blancher.
- Bonjour, chère madame. Je suis très heureux de faire votre connaissance, mais je pensais que vous deviez venir seule.
Il regardait avec curiosité ce jeune homme, se demandant sans doute quel lien existait entre ces deux personnes.
- Monsieur le Président, Je vous présente Hervé Duval. Si je lui ai demandé de venir avec moi, c?est qu?il est au centre du problème qui m?amène ici.
- Un problème, dites-vous, madame ? Il vous concerne personnellement ?
- Il nous concerne tous les trois, et vous surtout.
Le Président était allé se rasseoir derrière son bureau, pendant que ses visiteurs prenaient place dans des fauteuils.
En entendant les derniers mots de madame Blancher, son visage qui avait été avenant, se ferma aussitôt.
- Je suis concerné par le problème qui vous amène ? Venez-vous envoyée par votre mari ?
- Oh, non !! S?il est aussi concerné, ce n?est pas lui qui m?envoie.
- Vous m?intriguez. Je vous écoute.
- Si vous permettez, je vais d?abord laisser la parole à Hervé Duval.
Puis, s?adressant au jeune homme, elle ajouta :
- Racontez le service, que mon mari vous avait demandé, et les péripéties qui ont suivi.
Bien qu?un peu intimidé au début, Hervé entreprit le récit de toute l?affaire. Quand il eut terminé, un silence pesant régna dans le bureau, et Hervé se demandait quelle allait être la réaction de cet homme qui n?avait durant tout son récit, laissé apparaitre aucun de ses sentiments.
Les deux visiteurs, devant ce mutisme commençaient à être sérieusement gênés, lorsque monsieur Loriol finit par prendre la parole.
- Voilà une affaire personnelle et confidentielle qui commence à être fâcheusement connue.
Oui, fâcheusement connue. Votre faute, jeune homme, était, somme toute assez bénigne,, mais les conséquences sont très graves.
Puisque vous êtes au courant de la plus grande partie, je vais jouer cartes sur table.
J?ai eu effectivement une maitresse dont le prénom, madame était identique au votre. Et je lui ai écrit cette funeste lettre.
Votre mari, madame, dont j?ai le regret de vous dire que la moralité n?est même pas douteuse, a appris cette liaison, et à fait en sorte de devenir à son tour, l?amant de la même personne. Pardon madame pour cette révélation.
D?une geste, madame Blancher fit comprendre que cette nouvelle ne la touchait pas exagérément.
- Son but, et il put l?atteindre, était de trouver une preuve de ma liaison. Il réussit à dérober cette lettre, et me téléphona. Il me lut cette lettre pour bien me persuader qu?il la possédait, puis il me mit le marché en mains. Je devais verser 500.000 euros pour la récupérer, sinon??..
Et là, il faut que je vous fasse un aveu. C?est la famille de ma femme qui détient la majorité des actions de la société dont je suis président. Il est certain que si ma femme venait à apprendre mon??incartade, cela entrainerait un double divorce. L?un avec ma femme, et l?autre avec la société. Je ne pouvais permettre cela.
J?ai voulu discuter. Je luis ai dit que je ne pouvais disposer d?une pareille somme rapidement et il a fini par me dire qu?il acceptait un règlement en 2 fois. Un premier versement de 300.000 euros, puis un second de 200.00 euros un mois plus tard
Comme j?exigeais qu?il me rende la lettre après le premier règlement, il me dit, toujours très cauteleux.
- Mon cher président, je vais vous faire confiance. Vous allez virer 300.000 euros sur mon compte dont je vous donne le numéro. Dès l?avis de crédit, je vous ferai parvenir la lettre par un coursier. Et dans un mois vous me virerez les 200.000 restants. Vous voyez, je vous fais confiance. Et surtout, je fais confiance à votre intelligence, car vous comprenez bien, que même sans pouvoir apporter la lettre pour preuve, si vous ne me réglez pas le deuxième versement, je pourrais faire savoir à madame Loriol, votre?.petit débordement. Mais, je sais que je n?aurai pas à le faire : vous êtes un homme d?honneur et remplirez vos engagements.
L?aplomb de votre mari, madame, est confondant.
Voilà. Je vous ai exposé franchement les faits. C?est vous, maintenant, qui détenez cette lettre. Quelles sont vos intentions ?
Hervé sorti la lettre de sa poche et la tendit à monsieur Loriol.
- Vous avez payé assez cher pour la récupérer. Vous êtes vous aussi une victime. Nous sommes tous les trois des victimes???
- ?. De mon mari, coupa madame Blancher. Pour moi, ce n?est pas très grave, et en fin de compte, j?étais déjà presque décidée à divorcer. Celui qui subit les plus graves conséquences est celui qui était entièrement extérieur à l?affaire, Hervé Duval.
- Je vais y songer dit le Président, qui s?adressant à Hervé demanda :
- Vous m?avez dit que votre père qui travaillait chez Blancher a été licencié. Dans quel service travaillait-il ?
- Il était chef comptable.
- Comptable, ou chef comptable ?
- Chef comptable.
- Pouvez- vous lui dire que je l?attendrai , voyons?( il consulta son agenda) après demain dans mon bureau à 15 heures ?.
- Je ferai la commission?..et ne l?égarerai pas, dit Hervé en souriant.
- Un peu d?humour ne fait pas de mal jeune homme. Maintenant ; je vais vous demandez à tous deux, les numéros de vos portables car je peux avoir besoin de vous joindre rapidement.
En tout état de cause, nous aurons à nous revoir.
Les visiteurs prirent congé et discutèrent un moment avant de séparer eux-mêmes. Hervé fit part de son intention d?occuper l?appartement dès le lendemain, quant à madame Blancher, elle semblait persuadée que le président Loriol ne devait pas être homme à accepter de passer sous les fourches caudines du petit escroc que se révélait être son mari.
Arrivé chez lui, Hervé demanda à sa mère si son père était là, car il avait une communication importante à lui faire.
- Tu vas lui demander qu?il revienne sur sa décision de te mettre dehors ?
- Je ne m?abaisserai pas à cela. Je quitterai la maison, demain après midi.
Sa mère pleurait et finit par lui dire que ce qu?il ne voulait pas demander à son père, elle allait, elle, lui dire que si son fils était mis à la porte, elle partirait aussi.
- Soit raisonnable, maman. Papa ne cédera pas, et que feras-tu ? Tu ne travailles pas, et tu n?as jamais travaillé. Non. Ne lui demande rien pour moi, sauf un entretien pour lui parler d?un problème qui le concerne lui, et lui seul.
Un quart d?heure plus tard, sa mère vint dire à Hervé que son père l?attendait dans le salon.
Il y alla immédiatement. Monsieur Duval, installé dans un fauteuil, s?était donné une contenance en fumant une pipe. C?était un homme d?allure austère, aux traits durs, qui ne devait pas sourire très souvent. Otant la pipe de sa bouche, il attaqua hargneux.
- Tu as quelque chose à me demander ? Je te préviens?
Hervé le coupa immédiatement.
- Non !! Je n?ai rien à te demander ! J?ai simplement une commission à te faire. Monsieur le Président Loriol, que tu connais certainement au moins de nom, veut te voir dans son bureau après demain à 15 heures.
- Comment connais-tu le président Loriol ? Et qu?est ce que tu es allé lui raconter ?
- J?avais pour mission de te faire part de ce rendez vous que te donne le Président. Tu feras ce que tu voudras. En ce qui me concerne, je n?ai qu?une chose à ajouter : je quitterai ton appartement (et il appuya sur le TON ) demain après midi.
Puis, faisant demi-tour, Hervé s?apprêtait à sortir lorsque son père le rappela.
- Une seconde. Comment as-tu connu le Président Loriol ?
Sans se retourner et en sortant, Hervé lui dit simplement
- Adieu papa !
Revenu dans sa chambre, il s?aperçut qu?il tremblait légèrement. Il avait du prendre sur lui-même pour braver son père, mais il était en fin de compte assez fier de lui, et commença à faire ses bagages. Sa mère avait apporté dans sa chambre deux grandes valises, qui seraient suffisantes pour emporter ses vêtements et quelques objets auxquels il tenait. Il ne prit aucun de ses livres de classe. Il savait qu?il allait devoir travailler le plus vite possible, et que pour lui, les études étaient terminées.
Sa mère vint vers 19 heures dans la chambre de son fils pour lui dire que son père l?invitait à prendre le dernier dîner avec eux.
Hervé ne se fit aucune illusion. Il était persuadé que son père n?envisageait en aucune manière à revenir sur sa décision, mais qu?il espérait, au cours du repas, obtenir quelques précisions sur le curieux rendez-vous proposé par monsieur Loriol. Aussi, sans hésiter, il refusa de descendre et demanda à sa mère si elle pouvait lui apporter quelque chose à manger, ce qu?elle fit quelques minutes plus tard.
Monsieur Duval continuait à travailler pour la durée de son préavis, si bien qu?Hervé put descendre le lendemain voir sa mère sans risquer de rencontrer son père.
Elle lui remit une lettre que le père écrivait à son fils.
Hervé se sentait épuisé. Cette lutte ouverte avec son père, après l?histoire du paquet perdu le laissait sans force. Qu?allait encore lui écrire son père ?
Il eut envie de déchirer la lettre sans la lire, et de partir immédiatement dans l?appartement que madame Blancher mettait à sa disposition. Puisqu?il fallait tourner la page, que cela se fasse vite, et qu?il se mette sérieusement à penser à son avenir immédiat.
Sa mère voyait l?hésitation de son fils. Elle aussi traversait une période très pénible, et le supplia :
- Ouvre sa lettre, je t?en prie ! peut-être t?autorise-t-il à rester avec nous ?
Hervé ne le croyait pas, mais il se décida de faire un dernier effort, décacheta l?enveloppe et se mit à lire.

Mon fils.
Je ne suis pas insensible, mais c?est vrai que j?éprouve des difficultés à exprimer mes sentiments.
Mon licenciement était injuste. Lorsque je t?ai demandé de quitter la maison, j?ai été aussi injuste à mon tour, et je me le reproche.
Je ne peux pas te faire de promesses inconsidérées. Je ne serai jamais un père affectueux. Mais cela ne veut pas dire que tu m?es indifférent. Non seulement je tiens à toi, mais je puis te dire que ton attitude, depuis le déclenchement de cette affaire, très digne, m?en impose, et j?ai une grande estime pour toi.
Mon estime ne pourrait qu?augmenter, si tu acceptais de rester avec nous, ce qui prouverait que tu ne me tiendrais pas trop rigueur de mon attitude psychorigide.
Ce soir, je l?espère, nous serons trois pour dîner.
Ton père qui ne sait pas te le dire, ni même te le faire sentir, mais qui arrive à l?écrire. Je t?aime. Papa

Hervé craqua, tomba dans les bras de sa mère en pleurant, et lui dit que son père lui demandait de rester.
Puis il monta dans sa chambre pour défaire ses valises.







CHAPITRE 5

LA CONTRE ATTAQUE





La soirée, se déroula dans une ambiance agréable, d?autant plus agréable que dès le début, Hervé voulut expliquer à son père comment il avait été amené à connaitre le Président Loriol, et que son père l?avait coupé immédiatement
- Je ne veux pas que tu m?en parles maintenant. Plus tard, peut être. Mais je ne veux pas que tu puisses croire une seconde que je t?ai?.prié de rester, pour obtenir des précisions sur le rendez- que me donne le Président Loriol.
Aussi la conversation roula sur des sujets légers qui contribuèrent à créer au cours de ce repas une atmosphère très différente de celle, très lourde d?autrefois.
A la fin du repas, Monsieur Duval dit simplement.
Bien sûr, j?irai demain au rendez-vous. Durant mon préavis, j?ai le droit de m?absenter pour chercher un autre travail. Je n?ai pas utilisé cette possibilité, mais je suis bien bête, après ce que m?a fait Blancher. Désormais je m?absenterai deux heures chaque jour.
Le père embrassa son fils, ce qu?il n?avait pas fait depuis??Hervé ne s?en souvenait même plus.
De retour dans sa chambre, Hervé téléphona à madame Blancher pour lui dire que les choses s?arrangeaient avec son père, qu?il restait donc à la maison, et lui rendrait la clé de son appartement (qu?il n?avait pas perdue, précisa-t-il) lors de leur prochaine rencontre. Il la remercia vivement pour l?offre qu?elle lui avait faite, et lui précisa que son père se rendrait normalement au rendez vous fixé par le président Loriol.
Monsieur Duval se creusait la tête pour savoir ce que le président Loriol pouvait lui vouloir. Il savait qu?il aurait suffi qu?il questionne son fils, pour avoir une idée de la question, mais cet homme qui ne savait pas exprimer ses sentiments, n?en était cependant pas dépourvu, et il ne voulait surtout pas que son fils puisse penser que l?intérêt seul l?avait amené à revenir sur sa décision de le voir partir.
C?est donc un homme complètement ignorant du problème qui allait être évoqué, qui pénétra dans le bureau du président Loriol.
Après l?avoir convié à s?asseoir, le président le questionna.
- Si j?en crois votre fils, vous avez été licencié de l?entreprise de monsieur Blancher, pour des raisons qui en fait vous sont étrangères ?
- C?est exact. Mon fils a commis une bévue et mon patron m?a licencié.
- Je ne comprends pas. On ne peut licencier un membre du personnel sans motif valable. Vous n?avez pas exigé que l?on vous donne ces motifs ? Et en tout état de cause, devant les Prud?hommes, vous êtes certain de gagner votre procès. Vous ne semblez pas vouloir vous défendre.
- Ce n?est pas que je ne veux pas, c?est que je ne peux pas me défendre.
Après un moment de silence, le président demanda :
- Si je comprends bien, Blancher vous tient d?une façon quelconque ?
- Oui. J?ai commis une lourde erreur. Je suis Chef de la comptabilité depuis 6 ans. Il y a 5 ans, Blancher m?a convoqué dans son bureau, et m?a dit en substance, que certains clients allaient être amenés à obtenir de lui des remises importantes. Il a ajouté :
- Je préfère vous en parler, car vous ne pourrez pas ignorer que ces remises officielles ne sont pas très normales, et qu?ils me paieront une partie en cash.
Bien qu?en fait, il n?y ait rien de très illégal, je veux vous faire bénéficier des circonstances.
Je vais vous verser 30.000 euros. Pour que les écritures soient correctes, vous allez me faire une demande de prêt de 30.000 euros. Bien entendu je l?accepterai, et vous toucherez ces 30000 euros que vous ne me rendrez jamais.
J?ai commis l?erreur d?accepter, et dans les comptes, il y a ce prêt qui n?a jamais été remboursé. Quand il m?a licencié, il m?a dit qu?il était en droit d?exiger le remboursement, ce qu?il ne ferait pas si je continuais à garder le silence. « D?ailleurs, a-t-il ajouté, n?oubliez pas que si vous me dénonciez au fisc, vous seriez dans le même bain que moi. Vous ne pouviez ignorer que des clients me réglaient une partie de leur commande en espèces. Alors vous avez tout intérêt à vous taire, et vous garderez les 30000 euros. »
Je n?ai plus les 30000. Il me tient donc, et je ne peux même pas avoir recours aux Prud?hommes.
Le seul élément positif, c?est que si je trouve un autre poste dans la comptabilité, il ne donnera pas de mauvais renseignements à mon sujet. Il me l?a dit expressément.
Le président qui avait écouté attentivement les explications de Duval, réfléchit un moment puis lui dit, que la situation n?était peut être pas très grave et qu?ils allaient sans doute, s?en tirer assez facilement.
Après s?être assuré que Duval ne lui avait rien caché, il lui dit :
- Puisque vous êtes encore en fonction, et c?est là, la lourde erreur de Blancher, vous allez faire deux choses.
Vous allez rembourser votre prêt et pour cela je vais vous faire immédiatement un chèque de 30.000, vous l?encaisserez, puis en verserez le montant, en l?entrant dans la comptabilité de Blancher.
Puis vous allez noter soigneusement toutes les affaires dans lesquelles Blancher a touché du liquide. Noms des clients, commandes passées avec les dates, prix normal, prix officiellement réglé dans votre comptabilité. Avez-vous une idée approximative des sommes touchées de la main à la main par Blancher. Duval lui répondit que cela devait tourner, en 5 ans, autour de 500.000 euros et sans doute un peu plus.
- Parfait reprit le Président. Remboursez votre dette, donnez moi la liste et laissez moi faire.
Par ailleurs, je vais vous prendre dans ma société. Je ne pourrais vous donner le poste de Chef de la comptabilité, car il est occupé par un vieil ami de mon père, et il me donne toutes satisfactions. Il partira à la retraite dans deux ans. Je vais être clair : je ne vous promets pas son poste lorsqu?il partira. Mais si je vous en juge capable, une opportunité se présentera dans deux ans. Pour l?instant vous serez son adjoint. Je pense que nous pourrons vous donner le même salaire que celui que vous accordait Blancher.
Comme Duval se confondait en remerciements, il l?interrompit :
- J?ai encore une chose à vous dire : je n?ai pas à me mêler de vos problèmes de famille, mais, je tiens à vous dire que vous pouvez être fier de votre fils. C?est un garçon très sympathique et très droit.
- J?ai mis du temps à m?en rendre compte, mais maintenant, j?en ai parfaitement conscience monsieur le Président.















CHAPITRE 6

L?entrevue





Quinze jours plus tard, Blancher téléphonait au président Loriol pour qu?il s?acquitte du reste de sa dette. Ce dernier lui dit estimer que n?ayant pas reçu la lettre, il n?avait pas à verser quoique ce soit.
- Bien. Je vais donc aller voir madame Loriol, pour la mettre au courant de certaines choses.
- Bon. Blancher, venez me voir, et nous trouverons, j?en suis persuadé, un terrain d?entente. Demain matin 9 heures, ça va ?
C?est parfaitement décontracté, persuadé que Loriol tremblait à l?idée que sa femme puisse apprendre ses frasques, que Blancher arriva dans le bureau du président.
Après s?être assis dans un fauteuil, jambes allongées, parfaitement à l?aise, Blancher prit la parole
- Vous voyez, mon cher, j?ai pris la peine de venir vers vous. Je tiens à vous dire tout d?abord que je ne vous veux aucun mal, mais vous le savez, les affaires sont dures ces temps ci. Alors, comme je suis un homme carré, je vais tout de suite vous faire ma proposition définitive.
Je suis d?accord pour vous donner deux semaines de plus pour me verser les 200.000 euros que vous me devez. Vous le voyez, je suis arrangeant. Nous sommes d?accord ?
- C'est-à-dire, que j?ai une autre proposition à vous faire.
Je vous ai versé 300.000 euros. La bonne nouvelle pour vous, c?est que vous allez pouvoir conserver 100.000 euros pour vous. A condition que vous me fassiez une demande de prêt de ce montant. Et je ne vous demanderai pas de me les rembourser?.si tout va bien. C?est là je crois une méthode que vous avez déjà utilisée.
Vous allez verser 100.000 euros à monsieur Duval à titre d?indemnité de licenciement, et vous me rendrez les 100.000 francs restants.
Blancher s?étranglait de fureur ;
- Mais vous êtes fou !! Complètement fou !! vous croyez que je ne suis pas capable d?aller voir votre femme, pour lui dire?
- Oh, si ! Le coupa Loriol. Vous en seriez capable, si vous n?étiez pas intelligent. Mais vous êtes intelligent ! N?est ce pas monsieur Blancher que vous êtes intelligent ?
- Plus que vous en tous cas. C?est moi qui ai les cartes en main. Non seulement je suis capable d?aller voir votre femme, mais si c?est nécessaire, je pourrais même obtenir le témoignage de notre chère Marjolaine.
- Vous voulez parler de votre femme ?
- Bien sûr que non. Ne vous faites pas plus bête que vous ne l?êtes. Je parle de NOTRE Marjolaine. Ma femme, elle, n?a rien à voir dans cette histoire.
- Détrompez vous, je crois que « cette histoire » comme vous l?appelez lui servira pour obtenir le divorce, mais c?est un autre problème.
Alors, revenons au c?ur du problème.
Vous avez essayé de m?extorquer de l?argent en utilisant une lettre, qu?imprudemment je l?avoue, j?avais écrite. Mais cette lettre est maintenant en ma possession
- Ce n?est pas vrai. Elle est perdue.
Sortant la lettre de sa poche, Monsieur Loriol la brandit sous les yeux de Blancher.
- Elle n?est pas perdue je l?ai. Par ailleurs, vous ne pouvez pas aller voir ma femme.. ;
- Qui m?en empêcherait ?
- Mais c?est vous qui déciderez de ne pas y aller. Je crois, que depuis quelques années, vous encaissez une grande part de vos factures en espèces, et cela, ni le fisc, ni vos actionnaires n?aimeraient l?apprendre. Je me trompe ?
- Vous ne pouvez rien prouver !
- Vous voulez courir le risque ?
Ouvrant un dossier, le président se mit à lire les noms de clients, les montants des factures réglées avec les dates, et la valeur réelle des marchandises vendues.
Après quelques minutes, Blancher l?interrompit.
- Bon, bon, ça !!
Il réfléchit un moment et reprit
- Vous m?avez demandé de verser 100.000 euros à Duval ? Il n?en est pas question. J?avais eu la gentillesse de lui accorder un prêt, et il ne me l?a jamais remboursé.
- Je crois savoir que monsieur Duval a rem
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